Prologue

Euston Rd

Comme chaque matin depuis trois ans Peter s'activait sur le chantier d'Euston Road. Et comme chaque jour il se rendait compte de l'immensité des travaux entrepris. Dès qu'un ami lui avait parlé de ce nouveau projet, Peter avait sauté sur l'occasion. Pour un passionné de patrimoine comme lui, le chantier d'Euston Road était une chance inouïe de travailler dans un domaine qui l'émerveillait, bien loin des constructions de fast-food auxquelles il était habituellement confronté.

Le Gouvernement Britannique avait racheté un immeuble datant de plusieurs siècles et sur le point de s'effondrer et avait choisi de rénover tout le bâtiment pour y construire Euston Rd's Library, une bibliothèque doublée d'un grand centre d'études européennes.

- Alors Pete, l'apostropha un de ses collègues, coriace cette poutre hein ? Tu vois que tu aurais mieux fait de prendre tes congés comme prévu !

Peter simula une grimace mais il n'en pensait rien. Célibataire, il laissait ses collègues mariés et pères de famille prendre leurs congés l'été. Lui faisait partie de ceux qui pouvaient poser leurs vacances en septembre. Seulement, comme tous les ans, il refusait de partir le premier septembre. Et la raison pour laquelle il souhaitait travailler à cette date… Une plainte étrange le tira de ses pensées.

- C'était quoi ce truc ?, entendit-il autour de lui.

Ce « truc », c'était justement la raison pour laquelle Peter travaillait tous les premiers septembre. Peter se dépêcha de poser ses outils et de sortir son paquet de cigarettes.

- Je prends ma pause, boss !, cria-t-il en courant vers l'extérieur.

Arrivé sur le trottoir, la vie grouillante de bruits, de mouvements et de mauvaise humeur le rattrapa. Comme toujours sur Euston Road des centaines de voitures filaient dans tous les sens, des bus et des taxis se succédaient et une foule de gens pressés sortaient de la station de métro. Chacun était occupé ou plongé dans ses pensées et personne ne semblait faire attention à ce qui se passait dans cette rue chaque premier jour de septembre. Personne à part Peter.

Trois ans auparavant, et durant une énième pause cigarette, Peter s'était aperçu de choses étranges. Il y avait tout d'abord ces familles qui sortaient à huit ou neuf de voitures citadines à l'apparence étroite, ces gens aux habits dépareillés et surtout ces chariots portant quantité de malles anciennes et de …. Hiboux.

C'est un hululement qui l'avait interpellé la première fois et il avait été étonné de voir une famille absolument magnifique avancer en direction de la gare de King's Cross. La mère avait de sublimes cheveux blonds qui lui tombaient bas dans le dos et s'attiraient les regards énamourés de chaque homme qu'elle croisait. Le père marchait d'un pas assuré et couvait des yeux ses trois enfants. L'aînée était la copie conforme de sa mère, la seconde paraissait moins sûre d'elle et le dernier, un jeune garçon âgé d'une dizaine d'années, était un parfait mélange de ses deux parents. Outre l'apparence quasi parfaite de la famille, ce qui avait surprit Peter c'était les deux chariots portant une chouette et un rat. D'autres passaient avec des gros chats et même des chaudrons, il lui avait semblé voir aussi un jeune garçon tenir fièrement un balai et le montrer à ses amis, visiblement emplis de jalousie. Et puis tous ces hiboux, ces chouettes, partout, pendant deux heures. Et puis, dès le lendemain, plus rien. Pendant un an.

Comme à chaque fois ce fut le hululement d'un hibou qui réveilla Peter. Il se concentrait pour trouver la source du cri. Ça ne venait pas de ce couple qui portait d'étranges chapeaux, ni de cet homme qui semblait prêt pour une partie de golf. Mais plutôt de cette famille là-bas. Le père était de taille moyenne et avait sans doute oublié de coiffer ses cheveux bruns. La mère avait une taille fine et de longs cheveux roux. Le fils, un adolescent à la démarche élancée était une mini reproduction de son père mais ses cheveux avaient d'étranges reflets roux.

- James, fait taire ce hibou ! Tu vas nous faire remarquer !

- Mais Patmol veut voler, maman.

- Il pourra voler quand tu seras à Poudlard.

Poudlard… Peter ferma son esprit aux souvenirs qui s'emparaient de lui et se concentra sur la petite famille. Le père lui semblait étrangement familier et son fils lui ressemblait énormément. La même démarche, les mêmes cheveux bruns en bataille. La famille se dirigeait vers la gare et quelques secondes après ils avaient totalement disparu.

Ce que Peter ignorait, c'est qu'à l'intérieur de la gare, l'étrangeté fourmillait. Ignorant les panneaux indicatifs, les voyageurs pressés et les annonces de retard des différents trains, une communauté dépareillée avançait vers un même but, la voie 9 ¾.

- Dépêchez-vous les enfants !, criait une maman. Le Poudlard Express part dans dix minutes !

Le quoi ? David Chesters en était certain, cela faisait plus de vingt ans qu'il empruntait tous les jours les transports en commun et jamais il n'avait entendu parler d'un train au nom si étrange. Étrange, comme cette maman qui tentait par tous les moyens de faire cesser les pleurs de sa fille en lui promettant que tout se passerait bien à Poudlard. Étrange, comme ce petit garçon qui se plaignait d'avoir eu un rat comme animal domestique alors qu'il avait toujours rêvé d'avoir une chouette effraie. Étrange, comme cet homme à l'air sévère qui réprimandait son aînée, une jeune fille aux cheveux roux, qui avait oublié ses ingrédients de Potions et son livre d'Arithmancie. David se demanda soudain s'il n'était pas en train de rêver.

- Excusez-moi monsieur, pourriez-vous m'indiquer la voix 9 ¾ ?

L'homme qui lui faisait face était souriant. Mais il était vêtu d'une curieuse façon. Son fils était étrangement pâle et traînait derrière lui un… chaudron.

- Pardon ?, bégaya David Chesters. Mais cette voie n'existe pas !

- Oh vous devez être un moldu. Viens, Royston il nous faut trouver des sorciers.

- Mais papa, réponds-moi, c'est vrai qu'il y aura des fantômes à Poudlard ?

David Chesters se laissa tomber sur le banc le plus proche. Il devait être aussi pâle que le petit garçon, aussi pâle qu'un… fantôme. Ces gens devaient se rendre à une fête foraine, se dit-il. Oui, un parc de jeux avait dû ouvrir et David Chesters n'y avait sans doute pas prêté attention. Ce n'était pas si étonnant finalement, les gens avaient de ces idées de nos jours… Un homme habillé élégamment s'approcha de lui en tirant un insigne de police.

- Bonjour monsieur, police. Nous vous avons vu discuter avec cet homme là-bas. Que vous-a-t-il dit ?

David Chesters soupira. Enfin quelqu'un de censé dans cette gare ! Monsieur Chesters lui sourit en prenant son temps pour choisir ses mots.

- Oh c'est vrai qu'il semble un peu fou mais je ne crois pas qu'il soit dangereux. Il cherchait une voie de train… oui, ça me revient, la voie 9 ¾. Alors je lui ai bien évidemment répondu qu'elle n'existait pas et il m'a dit que j'étais un… un… moldu, oui c'est ça. Son fils a même parlé d'un…

- Hopkins !, cria le policier. Il me faut un Oubliator par ici !

- Un… quoi ?

- Un Oubliator monsieur. Ne vous inquiétez pas ça ne prendra que trente secondes.

- Mais…

Le dénommé Hopkins arriva à son tour et David Chesters pâlit. Que lui arrivait-il ? Se pouvait-il que ce soit une émission de caméra cachée ou que quelqu'un ait voulu lui faire une farce ?

- Voilà Hopkins. Tu me jettes un petit sort d'oubliettes à ce gentil monsieur ?

- De… d'oubliettes ?, murmura Monsieur Chesters.

- Oui on va vous faire ça rapidement, vous aurez bientôt tout oublié.

- Mais…

- Des fois je me demande si les nés moldus ne devraient pas se rendre à Poudlard d'une autre manière. A chaque rentrée c'est la même chose, on risque tous les ans de briser le Secret Magique.

- Tu devrais en parler au Ministre, répondit Hopkins en sortant un petit bout de bois de sa poche. Oubliettes ! Et voilà, c'est fait, il ne se souviendra de rien. Tu m'excuses, faut que je m'active, un petit crétin est venu ici avec un bébé dragon. Par Merlin, quelle journée !

Quand Monsieur Chesters se réveilla quelques secondes après, il avait tout oublié des chaudrons, des hiboux et autres balais volants. Il jeta un œil à sa montre et s'activa. Il était bientôt onze heures. Il ne fit pas attention à l'agitation générale, pourtant tout autour de lui des gens courraient dans tous les sens. Certains enfants étaient déjà vêtus de leur robe sorcière, certains parents tentaient de se faire discrets et portaient des vestes moldues, certains allaient à Poudlard pour la première fois, d'autres y retournaient avec excitation, les parents, enfin, semblaient presque regretter le temps où eux aussi avaient connus les joies de Poudlard. Tous étaient très différents.

Ils n'avaient en fait qu'un seul point commun. Tous ignoraient qu'au dehors, un ouvrier les guettait, tenant du bout des doigts un mégot qui lui brûlait doucement la peau. Peter tendait le cou, observait tous les mouvements autour de lui et en avait même oublié sa cigarette.

- Aller, Peter, au boulot !

Peter se leva, déçu, et regarda une dernière fois l'entrée de King's Cross, s'imprégnant de l'image de chaque visiteur, du son de chaque volatile sachant qu'une fois son travail terminé, il regagnerait son appartement et se remémorerait ce souvenir pendant de longues heures, essayant de trouver une réponse à ses questions.

Non pas qu'il ne sache pas qui étaient ces gens, ou pourquoi ils étaient si étrangement habillés et entourés de hiboux, Peter se demandait juste où ils allaient. Depuis quand une gare comme King's Cross pouvait mener à un endroit aussi étrange que Poudlard ?

Car Peter connaissait Poudlard, et il s'y était même brièvement rendu. Après tout, même s'il n'y était resté qu'un an, Poudlard était un passage obligé pour les gens comme lui. Car Peter, même si personne ne le savait, était un sorcier.