Chapitre 1 : Le jour où j'ai décidé de mourir.
01.11.1997
Cher Fred,
Les temps sont de plus en plus durs sans toi, je ne sais pas comment j'ai fait pour tenir le coup pendant ces 6 mois passés sans toi. Me reveiller sans te voir dans le lit voisin fait mal. Me regarder dans le miroir et t'y voir fait mal. Ne plus savoir comment rire fait mal. En gros, vivre fait mal. Je ne sais plus comment faire, comment prétendre que tout va bien alors que tout le monde sait que je suis en train de mentir, de mourir. Je ne suis plus que la moitié d'une âme qui survit en rampant dans un monde endeuillé mais heureux. Je n'y tiens plus, je ne veux pas passer un anniversaire de plus sans toi, alors que je peux le passer...auprès de toi...
Garde moi une place sur un nuage, j'arrive bientôt.
G.
Je fermais mon journal pour retourner à la boutique. Tous les jours depuis le 7 mai 1997, depuis le jour de la grande guerre, où j'avais perdu ma moitié, mon double, mon frère jumeau. Je notais tout, tout ce qui passait par ma tête, en m'adressant directement à lui, comme s'il était encore là, auprès de moi, et comme il m'aurait écouté si la guerre n'en avait pas décidé autrement.
La boutique était toujours ouverte bon gré mal gré. Les employés n'avaient pas changés, il faisaient juste comme si j'avais toujours été le seul gérant de l'entreprise. J'avais voulu en virer certains pour agir de la sorte, je ne voulais pas effacer le souvenir de Fred de ma mémoire et du magasin. C'était comme insulter sa mémoire, insulter son travail. Je n'avais pas le droit, et je ne laissais personne imaginer qu'il ou elle aurait le droit.
Fred me manquait. Son absence était aussi écrasante qu'une enclume posée en équilibre stable sur mon coeur. Parfois, quand les souvenirs revenaient brusquement, la respiration en venait à me manquer et les larmes me brouillaient la vue. J'avais tout perdu dans cette foutue guerre, j'avais perdu tout ce que j'avais de plus cher, tout ce qui faisait qui j'étais. Parfois, la douleur était si forte, qu'en plus de mourir, j'en voulais à Harry de nous avoir embarqué dans toute cette histoire. J'en voulais à Harry, à ma famille d'être si impliquée, à Voldemort d'avoir existé, à Lily et James Potter d'avoir donné naissance à Harry, et à moi même, de ne pas avoir réagit plutot, de ne pas avoir servi de bouclier, de ne pas avoir fait tout ce que je pouvais pour sauver celui qui, depuis le début et jusqu'à la fin, était sensé rester ma moitié.
J'avais mal psychologiquement, tellement mal, que cela se faisait aussi ressentir physiquement. J'avais la poitrine compressée, des tremblements et des migraines. Personne n'en savais rien, je serrais les dents. Cela faisait 6 mois que je vivais avec cette douleur quotidiennement. Je n'en pouvais plus, j'arrivais à bout. Et même si elle était là pour me rappeler l'absence inoubliable de mon frère jumeau, je n'en pouvais plus. L'envie que j'avais de la faire cesser, était presque aussi forte que mon envie de retrouver mon frère.
On me demandait rarement de mes nouvelles. Les gens se doutaient bien que s'ils me questionnait, je collerais un sourire sympathiquement faux sur mon visage en répondant que ça allait. Mais ça n'allait jamais, alors les gens ont cessé de me demander.
Rares étaient les personnes qui pouvaient comprendre ma douleur, ou au mieux, la mesurer. Mes frères et ma soeur, mon père, nos amis, nos camarades , tous avaient pleuré Fred pendant un certain temps. Mais personne ne l'avait pleuré pendant 6 mois, personne ne continuait à le pleurer comme ma mère et moi. Ma mère était la seule, la seule à concevoir la dimension de ce que je ressentais, à mesurer le diamètre du trou noir qu'étaient devenus mon coeur et mes poumons, ma mère était la seule à savoir à quel point la perte de Fred m'avait affecté. La seule, car, si j'avais eu à vivre la terrible épreuve qu'est celle de perdre un frère jumeau, ma mère, elle, avait perdu un fils. Il pouvait lui en rester 6,mais rien ni personne ne pourrait remplacer l'être qu'elle avait mis au monde et venait de perdre.
Parfois, nous nous enfermions tous les deux dans ce silence pesant qu'imposent le deuil et la douleur. Nous nous tenions les mains tremblantes avec force alors que les larmes dégoulinaient sur nos joues. Ma mère était ma seconde force. Puisque Fred était partit, c'était sur elle que je m'étais appuyé, et pendant 6 mois, c'est elle qui m'avait permis de tenir, de faire semblant de sourire à des gens qui s'en foutaient, d'ouvrir la boutique tous les matins et d'en vendre chaque article. Mais, elle arrivait à bout de forces, et moi avec. Je ne pouvais plus m'appuyer sur elle, nous risquions de tomber tous les deux. Je devais partir maintenant, je devais partir définitivement. Je devais rejoindre Fred, il m'attendait surement quelque part. C'était pour le mieux, ma mère avait déjà perdu un de ses fils jumeaux, perdre le second ne serait qu'un mal pour un bien. Mon visage ne lui rappelerait plus sans cesse celui de Fred, et, une fois passé le deuil, elle comprendrait. Elle comprendrait.
Aujourd'hui, peu de monde s'est bousculé dans la boutique. Le lundi, les choses sont plutot tranquilles. Les jours fériés, c'est encore pire. C'est le jour des morts, et je ne voulais pas rester chez moi, je ne voulais pas penser à Fred en me morfondant. Je voulais me souvenir de lui dans un endroit qu'il avait chéri de tout son coeur avant de partir. Ma mère était passée me voir, Ginny aussi. J'avais sourrit, elles n'avaient pas cherché à creuser, même si elles avaient compris à mon regard que ce n'était qu'un jour de plus qui me séparait du passé.
Mais elles ignoraient que c'était un jour de moins qui me séparait des retrouvailles.
J'avais eu toute la journée pour méditer sur la façon que j'allais choisir pour mourir. Diverses idées me sont venues, j'ai pesé le pour et le contre. Je me suis demandé ce qu'en aurait pensé Fred pour me décider. Les somnifères ? Dormir n'a jamais été notre truc, on était trop vifs pour ça. La pendaison ? Je savais déjà la douleur que provoquaient les difficultés respiratoires. Je ne voulait pas que ça recommence et que ça marque la fin. Les armes moldues ? Pour me manquer ?! Non Merci. L'avada Kedavra ? ça ne marche pas contre soi-même, ça relève d'un accord tacite entre la baguette et le propriétaire. Il ne me restait qu'une option, et c'était pour moi la meilleure et la plus digne de Fred : La chute dans le vide. C'était les 4 dernières secondes de notre vie où on se sentait vivant, l'apothéose de la mort : se sentir vivant juste avant.
Je m'étais fixé un sursis : 6 mois de plus. ça tomberait le 1er avril, le jour de notre anniversaire. Une date sacré, un évênement que je ne désirais pas souhaiter sans lui. Je voulais que tous les deux nous ayons éternellement le même age dans l'au-delà.
J'avais minutieusement réfléchi à tous les détails, je m'étais repassé la scène des milliers de fois dans ma tête, et j'en étais arrivé à la conclusion que c'était ce que je voulais le plus au monde, et rien ni personne ne pourrait m'empêcher de l'obtenir.
J'espère que ce premier chapitre vous a plu,
C'est le premier d'une série de 7 qui seront posté au rythme d'un par semaine,
chaque mercredi.
Merci d'avoir lu et merci d'avance pour les reviews éventuelles :)
Lily
