Eyh !
Parce que, je suis sure que c'est arrivé. (J'ai envie d'imaginer que c'est arriver. Laissez-moi vivre dans mon dénit.)
La fourchette et les lèvres.
Castiel est beau.
Il a les yeux clos. Ombragés de cils denses et longs et sombres. Des filaments de nuits qui remontent de ses yeux plus doux qu'un ciel d'été. Ses cheveux sont chocolats. Ils sont fins et reflètent les rayons qui entrent par la baie vitrée du restaurant. Ils sont fous sur son crâne, presque coiffés mais balayés par le vent qui souffle dehors. Sa peau est tannée. Brune. Marquée par le soleil. Elle est douce et caramel au regard. Comme une confiserie qu'on rêverait de dévorer. Entailler la chaire de ses dents. Avaler les gémissements d'un mouvement leste. Et descendre vers les lèvres fines et gercées qui entourent l'inox de la fourchette.
Castiel est beau. Terriblement beau.
Et Dean n'ose un mot. N'ose arrêter son geste. Alors qu'il est déplacé. Qu'il est ridicule. Dean n'ose rien. Parce qu'il et subjugué de la simplicité des gestes de cet être aussi vieux que l'Univers et les étoiles qui grouillent dans l'espace. Subjugué par ce qu'il fait. Ce qu'il ose. Ce qu'il tente.
Comme si ça ne signifiait rien.
Comme si ce n'était rien.
Parce que Dean a juste proposé. Parce que Dean aime cette tarte aux noix de pécans. Qu'il n'a pas pensé. Qu'il a tendu la fourchette à Castiel pour qu'il l'a prenne. Pour qu'il l'attrape et mange par lui-même.
Mais Castiel est un ange. Castiel est beau. Castiel est simple et complexe.
Castiel n'a pas usé d'un geste de plus. D'un geste inutile alors qu'il pouvait juste se pencher pour attraper le morceaux de tarte entre ses lèvres. Pour glisser ses lèvres autours de l'inox. Et geler le cerveau d'un Humain incapable de dominer la tentation qui envahit son être.
Castiel est beau.
Et Castiel n'en a même pas conscience.
Il avale. Laisse le morceau rouler dans sa gorge. Glisser en un mouvement souple. Sa pomme d'Adam qui remonte et tombe et Dean qui veut la dévorer et la mordre. Qui veut succomber à ce fruit défendu. Qui veut pêcher comme on pêche rarement.
Castiel qui attend. Une seconde. Un instant où l'âme de Dean s'effrite. S'effondre. Où elle meurt et renaît. Parce qu'il fixe cet homme dans ce trench. Ce comptable ridicule qui semble soudain plus pure que la Sainte Vierge. Plus innocent qu'un enfant. Plus vicieux que les mots de Lucifer à l'oreille.
Avant que les yeux bleus ne s'ouvrent.
Et Dean le sait. Brusquement. Il le sait. Comme il sait que l'eau mouille. Que le feu brûle. Que Sam est son petit-frère. Il le sait d'instinct. De vérité pure. Dean le sait et le ressent. Au plus profond de son âme. Une décharge électrique qui remonte dans son corps et imprime la phrase dans son cœur.
Il est amoureux de Castiel.
Et Dean ne dit rien. Il ne dit toujours rien. Même s'ils sont au milieu d'un restaurant. Qu'il entend ces petites familles tranquilles à quelques pas d'eux. Qu'il voit du coin de l'œil ces deux vieillards qui partagent un repas. Et ces adolescents qui braillent et rient. Dean ne dit rien. Même s'il est sure que de l'extérieur, ils le voient tous. Le savent tous.
Qu'il est amoureux de Castiel.
Et que Castiel est un ange.
Et que Castiel est beau. Si beau.
Alors, lorsque l'ange sourit, doucement. Qu'il ne dit un mot mais sourit - et c'est comme si l'Univers entier était contenus dans ces lèvres et leur courbure - Dean le sait.
Il retend un morceau de tarte à l'ange.
Parce qu'à chaque fois que les lèvres rencontrent la fourchette, c'est comme s'il retombait amoureux.
