Tout commença au beau milieu de la nuit, dans un endroit tout à fait banal, où les gens passent par là des heures durant pour faire leur course. Ce centre commercial était absolument immense et des milliers de gens faisaient les boutiques tranquillement seulement agacés par la foule et le bruit incessant de tous les magasins . Mais à cette heure de la nuit, tout était tranquille, plus rien ne bougeait, comme si le temps s'était arrêté. Il était seulement possible d'entendre le bruit de fond d'une ventilation et parfois quelque chats qui se battaient pour les restants de poubelle des restaurants. Mais même ces minces bruits n'étaient qu'un fond sonore pour celui qui se faisait réellement entendre. Le silence.
Pour certaines personnes, ce silence aurait pu paraître oppressant, surtout dans un endroit comme celui-là à une heure comme celle-ci. Mais les gardiens ne s'inquiétaient vraiment plus de rien au vue de la tranquillité de leur métier, travailler de nuit étant devenu une habitude, plus rien ne les effrayait réellement.
Mais entendez-vous ? Ce cliquetis lancinant qui surmonte le silence régnant ? Ce n'est pas un bruit normal, en tout cas pas normal pour un centre commercial et en pleine nuit. C'est cela, c'est bien le bruit d'une personne pianotant à un ordinateur. D'où cela peut-il venir ? Le bruit se fait de plus en plus important au fur et à mesure que l'on s'approche de la maison des oursons, une toute nouvelle boutique qui vient d'ouvrir et qui fait fureur auprès de la jeune clientèle. Le principe de la boutique est de permettre aux enfants de créer leur propre peluche à partir simplement d'un modèle qu'il choisiront eux-mêmes. Permettant alors aux enfants d'avoir enfin la peluche de leur rêve à une somme tout à fait modique.
Mais revenons à notre bruit sonore, si l'on se rapproche encore plus de la boutique on peut y apercevoir une faible lumière, et si l'on se rapproche encore... Mais bien sur, il s'agit de Margareth, l'assistante de la directrice de gestion du magasin en question. Apparemment, sa chef lui avait encore demandé de rester tard ce soir là pour finir quelques dossiers inintéressants et dont tout le monde se fichait éperdument. Malgré tout, Margareth travaillait de manière excessive pour pouvoir être bien vu du patron, elle avait l'espoir d'obtenir une augmentation à la fin du mois et ainsi partir en vacance pour voir ses parents de l'autre côté de l'Atlantique.
Seulement voilà, contrairement aux gardiens de nuit, Margareth était véritablement peureuse, à vrai dire, elle était effrayée par le fait même de devoir rester une minute de plus dans cet endroit mais d'un autre côté, elle les voulait vraiment ces vacances. Alors elle restait à travailler en essayant dans la même temps de faire abstraction de ce qui l'entourait. Elle ne devait certainement pas repenser au film d'horreur qu'elle avait vu la veille, et encore moins à ce livre sur un meurtrier qui épiait ses victimes de la fenêtre. NON ! Elle devait se concentrer sur les chiffres et uniquement sur les chiffres.
Pourtant l'endroit où elle se trouvait pouvait réellement vous faire dresser les cheveux sur la tête. De jour, la boutique de la maison des oursons était remplie d'enfant jouant, criant parfois jusqu'à en devenir une douleur lancinante dans la tête mais elle ne restait jamais inanimée. À cette période les oursons paraissaient amicaux, et toutes ces couleurs de l'arc-en-ciel sur les vêtements en faisait un ravissement pour les plus optimistes de nous tous.
En revanche, la nuit, comment fournir une bonne description du lieu ? Il ne pouvait rien y avoir de plus monstrueux. Les rangées de peaux mortes de peluches qui s'étalaient sur des rangées et des rangées comme dans une fabrique pour manteau de fourrure. Les oursons qui n'avait plus rien d'amical à cette heure de la nuit, quand leur yeux, luisant à la lumière du panneau de sortie de secours vous suivent du regard avec leur sourire montrant une bouche sans dent uniquement formée de rouge. Et il n'y a même plus de couleurs chatoyantes pour vous réconforter car au milieu de la nuit les seules couleurs que l'on peut encore distinguer sont le noir et le gris. C'est pour cela que Margareth ne faisait que se concentrer sur ses chiffres.
Quand minuit arriva enfin, elle décida de partir car elle avait travaillé beaucoup trop dur pendant la journée et maintenant ses yeux ne ressemblaient plus qu'à deux grosses cernes entourant deux petites billes globuleuses qui n'avaient plus rien de vivant. Et pour ajouter à cela, Margareth avait une sorte de superstition pour ce qui pouvait arriver après minuit. Elle eut la précaution tout de même de prendre une lampe torche avec elle pour ne pas trébucher contre un quelconque jouet et ainsi attirer l'attention des gardiens de nuit.
Elle éteignit donc son ordinateur, pris ses affaires, et tenta d'allumer la lampe torche, tenta car un malheur n'arrivant jamais seul, sa lampe était à cours de pile. Il faudra bien marcher dans le noir.
À tâtons, elle avança jusqu'à pouvoir sortir du bureau, arrivée au fond du magasin elle considéra tout le chemin qui lui restait à faire pour arriver de l'autre côté et enfin pouvoir sortir, elle se dit qu'elle aurait pu le faire d'une traite et en courant mais elle aurait eu l'air ridicule, car à son âge plus personne ne jouait à l'enfant comme elle le faisait là. Elle décida donc de marcher d'un pas rapide jusqu'à la sortie. Mais au premier pas qu'elle fit une voix stridente se fit entendre derrière elle : « Laisses-moi être ton ami ! », le sang ne fit qu'un tour dans tout l'organisme de Margareth, elle se retourna cependant et vit qu'une peluche en forme de lapin était simplement tombée lorsqu'elle l'avait heurté avec son sac. Avant de repartir elle reposa donc la peluche à son emplacement initial.
Au moment de se retourner une autre peluche était assise à quelque mettre d'elle, ses yeux avaient pris une étrange teinte rouge « Qui est là ? » demanda Margareth à voix haute, car il était impossible que la peluche s'est placée elle-même en plein milieu du magasin. Elle scruta alors le moindre bruit, le moindre indice qui pouvait prouver la présence d'une personne humaine dans la salle, mais rien, rien que ce silence pesant qui continuait de durer.
« Laisses-moi être ton ami ! », la peluche en forme de lapin s'était remise à parler, et c'est à ce moment là que le reste des peluches se mirent en marche elles aussi :
« Laisses-moi être ton ami ! »
« Laisses-moi être ton ami ! »
« Laisses-moi être ton ami ! »
Margareth essaya alors de se ruer à l'autre bout de la pièce, mais elle était paralysée de peur, tous les scénarios qu'elle avait pu inventer n'était rien en comparaison de cette abomination. Lorsqu'elle se décida enfin à bouger il était trop tard, les peluches avançaient lentement vers elle comme des automates en répétant inlassablement la même phrase lancinante, même les peaux qui n'avaient toujours pas été fourrées se soulevèrent à leur tour et marchèrent d'un pas désarticulé vers Margareth. Cela ne pouvait être qu'un rêve, elle allait se réveiller mais rien ne se passa, les peluches avançaient toujours vers elle. C'est alors qu'elle se dit « Ce ne sont que des peluches », elle n'avait pas à les craindre, ces terreurs enfantines étaient revenus sans aucune raison, elle n'avait qu'à leur donner de violant coups de pieds, même à les brûler s'il le fallait, mais elle n'avait pas à craindre de simple peluche.
Du moins c'est ce qu'elle croyait.
Le lendemain matin, quand tout était redevenu calme, une foule de gens se pressait devant la maison des oursons, la police essayait de faire ce qu'elle pouvait pour les contenir, mais que pouvez-vous faire face à un millier de personnes faisant tout pour sortir de leur vie quotidienne quand elles voient un cadavre ?
Car en effet, au bout milieu du magasin de jouet, gisait là Margareth, les yeux exorbités de peur, et la gorge remplie de mousse de peluche.
