Virgil n'oublierait jamais ce jour très spécial où il fit la rencontre de celle qui deviendrait sa meilleure amie. Lui n'était à ce moment qu'un enfant et elle, elle venait de naître. Et pourtant c'est instinctivement qu'il lui tendit lentement une main réconfortante, tel un message qui signifiait « rassure-toi, tu ne crains rien avec moi ». Et contre toute attente elle posa en réponse ses minuscules pattes blanches contre sa paume. C'est précisément à ce moment que sa corne rouge se mit à briller d'une lumière furtive, à peine perceptible.
- On dirait qu'elle t'aime bien, fit remarquer avec amusement une jeune femme aux cheveux corbeau, vêtue d'une longue écharpe noire. La femme était installée en tailleur, le dos contre le canapé. À ses côtés se tenait une autre femme d'environ une trentaine d'années, les cheveux blond éclatant et coiffés délicatement sur le côté. Elle s'approcha doucement de l'enfant pour prendre la parole d'une voix douce et harmonieuse.
- Tu sais Virgil, les Tarsal sont des Pokémon très timides, mais lorsqu'ils s'attachent à quelqu'un c'est pour la vie. Est-ce que tu te sens capable de prendre soin d'elle ?
Le petit garçon aux cheveux blancs cendrés ne savait quoi répondre. Son rêve de devenir dresseur pourrait enfin commencer, mais était-il digne d'élever un Pokémon aussi rare ? Intérieurement il doutait de lui-même, mais un poids le tira de sa rêverie. Ce poids était celui de la nouvelle-née qui agrippait le T-shirt de l'enfant, cherchant à grimper près de lui. Un peu décontenancé, Virgil lança un regard vers la femme à l'écharpe qui lui répondit d'un hochement de tête accompagné d'un sourire en coin.
L'enfant comprit qu'il était autorisé à prendre la nouvelle-née dans ses bras.
Il la souleva avec délicatesse et l'amena près de son visage dans le but de la regarder de plus près. Sous le petit dôme qui recouvrait son crâne étaient cachés de grands yeux curieux couleur écarlate dégageant une extrême candeur ainsi qu'une naïveté clairement visible.
Poussé par son instinct, le petit être blanc chercha à effleurer le visage de Virgil, comme si elle voulait l'examiner à son tour. L'enfant se laissa faire sans émettre la moindre réticence ni émotion, contrairement à la Tarsal qui souriait d'amusement en tâtant les joues et le nez de son porteur.
– Je ne sais pas...Est-ce que je serais un bon dresseur pour elle ? se questionna-t-il.
La femme aux cheveux blonds prit place près de l'enfant tout en posant une main réconfortante sur son épaule.
– Regarde, tu vois ça ? demanda-t-elle en pointant la corne rouge du Tarsal qui n'avait cessé de briller à intervalles réguliers. Tu sais ce que ça signifie ? Virgil répondit par la négative.
– Les Tarsal sont des Pokémon différent des autres, on dit qu'une fois qu'un des leurs s'est lié avec un dresseur, elle partage tout avec lui : sa vie, sa mort, et même ses émotions. Cette lueur indique que d'une certaine façon vous êtes déjà liés.
– Tu comprends ce que ça signifie, gamin ? renchérit brutalement la femme à l'écharpe. Personne ne t'oblige à dresser cette Tarsal, mais quoi que tu fasses ne prend pas ça à la légère.
– Je me sens quand même légèrement incité, rétorqua celui-ci en lançant un regard blasé à son interlocutrice.
Il fixa de nouveau la petite créature. Lui qui rêvait de puissance, il ne pouvait pas tomber plus mal. Un petit Pokémon chétif et timide comme elle n'était pas ce dont il rêvait le plus. Et pourtant quelque chose d'étrange l'attirait, comme s'il sentait son destin se lier à elle à mesure qu'il la gardait dans ses bras. Il fixa la nouvelle-née d'un regard sans émotion, avant de finalement faire un choix.
- Ok... j'ai pris ma décision.
- Alors qu'est-ce que tu décides ?
- ... Je ne veux pas d'un Pokémon faible, lâcha l'enfant sans perdre son regard impassible.
Les deux femmes présentes ne dirent rien, mais dans leurs yeux pouvaient se lire une certaine stupeur ainsi qu'une pointe de déception.
- Je comprends, dit la blonde. Ce n'est pas un choix facile mais...
Mais elle fut coupée par Virgil qui reprit subitement la parole, la Tarsal toujours dans ses mains. À ce moment il cessa de faire attention aux deux femmes pour se focaliser sur le Pokémon et lui parler directement.
– C'est pour ça que toi et moi on deviendra puissants, ensemble.
Finalement les deux femmes se mirent à sourire.
- Donc c'est officiel. Te voilà avec ton premier Pokémon, félicita la blonde. Tu comptes lui donner un surnom ?
- Peut-être, répondit-il d'un air indifférent.
- Surtout choisis le bien, pas le droit d'en changer après c'est compris ? prévint la brune à l'écharpe.
- Je sais ! grommela-t-il. Et puis j'ai déjà choisi...
- Ah ?
- Oui, ça sera « Annie ».
- Tiens ? Tu t'es décidé vite ! Ce nom a sûrement une grande valeur pour toi.
- N'importe quoi ! s'énerva-t-il. C'est juste que j'aime bien comment ça sonne, c'est tout.
- Si tu le dis gamin, si tu le dis...
À ce moment Virgil ne le savait pas encore. Mais il venait de faire la rencontre la plus décisive de sa vie.
C'était il y a plus de huit ans.
