« Romulus, lâche ce biscuit! »

Maman lui jeta un regard d'avertissement. Le fautif reposa alors le sablé en forme d'étoile sur le plateau en argent de Mamie Armellina et se lécha les doigts.
Le dernier repas semblait avoir eu lieu il y a une éternité déjà. Remus sentait son estomac en couiner de mécontentement. Et la bûche de sa mère sentait si bon le chocolat! Il avait contemplé sa préparation ainsi que celle de la dinde aux marrons tout l'après-midi; tandis que Romulus était partit faire le guignol dans le jardin, ensorcelant ses boules de neige avec la baguette de pépé Titus qui en avait fait les frais. Pauvre Pépé... Il était à moitié aveugle et Remus devait sans cesse lui ramener sa canne qu'il oubliait toujours derrière lui. Mais Romulus aimait beaucoup faire le malin et asticotait souvent les membres de sa famille. Heureusement, ses bêtises prêtaient plutôt à rire qu'à pleurer et on lui pardonnait volontiers. D'ailleurs, il allait avoir du boulot aujourd'hui en matière de fourberie: toute la famille se réunissait au manoir Lupin pour fêter Noël.
Des guirlandes et des étoiles de toutes les couleurs luisaient à la lueur des bougies qui faisaient danser leurs ombres sur les murs du salon. Papa avait accroché une multitude de branches de houx au plafond et Romulus avait déguisé la poupée de la petite cousine Alberta en angelot et l'avait fixée sur la porte d'entrée. Oncle George beuglait à qui voulait l'entendre qu'il y aurait « peut-être » des surprises pour les plus chanceux ce soir. Mais Remus ne prêtait qu'une oreille distraite à ses propos: Noël ne serait pas Noël sans quelques distractions.

« Attention! Chaud devant! »

Maman arriva en chantonnant, des plats en porcelaine avec les petits fours à la citrouille sur les bras.

« Les jumeaux! Allez ranger votre chambre, vos cousins arrivent d'un instant à l'autre!
-Mais, Maman...
-Il n'y a pas de « Maman » qui tienne! Allez! Ouste! »

Remus soupira et monta les escaliers à contre coeur, suivi de près par Romulus, qui shoota dans un kit de nettoyage de la Mère Grattesec qui traînait sur le palier.

« J'en ai marre! C'est toujours les mêmes qui font le travail! Ch'uis fatigué, moi!

- «Faites les lits...et gnagnagna...aide Mamie pour ranger les jouets d'Alberta...blablabla... » ...sont fatigants les parents! Y nous crient tout l'temps d'ssus!
-Ba...Qu'est-ce que tu veux faire d'autre...En attendant d'être grand, c'est nous qui devont faire c'qui disent...
-Même le jour de Noël? »

Sur ses dernières phrases, Romulus avait pris un drôle de regard. Remus, lui, n'aimait pas beaucoup quand il faisait cette tête-là: c'était souvent annonciateur de bêtises...

« Tu penses c'que je pense?
-...Rom'... Je suis pas sûr que ce soit le bon moment pour ça...
-Au contraire! C'est pas aujourd'hui qu'ils vont nous dire de nous tenir tranquille en nous disant que sinon, on n'aura pas de cadeau à Noël! C'est trop tard! Y z'ont déjà tout acheté »

Enchanté par ses élucubrations, le visage de Romulus s'illumina.
Remus soupira.

« Euh... Tu sais... On peux toujours être privé de bûche!
-Peuh! Tu crois qu'y s'oseront! En fait, c'est juste paske t'as peur! T'es même pas cap!
-N'importe quoi! Ch'uis cap! »

Romulus sourit.

« Tope-là, Rem'!
-Giv'mi faïve, Rom'! »

Ils se frappèrent mutuellement dans la main droite, se grattèrent l'oreille, tirèrent trois fois la langue et fracassèrent la tête de l'autre à l'aide de leur poing.

« Toujours jumeaux! »

***

« Mélusine! »

Maman passa la tête par la porte de la cuisine.

« Où sont les petits? »

Elle secoua la tête en direction de l'étage supérieur.

« Je les ai envoyés ranger leur chambre. Ils doivent être là-haut.
-Je viens de vérifier...Ils n'y sont pas.
-Dans le jardin alors?
-Non plus.
-Dans le grenier?
-Mélu, écoute, je te dis que je ne les trouve pas. Et la fenêtre de leur chambre est grande ouverte! »

Maman devint alors toute pâle.

« Ils n'ont pas...
-Si. Ils ont pris la baguette de pépé. »

***

« Remus...J'me sens pas bien...Ca bouge... »

Romulus devenait peu à peu livide.

« Mais nan! Regarde comme c'est beau! Avec les étoiles, c'est magn...
-Le panier! Il bouge!, fit son frère, terrifié.
-C'est normal! C'est à cause de l'air! Tu vois ce qu'y sont cap de faire sans magie, les moldus?...dit-il Remus d'une voix rêveuse.
-M'en fous! Par la culotte de Merlin... me sens vraiment pas bien! »

Les coudes appuyés sur le rebord, la tête vers le ciel, les yeux de Remus brillaient.

« ...Un ballon et un panier...et ça vole! On tombe même pas! Par contre, côté sécurité...
-...Rem'...
-...Y z'ont rien vu! Pif-paf! Un coup de « wingardium leviosa » et c'est partit mon kiki!
-...beurps...
-Romulus! Ah non! Pas mes chaussures! Maman les avait lavées ce matin! »

***

Maman s'affolait en courant dans toutes les pièces de la maisonnée.

« Mais qu'est-ce qu'ils ont fait? Où sont-il passés, ces garnements! Oh par Morgane, pourquoi aujourd'hui?
-Mélusine...
-Imagine qu'ils leur soient arrivés quelque chose! En cette veille de Noël! Je ne me le pardonnerai jamais! »

Les deux mains sur son visage, Maman commençait à paniquer.

« Chérie...
-Et l'Oncle qui ne devrait pas tarder à arriver!
-Mélu!
-Qu'est-ce que...
-Dehors! Regarde! »

***

« Eh! Rom', je vois les parents!

Remus s'agitait en secouant le bras en direction du manoir; tandis que Romulus, transi de froid, grelottait à côté de son jumeau.

« Que...Olala...Maman, elle a pas l'air contente! »

En effet, son visage virait peu à peu à l'écarlate.

« C'était ton idée après tout!, répliqua Remus.
-Oui, mais...
-...On va avoir des ennuis, c'est moi qui t'le dis, Henry! »

***

« Oh non! Byron! C'est...c'est la Mongole fière! Celle qu'on a vu sur le marché moldu de Exeter!
-Mais...Ils...
-Ils ont volé une Mongole fière! Par les bijoux de famille de Merlin, ILS ONT VOLE UNE MONGOLE FIERE! A DES MOLDUS! »

***

« Ola...Olalala! »

La montgolfière s'approchait désormais dangereusement de la maison familiale.

Romulus s'écria: « Remus! Stoppe le ballon!
-Mais j'peux pas!
-Comment ça tu peux pas! Tu sais faire d'la magie oui ou non?
-On n'est pas sensé savoir faire des sorts, tu t'souviens? Et puis J'SAIS PAS COMMENT ARRÊTER CE MACHIN! », beugla Remus de terreur.

« WINGARDIUM LEVIOSA! », hurla Papa, trop tard

La montgolfière heurta le manoir. Un bruit assourdissant résonna dans la nuit.

« Remus! Romulus! »

Maman courut jusqu'à la nacelle et écrasa ses deux petits contre elle. Vingt secondes plus tard, elle remplit à nouveau ses poumons. Et Remus se boucha les oreilles.
Maman gesticula ses bras dans tous les sens tout en ouvrant grand la bouche. Quelques mots parvinrent tout de même à être audible à travers ses mains.

« ...faites HONTE!... (écartement des doigts pour souligner un fait)...TUER!...(désigne Papa du doigt)...morts de TERREUR!...vous en prendre à des MOLDUS!...(les mains sur le visage)...UN SOIR DE NOËL!... »

A côté, Romulus qui, dans la terreur du moment, avait omis de se couvrir les oreilles par habitude, se mit à jaunir puis à blanchir considérablement. Il tenta de prendre la parole mais le son de sa voix se perdit dans le flot de paroles maternel. Papa, quant à lui, commençait à regonfler le gros ballon en maugréant des insanités à l'encontre de ses fils. Soudain, il repéra une lueur qui brillait à travers le tissus et se mit à sourire. Bientôt, un rire gras explosa dans le jardin décoré pour l'occasion.

« Ba oui... On voulait vous faire une surprise... »

La lumière qui émanait de la montgolfière attirait l'oeil aussi sûrement qu'un hyppogriffe dans un salon moldu. Sur le ballon à air chaud, on pouvait lire, en caractère gras et lumineux: « MERRY CHRISTMAS! »

« Je suis désolé pour la baguette de pépé. J'en avais besoin pour écrire ça. »

Maman se mit alors à glousser et ses éclats de rire rejoignirent ceux de Papa.

« Eh alors? On commence la fête sans moi? »

Une ombre se détacha de derrière un sapin du jardin et une silhouette avec un chapeau haut-de-forme et une canne se dessina à la lueur des lettres de la montgolfière.

Romulus et Remus hurlèrent de joie.

« ONCLE ARSÈNE! »