Chapitre 1

« Richard Castle, écrivain de renom ! » Castle fit la grimace en se levant ce jeudi matin là. « Si mes fans savaient comme je peux parfois me bloquer sur certains détails ! » Castle avait passé la soirée de la veille à chercher un nom. Pas n'importe quel nom, biensur. Le nom qui devait faire frissoner les jeunes filles et les dames plus agées aussi, celui que l'on redouterait de croiser,… Celui du grand méchant de son prochain roman, celui qui risquait de tuer Nikki. Il avait déjà bien avancé dans son boulot mais là, à force de l'appeler X, ça devenait délicat.

Après un café, il prit sa veste et sortit. « L'air vivifiant du matin, ça s'est bon pour l'imagination, se dit-il » mais lorsqu'il arriva devant son immeuble, il regretta de n'avoir pas pris un blouson plus chaud.

Il descendit sa rue et entra acheter du café. Bizarrement, il fallit en prendre deux mais Beckett était en congé et il ne devait pas se rendre au 12è, à moins qu'elle ne l'appelle. Il réalisa que ses pensées éveillaient en lui des sensations particulières. Il voulait qu'elle l'appelle, il voulait la voir. Il fallait qu'il soit honnête envers lui-même. Mais une petite voix étrange dans sa tête lui sussurrait doucement « c'est parce qu'elle n'est pas seule, que ça te dérange ! ». Et pour une fois, Richard Castle ne fuit pas, il s'avoua que cette petite voix avait raison. Même si cet aveu n'était que strictement privé. Il fut un peu soulagé d'y être parvenu. Malheureusement la vague satisfaction de cette conclusion fit rapidement place aux sensations malsaines liées à sa compréhension. Il était jaloux de bicyletteboy, le super chirurgien… Il n'aimait pas ressentir ce genre de chose mais indiscutablement, cette sensation était là.

« Quoi, qu'est-ce que j'ai, se demanda-t-il en remarquant le regard de la serveuse ? » Puis il releva les yeux sur la vitre au dessus du comptoir. « Ouaip Castle, t'as la tête des mauvais jours ».

Emportant son café, il marcha encore quelques minutes avant d'héler un taxi.

-La Bibliothèque publique.

-Celle de Leroy Street à côté du Parc Walker? L'est fermée, l'est trop tôt 'sieu !

-Merci je sais. Allez-y.

-C'est vous qu'y voyez 'sieu.

Le trajet fut assez bref étant donné l'heure matinale, il n'y avait que peu de passant et les abords de la Bibliothèque était désert… Evidemment le taxi avait raison, il était trop tôt. Le bâtiment de brique rouge n'ouvrait ses portes que dans deux ou trois heures…

Il resta là, un moment planté sous les platanes de la rue.

-Mais qu'est-ce qui m'a pris de partir si tôt ?

Il envisagea un instant de téléphoner à Alexis mais elle devait être en route pour ses cours. Par contre, il ne pensa pas à appeler sa mère. Martha l'écorcherait vif s'il osait la sortir des bras de morphée avant midi !

Il allait ranger son Iphone lorsqu'il revit son fond d'écran. C'était une photo d'Alexis, à 4 ou 5 ans sur un de ses terribles jeux pour enfants qui font mourir de peur les parents imaginant les chutes. Il se rendit alors compte que la photo avait été prise dans le parc juste à côté. Se remémorant ses souvenirs, ses pas le guidèrent vers les dits engins de torture enfantins. Castle fronca les sourcils, il regarda tout autour de lui mais il était seul. Un sourire de gamin lui éclaira le visage. Il y avait près de 12 ans de cela, alors qu'il avait passé la journée ici avec Alexis, ils avaient eu un geste que la loi puni. Castle continua de sourire en cherchant l'endroit où ce geste avait eu lieu.

« C'était près du sol ». A l'époque le parc était en partie en réfection. Alexis lui avait alors dit que les ouvriers risquaient de faire disparaître leurs moments passés ici comme ils le faisaient pour les arbres. Castle releva les yeux. Sa fille ne s'était pas trompée. Il n'y avait plus que du bêton dans ce « parc ». Rick se revit, tenant la main de sa petite princesse rousse, tout en cherchant l'endroit le plus adapté pour déposer leur marque. « La clé de nos moments, avait-il dit à sa fille. »

A quatre pattes, sous un banc, Castle se glissa le long du mur. A l'époque, il avait choisi délibérément un endroit situé dans le bas car plus discret et plus difficile à recouvrir de peinture. « C'était aussi un coin ». Il continua d'avancer vers l'angle du mur. Enfin, il tomba nez-à-nez avec sa marque, elle était dans une sorte de rainure, à la jonction de deux portions de murs différentes. Castle sortit son portable pour photographier cette marque et envoyer la photo à la belle jeune femme pleine d'esprit qu'était devenue sa petite pumpkin…

Il entendit alors des bruits de pas courant sur le macadam. Il voulut relever la tête mais se heurta au banc et il s'aplatit sur le sol. Une autre cavalcade de pas rejoignit la première. Bruit métallique. « Un type qui en plaque un autre contre la grille, où sont-ils ? »

-Je t'avais dit de pas y toucher, crétin !

-J'ai rien fait, j'ai rien fait j't jure !

« Derrière le mur à gauche ».

-C'est ça, prends moi pour un con aussi !

« Ouille, double ouille se dit Castle en percevant le bruit de coups ».

Castle brancha son portable en mode vidéo et ne glissa que l'objectif au delà de l'angle du mur. « Lentement, très lentement ». Il l'inclina légèrement mais suffisamment pour avoir les visages des deux types puis effleura le bouton Enregistrer.

Le gars à terre continuait de jurer et l'autre de le frapper. Soudain, celui-ci fit un pas en arrière et sortit un automatique sur lequel il fixa le tube d'un silencieux. L'autre était en boule sur le sol et ne pouvait voir ses mouvements.

-Tu vas passer un message de ma part à tes petits camarades. Et comme ils sont aussi débiles que toi je vais être super clair.

L'homme à terre eut-il une lueur d'espoir, crut-il qu'il allait s'en sorti ?

Shoup. Shoup.

Castle resta pétrifié, vissé au mur. Doucement, très doucement il ramena son téléphone près de lui et sauvegarda la vidéo. Après ce qui semblait être une éternité, il respira à nouveau.