Écrit pour la nuit du FOF d'octobre 2012, sous le thème 'bordel'.
La beauté perchée en plein ciel
Satine. Elle s'appelait Satine. Il avait retenu son nom dès l'instant où il avait été annoncé, présentant l'attraction principale du Moulin Rouge, ce bordel classe pour des hommes uppés qui avaient de l'argent à ne plus savoir quoi en faire. Pas pour des gens comme lui, qui avaient mis toutes leurs économies dans l'achat d'un billet d'entrée, juste pour avoir le loisir de se faire connaître, remarqué peut-être. Juste dans l'espoir d'un jour faire reconnaître son écriture. Il n'avait pas sa place dans ses lieux, l'inconfort qu'il ressentait au milieu des autres hommes l'obligeait à se l'avouer. Pourtant, il lui était impossible de partir. Ses yeux s'étaient accrochés à cette beauté, et il savait qu'elle était faite pour lui.
Satine. C'est son nom qui l'avait avant tout marqué. Exceptionnel, original. À la hauteur de la femme qu'il allait découvrir ensuite, perchée dans les airs, se balançant sur un trapèze alors qu'elle entamait son numéro. Sa voix couvrait la musique, enchanteresse, cristaline. Un délice pour lequel ses oreilles lui chuchotaient des remerciements.
Il ne savait pas chanter, mais l'entendre lui donnait l'envie de se joindre à elle, qu'importe qu'il sagisse d'un spectacle et non d'une vulgaire soirée de karaoké où sa voix faussante n'aurait importunée personne. Il se leva, traversant la salle pour se rapprocher d'elle, s'arrêtant lorsqu'elle fut au-dessus de sa tête. Il la regarda, ne put croiser son regard. Elle regardait droit devant elle, perdue dans sa complainte. Il ouvrit la bouche, mêlant son chant au sien.
Il entendit les plaintes et les huées s'élever dans la salle. C'était un bordel, pas une scène pour quiconque avait des envies de s'exhiber. C'était de jolies femmes qu'on venait voir, pas des hommes désespérés qui ne savaient même pas aligner deux mots.
Il sentit des mains se refermer sur ses bras. Le tirer vers l'arrière. Tenter de l'éloigner de cette salle avant qu'il ne gâche entièrement le spectacle. Il résista. Elle le regardait. Établit finalement un contact avec lui. Il sourit, elle lui répondit. Ravi, il se laissa tirer derrière, jeter à l'extérieur. Il savait, elle l'attendrait à la fin de la soirée, lorsque le dernier client l'aurait quitté. Il n'aurait qu'à la rejoindre. Et là, peut-être, qu'en plus d'un baiser, il pourrait obtenir une chanson d'elle, quelque chose qu'ils pourraient partager sans que personne n'en soit dérangé.
