Hiver

À l'aube de la première neige, lorsque le soleil est haut dans le ciel dépourvu de nuages, on raconte que la neige scintille de milliers d'étoiles et qu'à ce moment-là, tous nos vœux peuvent être entendus.

Nul doute que ce jour-là, deux vœux de plus ont dû être exaucés…

Maudit réveil !

Elle abattit sa main avec violence sur l'appareil de torture matinale pour l'éteindre.

Pfff ! Je m'étonnerai toujours de la résistance de cet engin…après tout ce que je lui fais subir !

Lentement, très lentement, elle s'assit dans son lit. Les yeux mi-clos, les cheveux en bataille, elle n'était encore qu'à moitié réveillée. Mais pas pour longtemps. En effet, des bruits de pas lourds non identifiés se firent rapidement entendre…ils s'approchaient de la chambre…de sa chambre…de plus en plus vite…de plus en plus fort…

Oh non ! Pas lui !

Et ainsi que chaque matin – et à son grand désespoir – une créature terrifiante déboulait dans sa chambre en hurlant tel un damné :

- TENTEN !!!

Sa seule défense…son oreiller !

Et comme chaque fois, l'arme fatale atterrit platement sur la figure de l'abominable monstre. Ce magnifique lancé de coussin fut très vite accompagné d'un son doux et mélodieux tout droit sorti de la gorge d'une jeune fille encore pure et innocente :

- JE VAIS TE MASSACRER !!!

Ce fut bref et clair.

Mais ce matin, il y avait quelque chose d'inhabituel…oui…il y avait forcément quelque chose d'anormal pour que son jeune frère soit aussi déchaîné dès le matin (c'était encore pire que d'habitude, si c'était encore possible…).

- Eh ! Tu sais quoi ? Tu sais quoi ? lança-t-il en sautillant joyeusement dans la chambre de sa grande sœur, ignorant superbement ses menaces.

- Non…soupira-t-elle, blasée. Mais je sens que tu vas bientôt me l'apprendre.

Il plongea alors sur la fenêtre de sa chambre. Il l'ouvrit et écarta violemment les volets. La lumière du jour envahit la pièce et éblouit Tenten qui dut cligner plusieurs fois des yeux avant de s'en remettre. Puis, d'un geste théâtral, son frère désigna le paysage au dehors en déclarant bien plus bruyamment que solennellement au goût de sa sœur :

- IL A NEIGÉ !!

- Et c'est pour ça que tu me fais tout ce cirque ! râla la jeune fille.

- Bah quoi ? C'est pas souvent qu'on a de la neige !

- M'en fous, j'aime pas la neige (son frère prit un air offusqué). Alors maintenant…SORS DE MA CHAMBRE !

- Ouiiiiiiiiiiiii !

Et il se précipita vers la sortie sous la menace des kunai fétiches de sa sœur.

Lorsqu'il eut enfin disparut, Tenten souffla un bon coup et tenta de se remettre les idées en place. Mais son répit fut de courte durée car la tête de son frère réapparut dans l'encadrement de la porte, un sourire taquin étirant ses lèvres.

Qu'est-ce qu'il manigance encore ?…

- Au fait…

- Quoi encore ?!

Son sourire espiègle s'agrandit de plus belle, comme pour augmenter le suspens de sa déclaration qui tardait à montrer le bout de son nez – ce qui énerva passablement Tenten déjà suffisamment échauffée.

- Y'a ton prince charmant qui t'attend en bas depuis au moins dix minutes, lâcha-t-il enfin d'une traite.

Tenten fronça les sourcils et tenta de décoder mentalement le message de son frère.

Deux petites secondes…un prince charmant…en bas de chez moi…

Le jeune garçon suivit avec intérêt l'évolution de la réflexion de sa sœur attendant avec impatience sa réaction. Celle-ci ne se fit d'ailleurs pas attendre.

- Neji ?! En bas ?!

Et depuis dix minutes en plus ! Mais c'est pas normal !

Prise d'une soudaine illumination, elle jeta un coup d'œil à son réveil.

- Tu as changé l'heure de mon réveil ?!!

Bingo !

Son frère ricana, ravi de sa bonne farce, ce qui ne fut pas le cas de Tenten. Complètement hors d'elle, elle lui jeta un regard on ne peut plus explicite. Mais cette fois, son cadet eut l'intelligence de partir définitivement car il savait que ce coup-ci, sa sœur ne lui jetterait pas qu'un modeste oreiller. Des tas d'objets plus intéressants les uns que les autres étaient à sa portée, tel que sa table de chevet, ses fameux kunai, sa commode ou encore son armoire qu'elle était bien capable de lui catapulter pour l'occasion. Il savait qu'on ne se moquait pas impunément de Tenten et il estimait que ses limites étaient bientôt outrepassées. Aller au-delà signifierait son arrêt de mort à coup sûr. Et il avait raison !

Une fois seule, Tenten se rua vers la salle de bains pour se préparer – ce qui ne lui prit que cinq minutes (record battu !). Elle dévala ensuite les escaliers, prit au vol un peu de quoi manger, essaya vainement d'articuler un « Au revoir » correct à ses parents, assassina son frère du regard et fila rejoindre son coéquipier dehors.

- Tu es en retard, fut le seul salut auquel elle eut droit.

Hmph ! Peut mieux faire…

- Oui, je sais…répondit-elle hors d'haleine.

Lorsqu'elle eut enfin reprit son souffle, elle scruta les alentours et constata qu'il manquait quelque chose ou plutôt quelqu'un.

- Tiens ! Où est passé Lee ?

- Il est tombé malade et…

- Gai-sensei l'oblige à rester au lit, acheva Tenten lassée par les frasques de ses deux énergumènes.

- Exact.

- Ah la la…ils ne changeront décidément jamais ces deux-là.

Comme quelqu'un d'autre d'ailleurs…

Puis, réprimant un frisson de froid, elle suivit Neji déjà en route pour leur terrain d'entraînement habituel.

Comme toujours, la plus grande partie du chemin se fit en silence. Tenten trouvait cela un peu pesant à la longue mais…Neji restait Neji, et ce n'était certainement pas lui qui allait se mettre à parler de la pluie et du beau temps au risque de se faire attaquer par la jeune fille persuadée d'avoir à faire à un imposteur. Alors, comme d'habitude, ce fut elle qui prit les devants et décida de rompre ce silence.

- Je n'aime pas l'hiver…C'est trop froid, trop blanc et trop calme. Et toi, tu aimes l'hiver ?

Génial le sujet de discussion...

- Oui.

- Pourquoi ?

- Parce que c'est froid, blanc, et surtout…très calme.

Première tentative de communication échoué.

Il aurait pu au moins faire un effort ! Et puis cette saleté de neige m'énerve ! Vingt centimètres au moins ! J'en ai marre de marcher là-dedans !

Mais elle n'allait certainement pas annuler son entraînement journalier pour si peu. Et puis, au moins, il faisait très beau aujourd'hui et malgré le vent polaire qui soufflait, le ciel était bleu et sans nuages pour l'obscurcir.

- Ah ! Ça y est, on est arrivé !

Enfin !

- On ne reconnaît même plus notre terrain avec toute cette neige, observa-t-elle la mine boudeuse.

- Ça ne t'empêcheras pas de t'entraîner, fit judicieusement remarquer Neji.

- C'est vrai, admit-elle.

Et comme chaque jour, ils s'exercèrent ensemble, ou plutôt, Tenten aidait Neji à s'exercer. Elle épuisa ainsi son assortiment d'armes en tout genre – et dieu sait combien il était grand ! – sur le tourbillon divin de son coéquipier qui tenait encore une fois à le perfectionner et ce depuis des années. Ce manège dura pendant un bon bout de temps, jusqu'à ce qu'elle se hasarde à demander une faveur au jeune homme :

- Attends ! Il faut absolument que je te montre ma nouvelle technique. Tu vas voir ! Même toi, tu seras impressionné !

- Ça reste à prouver…

Sûre d'elle, elle ne se laissa nullement démonter par le scepticisme de Neji. Et ce fut d'un pas conquérant qu'elle se dirigea vers sa besace préalablement déposée sur le côté, pendant que le jeune homme allait s'asseoir sur un rondin de bois tout proche – mais à une distance raisonnable tout de même – en croisant les bras, résigné à devoir observer son équipière déployer tout son talent. Il l'observa ainsi sortir deux parchemins de son sac et repartir au centre du terrain déterminée comme jamais. Elle déroula avec précaution ses rouleaux comme s'ils avaient été fait de cristal ou d'un quelconque matériau précieux et fragile et les étala sur le sol. Jusque là tout allait bien. Elle débuta son rituel d'invocation et les explosions débutèrent – Tenten était connu pour son nouveau penchant pour les explosifs ce qui ne rassurait pas son entourage et en particulier son frère.

Il y eut tout d'abord quelques explosions, de faible intensité – pas de quoi faire broncher l'imperturbable Neji en somme. Puis, les détonations se firent de plus en plus proches et puissantes. Un froncement de sourcil du Hyûga indiqua alors qu'il y avait quelque chose d'étrange.

Enfin, la dernière déflagration fut la plus redoutable. Tout objet autour de la jeune fille fut littéralement pulvérisé et elle se retrouva malgré elle enfermée dans l'épais nuage de fumée noire qu'elle avait elle-même conçu. Elle toussota et tenta de s'extirper avec peine du voile opaque qui la retenait prisonnière mais n'y parvint pas. Elle dut donc attendre que la nuée noirâtre se dissipe d'elle-même pour découvrir les dégâts qu'elle avait engendré. Le décor d'auparavant avait été dévasté et elle n'avait à l'évidence pas prévu une telle destruction.

- Neji ? Je suis vraiment désolée, mais je ne maîtrise pas encore toutes les subtilités de mes armes explosives !

Elle le chercha des yeux mais ne le vit nulle part.

Mais où est-il donc passé ?

- Neji ?

Elle l'aperçu alors étendu par terre, inanimé et couvert d'égratignures.

Non ! C'est impossible ! Neji ne se serait jamais laissé avoir comme ça !

Mais l'angoisse prit le pas sur la raison et elle accourut à ses côtés. Agenouillée sur le sol, elle entreprit tout d'abord de le secouer – elle n'allait pas se permettre de le frapper tout de même. Mais rien n'y fit.

- Oh la la la la la la ! Mais qu'est-ce que j'ai fait ! Neji !!! Réveille-toi !!!

Au bord des larmes, elle ne savait plus que faire et commençait à paniquer.

Soudain, le jeune homme inerte ouvrit ses yeux immaculés et se releva en époussetant ses vêtements d'un geste désinvolte, sous les yeux médusés de sa partenaire toujours accroupie au sol.

- Tu as eu peur ? demanda-t-il assorti d'un sourire moqueur à en faire rougir plus d'une.

- Tu…Tu…

Elle ne parvenait même plus à trouver les mots tellement elle était abasourdie par le comportement de Neji. Elle se releva progressivement, encore sous le choc.

- Tu t'es foutu de moi !! s'exclama-t-elle après s'en être partiellement remise.

- Alors, tu as eu peur ? répéta-t-il nullement impressionné par l'explosion imminente qu'il sentait venir de la part de sa coéquipière.

- IDIOT !!! cria-t-elle soudain sans vraiment se rendre compte de ce qu'elle disait et surtout à qui elle s'adressait. Bien sûr que…

Elle s'interrompit, se rendant compte de ce qu'elle avait dit – ou plutôt hurlé – et surtout de ce qu'elle allait laisser entendre. À ce moment-là, il s'engagea dans son esprit une véritable lutte quant à savoir ce qu'elle allait répondre. Si elle lui disait « Oui », elle lui ferait bien trop plaisir, et sa fierté – à laquelle elle tenait tant – en prendrait un sacré coup. Et si elle lui disait « Non », il saurait évidemment qu'elle mentirait, mais sa fierté serait préservée.

Toujours en plein débat intérieur, elle évita le regard scrutateur de l'Hyûga, bien trop perspicace lorsqu'il s'agissait de deviner ce que ressentait les gens. Enfin, après avoir longuement pesé le pour et le contre, elle replanta fièrement ses yeux noisettes dans les pupilles blanches de Neji qui tentait de masquer un sourire victorieux sous son habituel masque d'indifférence.

- Eh bien oui ! J'ai eu peur ! Voilà, tu es content ? répliqua-t-elle, ses yeux dardant des étincelles.

- Très, répondit-il d'un ton neutre.

Et sa question satisfaite, il lui tourna le dos et partit. Tenten, qui rageait dans son coin, se décida finalement à le suivre tout en marmonnant pour elle-même des paroles incompréhensibles mais dont on ne pouvait que deviner le sens.

Pffff ! Il m'a bien eu !

Mais malgré elle, elle ne pouvait s'empêcher d'arborer un magnifique sourire jusqu'aux oreilles, car elle aurait juré qu'il avait été content qu'elle s'inquiète pour lui. Mais il ne perdait rien pour attendre. Un jour, elle lui rendrait la monnaie de sa pièce.

Soudain, alors qu'elle piétinait péniblement la neige, une merveilleuse idée germa dans son esprit et une expression mutine finit par apparaître sur son visage aux joues rosies par l'air glacial de l'hiver. Elle s'inclina alors pour prendre de la neige dans ses mains. Elle la tassa pour former une boule de neige quasi parfaite et l'expédia en direction du jeune homme. Sans même prendre la peine de se retourner, Neji leva le bras et la rattrapa juste avant qu'elle ne lui atterrisse précisément sur la tête.

- Inutile Tenten.

Evidemment, elle le savait parfaitement. Elle avait quand même à faire au plus prometteur des Hyûga.

- Neji…soupira-t-elle d'une voix où se mêlaient le reproche et l'amusement. Tu ne sais pas t'amuser.

Il se retourna alors pour la découvrir quelques mètres plus loin lui souriant de toutes ses dents, les mains sur les hanches et une lueur malicieuse dans ses yeux noisettes.

- Ah oui ? répondit-il avec un sourire en coin tout en faisant bondir la boule de neige récupérée dans sa main droite.

Et avant qu'elle n'ait eu le temps de réaliser quoi que ce soit, il la lui envoya sur la figure où la boule de neige effectua un « splaf » inoubliable.

- Neji !!! s'écria la jeune fille surprise. C'est froid !!!

Le temps qu'elle dégage la neige de son visage, il se retrouva derrière elle. Puis, il se pencha et murmura au creux de son cou :

- Tu vois…je sais m'amuser.

Lorsqu'elle sentit son souffle chaud caresser sa nuque, elle frissonna. Et cette fois, elle était sûre que ce n'était pas le froid.