Salut tout le monde. Nous voilà reparties avec un nouveau round qui démarre sur les chapeaux de roues ! Une très belle histoire commence à nouveau ici !
Je suis ravie de retrouver toute ma petite équipe (hi hi hi) merci les filles d'avoir re-signé pour ce nouveau round, merci aussi aux courageuses nouvelles d'avoir embarqué avec nous…
Participent à l'aventure: SoFrost, Bouzik, Sara Lya, Sofia, Rudeya, Jarleen, CSForever et moi-même (Alexielle)
Tous les commentaires sont les bienvenus.
Bonne lecture et à bientôt
Alexielle et son équipe.
Telle mère, telle fille...
Round Robin
Chapitre 1 : Catherine
Je ne peux m'empêcher de la regarder dormir, elle est si calme, si tranquille… rien qu'à la voir ainsi mon cœur gonfle d'amour pour elle.
Quand je pense au nombre de fois où j'ai failli la perdre pour des bêtises, ou quand je repense à son horrible enlèvement mon cœur se brise d'imaginer ma vie sans elle.
Bien sûr les choses ne sont jamais simples entre nous, il y a des disputes, des mots durs, mais dans le fond nous nous aimons d'un amour sincère.
Elle est une partie de moi, et je serai toujours une partie d'elle…
« Maman ? Mais qu'est ce que tu fais là ? » elle ouvre doucement un œil.
« Rien, rien ma chérie rendors toi… il n'est même pas encore six heures »
Elle marmonne quelque mots incompréhensibles avant de se retourner dans son lit et de me tourner le dos.
Je ne peux plus voir son visage mais ça m'est égal, simplement sentir sa présence dans la pièce m'apaise et me rassure. Après des gardes aussi dures que celle de ce soir, j'aime rester un moment tranquille à observer ma fille.
Quinze ans… déjà quinze longues et magnifiques années ont passé depuis que Lindsey est arrivée dans ma vie. Il n'y a pas eu que des bons moments entre nous… mais le lien que nous avons tissé l'une avec l'autre est fort et indestructible, du moins je l'espère…
Je l'observe encore quelques secondes, avant de descendre au salon. Je jette un rapide coup d'œil sur la pendule, six heures moins dix, il est temps pour moi de préparer le café.
Je m'active dans la cuisine quand j'entends qu'on frappe à la porte. Je laisse tout en plan pour aller ouvrir.
Un sourire sur le visage, et un petit sac à la main, Sara me fait face, puis elle me prend hâtivement dans ses bras et pose un rapide baiser sur mon front.
« Pile à l'heure comme toujours ! » lui dis je dans un sourire.
« Des années d'entrainement ma chère… » me dit elle en resserrant son étreinte sur moi.
J'ai toujours aimé me blottir contre Sara, la chaleur de ses bras est un bienêtre qui m'enivre chaque matin et je ne m'en lasse pas ! Presque chaque matin c'est le même scénario depuis plus d'un an…
Les choses se sont mises en place ainsi après une difficile affaire d'homicide sur laquelle nous avions travaillé ensemble : Elle arrive chez moi, on prend un café, parle de nos affaires en cours, on rit, on se réconforte l'une l'autre. Puis un moment après Lindsey descend, et on déjeune ensemble toutes les trois si ma fille n'a pas trainé au lit bien sûr.
Tout est réglé comme du papier à musique !
Et lorsque Sara est de repos elle vient pour passer un peu plus de temps avec Lindsey, je suis heureuse que ma fille ait quelqu'un d'aussi stable dans sa vie. Après la mort de son père elle a eu besoin de quelqu'un dans sa vie, et elle a trouvé Sara sur son chemin. Jamais je n'aurais pu imaginer que ces deux là s'entendraient aussi bien. J'avoue avoir été un peu jalouse les premiers temps ! J'avais l'impression que Sara me volait ma fille ! Mais au final j'avais tort, je me suis rapprochée de Lindsey grâce à elle.
Les choses sont simples et claires entre elles, elles s'apprécient et elles se le montrent sans retenue.
Entre la grande brune et moi, c'est loin d'être aussi simple…
Sara et moi avons été ensemble quelques temps, enfin pas vraiment « ensemble »… tout ça a été plutôt compliqué en fait. Nous avons fait quelques sorties juste elle et moi, échangé quelques gestes tendres. Tout ce cirque a duré presque 6 mois, mais ni elle ni moi n'avons jamais abordé le sujet. Je n'ai jamais eu le courage de lui demander ce qui se passait entre nous, si nous étions un couple, si je n'étais qu'un passe temps, ou bien si elle était aussi fraternelle avec toutes ses amies, ou alors s'il y avait plus entre nous ! J'avais peur de la faire fuir en la harcelant de question… J'ai donc attendu qu'elle se décide, qu'elle face le premier pas…
Nous sommes restées en statu quo pendant six longs mois, les six mois les plus heureux et les plus douloureux de ma vie. Étrange de ressentir au même moment deux sentiments si opposés… non pas tant que ça finalement. Un immense bonheur m'envahissait chaque fois que Sara me prenait dans ses bras pour m'embrasser, même si ce n'était que sur la joue, sur le front ou près de ma bouche… nous n'avons jamais échangé de véritable baiser, ce n'est pourtant pas l'envie qui m'en manquait. Et chaque fois qu'elle rompait le contact, chaque fois que ma peau était privée de la sienne, un sentiment d'angoisse s'abattait sur mes épaules, et une voix me hurlait que c'était peut être le dernier geste de tendresse que je recevais de Sara…
Et puis un jour aussi subitement que tout ça avait commencé, le flirt, les sorties, tout s'est arrêté du jour au lendemain.
J'ai alors compris que Sara n'était pas prête à s'engager, qu'elle n'était pas prête pour nous, ou alors qu'elle n'était tout simplement pas intéressée par moi de cette façon là. Je pensais qu'après ça elle s'éloignerait de moi, mais elle a fait de réels efforts, pour moi mais aussi pour Lindsey. Et curieusement même si nous avons arrêté notre petit flirt, nous sommes restées très proches, et une vraie complicité est née entre nous !
Bien sûr j'espère plus de toute cette histoire… beaucoup plus ! Mais Sara ne semble pas le comprendre, ou du moins elle évite soigneusement le sujet ! Même si tout n'est pas encore très clair entre nous, nous passons de merveilleux moments ensemble, quelques disputes éclatent parfois, après tout on est en train de parler de Sara et moi, mais la plupart du temps nous gérons plutôt bien les choses, même s'il y a encore quelques ratés !
Petit à petit j'apprends à apprivoiser Sara…Et je remercie tous les jours le ciel qu'elle face partie de ma vie et de celle de ma fille.
« Notre petite princesse dort encore ? » me demande Sara en me relâchant avant de se diriger dans la cuisine et de prendre un donut dans le sac qu'elle a posé sur le comptoir.
J'aime la voir aussi à l'aise chez moi, j'aime qu'elle ait ses habitudes, j'aime sa présence ici !
« Elle ne fera pas surface avant au moins une bonne heure »
« Cette gamine est une véritable marmotte ! » dit-elle en prenant place sur l'un des sièges près du comptoir de la cuisine « Elle ne tient pas ça de toi c'est sur » glousse la grande brune.
« Ca doit sûrement lui venir de son père… » je ricane nerveusement. Je n'ai pas vraiment très envie de parler de mon ex mari, ni du patrimoine héréditaire qu'il a laissé à ma fille. Je fonce sur la machine à café avant de déposer une tasse brûlante devant Sara. « Alors tu bosses sur un truc intéressant en ce moment au labo ? » je lui demande pour changer de sujet.
Sara sait qu'Eddie n'est pas mon sujet de discussion favori, elle se plie donc volontiers au jeu : Comment changer de sujet avant que Catherine n'explose.
« Bof rien de génial, j'avais une tonne de dossiers en retard et Gil m'a bouclée au labo pour que je finisse toute cette paperasse… »
« Et tu as réussi ? » je lui demande faussement intéressée.
« Réussi quoi ? Oh la paperasse ! Et bien oui après une semaine enfermée au labo, je suis enfin libre de retourner sur le terrain ! »
« Félicitations ! Ça se fête un événement pareil » je lui adresse un clin d'œil.
« Et comment ! » m'approuve Sara d'un hochement de tête.
« Je te prends avec moi sur ma prochaine affaire »
« Sérieux ?! » me demande-t-elle les yeux aussi brillants que ceux d'une gamine le jour de Noël. Elle sait tout comme moi qu'étant sa supérieure, Gil et moi sommes toujours informés en premier lorsqu'une 'grosse' affaire arrive dans nos bureaux.
« Oui sérieux ! Tu l'as mérité et puis ça fait longtemps que nous n'avons pas bossé ensemble. J'en ai un peu assez de jouer les baby-sitters pour Greg ou les arbitres entre Nick et Warrick. Tu me manques… » je lâche ma dernière phrase sans même y penser avant de réaliser ce que je viens de dire ou tout du moins ce que je sous-entends là dedans. « Enfin je veux dire que ça me manque de ne plus bosser avec toi… »
« Ca me manque aussi… » m'avoue alors Sara en rougissant légèrement.
« Alors c'est réglé, toi et moi ce soir, le rendez-vous est pris »
« Je serai là » m'assure t'elle dans un large sourire.
« Qui a rendez-vous ce soir ? » demande Lindsey en entrant dans la cuisine.
« Personne… enfin ce n'est pas un vrai rendez-vous » répond rapidement Sara visiblement gênée.
« Sara et moi avons pris un 'rendez-vous' professionnel pour ce soir » j'explique simplement les choses telles qu'elles sont.
« Oh je devrais peut-être faire ce genre de chose moi aussi si je veux une chance de passer un peu de temps avec ma mère » lance Lindsey à demi sérieuse.
« Ah ah vraiment très drôle. Tu ferais mieux d'aller prendre ta douche au lieu de dire n'importe quoi, tu vas finir par être en retard. Tu as vu l'heure ? » je la rappelle à l'ordre.
« Bien Her Commandant ! Est-ce que tu m'accompagnes au lycée ce matin ? » me demande ma fille en quittant presque déjà la pièce.
« Oui je t'accompagne mais pour l'amour du ciel va t'habiller on va vraiment finir par être en retard » je soupire.
« Ok, ok respire m'an j'y vais ! A demain soir Sara » hurle ma fille qui est déjà dans l'escalier.
La grande brune tourne alors vers moi un regard interrogateur : « Demain soir ? »
Je glousse nerveusement.
« C'est mon anniversaire demain… »
« Ça je le sais, mais je ne vois pas le rapport avec demain soir ? »
« J'aurais voulu faire une sortie avec Linds et toi, mais j'aurais du t'en parler plus tôt, tu dois avoir un truc de prévu, après tout c'est vendredi soir demain… ou alors si tu n'as pas envie de venir je peux comprendre. De toute façon c'est Lindsey qui a insisté pour faire cette sortie. Personnellement je n'avais aucune envie de fêter une année supplémentaire, je suis trop vieille pour ça et puis fêter quoi hein ? Le temps qui ravage mon visage et me fait devenir une vieille femme… » je soupire.
Sara me fixe un moment dans le silence avant de poser sa main sur la mienne et comme toujours je suis foudroyée sur place.
« Je serais ravie de sortir avec Lindsey et toi, et ton visage est parfait tu n'as rien d'une vieille femme, tu es très belle Catherine… »
Pendant une seconde j'aurai juré que Sara avait été troublée par mon regard croisant le sien mais comme toujours j'ai dû me faire une fausse idée sur ce qui passait dans son regard, elle est parfois si difficile à comprendre et pourtant dans d'autres circonstances je la comprends sans qu'elle n'ait besoin de dire le moindre mot. En tout cas l'entendre dire qu'elle me trouve très belle me touche en plein cœur.
« Merci c'est gentil de sacrifier ton vendredi soir à une pauvre vieille femme » je ris doucement.
« Ça me fait plaisir et puis c'est bien ce qu'on sensées faire entre amies non ?! Je ne suis pas très douée à ce jeu là… »
« Tu t'en sors très bien » je grince des dents et retire ma main de la sienne.
Amies…
J'avais presque oublié ça… j'ai souvent tendance à oublier que Sara me voit simplement comme une amie, je suis même en liste pour devenir sa meilleure amie à ce train là, mais ce n'est pas ce que je veux, enfin ce n'est pas seulement ce que je veux. Pendant un temps j'ai bien cru que Sara et moi pourrions former un vrai couple mais après tout juste six mois, la grande brune a semblé se désintéresser du projet…
Et voilà où j'en suis aujourd'hui : dans ma cuisine avec la femme que j'aime alors qu'elle me voit simplement comme une amie…
Bravo Willows, ça c'est du progrès !
J'en arrive parfois à regretter le bon vieux temps où on se hurlait dessus dans les couloirs alors c'est dire à quel point cette situation de 'amie-amie' ne me convient pas, mais alors pas du tout ! Je pourrais changer les choses, mais je n'ai tout simplement pas le courage de dire la vérité à Sara, à quoi bon ?
Je préfère me bercer d'illusions en me persuadant que c'est mieux que rien de l'avoir près de moi, qu'elle fait tout de même partie de ma vie, que c'est mon amie et bla, bla tout ça n'est qu'un ramassis de conneries sans nom, mais c'est la seule chose qui me permet encore de garder un semblant de contrôle face à la situation et de ne pas me jeter sur Sara comme une furie.
Je sais que bientôt arrivera le jour où toutes ces foutues conneries et illusions ne me suffiront plus et je finirai par dire à Sara que j'ai des sentiments pour elle. Et ce jour là ça en sera fini de la belle amitié Catherine/Sara. La grande brune ne sait pas gérer ce genre de situation si je lui balance une telle bombe au visage, elle ne pourra me répondre que par les deux seules choses qu'elle connaît, la fuite ou la colère. Et pour ma part je ne suis pas pressée de faire face à l'une ou à l'autre…
« Il se fait tard Cath, je dois y aller »
La voix de Sara me tire alors de la tourmente de mes pensées.
Je la raccompagne jusqu'à la porte, avant de me hisser sur la pointe des pieds pour lui donner un baiser sur la joue.
« On se voit ce soir au labo partenaire » me dit-elle avant de quitter la maison.
J'entends sa voiture démarrer et mon cœur se serre… elle me manque déjà et la chaleur de sa joue picote encore mes lèvres.
« Je suis prête m'an » crie Lindsey en bondissant devant moi.
« Pour l'amour de Dieu Linds, tu n'as plus huit ans ! Quand est ce que tu vas arrêter de faire ça ? On ne bondit pas comme ça devant les gens ! »
« Si tu étais un peu moins dans la lune je n'aurais pas à faire ce genre de chose. Quand est ce que tu vas lui dire ? » me demande t'elle alors en croisant ses bras sur sa poitrine.
« Quand est ce que je vais dire quoi à qui ? » je ne comprends rien à ce qu'elle raconte.
« Au père noël et la fée clochette, quand est ce que tu vas leur dire que je suis leur fille biologique ! » me répond-elle avec un demi sourire sur le visage.
« Je suis désolée mais que ça te plaise ou non tu es ma fille ! Tu n'as qu'une seule mère et c'est moi ! Quand à ce que je dis ou non et à qui je le dis, ça ne te regarde absolument pas ! » je réplique un peu plus sèchement que ce que j'aurais voulu.
Lindsey perd alors son sourire et me fixe intensément avant de soupirer : « Pas étonnant qu'elle ne comprenne rien avec ton fichu caractère. Même moi qui suis ta fille, je comprends rarement tes sautes d'humeur. Je vais t'attendre dans la voiture » dit-elle avant de se baisser pour ramasser son sac de cours.
Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche que la porte claque déjà derrière elle. Ce que je peux être stupide par fois.
Je ne suis douée ni avec ma fille, ni avec Sara. J'aurais tellement de choses à leur dire à l'une comme à l'autre mais je ne sais pas comment faire… je ne peux tout simplement pas le faire !
Je ramasse mes clefs de voiture avant de rejoindre ma fille, j'ai tout à coup un mauvais pressentiment… quelque chose me dit que la journée ne va pas aller en s'améliorant…
J'espère que j'ai tort… j'espère vraiment que j'ai tort… Pourtant l'étrange frisson qui vient de courir sur ma nuque m'indique clairement le contraire.
Chapitre 2 : Sara
Et merde…
Non va falloir que je me décide, soit on est amies, soit on est plus…
Bon bien sûr on peut être les deux, mais il faut tout de même qu'on soit sur la même longueur d'ondes, et pour cela il faut définir les choses et ne pas tourner autour du pot !
De quoi est ce que je parle, vous me demandez ?
De Catherine, je parle de Catherine. Pendant six mois j'ai décidé de passer à l'action, on s'était bien rapprochées et j'avais envie de plus… j'ai envie de plus…
Mais voilà la vie a décidé de m'envoyer une balle courbée… Ma mère est sortie de prison pour bonne conduite après avoir passé 2 ans en institut psychiatrique et 22 ans en prison.
Je ne suis pas mécontente, comme Charlie – mon plus grand frère, me l'a tant fait comprendre, c'est notre mère et elle a fait des choix par le passé qu'on a le droit de ne pas cautionner, mais ses choix nous on offert une chance d'avoir une vie normale. Charlie a toujours été très ferme sur ce point, c'est du passé alors ça ne sert à rien de ruminer toutes ces choses, elle a payé sa dette, on lui doit la vie, et une famille ça reste soudée quoiqu'il arrive.
Mes frères et moi on a rendu visite souvent à notre mère lorsqu'elle était enfermée. Mais voilà, le fait qu'on ait eu à grandir sans elle, en grandissant, je ne la vois pas comme une mère mais comme une étrangère à laquelle je suis liée. On n'a pas vraiment de lien proche. Maintenant qu'elle est libre tout est à faire. Charlie, Allan, Chris et moi sommes allés la chercher à sa sortie et pour le moment elle vit chez Charlie qui est toujours en Californie. J'ai pratiquement fui après le week-end alors que mes frères sont restés pendant deux semaines.
C'est pour ça que j'ai mis de la distance entre Cath et moi, ce n'est pas que je ne veux pas d'une relation avec elle, mais juste qu'avec le retour de ma mère dans ma vie, j'ai besoin de me concentrer sur nos nouveaux rapports, ou simplement construire un rapport normal.
Ce qui n'empêche que dès que je suis avec Cath… j'ai envie de l'embrasser, de la prendre dans mes bras… je suis en pleine contradiction je le sais mais j'y peux rien malgré mon désir d'être raisonnable, mes sentiments ont tendance à ressortir… ils deviennent toujours plus forts malgré la distance que je me force à instaurer entre nous.
En parlant de Catherine, je viens juste de la quitter après notre petit moment privilégié de la journée. Je n'avais pas vraiment envie de partir, mais bon, ça commençait à devenir un peu trop émotionnel à mon goût, alors me voilà dans ma voiture à conduire pour me rendre chez moi.
Quand j'arrive, je prends une douche et me change dans quelque chose de plus confortable. Mon esprit n'a pas quitté Catherine, il faut vraiment qu'on parle, ou du moins que je lui fasse savoir que j'ai envie de quelque chose entre nous, mais que pour le moment j'ai beaucoup à faire dans ma vie. Je peux gérer la pression, mais gérer ma mère et une relation avec Catherine… ça relève de l'effort titanesque, et je connais mes limites donc…Je vais lui parler ce soir pendant notre pause, je vais tout lui expliquer, je ne veux pas qu'elle ait la sensation que je joue avec ses sentiments ou que je ne suis pas intéressée.
Je suis sur le point de m'endormir quand mon téléphone sonne.
« Allô ? »
« Hey Jazz, » la voix de Charlie me salut. Jazz, c'est mon surnom parmi mes frères, je ne me souviens plus pourquoi d'ailleurs.
« Charlie…tu sais que je t'adore mais ton timing craint. »
« Il est 10h passé, ce n'est pas la mort. »
« Je te rappelle que je bosse de nuit alors t'empiètes sur 'ma nuit' pour ainsi dire. »
« Oh…ouais désolé, » je ricane doucement et attends qu'il m'indique l'objet de son appel. « Tu n'appelles jamais, je sais que t'as du mal à t'ajuster mais un coup de fil de temps à autre ne serait pas du luxe, » il entre dans le vif du sujet sans faire de détour. « Ça fait trois semaines et tu n'as même pas appelé pour prendre de ses nouvelles, tu t'es enfuie dès que tu as pu. »
Je déteste mon frère Charlie pour sa façon de toujours me rappeler à l'ordre, même s'il est vrai que j'ai besoin de coups de pied au cul de temps à autres.
« Charlie… »
« Non, sœurette, c'est une des choses que je t'ai apprise quand on était gosses, fuir le problème ne le résoudra pas. On est tous un peu bancales par rapport à la situation, nous aussi on doit s'ajuster, et nous aussi on a dû faire une vie sans elle pendant 24 ans, et je sais que c'est compliqué de construire une relation après ça mais si tu ne fais pas d'effort c'est pire. »
« Je sais… »
Il soupire. « Très bien, » dit-il finalement. « Je n'ai pas envie que tu t'isoles Sara, on est une famille et… »
« On doit rester soudés dans toutes les circonstances, et si l'un de nous est à la traîne on ne le laisse pas tomber… je sais, je te promets que je ne l'ai pas oublié, » je lui réponds. Je me redresse sur mon lit et m'assois. « Comment va-t-elle ? » je demande après quelques secondes de silence.
« Appelle-la pour savoir. »
« Charlie… »
« Et cette fois ne raccroche pas sans rien dire, » il me prévient, et bien que je ne puisse pas le voir je sais qu'il sourit doucement.
J'ai essayé d'appeler ma mère, plusieurs fois… malheureusement, j'ai toujours raccroché sans rien dire, même si c'est Charlie qui décroche le téléphone à chaque fois. J'aurais dû me douter qu'il comprendrait que c'était moi.
« Bon, je te laisse te reposer mais n'oublie pas ce que j'ai dit. »
« Oui, capitaine, » je réponds avec un peu d'humeur.
« C'est ça… bonne nuit, » il rit doucement.
« Bonne journée. »
Sur ce je raccroche et me repose un peu.
Ooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo
Je me réveille après quelques heures de sommeil et engage ma routine journalière, douche, habillage et compagnie, j'arrive toujours à avoir près d'une heure de temps pour moi avant de devoir aller au boulot.
Aujourd'hui je suis résolue à parler à Cath, à lui dire que oui j'ai envie de quelque chose avec elle, mais qu'il faudra qu'elle m'attende car pour le moment je ne peux vraiment pas m'engager.
Ce qui m'amène au problème numéro deux, Charlie a raison, tant que je fuirai le problème je ne risque pas de m'ajuster à la situation. J'inspire un grand coup et prends mon téléphone et compose un numéro. Mon cœur s'affole lorsque j'entends la tonalité, respire… au pire je dis juste bonjour à Charlie et je retente plus tard.
« Allô ? »
Ma voix se bloque dans ma gorge, pour la première fois ce n'est pas Charlie qui répond mais ma mère…mon cerveau vient de cesser son activité…
« Allô ? »
« Mam… Laura…Maman… » je bafouille, j'ai toujours eu du mal à l'appeler 'maman', mais l'appeler Laura m'a toujours gêné. «Hey maman, » je répète. « C'est… »
« Sara, » elle répond comme si c'était une évidence. « Ça va ? » elle demande après une courte pause.
« Oui, je…euh… »
« Ne t'en fais pas, je te passe Charlie, prends soin de toi, » dit elle calmement.
« Non, non, en fait…c'est toi que j'appelais, » je m'explique.
« Oh »
« Ouais… je suis désolée de ne pas être restée plus longtemps avec vous tous, » je commence.
« Ce n'est pas grave, je comprends. »
« Je voulais prendre de tes nouvelles, avec mes horaires de boulot c'est un peu difficile d'appeler à une heure raisonnable, » bon ce n'est pas tout à fait vrai, mais je me sens suffisamment comme une fille ingrate, alors j'essaie de rattraper le coup. « Alors, comment vas-tu ? »
« Bien, je te remercie, j'ai beaucoup de mal à m'adapter à la liberté, mais ça va. »
« Tu nous as toujours dit de progresser un jour après l'autre. »
« C'est vrai, » même si je ne peux pas la voir je sais qu'elle sourit timidement.
Un long silence s'installe entre nous, c'est dur de trouver les mots justes, surtout si on considère qu'on a passé plus de 20 ans à discuter à travers une vitre, et jamais plus de 15 minutes.
« Merci d'avoir appelé, je ne vais pas te retenir, je suis sure que tu as à faire, » elle m'offre une échappatoire.
« Ouais, je dois aller au boulot, » j'acquiesce. Une fois encore le silence s'installe, aucune de nous ne sait quoi faire – même s'il ne s'agit pas d'un problème de physique quantique.
« Tu vas être en retard, » elle dit doucement.
Il y a comme une force invisible qui m'empêche de raccrocher. Je ferme mes yeux fermement et reprends la parole sans savoir ce qui me pousse à faire ma proposition. « Maman ? »
« Oui ? »
« Charlie m'a dit que vous iriez peut être à Chicago rendre visite à Allan et sa famille et… je me disais que vous pourriez faire un saut à Vegas… passer quelques jours ou semaines avec moi… je sais que Vegas est très bruyant, mais c'est une chouette ville et… il y a beaucoup de place dans mon appart… » je me retrouve à retenir ma respiration. Je ne sais pas vraiment ce qui est le plus terrifiant, qu'elle accepte ou me rejette.
« Tu n'es pas obligée Sara »
« Oui, je sais, mais… ça me ferait vraiment plaisir de te voir, d'autant plus que je ne sais pas quand je pourrais faire un saut en Californie. »
« Tu vas vraiment être en retard, on reparlera de ça une autre fois, » elle refuse mon offre gentiment et je dois l'admettre ça me fait mal. « Mais je vais en toucher un mot à ton frère tout à l'heure, » elle ajoute, ce qui me met instantanément du baume au cœur, bon ce n'est pas si mal après tout. « Maintenant file au boulot. »
« Oui madame, » je réponds comme on le faisait quand nous étions gosse.
« Sois prudente. »
« Promis madame, à bientôt. » et sur ce je raccroche.
Bon, c'est toujours maladroit mais au moins j'essaie.
Je me rends au boulot avec la satisfaction de prendre enfin les devants pour que les choses reviennent à la normale, maintenant il ne me reste plus qu'à m'occuper de Catherine, et tout sera en bonne voie.
Quand j'arrive au labo je suis en avance – pas de grande surprise ici, je décide donc de faire le tour des différents labos pour dire bonjour à mes collègues, ceux qui ne tarderont pas à partir et ceux qui commencent tout comme moi. Je finis ma ronde avec le labo d'informatique.
« Hey Woody, » je salue chaleureusement notre technicien informatique.
« Hey Sara, » il me salue en retour avec beaucoup de fatigue.
« Ooh, quelqu'un est en train de brûler la chandelle par les deux bouts. »
« M'en parle pas, » il ricane doucement, j'entre et lui tends une tasse de café chaud avant de m'asseoir à ses côtés.
« Alors, comment est ce que le transfert avance ? » je lui demande.
Le labo est en train de créer un réseau plus puissant et mieux organisé avec toutes les données de toutes les affaires qui ont été traitées depuis les débuts du labo. Cette création sous entend un transfert de données puis une mise à jour, du tri… bref un travail titanesque.
« Ça prend un temps monstrueux, en plus il faut qu'on procède de manière méthodique pour que vous puissiez bosser tranquillement. Et donc là les seules données utilisables sont celles qui ont moins de trois ans. Ça fait des semaines qu'on est dessus et on a à peine procédé un dixième de toutes les données. »
« Bon sang, je savais que c'était un travaille titanesque mais je pensais que ça irait quand même à un rythme de croisière. »
« T'es pas la seule crois moi, mon équipe et moi on fait du non stop, si on ne faisait pas une rotation sur 24h ça prendrait deux fois plus de temps. »
« C'est dingue, heureusement qu'on ne fait pas ça tous les ans. »
« Non, et c'est bien parce que c'est la première fois que ça prend autant de temps, et pense qu'il y a une équipe qui se charge de mettre sous forme électronique des documents qui ont toujours été aux archives. Bon, le point positif c'est qu'avec le nouveau réseau, il y aura déjà au moins trois back up et que si jamais ils veulent refaire un transfert complet ça prendra au plus trois mois. Alors que là j'estime qu'on en a pour au moins neuf mois et je suis généreux parce que c'est supposer qu'on aura aucun gros pépin, » il a beau être visiblement fatigué, son moral est toujours au beau fixe.
« Ouch, » je grimace.
« Ouaip, mais le jeu en vaut la chandelle, et puis ça me donne l'occasion de passer un peu de temps en ta compagnie, » il me lance un sourire charmeur. « Tu me dois toujours une bière et un billard ma belle, » il me fait un clin d'œil.
« On peut dire que tu ne perds pas le nord toi, » je réponds avec un grand sourire.
Woody est vraiment un type cool, toujours de bonne humeur, un bon caractère, un immense sens de l'humour et de la répartie, grand, svelte mais musclé et des yeux verts à en faire pâlir plus d'une et un charisme indéniable. Il est arrivé au labo deux ans avant moi, mais on s'est tout de suite bien entendu. Il est souvent de la partie quand je sors avec les gars de l'équipe ou quand on organise des fêtes, et il est vrai que pendant certaines soirées il nous est arrivé de flirter, voire plus selon le moment, mais bon c'est toujours plus dans l'esprit 'd'amis avec bénéfices' que relation stable, et ça nous convient à tous les deux. En plus, on est sur la même longueur d'ondes sur ce sujet, on s'amuse rien de plus rien de moins, pas de prise de tête, pas d'attentes.
Ben oui quoi, j'ai une vie contrairement à ce qu'on peut croire. Moi aussi il m'arrive de m'amuser, j'ai des désirs comme tout le monde et des envies. Oui, j'ai des sentiments pour Cath, des sentiments que je ne saurais nommer pour le moment et qui se sont développés récemment. Oui, je veux une relation avec elle, mais bon je n'ai jamais été du genre à faire vœux de chasteté quand je suis en célibat, je n'ai qu'une vie et je me suis toujours forcée à en profiter. Pour autant je n'en suis pas non plus à me jeter sur les premiers venus – hommes, femmes ça n'a pas d'importance, mais je profite de la vie avec raison.
« Ben écoute, je vais voir avec les autres si on peut se faire une sortie ce week-end comme ça je te mets la pâtée au billard et tu paieras ta tournée, » je ris.
« Cool »
« Bon, ce n'est pas tout ça mais mon service va commencer, je te vois à la pause, et ménage toi un peu, » je lui dis un posant une main sur ses épaules.
« Entendu, à plus tard et sois prudente sur le terrain, » il me lance avant que je ne quitte la pièce.
Je me rends à la salle de repos et une fois n'est pas coutume Cath est la première et elle est seule, la chance me souris, je vais profiter de cette opportunité pour préparer le terrain pour une future discussion.
« Salut Cath ! »
« Salut toi, t'es d'une extrême bonne humeur on dirait, » elle me sourit radieusement en retour.
« Oui, je viens juste de voir Woody, » je déclare. Woody a cet effet, un peu comme Greg, il a une bonne humeur contagieuse. Je rêve peut être mais son sourit s'estompe légèrement pendant une seconde avant de se remettre en place.
« Ah, cool, » elle se racle la gorge. « Et il va bien ? »
« Comme un charme, tu le connais, toujours de bonne humeur. D'ailleurs ce week-end on devrait aller se faire un billard avec les autres, si t'es partante. »
« Ça dépendra de mon planning avec Linds, mais pourquoi pas, » elle répond avec un enthousiasme plus que contenu.
Je préfère ne pas relever, je me dis qu'elle est peut être un peu dépitée parce qu'elle ne peut pas toujours nous suivre lors de nos escapades, de toute l'équipe il est vrai que c'est elle qui a des responsabilités familiales.
Je nous sers un café et m'assois à ses côtés en lui offrant un mug. « Comment ça va ? » je lui demande.
« Bien depuis tout à l'heure. »
« Cool, » je hoche la tête. Je décide de ne pas tourner autour du pot. « Écoute puisqu'on a un moment, j'aimerai te parler. »
« Ooh là, t'as l'air sérieuse. »
Je souris, histoire de me détendre. « Est-ce que je peux t'inviter à déjeuner, rien que toi et moi, il y a certaines choses que j'aimerais te dire, mais je pense que c'est mieux si on ne fait pas ça au labo. »
« Tu m'effraies vraiment là, c'est grave ? »
« Non, pas du tout, mais c'est important pour moi. C'est à propos de nous. »
« Oh… »
« Alors… tu es d'accord pour le déjeuner ? »
« Euh, oui bien sûr. »
« Parfait, » je souris avec soulagement.
Mon téléphone sonne, et interrompt notre moment. « Sidle. »
« Hey beauté, tu me manques déjà, »la voix à l'autre bout de la ligne ricane.
« Mais toi aussi tu me manques Woody, » je réponds sur le même ton.
« T'as fait tomber ton beeper chez moi, comment veux tu que je t'envois des messages coquins après ? »
« J'ai une meilleure question, comment pourrais-je survivre à ma journée sans tes messages coquins ? »
« Touché, »il rigole doucement.
« Bon j'arrive tout de suite mon cœur, » et sur ce je raccroche.
Je me tourne vers Catherine. « Je reviens, » je lui lance avant de quitter la salle de repos.
Chapitre 3 : Catherine
« Salut Cath ! »
Sara entre dans la salle de repos, rien que de la voir avec le sourire fait que mon cœur bat la chamade. Bon sang, je suis vraiment dingue d'elle, comment elle a réussi à me charmer en l'espace de six mois ça m'échappe, mais c'est un fait, je suis dingue d'elle.
« Salut toi, t'es d'une extrême bonne humeur on dirait, » je l'accueille avec un sourire.
« Oui, je viens juste de voir Woody, »
Je sens mon sourire faiblir mais je me force à garder mon expression enjouée.
Woody…
Rien que la mention de son prénom me donne la nausée. C'est un des gars du labo, c'est Warrick qui l'a introduit au labo. Woody a tout pour plaire, il est beau, gentil, il a une personnalité en or, c'est un excellent ami, il a un humour du tonnerre, et question boulot il est dédié, méticuleux et efficace. A vrai dire je l'ai toujours bien apprécié… du moins jusqu'à ce que je dénote en lui un défaut rédhibitoire… Sara.
Je comprends son attirance pour elle, je suis bien placée pour la comprendre… mais rien que le fait de penser que lorsqu'on se fait une soirée, il l'embrasse, flirte avec elle… et même s'il a toujours été un gentleman et n'a jamais dit haut et fort avoir couché avec Sara, je sais que c'est le cas. Je sais aussi que ça n'est pas arrivé qu'une seule fois. Et ça…. ça, ça me fout en rogne. Alors forcément, j'ai réduit mes sorties avec le groupe parce que de le voir se prendre ses aises avec ma Sara, ça me rend malade, autant dire qu'il est sur ma liste noire.
« Ah, cool, » je réponds en me raclant la gorge. « Et il va bien ? » je fais semblant de me soucier de son bien être, pour être franche autant que je l'apprécie, ce cher Woody pourrait se casser les deux bras et être en arrêt de travail plusieurs mois sans que ça me fasse si mal au cœur.
« Comme un charme, tu le connais, toujours de bonne humeur. D'ailleurs ce week-end on devrait aller se faire un billard avec les autres, si t'es partante. »
« Ça dépendra de mon planning avec Linds, mais pourquoi pas, » bizarrement je pense que je serais prise ce soir là… enfin, je dis ça, je ne dis rien.
« Comment ça va ? » elle me demande après m'avoir offert un mug de café.
« Bien depuis tout à l'heure. »
« Cool, » elle hoche la tête. Je me sens toute excitée maintenant que je suis le centre de son attention, j'aime ça. « Écoute puisqu'on a un moment, j'aimerais te parler. »
« Ooh là, t'as l'air sérieuse, » je garde un ton léger, mais j'appréhende ce qu'elle a à me dire.
« Est-ce que je peux t'inviter à déjeuner, rien que toi et moi, il y a certaines choses que j'aimerais te dire, mais je pense que c'est mieux si on ne fait pas ça au labo. »
Ça n'a pas l'air d'être une bonne nouvelle. Je crois vraiment que je vais être malade. Mais de quoi veut-elle me parler.
« Tu m'effraies vraiment là, c'est grave ? »
« Non, pas du tout, mais c'est important pour moi. C'est à propos de nous. »
« Oh… » Nous ?... Oh non, non, non, je panique là, je ne la sens pas cette conversation. En gros ce qu'elle vient de dire c'est 'il faut qu'on parle'…il n'existe aucune bonne conversation qui commence par 'il faut qu'on parle' c'est une règle universelle… merde…
« Alors… t'es d'accord pour le déjeuner ? »
« Euh, oui bien sûr, » j'articule tant bien que mal alors que mon cerveau est en surchauffe.
« Parfait, » elle me sourit, puis son téléphone sonne. « Sidle, » elle répond sur un ton professionnel. « Mais toi aussi tu me manques Woody, » elle ajoute… je vais le buter, je vais lui casser les bras comme une grande et je ferai en sorte que ça ait l'air d'un accident. « J'ai une meilleure question, comment pourrais-je survivre à ma journée sans tes messages coquins ? »
Quoi ? C'est quoi ce délire, il lui envoie des… je vais lui péter les jambes en plus. Mais quel connard !
« Bon j'arrive tout de suite mon cœur, » ajoute-t-elle avant de raccrocher. Je vais vomir, je vais le buter et ensuite je vais vomir.
« Je reviens, » elle me lance avant de sortir pour rejoindre l'autre tâcheron.
Attendez un peu…
Oh non, je sais… je sais de quoi elle veut me parler. Elle veut me dire que la raison pour laquelle elle a mis un frein à toute potentielle relation 'plus qu'amicale' entre nous c'est parce que Woody et elle ont enfin décidé d'officialiser ça.
Pourquoi, mais pourquoi bon sang ?! Il peut avoir toutes les femmes qu'il veut – c'est à peine si elles ne font pas la queue pour se jeter dans ses bras, alors pourquoi ce gros naze a jeté son dévolu sur Sara ? Pourquoi, bordel ?!
Tu m'étonnes que je n'aie aucune chance. Il est jeune, athlétique, élégant… je passe pour un boudin à côté de lui, un vieux boudin en plus. Et puis, je ne parle même pas de l'union cérébrale entre lui et Sara, parce que bien sûr il en a dans la caboche, ce crétin. Il a des connaissances aussi étendues que Sara alors parfois ils sont dans leur petit monde tous les deux. Une raison de plus pour moi de ne plus vraiment l'apprécier.
Rien que de les savoir ensemble ça me fait mal partout à l'intérieur, au cœur surtout…Oh bien sûr je me fais peut être des films… mais j'en doute.
Si ce n'est pas pathétique, pour une fois que je trouve quelqu'un de bien, je ne suis pas à la hauteur.
« Ben dites moi, t'en fais une de ces têtes, » dit Warrick en entrant dans la salle de repos suivi de Nick et Greg.
On discute et se chahute gentiment en attendant que Grissom nous donne nos missions, bien que je rigole avec les garçons je ne peux m'empêcher de remarquer que Sara n'est toujours pas revenue… Mon imagination fertile commence à me jouer des scénarios où elle et Woody se sont isolés dans un labo reclus pour… ok arrêtes ça Catherine ce n'est pas du tout une bonne idée.
« Les enfants, on se calme, » Grissom déclare avant de commencer à nous attribuer une enquête. « Nicky boy et Greg, braquage, Warrick et Catherine… homicide, » il nous tend nos petits papiers roses tout en parlant. « Et Sara… où est Sara ? »
Avec Woody en train de… j'ai dit stop !
« Je suis là, désolée, j'ai été distraite, » elle sourit radieusement, je pourrais jurer que l'étincelle dans ses yeux n'était pas là tout à l'heure. Je serre les dents et affiche un sourire plutôt que de me laisser tenter par mes pulsions meurtrières.
« Qu'est ce que j'ai ? » elle interroge Grissom.
« Disparition, » il lui donne le papier rose.
« C'est une blague ? »
« Non, ça te laissera le temps de me faire la paperasse que tu as en retard, » Sara est sur le point de protester, après tout elle m'a dit qu'elle avait fini sa paperasse ce matin lors de notre petit déjeuner. Grissom la coupe dans son élan « Il me manque 3 rapports dans ceux que tu m'as donné hier. » il sourit comme un gamin qui vient de faire une bonne farce, quant à Sara elle geint comme une gamine qui vient de se voir refuser une sortie. « Au boulot les enfants, et soyez prudents, » il nous encourage avant de quitter la salle de repos.
« Ça craint, » Sara gémit de plus belle, elle est adorable quand elle régresse.
« Sara est punie, » Nick glousse.
« T'en fais pas ce n'est pas si terrible d'être dans la cage, » Greg surenchérit. Sara donne un coup de poing léger sur l'épaule de Greg, une tape derrière la tête à Nick et lance un regard noir à Warrick si jamais il avait la bonne idée de les suivre.
« Hey ! » se plaint Greg en se frottant l'épaule. « Ben si c'est comme ça, je vais sur le terrain… moi, » il rit en lui tirant la langue.
« Tu me le paieras Sanders, » Sara le menace avec un sourire. « Oh, j'oubliais, billard avec Woody ce week-end, ça vous dit ? »
« Cool, » ils répondent à l'unisson sauf moi qui bous de l'intérieur.
« Bon ce n'est pas tout ça, mais on a un cadavre qui nous attends, » j'annonce avant de prendre les devants et de sortir de la pièce. « A plus tard, » je lance par-dessus mon épaule histoire de ne pas gâcher l'atmosphère.
Tout le monde se sépare et vaque à ses occupations.
Je le savais en partant de chez moi, j'avais sentis que cette journée serait pourrie.
« Tu devrais faire gaffe, » me prévient Warrick quand on monte en voiture.
« De quoi tu parles ? »
« Tu deviens verte quand tu as une poussée de jalousie et ce n'est pas vraiment sexy. »
« Oh ça va, la ferme, » je roule mes yeux avant de rire doucement. Warrick étant mon meilleur ami, il lit en moi comme dans un livre ouvert, il ne lui a pas fallut longtemps pour comprendre que j'étais depuis peu attirée par Sara. Ce n'est pas une mauvaise chose, au moins j'ai quelqu'un à qui parler.
« Je suppose donc que les choses sont toujours au point mort, » il continue alors que je commence à conduire.
« Oui, mais elle veut qu'on parle donc… »
« C'est une bonne chose non ? »
« Mon instinct me dit qu'elle va m'annoncer qu'elle a trouvé chaussure à son pied, mais pas en ma personne. »
« Ouch, » il grimace.
« Ne m'en parle pas. »
« Comment tu te sens ? » il me demande avec affection.
« Désorientée… meurtrie, je suppose. En six mois elle a pris mon cœur en otage et sans le vouloir elle va peut être le briser. C'est la première fois que je m'attache si vite et à un tel niveau à quelqu'un. Je suppose que je ne peux pas vraiment lui mettre tout sur le dos, j'ai eu une occasion pendant six mois et je ne l'ai pas saisie, de peur d'être rejetée ou de l'effrayer, résultat des courses elle a été voir ailleurs… » je soupire. « Mais aussi cliché que ça en a l'air je veux qu'elle soit heureuse, bon bien sûr j'aimerais être celle qui la rend heureuse, mais si elle trouve son bonheur dans les bras de quelqu'un d'autre je l'accepterai. »
« Ne t'avoues pas vaincue si vite, peut être que tu envisages le pire, et que tes chances sont toujours là. »
« Quand mon cœur est en jeu je préfère envisager le pire, c'est une façon de limiter les dégâts. »
« C'est une bonne politique je suppose, fais quand même gaffe à ne pas devenir pessimiste. »
Je renifle avec un sourire. « Et toi les amours ? »
« Mon divorce est maintenant officiel et chose étrange ça ne me chagrine pas tant que ça, preuve que finalement mon mariage s'est révélé être une impulsion, bonne pour la majeure partie du parcours, qui a perdu tout dynamisme. Je pense que si je retente l'expérience je ferai ça de manière plus posée. »
« Clairement, » j'acquiesce.
On continue de discuter jusqu'à notre scène de crime puis on se met au boulot.
Chapitre 4 : Sara
Je ne suis pas fan des cas de disparition. Non pas que je considère qu'il y a des cas plus importants que d'autres, seulement les cas de disparitions sont vraiment coton, surtout si la disparition n'est pas récente. C'est toujours une course contre la montre ou contre le temps, et autant dire qu'on ne cherche pas une aiguille dans une botte de foin, mais une aiguille dans des milliers de bottes.
J'entre dans la salle où m'attend un parent de la victime. C'est un jeune homme d'une vingtaine d'années, les cheveux ébouriffés de manière calculée, il porte un costume noir, une chemise rouge sombre et une cravate de soie bleue.
« Bonjour, je suis Sara Sidle, » je me présente de manière chaleureuse en lui tendant la main.
« Bonjour, Mademoiselle, je suis Angus O'Neil. »
Il a des traits juvéniles, mais des yeux perçant d'un vert intense.
« Mon histoire est un peu compliqué mais je vais essayer de faire de mon mieux, » il commence, incertain.
« Prenez votre temps, » je le rassure avec un rictus. « Est-ce que je peux vous offrir un café ou quelque chose d'autre à boire avant qu'on ne commence ? »
« Non, merci. »
Je prends un bloc note et le pose sur la table, puis je lui fais signe qu'il peut commencer.
« Ma grande sœur a été tuée il y a de ça quinze ans. Elle a été tuée ici, poignardée à Vegas, d'après ce que je sais, c'est votre labo qui s'est chargée de l'affaire, » il s'interrompt quelques instant. « Elle s'appelait Jamie O'Neil, elle était stripteaseuse… danseuse exotique. Ça a été difficile de retrouver sa trace parce qu'elle utilisait son deuxième prénom et le nom de jeune fille de notre mère, alors peut être que le nom de Stéphanie Watson vous parle. »
Il me faut quelques instants pour faire la connexion. Je sais qu'il y a quelques années de ça Catherine a travaillé sur la réouverture de l'affaire, et il s'est avéré que son mentor Jimmy Tadero avait falsifié des preuves par jalousie.
« Oui effectivement, ça me parle. »
« On avait 15 ans d'écart mais le peu de souvenirs que j'ai d'elle sont toujours liés à une certaine joie, » il sourit en se perdant dans ses pensées. « Mes parents ont en quelques sorte répudié Jamie… Stéphanie à cause des choix qu'elle a faits. Partir de la maison pour Vegas et être une figure de la nuit… bref ils l'ont considérée comme morte bien avant que ce ne soit une réalité. Elle était un sujet tabou chez nous, on ne parlait pas d'elle et elle n'était pas la bienvenue dans sa propre famille. Si je n'avais pas eu mes cousins je n'aurais pratiquement jamais connu ma sœur, grâce à eux je pouvais la voir de temps en temps quand elle rendait en visite. »
Il marque une longue pause assurément sous le coup de l'émotion.
« Quoiqu'il en soit malgré cette situation elle écrivait à mes parents tous les trois jours, d'importantes lettres sur sa vie à Vegas et autre. Mes parents ne les lisaient jamais, mais ils ne se sont jamais résolus à se débarrasser de ces lettres. Quand elle est morte ça n'a pas vraiment fait de vague à la maison, et ils n'ont jamais voulu me parler d'elle ou de quoi que ce soit d'autre. Mes parents sont décédés d'un accident de la route il y a trois ans de ça. J'ai enfin pu lire les lettres de ma sœur, et c'est comme ça que j'ai découvert qu'elle avait eu un enfant. »
Il déclare finalement, je commence à comprendre là où il veut en venir.
« Mes parents n'ont jamais lu ses lettres, et quand ma sœur est morte ils se sont désintéressés de son sort, encore une fois si ce n'était pas pour mes cousins elle n'aurait même pas eu d'enterrement. Bref… j'ai découvert qu'elle a eu un enfant, j'ignore avec qui, ni même s'il est en vie. Tout ce que je sais c'est que c'est une fille, elle l'appelait 'sa précieuse princesse' dans ses lettres, » il sourit tendrement.
« Je n'ai jamais cessé de penser à ma sœur, et si j'avais été plus grand les choses auraient été différentes. Aujourd'hui j'ai 20 ans… bientôt 21 et je veux retrouver ma nièce, je veux savoir si elle est toujours en vie, si elle vit dans de bonnes conditions… Elle est ma seule famille directe et mon seul lien avec ma sœur. »
« Je comprends parfaitement votre position, mais vous devez comprendre que dans les cas de disparition, il s'agit d'une course contre la montre, après quinze ans et avec le peu d'informations à disposition il sera plus que difficile d'obtenir un résultat probant, » je parle enfin.
« Je réalise bien qu'après autant d'années c'est une mission quasi-impossible, mais je refuse d'abandonner mes recherches, je ne peux pas laisser tomber ma sœur, en tout cas pas avant d'avoir tout tenté. »
« Tant que vous êtes conscient des risques tout va bien, » il acquiesce silencieusement.
« J'ai ça, ce sont les quelques photos d'elle et de sa princesse, » dit il en me tendant les photos. « Je pense qu'en fouillant chez moi je devrais pouvoir retrouver des choses appartenant à Jamie. »
« Si vous trouviez ce serait parfait. »
« Y a-t-il autre chose que je puisse faire ? »
« Si jamais vous trouviez le certificat de naissance de l'enfant ce serait utile dans nos recherches, pour le reste on s'en occupe. Dès que vous avez des idées, des pistes quelconques, n'hésitez pas à m'appeler, jour et nuit, voici ma carte »
« Je vous remercie. »
« Je ne garantie pas de résultat mais vous avez ma parole que je ferai tout mon possible. »
« C'est tout ce que je demande. »
Angus et moi discutons encore un peu afin qu'il m'informe des pistes qu'il a suivi jusqu'ici et des endroits où je pourrais chercher. Je me dis qu'au moins j'ai un atout dans ma manche : Catherine.
Après avoir fait un saut aux archives pour obtenir des infos quant au club où Stéphanie dansait, je me suis mise en route. Catherine étant encore sur le terrain il est impossible de la mettre à contribution tout de suite.
Ma visite au club est infructueuse, le gérant un certain Tony Bright m'a expliqué qu'à l'époque il n'a jamais été très regardant de la vie privée de ses danseurs, que malgré ce qu'on pourrait croire son club est un endroit avec un certain standing, et il n'est pas et n'a jamais été un mac avec 'ses' filles.
De plus, les filles pouvaient travailler ailleurs à leur guise, du moment qu'elles étaient réglos et clean dans leur boulot lorsqu'elles bossaient pour lui, le reste était sans conséquences. Parfois si les filles trouvaient meilleures opportunités ailleurs elles ne venaient pas bosser pour lui pendant plusieurs mois, parfois c'était simplement parce qu'elles voulaient se concentrer sur autre chose. Si on considérait qu'elles pouvaient se faire jusqu'à 3000$ la semaine - pourboires et paye réunis, quand elles bossaient bien, elles pouvaient se permettre de longues période sans bosser, quant à Tony ce n'est pas les filles qui manquaient alors tout le monde y gagnait au change. En résumé, si Stéphanie a eu un enfant il n'en a jamais rien su, et de savoir qui est le père… ça ne lui évoquait rien. Cela dit il m'a promis de regarder dans ses archives s'il avait quelques affaires à Stéphanie ou des photos.
Autant dire que je suis toujours au point mort. J'ai hâte que Catherine revienne peut être qu'elle aura de meilleures infos.
Chapitre 5 : Catherine
Il nous aura tout de même fallu cinq heures pour procéder à la scène de crime, je ne suis personnellement pas mécontente de revenir au labo. Bien entendu on a encore plus de pain sur la planche maintenant, mais il y a un certain avantage à être dans un endroit propre.
« Cath ! »
Je me retourne au son de la voix de Sara. Elle s'approche de moi à tout allure, je prends tout de même une seconde ou deux pour admirer sa silhouette élancée et ce corps… ok Cath pas maintenant, c'est l'heure d'avoir une attitude et un esprit professionnels et non pas libidineux, pigé ?
« Sara, un souci ? »
« Non, pas du tout, toujours partante pour le déjeuner ? » elle me demande, la perspective de passer un moment seule avec elle me ravi… en tout cas jusqu'à ce que mon cerveau ne me rappelle à l'ordre.
« Bien sûr, » je lui souris. « Tu me laisses le temps de déposer ça dans les divers labos et je te rejoins sur le parking dans 30 minutes. »
« Parfait, à tout de suite, » elle me caresse l'épaule de la main avant de s'en aller, mes genoux se transforment en coton, bon sang, mais quel effet elle a sur moi.
« Ferme la bouche Cath, tu baves, » Warrick murmure avant de glousser.
« La ferme, » je le réprimande avant de secouer la tête.
Trente minutes plus tard je suis dans la voiture de Sara en route pour le resto de son choix. Je fais très calme en apparence mais la vérité c'est que je suis aussi excité qu'une lycéenne à son premier rendez vous… je ne vois pas pourquoi parce qu'après tout ce n'en est pas un de rendez vous justement.
Quand on arrive, Sara commande de la nourriture pour quatre alors que je me contente d'un club sandwich.
« Tu sais j'ai beau retourner la question dans tous les sens je n'ai jamais réussi à savoir où tu mettais toute cette nourriture. C'est dingue, on dirait que ton estomac est un trou sans fin. »
« Hey, je n'y peux rien si j'ai un métabolisme qui assimile tout rapidement, » elle me tire la langue et on rit toutes les deux.
On profite de quelques instants pour parler de tout et de rien mais très vite vient le moment où je ne peux pas tenir ma curiosité plus longtemps.
« Tu voulais me parler ? » je demande.
« Ah, oui, effectivement. »
« Je t'écoute. »
Bon je sais je ne devrais pas être si pressée de passer sur l'échafaud mais bon en même temps c'est inutile de vouloir retarder l'inévitable.
« C'est délicat mais je ne vais pas tourner autour du pot, » elle commence. « J'aimerai te parler de Stéphanie Watson. »
Je la regarde abasourdie, on peut dire que ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais.
« Stéphanie ?... » je répète bêtement.
« Stéphanie Watson ton amie… »
« Oui, je sais qui est Stéphanie Watson, je te remercie, » je réponds plus sèchement que je ne l'aurais voulu. « Pourquoi cette attention soudaine ? »
« J'y viens. Jamie O'Neil, de son vrai nom, Stéphanie était son second prénom et Watson le nom de jeune fille de sa mère. Bref, pour la faire courte. Jamie O'Neil avait un frère de 15 ans son cadet. Malgré un désintérêt total de la part de ses parents, Jamie leur écrivait plus que régulièrement avec des lettres où elle racontait sa vie à Vegas. Ses parents ne prenaient même pas la peine de lire ses lettres. Or il y a un peu plus de trois ans de ça ils sont décédés, le frère de Jamie, Angus, a trouvé les lettres et a ainsi découvert que Stéphanie avait eu un enfant, une fille. Aujourd'hui, Angus 20 ans, bientôt 21, essaie de retrouver sa nièce. »
Le peu du sandwich que j'ai mangé remonte immédiatement ma gorge, j'ai peur de vomir dans la seconde. Mon cœur bat trop fort et trop rapidement, je peine à respirer, j'ai l'impression de tomber à pleine vitesse.
« Angus avait cette photo de toi avec Stéphanie, » elle sort une veille photo de Steph et moi lors d'une fête à notre appart. « Vous aviez l'air proche. »
« Ouais… » je réponds de manière étranglée. « Je… excuse moi un instant, » j'arrive à dire avant de me ruer vers les toilettes.
Comme je l'avais prédit, je vide mon estomac avec violence.
Putain, putain, putain, putain !
Je frappe le mur de ma paume plusieurs fois avant d'aller aux lavabos et de me rafraîchir. Je sens mes mains trembler de manière incontrôlable.
« Calme- toi, bon sang ! » je m'ordonne avec rage.
Ce n'est vraiment pas le moment de paniquer !
Bon sang, putain de merde !
Je me saisis la tête dans les mains. Pourquoi est ce que ça arrive maintenant ?! Qu'est ce que je vais faire ?!
Les larmes me montent aux yeux mais je les essuie furieusement. Arrête tes conneries Willows ! Il faut rester calme ! Et les larmes n'ont jamais rien résolu, alors reprends toi ! Bon réfléchissons, il ne peut rien arriver, il n'y a rien, tout va bien se passer. Mais bon en même temps il s'agit de ne pas donner la corde pour se faire pendre… oui mais ça veut dire mentir à Sara… Au vu de la situation ce n'est pas la pire chose qui peut arriver je te ferais remarquer !
Merde, merde, merde…
Je saisis mon téléphone et appelle.
« Brown. »Warrick répond à l'autre bout du fil.
« Rappelle-moi dans exactement 10 minutes, » je lui demande sans préambule.
« Cath ? Qu'est ce qu'il se passe ? Est-ce… »
« Warrick ! » j'interromps son flot de questions de manière autoritaire. « Rends-moi ce service, s'il te plait, merci, » je ne lui laisse pas le temps de répondre avant de raccrocher.
Je regarde mon reflet et m'efforce de reprendre mes esprits et d'être impassible, puis je sors pour rejoindre Sara.
« Est-ce que ça va ? » Sara me demande immédiatement, l'inquiétude évidente sur ses traits.
Non ça ne va pas.
« Oui, ne t'en fais pas, » je lui réponds avec autant de conviction que possible. « On a eu une scène plutôt moche aujourd'hui et j'ai peut être surestimé la résistance mon estomac… et puis… parler de Steph… enfin bon… »
« Je suis désolée, je comprends que ce soit un sujet délicat pour toi, je ne serai pas longue, j'ai juste une ou deux questions. »
« Bien sûr. »
Je pousse mon assiette et place mes mains sur mes cuisses, hors du champ de vision de Sara, je ne peux pas les arrêter de trembler.
« Est-ce que tu savais qu'elle avait une fille ? »
Je me force à regarder Sara droit dans les yeux et à contrôler l'intonation de ma voix.
Je secoue légèrement la tête. « Non… je ne le savais pas du tout… »
Premier mensonge…
« Je pensais qu'étant proche d'elle tu aurais su… et tu te souviens de qui elle fréquentait… »
« Pas vraiment, on voyait beaucoup de gens différents… et ça remonte à très loin alors je t'avouerais que je n'ai pas vraiment de nom précis. »
Second mensonge…
Je préfère limiter la casse, devoir lui mentir me fait mal à tel point que je le ressens sur le plan physique. « Écoute j'aimerais vraiment t'être utile, il est vrai que c'était ma meilleure amie, mais c'est aussi une période de ma vie où j'étais sous influence 90% du temps… et parfois avec le boulot il nous arrivait de ne pratiquement pas se voir pendant des mois… »
« Je comprends » elle me répond dépitée.
« Je suis désolée. »
« Non ce n'est rien, après quinze ans je ne m'attendais pas à des miracles, mais tu étais le meilleur atout que j'avais dans mes manches… j'espérais un début de piste… tu n'as vraiment aucun nom qui te vient à l'esprit ? »
Je remercie le ciel d'avoir Warrick comme ami, car grâce à lui je n'ai pas à mentir à nouveau à Sara. Je décroche.
« Willows »
« Est-ce que tout va bien ? » Warrick me demande.
« On a du nouveau ? Très bien, ne commence pas sans moi, » je feins d'avoir une conversation 'boulot' avec lui.
« Cath, qu'est qui se passe ? »
« Non, là je suis avec Sara dans un resto, mais je suis là dans dix minutes, à tout de suite, » je continue avant de raccrocher. « Tu me ramènes, il faut que je retourne au labo rapidement. »
Sara est un peu déçue que notre déjeuner soit interrompu de la sorte mais ne dit rien, elle règle l'addition et on s'en va.
Dans la voiture le trajet se fait silencieusement, au moins pendant cinq minutes.
« Cath, il y a autre chose dont je voulais te parler, quelque chose d'important. »
J'écoute de manière distraite ce qu'elle me raconte, pour le moment la seule chose qui m'importe c'est de trouver un plan pour éviter que les choses ne tournent au vinaigre. Il n'y a qu'une seule chose à laquelle je pense à présent et c'est ma fille…
Lindsey…
« … enfin bref… ce que j'essaie tant bien que mal de dire c'est… mais… je ne peux pas m'engager pour le moment… remette de l'ordre dans ma vie… je ne te demande pas de m'attendre, mais… enfin… tu vois… c'est ce que je ressens… et… »
« Ça n'a aucune importance, » je réponds de manière absente alors qu'on s'arrête devant le labo – pour être honnête je serais incapable de dire de quoi elle parle même si ma vie en dépendait, mon cerveau n'a pas enregistré un seul de ses mots. « Merci pour le déjeuner, à plus tard, » je dis rapidement avant de sortir de la voiture.
Je me précipite dans le labo, pour retrouver Warrick, je passe le reste du service enfermé avec lui dans un labo pour procéder nos preuves. Dès que le service s'achève je rentre chez moi si rapidement qu'on aurait pu croire que j'étais en feu.
Dès que j'arrive chez moi je commence à tourner tel un fauve en cage. Ma tête tourne avec toute la confusion qu'elle abrite. Je passe ma journée sans pouvoir fermer l'œil, quand ma fille revient de ses cours je l'attends dans le salon.
Je lui laisse le temps de me raconter sa journée, de l'entendre, de la voir rire, me met les larmes aux yeux… je l'aime tellement.
« … Maman, est ce que ça va ? »
Maman… à chaque fois qu'elle prononce ce mot j'ai le cœur qui gonfle.
« Oui, oui ma chérie… dis moi qu'est ce que tu dirais qu'on fasse nos valises et qu'on quitte Vegas pour quelques jours ? » je propose avec une voix fébrile.
« T'es sure que ça va ? » elle me regarde avec grande inquiétude.
« Oui, pourquoi ? » j'essaie d'être convaincante.
« On est en plein milieu d'un trimestre et tu proposes qu'on parte… alors que t'es du genre à me faire une crise pendant des semaines si je rate ne serait ce qu'une heure de cours. Tu me fais un peu peur… »
Je ne peux empêcher un sanglot qui m'échappe et les larmes commencent à couler.
« Maman, je suis désolée… »
« Ce n'est rien… » je me reprends tant bien que mal. Je pousse les paumes de mes mains contre mes yeux, comme pour repousser les larmes. Je respire un grand coup pour me calmer.
« Est-ce qu'il est arrivé quelque chose de mal à un de mes oncles ? » elle me demande, ce n'est pas un secret mon équipe est ma seconde famille, plus jeune elle se référait aux garçons comme ses oncles, c'est resté avec le temps même si elle sait qu'il n'y a aucun lien de sang avec eux.
« Non… j'ai juste eu une longue journée ma chérie. »
Elle me prend silencieusement dans ses bras et m'étreint fort, je m'accroche à elle comme pour ne pas partir à la dérive.
J'ai toujours redouté que ce jour arrive. Mais je me suis promis qu'un jour je lui dirais la vérité. Seulement je pensais avoir encore un peu de temps devant moi.
« Je t'aime… » je lui dit avec tout mon cœur.
« Moi aussi je t'aime Maman, » elle m'embrasse la joue avant de se redresser. Elle pause sa tête sur mon épaule, sentant sûrement que j'ai besoin d'un contact physique.
Je lui caresse les cheveux doucement, je ne sais vraiment pas comment lui dire les choses mais je suppose qu'il n'y a pas de moyen facile pour le faire.
« Chérie ? »
« Oui ? »
« Écoute… je pense que… tu es en âge de comprendre les choses maintenant et… »
Elle se redresse soudain et me regarde avec appréhension. « Est-ce que c'est ton intro pour qu'on parle de sexe, de la sexualité et tout ça ? » elle me demande. « J'ai beaucoup de questions et j'ai vraiment envie qu'on discute de tout ça, mais peut être pas aujourd'hui, cela dit ce week-end on pourrait prendre le temps. »
Si je n'étais pas émotionnellement instable, je pense que j'aurais une crise de panique, je pensais aborder le sujet pour ses 16 ans. Je suis contente de savoir que si je voulais aborder le sujet elle n'y voit aucun inconvénient, mais c'est la partie 'j'ai beaucoup de questions' qui m'effraie, ça m'amène moi à me poser beaucoup de questions, est ce que ma fille est déjà sexuellement active ?
Ok, ok, du calme une chose à la fois, il faut lui parler Cath, lui dire la vérité.
Et si elle ne comprenait pas, si elle m'en voulait pour le restant de ses jours ? Je ne veux pas perdre ma fille, ni aujourd'hui ni jamais.
Alors on ne lui dit rien.
Si jamais elle l'apprend de quelqu'un d'autre ce sera pire encore !
Du calme, là t'es en train d'agir sous l'émotion, laisse les choses se tasser et ensuite on lui dira quand le moment sera plus opportun, et surtout quand on sera prête, et non pas parce qu'on a un couteau sous la gorge.
« Pas de problème ma chérie, » je me dégonfle.
On discute encore un peu, on cuisine un dessert puis elle passe la soirée à faire ses devoirs avant que Nancy ne vienne la chercher pour la nuit. Il ne faut que trente secondes à ma sœur pour comprendre que quelque chose cloche, elle me promet de déposer Lindsey chez elle – où il y a son mari pour les surveiller, et de revenir au plus vite pour qu'on discute.
Quand elle revient je suis à mon deuxième verre de vodka – une bouteille de luxe en provenance direct de Russie, un cadeau de mon père, Sam Braun… de son vivant.
« Oh là, tu vas commencer par déposer ça, » dit elle en me prenant le verre plein des mains. « Parle-moi. »
« Sara… »
« C'est elle qui te mets dans cet état ? »
« Non !... » je tourne en rond avec agitation. « Le frère de Stéphanie vient de faire surface, c'est Sara qui s'occupe de l'affaire. Il veut retrouver sa nièce. »
« Quoi ? Je ne comprends rien… Stéphanie qui ? Et qu'est ce que ça a à voir avec toi ? »
« Stéphanie qui ? Stéphanie Watson ! » j'explose.
« Elle avait un frère ? »
« Oui, un frère de 15 ans son cadet, il n'a pas encore 21 ans aujourd'hui ! »
Elle reprend mon verre qu'elle vient à peine de poser et le descend d'un coup.
« Bon, et ensuite, je suppose que Sara t'a posé des questions, et tu lui as dit ? »
« J'ai menti. »
« Quoi ?! » elle s'exclame. « Pourquoi ?! Cath, pourquoi tu as fait ça ?! Ce n'est pas comme si tu avais quelque chose à cacher, tu n'as rien à te reprocher. »
« J'ai agit sous le coup de la panique ! Ce sont quinze ans de ma vie qu'on remet en question ! Ma fille, le bonheur qu'elle m'apporte, tout ça est sur le point de partir en fumée ! » je hurle.
« Tu ne vas pas perdre Lindsey. »
« Je ne l'ai jamais adopté proprement. Et avec le fiasco qu'a été mon mariage autant te dire qu'Eddie n'a jamais été porté sur la paperasse. »
« C'est une blague ? »
« J'ai l'air de rire ? » je rétorque sèchement. « Peu importe que ce soit moi qui ai éduqué Lindsey depuis qu'elle a trois mois, peu importe tout le reste, tout ça c'est une situation de facto, alors si on découvre tout ça, face à la justice je n'ai aucun droit, et c'est le frère de Stéphanie qui est sa 'vraie' famille… » j'éclate en sanglots.
« Putain de merde… » Nancy murmure avant de se resservir un verre et de le vider aussi sec. Elle se passe une main sur le visage. « Il faut qu'on réfléchisse calmement. »
« C'est tout vu Nancy, si jamais Sara découvre que Lindsey n'est pas ma fille mais celle de Stéphanie et d'Eddie… ils vont m'enlever Lindsey… et… j'en mourrai… »
Voilà c'est dit.
Lindsey n'est pas ma fille biologique, c'est la fille d'Eddie et Steph. Seulement Steph a été tuée trois mois à peine après la naissance de Linds. Même du vivant de Stéphanie je prenais plus soin de Lindsey qu'elle parce qu'avec Eddie la seule chose qui comptait c'était de faire la fête. Et puis l'argent ne rentrait pas tout seul donc Steph a bossé deux fois plus.
Eddie ne voulait rien savoir quant à sa paternité, tout ça lui passait au dessus de la tête. Mais quand Steph est morte ce fut un réveil brutal, il avait beau ne pas être l'homme parfait, il l'aimait. On s'est désintoxiqués et on a essayé de prendre les responsabilités qui s'imposaient. Je me suis occupée de Linds et de lui, et on s'est rapprochés, et pendant un court laps de temps on a eu le rêve de fonder une famille tous les trois, alors on s'est mariés.
Le hic c'est qu'on n'a jamais fait les démarches pour que j'adopte Lindsey, on n'en voyait pas l'utilité sur le coup tout était parfait. Et puis il s'est avéré qu'Eddie n'a jamais pu oublier Steph, alors notre mariage a duré à peine six mois, après c'était des années de combat pour sauver les apparences avant qu'on ne divorce pour de bon.
Jusqu'ici la situation n'a jamais posé de problème à personne, la famille de Steph ne s'est jamais manifestée… mais maintenant…
« Il faut que tu dises la vérité à Lindsey, tu as toujours dit que tu le ferais, je pense que c'est le moment. »
« J'y arrive pas, » je sanglote.
« Merde… » elle soupire. « Est-ce que Sara a des pistes ? »
« Non… »
« C'est une bonne chose, les chances pour qu'elle découvre tout ça sont infinitésimales. »
« Peut être mais elles existent. »
« Je m'en rends bien compte Cath, mais il s'agit de ne pas paniquer. Dès que tu en as l'occasion il faut que tu dises la vérité à Sara pour éviter que les choses ne se compliquent. Parce que sinon ce sera pire. »
Je sanglote encore plus fort, je ne peux pas contrôler la peur viscérale qui émane de moi, c'est comme si une main froide était en train de doucement me broyer les os.
« Il faut aussi trouver les papiers, acte de naissances… tout … »
« Tu connais Eddie, tout était avec lui, c'est dans ses 'archives' »
Eddie avait beaucoup de défauts, l'un d'entre eux était son incapacité à conserver les documents importants dans un endroit approprié, résultat il a vingt ans de paperasse rassemblés dans la cave, et trouver un seul papier relève de l'exploit.
« Cath, tout ira bien, il faut que tu parles à Sara et ensuite à Lindsey, ou plutôt l'inverse et il faut que tu le fasses le plus rapidement possible. »
Nancy me berce gentiment pour me calmer. Mon pressentiment de ce matin était fondé, sauf que ce n'est pas un cauchemar que je vis, j'ai atterri directement en enfer.
Pitié, faites que Nancy ait raison et qu'on ne me retire pas ma fille, je n'y survivrai pas.
Chapitre 6 : Sara
'Ça n'a aucune importance'
Voilà les mots qui tournent en boucle dans ma tête depuis tout à l'heure. Ça me rend malade.
Ça n'a aucune importance… voilà ce que Cath a répondu quand je lui ai expliqué que je voulais une relation avec elle mais que je ne pouvais pas m'engager pour le moment.
Ça n'a aucune importance…
En gros elle n'en a rien à foutre.
Il n'y a pas que mon ego qui soit froissé à l'heure actuelle, elle a piétiné mes sentiments sans considération. Ce n'est pas un râteau que j'ai pris, mais un mur de plein fouet et à toute vitesse. Je ne m'attendais pas à son rejet, et je dois dire que pour le coup je regrette de m'être faite avoir comme une collégienne. Je l'ai laissée s'approcher de moi, j'ai voulu croire en l'espoir d'un futur, et au final ce n'était que du vent.
Bon ça va t'exagère Sidle, peut être qu'elle était simplement encore perturbée par le fait que tu ramènes Stéphanie Watson dans la conversation, avoues que tu n'as pas vraiment été diplomate ou pragmatique sur ce coup là.
Ouais, ben une chose est sure je ne suis pas prête pour me mettre à nue une seconde fois, j'ai un cœur fragile l'air de rien, alors advienne que pourra.
En parlant de Stéphanie Watson… je ne sais pas, peut être que je suis parano, mais tout à l'heure quand je parlais à Cath, mon instinct s'est mis en mode alarme, je n'ai vraiment pas pigé pourquoi… peut être qu'il essayait de me faire comprendre que ce n'était pas la meilleure façon d'aborder le sujet.
Je ne sais pas, peut être que c'est parce que j'ai si peu d'indices et que cette affaire est quasi impossible à résoudre que je ne la sens vraiment pas.
En tout cas, j'ai ce sentiment viscéral et inexplicable que quelque chose… qu'il y a quelque chose de mauvais qui se trame… je n'en sais rien, peut être que je suis tout simplement fatiguée, ou peut être que le fait que Cath soit impliquée de loin me dérange un peu.
« Service difficile ? » me demande Woody en entrant dans les vestiaires.
Je suis assise sur le banc de mon casier et je laisse ma tête retomber en arrière comme pour accentuer ma lassitude. « Ouaip. Et toi ? »
« Pas de pépins aujourd'hui donc tout s'est passé comme un charme. Et vu que Brian est arrivé pour prendre la relève je suis enfin libre, » il me sourit.
C'est à cet instant précis que je réalise que j'ai besoin de me défouler, et de mettre derrière moi cette journée. Un rictus lourd de sens apparaît sur mes lèvres. Woody a toujours eu un excellent timing. Je me lève et ferme mon casier.
« T'as des plans pour aujourd'hui ? » il me demande de manière anodine.
« Oui, tu m'invites pour le petit déj', » j'annonce avant de le dépasser et de me diriger vers la sortie. J'apprécie cette simplicité entre Woody et moi, cette spontanéité. Et puis c'est agréable de discuter avec lui, on s'entend très bien et du fait qu'il nous arrive d'être intimes il est devenu un de mes confidents.
Je l'entends qui ferme son casier à son tour avant de me suivre. Je m'arrête juste quand j'atteins la porte et me tourne vers lui. « J'espère que t'es en forme, parce que le sommeil n'est pas au menu, » je lui explicite ma pensée.
Comme je l'ai dit tout est dans la spontanéité. Bon il est vrai que généralement c'est lorsqu'on est en soirée qu'on se laisse tenter par nos désirs, mais parfois – rarement – ça arrive en dehors. Pour autant, Woody n'est pas mon 'plan cul', je ne l'appelle pas dès que je suis 'en manque', c'est un excellent ami avant toute chose et ce 99,5% du temps, pour le reste c'est un amant.
Il est surpris pendant une seconde, il soulève un de ses sourcils, mais très vite il me sourit en coin. « Rock'n'roll, » dit il, et sur ce on sort des vestiaires.
En fin de compte, notre journée ne fait que commencer.
Ooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo
Je passe dix jours à visiter tous les hôpitaux et cliniques de Vegas pour consulter les archives, mais le travail est monstrueux, et il y a quinze ans de ça la technologie n'était pas aussi développée, donc ça me prendra du temps avant d'avoir l'acte de naissance de l'enfant de Stéphanie Watson.
Je passe tellement de temps dans les hôpitaux que je ne suis pratiquement pas au labo, quand je suis au labo, j'évite Catherine en dehors du boulot, je n'ai pas vraiment réussi à trouver le courage de lui faire face. Nos conversations n'ont jamais quitté le domaine du boulot, mais j'ai évité de croiser son chemin quand je le pouvais. Je ne suis pas allée prendre le petit déjeuner avec elle, j'ai ignoré tous ses appels perso et écourté tous ceux qui étaient pendant les heures de boulot.
Angus est venu me voir, ses parents avaient conservé les dents de lait de leurs enfants, par chance une des dents de Stéphanie était couverte avec un peu de sang séché, ce qui m'a permis d'avoir un échantillon frais d'ADN de Stéphanie. Cela dit il faut que je le compare à l'échantillon d'il y a quinze ans.
J'ai passé beaucoup de temps avec Woody, malgré toute l'opération qu'il est en train d'effectuer sur le réseau, il m'a dit qu'il pourrait essayer d'obtenir le fichier de Stéphanie à condition d'avoir un échantillon récent. Mais la manipulation sera longue et comme il doit le faire manuellement tout est vraiment lent.
Ça fait cinq jours qu'il est dessus et il n'a pas encore fini. Quand j'entre dans son labo, il est concentré sur son poste en train de taper sur les touches avec une rapidité que je ne peux égaler.
« Je n'ai pas encore fini si c'est ce que tu veux savoir, » il répond simplement sans quitter l'écran des yeux. Je m'assois à ses côtés puis pose un café chaud – le café spécial de Greg, et son sandwich préféré sur la table.
« Fais une pause, » je lui demande.
« Je dois continuer si tu veux le dossier Watson d'ici la fin du service. »
« Woody, fais une pause, » je dis plus fermement.
Il soupire et je sens qu'il est sur le point de protester plus fermement – si on a bien un trait commun c'est que parfois le boulot passe avant tout, mais son estomac grogne et ça nous fait tous les deux sourire.
« Ok, tu as gagné, » il se saisit du sandwich. « Oh, » il gémit. « Je t'adore, c'est mon préféré. »
Je lui ébouriffe les cheveux et on discute de tout sauf de boulot pendant quelques minutes, juste le temps qu'il finisse. Puis il m'annonce qu'il va tout faire pour que je puisse faire les analyses que je désire avant la fin du service, sans faire de promesse, je le rassure en lui disant que je suis déjà contente qu'il tente quelque chose, je sais que je fais obstacle à son boulot pour le coup mais il ne s'en plaint pas.
Je le quitte pour repartir sur un hôpital histoire de fouiller les archives quelques heures avant la fin du service.
« Sara ! » la voix de Catherine déclenche un long frisson le long de ma colonne vertébrale.
« Pas maintenant Catherine, » je la rejette avant même qu'elle ne commence.
Elle court presque pour me rattraper et suivre mon pas pressé. « Il faut que je te parle, c'est très important, je t'en prie accorde moi cinq minutes. »
« Je n'ai vraiment pas le temps Catherine. »
Elle m'attrape par le coude et m'attire dans son bureau. Je me débats : « Qu'est ce que tu fous bordel ! » je lui crache dès qu'elle ferme la porte.
« Écoute je ne sais pas pourquoi tu es en colère après moi mais il faut qu'on parle. »
« Le monde ne tourne pas autour de toi, figure toi que je bosse » je réponds sèchement, je soupire et je me dis que plus vite elle parlera et plus vite on en aura fini. « Sois brève, j'ai à faire. »
Elle semble incertaine et nerveuse. « Je… euh… je… »
« Oui ? » je m'impatiente.
Elle secoue la tête et se reprend. « J'ai essayé de repenser à Stéphanie… » elle commence en balbutiant. Elle m'a régulièrement demandé où l'enquête en était depuis le début. Je sais qu'on croit que je ne peux pas comprendre pourquoi ça l'affecte autant mais je sais que c'est dur quand on doit remuer le passé. Je sais aussi, même si elle ne le dit pas que ça la dérange de ne pas pouvoir se rendre utile, mais apparemment elle a peut être du nouveau.
« …et je suis désolée mais je n'ai vraiment aucune information probante… » elle ajoute finalement.
« Tu te fous de moi là ? » je lui demande incrédule. Elle m'a fait toute une scène pour rien ? C'est quoi ce délire ?
« Non, je voulais vraiment t'aider mais je… rien ne m'est revenu. »
« C'est pour me dire que tu n'avais rien à me dire de plus que c'était d'une importance capitale, » je réponds platement, je pense que je suis sur les nerfs avec cette affaire et la fatigue parle plus qu'autre chose. Je veux bien être clémente et compréhensive, le cas la touche et résultat elle n'est pas dans son assiette mais là… elle abuse un peu.
Je ne peux pas ignorer son trouble et soudain je me sens vraiment minable car ces derniers jours je l'ai sciemment ignorée. Je prends une grande inspiration et mon ton se radoucit : « Y a-t-il quelque chose dont tu aimerais parler ? » je demande finalement faisant fi de mes sentiments blessés, je suis son amie et de la voir dans un tel état de désarrois me dérange.
« Non, » elle déclare après hésitation.
« Sure ? » je soupire lorsqu'il y a un grand silence. « Cath, tu sais que tu peux tout me dire, » je la rassure. « Écoute, je sais que je n'ai pas été… disponible ces derniers jours mais, je suis là pour toi quoi qu'il arrive. Est-ce que tu as besoin de parler ?»
Elle me regarde longuement et hésite. Je suis plus que vexée mais d'un autre côté je ne peux pas vraiment lui en vouloir, je l'évite depuis dix jours… depuis qu'elle m'a fait savoir que mes sentiments lui importaient peu. Le fait est que je ne peux pas m'empêcher de l'aimer, pas plus que je ne peux m'empêcher de respirer, alors je me dois d'être là pour elle.
« Oui. »
« Dans ce cas excuse moi, je dois me rendre aux archives d'un hôpital, » je lui annonce avant de quitter son bureau.
Quand je reviens au labo pour pointer avant de repartir chez moi, je suis exténuée. Les recherches dans les archives sont longues et infructueuses, mais je ne m'avoue pas vaincue.
« Sara, » Molly, notre hôtesse d'accueil m'interpelle alors que je n'ai pas fait trois pas dans l'enceinte du bâtiment. Je me dirige vers elle et fais un effort pour lui sourire. « Il y a quelqu'un qui désire te voir. »
« Cette personne a un nom ? »
« Tony… Bright, il est dans la salle d'attente. »
« Merci Molly, » je lui fais un clin d'œil avant de me rendre dans la pièce indiquée. « Mr. Bright, » je le salue, et il se lève immédiatement. Je remarque qu'il est chargé d'un gros carton.
« Melle Sidle, je ne vais pas user trop de votre temps, » il déclare. « Il m'a fallu un peu de temps mais j'ai trouvé toutes les affaires qui appartenaient à Stéphanie. Il y a ce carton là, mais j'en ai cinq autres dans ma voiture et les huit derniers sont au club dans mon bureau, je vous les apporterai demain ou si vous préférez passer les prendre ça me convient. Je n'y ai jamais touché et sa famille n'est jamais venue les réclamer. »
Je rêve ou il vient de dire qu'il y a treize cartons en plus de celui là ?
« Ça fait beaucoup de cartons, » je constate bêtement.
« En fait, certaines des filles qui bossent pour moi viennent juste de débarquer à Vegas, ou sont en galère après une rupture, bref, j'ai deux appart supplémentaires, et je les loue aux filles qui en ont besoin – ou les mecs d'ailleurs. C'est toujours temporaire, juste le temps qu'elles trouvent leurs marques. Généralement, les filles cohabitent à quatre ou cinq, et en fouillant dans ma réserve j'ai trouvé ces cartons, c'est là que je me suis souvenu qu'à l'époque où Stéphanie a été tuée elle vivait dans un des apparts. Je suppose que j'ai gardé tout ça parce que je me suis dis que quelqu'un les réclamerait, avec le temps j'ai oublié leur existence. »
« Wow, c'est une excellent chose, je ne m'attendais pas à autant, » je lui souris, il y a peut être de l'espoir. Je décide de faire l'aller retour à son club pour récupérer les autres cartons. Alors qu'on est en train de charger ma voiture – c'est dans ces moments là que je suis contente que nos véhicules de fonction soient des utilitaires sportifs – il me vient une question.
« Si Stéphanie vivait dans un de vos appartements vous deviez savoir pour son enfant, non ? »
« Oh non pas du tout, mes apparts ne sont pas mes harems. Je ne m'y rends que s'il y a des travaux à effectuer. Alors j'ignore ce qu'il se passait entre les murs. J'ai toujours respecté la vie privée des filles, elles auraient pu avoir un anaconda de compagnie et je ne l'ai jamais su. »
« Je vois… vous ne sauriez pas qui cohabitait avec Stéphanie, à tout hasard ? »
« Si je ne me trompe pas, il y avait Amy, Kitty Cat, Dawn et… Megan, » dit il après réflexion. « Amy était en Europe la dernière fois qu'elle m'a donné des nouvelles Dawn, est morte d'une overdose peu de temps après Stéphanie. Megan a déménagé à Chicago, quant à Kitty, la dernière fois que je l'ai vu c'était il y a presque trois ans et avant ça c'était cinq ans auparavant pour un business, elle vivait toujours à Vegas si j'ai bien compris, » il ajoute comme s'il avait anticipé ma prochaine question.
« Une idée précise d'où elle vit ? »
« Non, désolé. Il faut comprendre que si les filles gardent un contact, parfois c'est régulier et proche et d'autres fois c'est distant. Kitty est du genre contact distant parfois elle passe un coup de fil pour prendre des nouvelles et rarement on se voit pour prendre un verre ou manger un morceau, mais bon si on se croise par hasard on va aussi prendre un verre. Vous savez, quand elles ne gardent pas contact ce n'est pas parce qu'elles ont honte ou quoi, mais plutôt parce qu'elles ont besoin de se distancer un maximum de leur passé pour avancer. Il faut dire qu'il y a quinze ans de ça les choses étaient différentes, le sexe, la drogue, l'alcool… la mentalité était différente. Je comprends bien que 'Camé, alcoolique et stripteaseuse' ce n'est pas ce qu'on appelle un atout sur un CV.»
« Je croyais que les filles devaient être 'clean et réglos', » je fais référence à notre première conversation.
« C'est le cas, pas de passes ou de comportement indécent avec les clients, on a beau être un club de striptease ce n'est pas une maison close, et elles doivent assurer leur boulot donc monter sur scène complètement défoncée ou ivre, je dis non. Par contre à l'époque, si elles avaient besoin d'un petit 'buzz' pour se donner du courage, pas de problème. »
« Donc si j'ai bien compris, se faire une ligne et boire un verre pendant les heures de boulot c'est acceptable, au-delà c'est inadmissible. »
« Je sais que ça semble illogique mais croyez moi quand vous devez assurer cinq sets pendant plus de huit heures sans compter les danses privées, un petit remontant est le bien venu. Et puis comme je l'ai dit les temps ont changé,» il continue en déposant un carton dans mon coffre. « Bref, tout ça pour dire que Kitty est de celle à garder ses distances. Je m'estime heureux qu'elle m'appelle une fois tous les 36 du mois. »
« Je suppose qu'il est inutile que je demande si vous avez son numéro. »
« Comme je l'ai dit, c'est elle qui appelle, » il me répond, navré de ne pouvoir m'aider.
« Merci pour les cartons. »
« Si vous trouvez sa famille vous pourrez leur donner quand vous aurez fini avec. »
« D'accord, » j'acquiesce avant de faire le tour de mon véhicule pour aller à la porte côté conducteur. « Merci encore. »
Je m'apprête à entrer dans ma voiture quand il me rappelle. « Ah, au fait, j'allais oublier. Stéphanie, elle sortait avec un acteur… non un producteur de cinéma ou de musique… bref un gars dans le show business. Mais bon ce ne serait pas le premier type qui prétendrait être du métier juste pour avoir de belles filles au cou. D'ailleurs il était du genre play-boy, ou du moins jusqu'à ce qu'il se mette avec Stéphanie, je pense qu'il a été réglo avec elle. J'ai dû le voir une dizaine de fois à peine. Edgar, Edward, Ed… un truc dans ce genre, je suis désolé mais moi et les prénoms… »
« Ne vous en faites pas. Vous m'avez déjà bien aidé, » je le rassure.
« Si jamais je trouve autre chose, je vous ferai signe. »
J'hoche la tête et le remercie encore une fois avant de repartir en direction du labo. Là je réquisitionne des laborantins pour m'aider à ramener les cartons dans mon labo. Je suis fatiguée, mais la curiosité l'emporte alors je décide de jeter un œil au contenu des boites histoire de défricher le terrain pour mon prochain service. J'enfile des gants ouvre un carton.
Les dix premiers cartons sont pleins à craquer de photos, polaroïds, cassettes audio et vidéo, la vie de Stéphanie en sons et images en quelque sorte, c'est impressionnant, à croire qu'elle passait tout son temps avec un appareil photo à la main. Il y a les clichés souvenirs, ceux qu'on fait juste pour immortaliser un moment, par contre il y en a d'autres qui demandent d'être posé, réfléchi et patient, afin de pouvoir saisir ce moment si fragile et éphémère qu'est 'l'instant de grâce'. Stéphanie avait du talent, beaucoup de talent. Il y a des photos en noir et blanc de filles qui dansent au club, un vrai ballet de corps ondulants, c'est sensuel et beau, délicat… inexplicablement envoûtant.
C'est une bonne chose qu'elle ait mis sa vie en images, avec un peu de chance je pourrais découvrir son partenaire ou les personnes qu'elle fréquentait. Elle a l'air d'avoir légendé ses photos, et il semblerait qu'elle tenait un journal intime, une source fraîche d'info.
Ces cartons s'avèrent être une vraie mine d'or. J'en ouvre un nouveau et trouve des vêtements, il me faut quelques secondes pour me rendre compte que quelque chose cloche. Les vêtements sont petits… trop petits pour un adulte.
Dame chance est plus que généreuse aujourd'hui.
Des vêtements de bébé…
Il y a peut être une chance pour que je retrouve des trace d'ADN de cet enfant et si c'est le cas je pourrai l'entrer dans le réseau et le comparer aux données des enfants disparus ou victimes… bref, ce serait un pas monstre en avant.
Bon, ne pas s'exciter pour rien et se faire de fausses joies. Après quinze ans, un échantillon ADN… c'est quasiment espérer un miracle, mais comme dit le dicton : là où il y a de la vie, il y a de l'espoir.
Je fouille dans tout le carton et trouve plusieurs bavoirs. Je retiens mon souffle et m'empresse de prendre une lampe à sources lumineuses alternatives afin de détecter toute trace, aussi infime soit elle.
J'examine chaque bavoir avec minutie, j'en ai examiné trois quand je réalise que je suis déjà à quatre heures sup'. Je suis sur le point de baisser les bras quand une tâche se reflète sous la lumière UV. Non, en fait il y a plusieurs tâches toutes de nature organique. Pas de quoi célébrer pour le moment, ça pourrait être n'importe quoi, de l'eau, de la nourriture…
Cette découverte me fait l'effet d'un électrochoc, je décide d'oublier le repos et d'enchaîner mes services. Je marque les taches puis découpe le tissu et place chaque morceau dans un sac hermétique. J'en obtiens six au total, six chances d'avoir un résultat probant.
Je me rends dans un autre labo pour analyser chaque échantillon.
« Mia ! » je m'exclame quand je la vois contente qu'elle soit de service.
« Quelqu'un est contente de me voir, » elle me sourit radieusement.
« Est-ce que je t'ai dit à quel point je t'adore récemment ? » je tente le compliment.
« C'est ça, c'est ça, arrête la pommade et parle moi, » elle secoue la tête en roulant des yeux.
Je lui montre mes sacs de preuve. « Un nourrisson a disparu il y a 15 ans, et ça c'est peut être ma seule chance d'obtenir un échantillon d'ADN ce qui, certes ne me donnera pas la solution absolue, mais au moins un début de piste, » je lui fais les yeux doux.
« Tu veux que je fasse opérer ma magie, n'est ce pas ? »
« Parce que t'es la meilleure. »
« Mon ego t'adore, » elle sourit en coin et me fait signe de lui donner mes cachets.
Je m'assois sur le tabouret devant elle et la regarde découper un morceau du premier bout de tissu et le mettre dans de l'eau déminéralisée avant de mettre la fiole dans le spectrogramme de masse.
Il faut plus de quinze minutes – qui paraissent une heure, pour que le spectrogramme revienne à la vie avec plusieurs bips successifs et crache une feuille de résultats.
Mia la prend et grimace. « Tomate, » elle m'annonce.
Je soupire de défaite, mais décide de ne pas me laisser abattre si facilement, il reste encore cinq chances.
Une heure et quart plus tard j'ai la sensation d'être coincée dans une boucle spatio-temporelle, Mia répète toujours les mêmes gestes et je continue de faire les cent pas et d'avoir une mine dépitée à chaque fois qu'elle m'annonce le résultat.
Elle en est au quatrième échantillon et malgré ma volonté de m'accrocher à l'espoir qu'on trouve de l'ADN, je n'y crois plus vraiment.
Le spectrogramme expectore une nouvelle feuille. Je regarde Mia avec désespoir, elle me regarde d'un air désolé avant de grimacer.
« Et merde ! » je jure et lui tourne le dos, je regarde au plafond, les mains croisées derrière ma nuque et soupir profondément.
« Salive, » la voix de Mia résonne à nouveau, je me retourne d'un coup sec vers elle et elle est en train de me montrer la feuille. Je la lui prends des mains et relis les résultats. Je regarde Mia à nouveau et elle a un sourire narquois sur les lèvres. « Jackpot, » elle me fait un clin d'œil.
Je pense que mon visage est plus illuminé que Las Vegas à cet instant précis. J'ai envie d'embrasser Mia, de la prendre dans mes bras et de la faire tourner dans les airs.
« Est-ce que tu réalises que je suis sur le point de te demander de m'épouser ? » je lui dis avec un très large sourire.
Elle rit de bon cœur. « Tu m'aimes à ce point hein ? » elle répond. J'acquiesce vigoureusement.
« Est-ce que tu connais le nouveau restaurant français qui a ouvert au Caesar Palace ? »
« Tu plaisantes ? Qui ne connaît pas le 'Palais doré' ? C'est un des restos les mieux côtés de toute la ville ! »
« Prépare ta robe de soirée je t'y invite après demain, » je lui réponds me dirigeant vers la sortie.
« Sara, il y a une attente de plus six mois pour une réservation. »
Je renifle avec un rictus. « Mia ma chérie, ça c'est pour les personnes ordinaires, » je lui fais un clin d'œil.
Je récupère mes sachets, les ramène dans mon labo. Je passe un coup de fil à mon très bon ami Pete, c'est un des gérants du 'Palais doré'. C'est d'ailleurs moi qui lui ai conseillé Vegas et qui l'ai aidé pour mener à bien le projet. On se connaît depuis Harvard et c'est le genre d'ami génial, même si parfois on perd le contact on peut compter l'un sur l'autre à n'importe quel moment, j'ai ses arrières et il assure les miens. Je l'appelle et il est plus qu'heureux de me réserver sa meilleure table pour après demain soir. Ensuite je prépare une autre soirée spéciale pour Mia, comme ça elle pourra y aller avec la personne de son choix, le tout étant à mes frais bien sûr, après tout l'excellent boulot qu'elle a fait, elle le mérite.
Je discute avec Pete pour prendre de ses nouvelles et autres pendant encore quelques minutes. Quand je raccroche, je regarde ma montre et décide d'aller m'allonger dans une salle de repos, l'aller retour chez moi me prendrait trop de temps.
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Après avoir somnolé pendant trois petites heures je prends une douche et me change, vu que j'ai quarante minutes avant le début de mon service et que je suis de très bonne humeur je décide d'offrir ma tournée café et pâtisseries.
Je finis par le labo de Woody, car aujourd'hui j'analyse l'ADN de l'enfant de Stéphanie.
« Bonjour, bonjour mon ami ! » je fredonne.
Il me regarde avec amusement avant de répondre. « Et moi qui croyais être le seul à pouvoir te mettre dans cet état d'euphorie. »
« Tu sais quoi je suis de tellement de bonne humeur que je vais laisser cette remarque passer, » je me contente de lui sourire. « Tu en veux ? » je lui tends un sachet encore de pâtisseries.
« Miam, » dit il en prenant une bouchée d'un brownie. « Bon, même si dans mon fantasme si tu es aussi joyeuse c'est parce que tu t'es autorisée un plaisir solitaire en pensant à moi… » il me fait un clin d'œil coquin.
Cette fois je lui tape l'épaule et fais semblant d'être outrée « Woody ! »
Il glousse doucement. « Qu'est ce qui t'a mise dans cet état ? »
Je me saisis du sac de preuve que j'avais posé sur la table. « Dans un des cartons des effets personnels de Stéphanie Watson il y avait des bavoirs et sur l'un d'entre eux j'ai trouvé des traces de salive. »
« Tu veux comparer l'ADN de Stéphanie et celui du bébé, » il répond logiquement.
« Pour commencer, » je lui souris.
« C'est parti. »
On enfile tous les deux une paire de gants et on se met au boulot. La salive est une source faible d'ADN, si on considère que mon échantillon est vieux de 15 ans, si on peut le détecter sans problème, il est difficilement utilisable pour une comparaison. Il y a quinze ans mon échantillon aurait été inutilisable car trop petit. Mais aujourd'hui grâce à la technologie on peut répliquer une séquence ADN un nombre incalculable de fois, de telle sorte qu'un simple postillon devient une pépite d'or.
« Ok, séquence répliquée, » j'annonce après plusieurs minutes.
Woody se frotte les mains et manipule l'ordinateur afin qu'il compare l'ADN de Stéphanie avec celui de la salive prélevée sur le bavoir.
« Prête ? » il me demande. A mon hochement de tête il presse la touche entrée et on attend patiemment que l'ordinateur nous offre une conclusion.
Après quelques minutes, l'imprimante prend vie. Woody se saisit de la feuille et lit les résultats, puis il me regarde. « Lucky seven baby, » on se tend les mains, jusqu'à ce qu'on se touche du bout des doigts, puis on les agite rapidement. « Sept allèles en commun. »
« C'est bien l'ADN du bébé. »
« Toc toc, » une voix nous interpelle sur le pas de la porte.
« Hey Connor, » je salue détective MacMillan.
« Mon écossais favori, » réplique Woody.
« C'est pas difficile d'être ton favori quand on sait que je suis le seul écossais ici, » il plaisante en retour. « Qu'est ce j'ai manqué ? » Comme l'a dit Woody, Connor est écossais et il a un accent très prononcé en plus d'expressions parfois peu ordinaires.
« On vient de confirmer que l'ADN que j'ai trouvé était celui de la fille de Stéphanie. Maintenant on peut faire une recherche dans le système… du moins avec les infos qu'on a, vu que Woody stagne. »
« Ah, ah très drôle. »
Connor rit avant de fermer la porte, il reste debout et croise les bras, alors que Woody lance la recherche. Je suis appuyée contre la table avec les bras croisés. On reste silencieux pendant que l'ordinateur fait défiler les différents profils ADN à toute vitesse.
Contre toute attente il ne faut pas plus de dix minutes pour trouver une correspondance. On a tous les trois les yeux rivés sur l'écran, on se regarde et l'incrédulité est peinte sur chacun de nos visages.
« Wood… Woody relance la recherche, il y a erreur de toute évidence, » je demande faiblement et il s'exécute.
Le résultat reste le même, sans que j'ai à le lui demandé Woody s'assure qu'il n'y a pas un bug du au boulot de transfert de données sur lequel il travaille. Il refait la recherche encore et encore mais le résultat s'obstine à rester le même.
Le dossier de Lindsey Willows affiche une correspondance parfaite avec l'ADN que j'ai extrait du bavoir…
Le silence est plus que pesant et je sais qu'on pense la même chose. Ce n'est pas possible…
Je ne sais pas ce que je ressens à ce moment précis, mais ce trop plein d'émotion est en train de se changer rapidement en nausée.
« Smith, c'est Connor… j'ai besoin que tu envoies deux officiers à…. » la voix de Connor me tire de mes pensées quand je l'entends donner les coordonnées du lycée de Lindsey.
Qu'est qu'il fout ?
« Je veux qu'ils ramènent Lindsey Willows au poste le plus rapidement possible, » il termine son ordre.
Quoi ? Mais qu'est ce qu'il fout, bordel ?!
« Tu délires ? » je lui demande légèrement agressive.
« Je fais mon job Sara, » il se contente de me répondre.
« Connor, il faut qu'on réfléchisse, il s'agit de Catherine bon sang ! Est-ce que tu… »
« Sara, c'est justement parce que c'est elle qu'il faut qu'on agisse rapidement et à la lettre. Parce que sinon ça ne fera qu'empirer les choses. »
« Connor… » je grogne.
« Sara, je t'entends ok ! Je mettrai ma vie entre les mains de Catherine n'importe quel jour sans la moindre hésitation ! On vient de vérifier huit fois et le résultat est toujours le même ! Ça ne me plait pas plus qu'à toi, mais là pour l'instant c'est moche. Personne ne nous dit qu'elle n'a pas tué Stéphanie Watson avant de lui enlever son enfant ou quelque chose dans le genre. Alors plus vite on aura des réponses et mieux ce sera pour tout le monde. »
« Laisse moi informer Grissom et Catherine, surtout Catherine ce n'est pas une criminelle, on lui doit au moins ça. » je capitule malgré moi, je sais qu'il a sûrement raison.
« Tu as trente minutes, juste le temps que mes officiers amènent Lindsey ici, après quoi qu'il arrive il faut que j'embarque Catherine pour l'interroger. »
J'hoche la tête et m'empresse de me rendre dans le bureau de Grissom. Je frappe et entre sans attendre sa permission. Greg et lui sont en pleine discussion.
« Il faut qu'on parle, » j'annonce fermement.
« Je suis occupé Sara comme tu le vois. »
Je saisis Greg pas le bras et le force vers la sortie. « Désolée, au revoir Greg, » il est toujours immobilisé par la surprise quand je lui ferme la porte au nez.
« Tu as inhalé de la poudre pour empreintes ? Qu'est ce qu'il te prend ? »
« On a un problème, le genre gros et très moche, » je commence avant de lui expliquer la situation. Quand je finis il est abasourdi, j'en conclus qu'il n'était pas dans une confidence quelconque avec Catherine. Il se pince l'arête du nez et soupire profondément.
« Connor a fait le bon choix, » il déclare.
« Qu'est ce qu'il va se passer maintenant ? »
« Jusqu'à ce qu'on éclaircisse la situation Catherine va perdre la garde de Lindsey, et vu que le frère de Stéphanie n'a pas encore 21 ans, il ne pourra pas non plus la prendre en charge. La famille de Catherine est aussi à exclure, donc Lindsey va être passée aux services sociaux. »
J'ai l'impression de me prendre un coup de poing dans l'estomac, j'ai le vertige et je sais que la chute ne fait que commencer.
« Et Catherine ? »
« Elle va probablement être en détention pendant quelques jours si elle ne peut pas expliquer légalement la situation… »
« De mieux en mieux… » je soupire à mon tour.
Ce n'est pas bon, pas bon du tout.
« Il faut que je la trouve pour l'informer de la situation avant son interrogatoire. »
« Je viens avec toi. »
« Non, » je lui réponds fermement. « C'est mon enquête, je voulais juste que tu ne sois pas pris au dépourvu. Au vu de la situation je pense que notre amitié est compromise, et Catherine aura besoin de toi et des garçons. »
Ça me fait mal de l'admettre mais je ne me mens pas, je sais bien qu'une fois que Catherine comprendra la situation je serai la dernière personne à qui elle voudra parler. Et quelque chose me dit que je ne risque pas seulement de perdre Catherine.
« Je vais vous attendre près des salles d'interrogatoire dans ce cas, » Grissom m'annonce avant que je ne quitte son bureau.
Je ressors et me rends au bureau de Catherine. Mon inquiétude se mêle à ma colère grandissante quand je réalise qu'elle m'a menti, depuis le début elle me mène en bateau. Maintenant je comprends ma mauvaise impression sur cette affaire, Catherine était plus que nerveuse ces derniers temps et me posait des questions insidieuses sur mes progrès…
Quand j'y pense, Catherine a creusé sa tombe dès le moment où elle a fait le choix de me mentir. Je suppose qu'elle a paniqué et s'est dit qu'elle perdrait Lindsey. Mais en essayant tellement d'empêcher sa pire crainte d'arriver, elle s'est précipitée à sa perte. Si elle avait été honnête avec moi dès le début, je suis sure que tout aurait pu s'arranger à l'amiable, Angus voulais juste savoir si sa nièce était en vie et en bonne santé, et évidemment être dans sa vie. La sincérité de Catherine aurait évité une enquête et surtout ça aurait fait meilleure impression. Pour le coup elle passe pour une menteuse, et possiblement une criminelle.
Une part de moi lui en veut terriblement, je ne sais pas si je suis déçue, blessée, en colère, ou autre… Mais je me force à me souvenir qu'il ne s'agit pas de moi.
J'entre sans frapper dans le bureau de Catherine et ferme la porte derrière moi.
« Tu n'es pas dans un moulin ici, la moindre des corrections c'est de frapper et d'attendre d'être invitée avant d'entrer. »
« Je vais ignorer le fait que tu m'aies menti à pleins poumons en me regardant dans les yeux, parce qu'au final il ne s'agit pas de mon ego froissé. » je lui dis sèchement.
« Sara de… » elle commence mais je la coupe.
« Ne t'avises pas une nouvelle fois d'insulter mon intelligence, » je la préviens fermement.
La panique naît dans ses yeux mais elle tente de garder un visage impassible.
« Il y a trois ans, quand Lindsey a été kidnappé on a du entrer son ADN dans notre base de données, » je l'informe. « Un détail que tu as sûrement oublié, ou peut être que tu comptais sur le fait qu'on n'ait aucune piste… c'était sans compter que je trouverais les affaires de Stéphanie parmi lesquelles se trouvait les bavoirs de son enfant... »
Le visage de Catherine se décompose littéralement.
« Tu veux que je te dise un truc ? Le pire n'était finalement pas de découvrir que l'ADN de Lindsey avait sept allèles communs à celui de Stéphanie, mais plutôt les questions qui découlent de cette découverte… va savoir sur quoi d'autre tu as menti… »
Je sais que je semble froide mais à cet instant précis je suis CSI avant toute chose, peu importe notre amitié, la situation est grave et si c'est aussi dans son intérêt que je cherche les réponses, car la dernière chose que je souhaite c'est qu'il lui arrive malheur. On est mal parties pour le coup, mais il faut quand même essayer de limiter les dégâts.
« Est-ce que tu as tué Stéphanie ? »
« Quoi ? »
« Réponds. »
« Non ! C'était ma meilleure amie, elle était comme une sœur pour moi ! » elle s'exclame. « Tu me connais pourtant mieux que ça ! »
« Pas autant que je l'aurais cru. »
« Je peux tout expliquer… » Elle se prend la tête entre les mains et les passe rapidement dans ses cheveux. « Linds… est la fille d'Eddie et Stéphanie… elle a été assassinée à peine 3 mois après la naissance de Lindsey. Eddie ne s'en sortait pas tout seul alors je l'ai aidé à prendre soin de Linds, une chose en entraînant une autre lui et moi nous sommes mis ensemble… mais on n'a jamais pris le temps de rendre la situation conforme aux yeux de la loi… »
Ma tête me tourne avec toutes mes idées qui fusent dans tous les sens. J'analyse la situation et elle ne fait que s'empirer.
« Il faut que tu me crois Sara c'est la vérité. J'ai essayé de te le dire mais… ce n'était pas facile… laisse moi un peu de temps pour parler à Linds et j'irai expliquer tout ça au frère de Stéphanie… je t'en prie, je ferai tout ce que tu voudras… mais ne dit rien… sinon ils vont m'enlever Lindsey… »
« Si ce que tu dis est vrai on a un problème. Parce que toutes les données plus anciennes que les trois dernières années sont inaccessibles. Je sais que le dossier d'Eddie est très ancien au vu de son casier juvénile, on ne pourra probablement pas y accéder pendant plusieurs jours… » je dis de manière détachée.
« Qu'est ce que ça veut dire ? »
« Ça veut dire qu'on n'a aucun moyen de vérifier la paternité d'Eddie, et pour être honnête la situation ne joue pas en ta faveur. »
« Non, non, non… je t'en prie ne dis rien à personne… ils vont me retirer ma fille ! »
« La fille de Stéphanie Watson. »
« Sara… je t'en prie… je ferai n'importe quoi… ne dis rien… » elle me supplie en larmes.
« C'est trop tard, » je lui annonce.
Elle me regarde avec surprise et incrédulité, comme si je venais de la poignarder.
« Je n'ai pas eu le choix Catherine. »
Elle devient encore plus affolée, et je réalise qu'elle regarde derrière moi. Je me retourne et vois Connor entrer dans le bureau. La respiration de Catherine est si irrégulière que chaque appel d'air est un gémissement, elle est en hyperventilation et tremble comme une feuille. Les larmes lui coulent sur le visage.
« Comment est ce que t'as pu me faire ça ? » elle murmure éberluée de voir Connor.
« Je n'ai pas eu le choix, » je lui réponds. Ce n'est pas comme si j'étais seule quand j'ai découvert les résultats.
« Catherine, il faut que tu nous suives, » il lui demande gentiment.
Elle secoue la tête et sanglote de plus belle. « Pitié, ne faites pas ça. »
« Catherine, soit on procède dans la discrétion, tu nous suis en marchant librement dans les couloirs, soit on fait ça dans la force, » Il porte ses mains à sa ceinture sur ses menottes. « C'est ton choix. »
Catherine sanglote violemment et j'ai l'impression qu'on me plonge une lame dans le cœur et qu'on s'amuse à la remuer, je ne peux même pas commencer à imaginer ce qu'elle ressent.
Elle essuie ses larmes et tente de les retenir tant bien que mal.
« Je suis désolée Cath, » je lui dis honnêtement, je veux qu'elle sache que je ne fais pas ça de gaieté de cœur.
Elle s'avance vers moi et me regarde avec une rage froide que je ne lui ai jamais vue. « Tu es morte pour moi, » elle dit doucement avant de passer devant nous dans le couloir.
Je m'attendais à ce qu'elle m'en veuille mais pas à ce qu'elle me tue de ses mots.
Connor et moi nous mettons à côté d'elle. On se dirige vers les salles d'interrogatoire, et à mon grand soulagement aucun laborantin ne semble se préoccuper de ce qu'il se passe. Mieux vaut contenir les bruits de couloir le plus longtemps possible.
Quand on arrive au niveau des salles j'aperçois Lindsey qui apparemment s'inquiète de la situation, aussitôt qu'elle nous voit elle s'approche de nous. Catherine panique et presse le pas, je comprends alors que Lindsey ignore tout de la vérité.
« Maman, qu'est ce qui se passe, » Lindsey demande avec urgence. « J'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose, ils ne voulaient rien me dire… qu'est ce qui se passe ? » elle est assurément paniquée.
« Tout ira bien ma chérie, fais ce qu'ils te demandent, ne t'en fais pas, tout va bien » Catherine d'une voix fébrile, les larmes coulent silencieusement sur ses joues et je sais qu'elle n'est pas convaincue par ce qu'elle dit.
Je bloque le passage à Lindsey pendant que Connor guide Catherine dans une salle.
« Maman ! Maman ! » je retiens physiquement Lindsey. « Sara, lâche moi, qu'est ce qui se passe ? Laisse-moi ! » elle se débat en vain. « Maman ! » elle hurle en se débattant.
J'ai mal à la scène qui se déroule, et encore plus du fait que je sois en partie responsable de ce qui arrive.
« Lâche-moi ! » Lindsey échappe à mon emprise et se tourne vers moi, elle me bouscule violemment et je n'oppose pas de résistance à ses coups. « Pourquoi tu fais ça ?! Tu es sensée être son amie… mon amie ! Je te déteste ! » elle continue. Je ne réponds pas et la laisse faire. « Je te déteste ! » elle tambourine ma poitrine de ses poings.
« On se calme, » dit l'officier qui la restreint et l'emmène plus loin.
Connor ressort de la salle où il vient de placer Catherine et me regarde, il me demande d'un signe de tête si tout va bien. Je soupire et lève la main pour lui dire de ne pas se soucier de moi.
Je regarde l'autre officier placer Lindsey dans une autre salle. Je marche jusqu'à la salle d'observation à côté de la pièce de Catherine pour avoir un moment afin de reprendre mes esprits.
« Sara ? » Grissom arrive trente secondes plus tard, je soupire profondément. « Est-ce que, ça va ? » il me demande mais je garde mon dos tourné vers lui.
Lui et ses questions stupides… bien sûr que ça ne va pas.
Je sens les larmes me monter aux yeux mais je me refuse à les laisser tomber, je prends trois profondes inspirations et lui fais face. « Non ça ne va pas, mais ce n'est pas une surprise. »
« J'ai contacté l'avocat pour enfant, David James pour Lindsey et les services sociaux ne sont pas loin, » il m'informe. « Je vais observer les interrogatoire si tu n'y voit aucun inconvénient. »
J'hoche la tête. « J'ai besoin de cinq minutes avant de commencer, » j'admets.
« Très bien, je vais prévenir Connor. »
Il sort et je soupire à nouveau. Je grogne et écrase mon poing plusieurs fois contre le mur. « Merde ! »
Pourquoi est ce que tout doit être aussi merdique !
Putain !
Je ne pense pas avoir jamais détesté mon job autant qu'aujourd'hui.
Chapitre 7 : Catherine
Je suis enfermée dans mon bureau depuis des heures. J'ai l'impression de vivre un véritable cauchemar depuis des jours. Tout mon univers est en train de s'effondrer. Je n'ai toujours pas trouvé la force de parler à ma fille et Sara me fuit depuis des jours.
Elle ne passe plus à la maison pour prendre son petit déjeuner, et elle n'est même pas venue pour mon anniversaire…
Je l'ai attendue toute la soirée en espérant qu'elle changerait d'avis et qu'elle passerait le pas de cette maudite porte. J'ai menti à ma fille (encore) en lui disant que Sara avait beaucoup de travail est qu'elle n'était pas sure de venir ce soir, mais pour se faire pardonner elle m'inviterait à déjeuner en tête à tête. Pieux mensonges quand j'ai vu l'air soulagé de Lindsey.
Bien sûr Sara ne m'a jamais promis une telle chose, elle s'est contentée de me laisser un vague message d'excuse sur mon portable, pour me dire qu'elle ne pourrait pas être là et rien d'autre. Je sais que quelque chose l'a contrariée et qu'elle est fâchée contre moi. Mais pour le moment je n'ai pas vraiment le temps, ni l'envie de m'occuper des états d'âme de Sara Sidle.
Pourtant malgré ça, toute à l'heure j'ai essayé de faire un pas vers elle, parce que même si toute cette histoire avec ma fille occupe mon esprit, Sara me manque…
J'avais besoin de lui parler, de lui expliquer ce qui s'était vraiment passé dans ma vie : Lindsey, Eddie et tout le reste… Mais quand j'ai voulu lui parler, elle était tellement fermée, tellement froide que j'ai eu peur…
Plus les jours passent plus je m'enfonce, je ne sais plus comment me sortir de ce cauchemar.
Je suis encore en train de penser à Lindsey et à Sara, à comment je pourrais leur dire la vérité… lorsque je sursaute. La porte de mon bureau vient de s'ouvrir d'un seul coup et de se refermer tout aussi vite !
Sara se trouve au milieu de la pièce…
Je suis heureuse et furieuse en même temps de la voir ici.
« Tu n'es pas dans un moulin ici, la moindre des corrections c'est de frapper et d'attendre d'être invitée avant d'entrer. » je crie presque envahie par mes émotions.
« Je vais ignorer le fait que tu m'aies menti à pleins poumons en me regardant dans les yeux, parce qu'au final il ne s'agit pas de mon ego froissé. » me dit-elle sèchement.
« Sara de… »
« Ne t'avises pas une nouvelle fois d'insulter mon intelligence, » son ton est presque menaçant.
Mon cœur s'emballe… non c'est impossible, elle ne peut pas savoir ! Elle ne fait surement pas allusion à Lindsey, c'est impossible ! Je fais de mon mieux pour garder un visage neutre, et j'attends qu'elle parle à nouveau. Elle ne peut pas savoir !
« Il y a trois ans, quand Lindsey a été kidnappée on a du entrer son ADN dans notre base de données. Un détail que tu as sûrement oublié, ou peut être que tu comptais sur le fait qu'on n'ait aucune piste… c'était sans compter que je trouverais les affaires de Stéphanie parmi lesquelles se trouvaient les bavoirs de son enfant... »
La nausée m'envahit… mon dieu Sara sait ! Elle est au courant pour Lindsey ! Comment j'ai pu être aussi stupide ! Comment j'ai pu oublier que l'ADN de ma fille avait été rentré dans la base de données. J'aurais du l'effacer, j'aurais dû être plus rigoureuse, j'aurais dû…
« Tu veux que je te dises un truc ? Le pire n'était finalement pas de découvrir que l'ADN de Lindsey avait sept allèles communs à celui de Stéphanie, mais plutôt les questions qui découlent de cette découverte… va savoir sur quoi d'autre tu as menti… »
Comment ose-t-elle ? Comment peut-elle mettre en doute tout ce qu'elle sait de moi ? J'ai fait une erreur et alors ? Ca ne change pas la personne que je suis… J'ai soudain une folle envie de la gifler pour la faire descendre de son piédestal, je n'aime pas la façon dont elle me regarde, dont elle me juge…
« Est-ce que tu as tué Stéphanie ? »
La question me frappe aussi violemment que si la grande brune m'avait donné un coup dans l'estomac. Je suis sous le choc : « Quoi ? »
« Réponds » me demande-t-elle en me fixant droit dans les yeux.
« Non ! C'était ma meilleure amie, elle était comme une sœur pour moi ! » je n'arrive pas à croire qu'elle pense sérieusement que j'aurais pu faire du mal à Stéphanie. Je suis blessée, meurtrie par une telle accusation, je suis au bord des larmes. « Tu me connais pourtant mieux que ça ! »
« Pas autant que je l'aurais cru. »
Je peux voir un mélange de colère, de doute et de peine passer dans les yeux de Sara. La panique monte alors en moi. Je vais tout perdre, maintenant qu'elle a découvert mon secret elle ne me fera plus jamais confiance et elle va s'imaginer les pires horreurs sur moi.
« Je peux tout expliquer… Linds… est la fille d'Eddie et Stéphanie… elle a été assassinée à peine 3 mois après la naissance de Lindsey. Eddie ne s'en sortait pas tout seul alors je l'ai aidé à prendre soin de Linds, une chose en entraînant une autre lui et moi nous sommes mis ensemble… mais on n'a jamais pris le temps de rendre la situation conforme aux yeux de la loi… »
C'est un résumer de tout ce qui s'est réellement passé, mais pour le moment je ne peux pas rentrer dans les détails, je pare au plus urgent pour que Sara comprenne que je n'ai rien fait de mal si ce n'est aimer cette gamine comme si c'était la mienne. « Il faut que tu me croies Sara c'est la vérité. J'ai essayé de te le dire mais… ce n'était pas facile… laisse moi un peu de temps pour parler à Linds et j'irai expliquer tout ça au frère de Stéphanie… je t'en prie, je ferai tout ce que tu voudras… mais ne dis rien… sinon ils vont m'enlever Lindsey… » je me suis mise à pleurer, je suis perdue, seule, j'ai l'impression que je n'arriverai plus jamais à atteindre Sara.
Je suis en train de ne noyer et jamais je ne pourrai accéder à la rive…
« Si ce que tu dis est vrai on a un problème. Parce que toutes les données plus anciennes que les trois dernières années sont inaccessibles. Je sais que le dossier d'Eddie est très ancien au vu de son casier juvénile, on ne pourra probablement pas y accéder pendant plusieurs jours… »
Sara est si calme, presque froide qu'une angoisse sans nom me serre soudain le cœur : « Qu'est ce que ça veut dire ? »
« Ça veut dire qu'on a aucun moyen de vérifier la paternité d'Eddie, et pour être honnête la situation ne joue pas en ta faveur. »
« Non, non, non… je t'en prie ne dis rien à personne… ils vont me retirer ma fille ! » je la supplie et je sais que j'ai l'air pitoyable mais je m'en moque.
« La fille de Stéphanie Watson. » me corrige t'elle.
Je serre les dents, elle ne comprend vraiment rien !
« Sara… je t'en prie… je ferai n'importe quoi… ne dis rien… » des larmes de rage se mêlent à mon désespoir.
« C'est trop tard »
Quoi ? Mais qu'est ce qu'elle raconte ? Non, non, elle n'a pas pu me faire ça ! Elle n'a pas pu me dénoncer ! Sara ne me ferait jamais une chose pareille. C'est mon amie… elle n'aurait pas osé faire ça ?!
Sara ? Non…
« Je n'ai pas eu le choix Catherine. » elle murmure presque honteuse.
Mon cœur se brise dans ma poitrine, elle l'a vraiment fait ? La femme que j'aime m'a trahie ! Je regarde par-dessus son épaule et Connor est là…
J'ai si mal que mes poumons menacent d'éclater à chacune de mes inspirations…
Elle l'a fait… Sara m'a dénoncée. Je me sens mal et mon corps tremble à ne plus en finir, chacun de mes muscles me fait souffrir, mais mon cœur me fait bien plus mal encore. La grande brune n'aurait pas pu se taire et venir me parler, non, il a fallu qu'elle respecte les règles. Elle qui les enfreint toujours, elle n'a pas su faire de même pour moi ! Je comprends alors que je ne représente rien pour elle, on ne trahit pas ainsi les gens qu'on aime. Ma vie n'a pas la moindre valeur à ses yeux…
« Comment est ce que t'as pu me faire ça ? » je murmure pour ne pas laisser éclater ma colère parce qu'à cette seconde précise je serai prête à la frapper.
« Je n'ai pas eu le choix, »
« Catherine, il faut que tu nous suives, » me dit gentiment Connor.
Je ne peux pas croire que tout ça est vraiment en train d'arriver : « Pitié, ne faites pas ça. »
« Catherine, soit on procède dans la discrétion, tu nous suis en marchant librement dans les couloirs, soit on fait ça dans la force, » il me montre alors les mottes qu'il a près de lui et je sais qu'il s'en servira si je ne coopère pas.
Je jette un coup d'œil rapide sur Sara, espérant qu'elle me viendra en aide, mais je comprends alors que je n'ai rien à attendre d'elle.
« Je suis désolée Cath, »
Désolée ? Elle est désolée ! Je suis tellement en colère contre elle que je sens mes veines éclater un peu partout dans mon corps.
Elle a tout ravagé : ma vie, mon amour pour elle…
Je suis vide…
Je m'avance vers elle, et lui adresse mon regard le plus méprisant, je lui ai pardonné beaucoup de choses, mais cette fois elle a été trop loin. Cette fois je n'ai pas la force de lui pardonner, tout ce que je ressens pour elle c'est…. de la colère.
Au fond de moi je ne veux plus rien ressentir pour cette femme. Je veux juste l'oublier. Nos regards se croisent et je peux voir le mal être qui s'empare de Sara, mais je m'en moque !
Je m'approche d'elle, et lui murmure ce que je ressens pour elle à cet instant, j'ai besoin de lui faire mal, j'ai besoin qu'elle seule entende ce que j'ai à lui dire, j'ai besoin de détruire ce que je ressens encore pour elle et il n'y a qu'une seule façon de le faire, je dois la rayer de ma vie. Dans un souffle je lui jette au visage, ce qui dorénavant sera Ma vérité… : « Tu es morte pour moi » puis je m'engage dans le couloir.
Oui Sara est morte pour moi… elle n'a plus sa place dans ma vie, ni dans mon cœur !
Connor et la grande brune me rattrapent assez vite, se mettent chacun d'un côté de moi. Personne ne fait attention à nous, nous sommes simplement trois collègues en train de marcher dans le couloir…
Mon cœur s'arrête à nouveau lorsque la silhouette de Lindsey apparaît en face de nous. Je n'ai pas le courage d'affronter ma fille pour le moment. Je viens déjà de perdre Sara, je ne peux pas perdre en plus ma fille quelques minutes après, j'ai besoin d'encore un peu de temps. J'accélère le pas malgré moi…
« Maman, qu'est ce qui se passe. J'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose, ils ne voulaient rien me dire… qu'est ce qui se passe ? » je peux voir l'affolement dans ses yeux.
« Tout ira bien ma chérie, fais ce qu'ils te demandent, ne t'en fais pas, tout va bien »
Non tout n'ira pas bien, je vais perdre ma famille, ma fille…
Je sens alors Sara se détourner de moi, elle se retourne vers ma fille et lui bloque le passage. J'ai presque un élan de gratitude pour la grande brune… mais ma colère m'empêche de vraiment apprécier ce qu'elle vient de faire.
« Maman ! Maman ! » j'entends ma fille hurler avant que Connor ne m'installe dans la salle d'interrogatoire.
Maman… j'ai malheureusement bien peur de ne jamais réentendre ce mot quand Lindsey saura ce que j'ai fait, et que je ne suis pas sa véritable mère.
Connor me fait m'assoir et cette fois je suis de l'autre côté de la barrière, du côté des accusés et ça n'a rien de très glorieux.
Je sais qu'à présent c'est ma vie que je suis en train de jouer…
J'ai peur… j'aurais besoin de quelqu'un à mes côtés, mais je suis seule…
Seule contre tous…
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J'ai enfin réussi à calmer mes pleurs, il n'est plus temps pour moi de me lamenter. Je dois mettre la situation au clair…
Sara et Connor me font face.
« Est-ce que tu veux un verre d'eau avant de commencer ? » me demande gentiment Connor.
Je secoue la tête.
« Bien alors commençons… Tu sais pourquoi tu es ici n'est pas ? » me dit-il.
Je hoche la tête.
Sara évite de me regarder et joue nerveusement avec son dossier avant de l'ouvrir.
« J'ai procédé à une analyse ADN comme tu le sais, et Woody a lancé une recherche dans le ficher central… et le dossier de Lindsey est sorti… » marmonne Sara qui fixe un point juste au dessus de ma tête.
Woody bien sûr, j'aurais du m'en douter, non content de coucher avec Sara, il faut aussi qu'il me gâche la vie.
« Nous avons besoin de comprendre ce qui s'est passé Cath… » elle ne me regarde toujours pas.
Un silence passe entre nous.
« Catherine… » m'encourage Connor.
J'ai les nerfs à fleur de peau et je ne sais pas par où commencer cette histoire. Me retrouver enfermée ici dans cette pièce avec Sara ne m'aide pas non plus. Tout un tas d'émotions se battent en duel au fond de moi.
« Je… je n'ai pas tué Stéphanie je le jure ! Mon seul crime c'est d'avoir caché la vérité à Lindsey sur l'identité de sa mère biologique. Je n'ai peut être pas porté cette gamine pendant neuf mois dans mon ventre, je ne lui ai peut être pas donné naissance, mais c'est moi qui lui ai bâti une vie jour après jour ! C'est moi qui lui ai offert un avenir, moi qui ai veillé sur elle ! Stéphanie n'avait pas la fibre maternelle, elle était ma meilleure amie, mais ça lui arrivait parfois d'être la pire des irresponsables. Elle partait pendant des jours avec Eddie, me laissant la petite sur les bras. Je ne valais pas mieux qu'eux à l'époque, drogue et alcool coulaient toujours à flots à la maison… mais la première fois que j'ai pris Lindsey dans mes bras, j'ai su que cette enfant méritait mieux, Eddie et Steph m'avaient demandé d'être la marraine de la petite et j'avais accepté. Mais un bébé c'est du travail, des responsabilisés et aucun d'entre nous n'était prêt pour ça… »
Je m'interromps un instant envahie par une vague intense de sentiments plutôt confus.
« Un jour je suis rentrée à l'appart et Stéphanie et Eddie avaient fichu le camp, la petite hurlait, et mon premier reflexe a été de m'enfuir. J'ai laissé le bébé seul à mon tour, mais vingt minutes plus tard j'ai fait demi-tour. Et quand j'ai pris Lindsey dans mes bras elle a tout de suite arrêté de pleurer… »
Ma voix tremble à l'évocation de ce souvenir et les yeux de Sara croisent alors mon regard.
« Je ne suis peut être pas le plus parfait des parents, mais je suis le seul qu'elle n'ait jamais eu ! Je suis sa mère ! » je hurle et pendant une seconde je foudroie Sara du regard, tout ça c'est sa faute. Mes yeux s'embrument à nouveau de larmes, Lindsey est tout ce qui me reste et je dois me battre pour elle…
« J'aime cette enfant plus que tout au monde ! Je m'en suis toujours occupée du mieux que j'ai pu ! Je l'ai nourrie, j'ai veillé sur son sommeil, guidé ses premiers pas. J'ai usé mes forces, et ma jeunesse pour elle jour après jour, ces rides sur mon visage c'est elle qui me les a données, ce sont nos rires, nos pleurs ! Je suis sa mère et vous n'avez pas le droit de me la prendre comme ça ! » mon regard sur Sara se fait plus lourd et froid. Je ne m'adresse pas directement à elle, mais je sens que mes mots la touchent, la blessent même. Elle commence à gigoter nerveusement sur sa chaise et essaie de fuir mon regard, mais je ne lui laisse pas ce luxe. Dès que ses yeux quittent les miens je renoue le contact. C'est elle qui nous a plongées dans cette galère, et elle doit en assumer les conséquences.
Je sais que je suis injuste et que tout ça n'est pas seulement la faute de la grande brune, c'est aussi la mienne, en vérité c'est bien plus ma faute que celle de Sara. Mais je suis tellement perdue, j'ai tellement peur, que pour ne pas m'effondrer j'ai besoin d'éprouver de la colère, c'est la seule chose qui me tient encore debout.
Je sais qu'après ça plus rien ne sera comme avant, j'aurais perdu Lindsey… j'aurais perdu Sara… alors quitte à tout perdre je préfère tout faire exploser ! Ca me prendra sûrement encore un peu de temps mais je finirai par éradiquer les sentiments que j'ai encore pour la grande brune.
Être furieuse contre Sara et prétendre qu'elle est morte pour moi est plus facile à gérer que d'accepter que j'ai besoin qu'elle me prenne dans ses bras et me rassure en me disant que tout ira bien, qu'elle sera toujours là pour moi, peu importe ce que j'ai fait.
« Alors quand Stéphanie est revenue tu l'as tuée pour garder Lindsey ? » me demande tout à coup Connor m'arrachant ainsi à ma tourmente intérieure.
« Quoi ? Non, non bien sûr que non ! Quand Steph est revenue un mois après son départ, elle avait pris la décision de rester clean pour la petite ! J'étais ravie pour elle, nous allions pourvoir former une famille mais Stéphanie est morte peu de temps après… »
« Pourquoi Eddie ne s'est-il pas occupé de la petite après le décès de Stéphanie ? » je peux sentir que la voix de Sara tremble.
J'ignore volontairement sa question, je ne parle pas aux morts…
Connor me repose alors la question, et je réponds de bon gré.
« Eddie était dévasté par le mort de Steph, même si c'était un paumé il l'aimait sincèrement ! J'ai fait tout mon possible pour le retenir mais ça n'a pas été suffisant, et une fois encore je me suis retrouvée seule avec le bébé. Lindsey avait trois mois. Après ça je n'ai pas eu de nouvelles d'Eddie pendant des mois… je ne savais pas vraiment quoi faire… alors j'ai pris la décision de garder Lindsey avec moi en espérant qu'un jour son père viendrait la chercher. »
« Pourquoi n'as-tu pas appelé les services sociaux ? »
J'ignore à nouveau la question de Sara.
J'attends que Connor reformule la demande de la grande brune avant de répondre.
« Je ne voulais pas que Lindsey grandisse en étant baladée de famille en famille, et qu'elle finisse dans un foyer d'enfants quand elle aurait été trop grande et que personne n'en n'aurait plus voulu. J'ai pensé que si elle restait avec moi, elle aurait plus de chances d'avoir une vie normale. »
« Dans ce cas pourquoi n'as tu pas simplement dit aux services sociaux que tu voulais la garde de la petite ? »
Je vois bien que Sara cherche à comprendre toute cette histoire, toute mon histoire, mais je n'ai aucune envie de lui parler.
Connor a bien compris mon petit jeu et reprend chacune des questions de la grande brune.
« Je ne suis pas sûre qu'une assistante sociale aurait donné la garde d'une enfant à une stripteaseuse en sevrage de coke. J'ai juste essayé d'agir au mieux, ce n'était pas vraiment dans mes plans d'avoir un bébé »
« Alors pourquoi l'as tu gardée, pourquoi as tu gardée la fille de Stéphanie ? »
Emportée par mes émotions j'ai bien failli répondre à Sara, mais je ne céderai pas, je ne lui adresserai plus jamais la parole, je ne dois pas oublier qu'elle est morte pour moi. L'exercice est difficile mais je tiendrai bon.
« Tu aurais pu l'abandonner toi aussi, pourquoi est ce que tu ne l'as pas fait si tu ne voulais pas d'enfant ? Après tout tu n'avais aucune obligation envers ce bébé » la voix de Connor est douce mais ferme. Il se pose visiblement tout un tas de questions sur mes motivations.
« Tout le monde lui avait déjà tourné le dos ! Dès sa naissance Lindsey n'a pas eu la vie facile, elle est née accro à la cocaïne, les médecins pensaient qu'elle aurait de graves retards mentaux, et ça à condition qu'elle survive à son sevrage. Mais ils se sont trompés, elle s'est battue. Et je ne pouvais pas abandonner une battante comme elle. Stéphanie, l'appelait souvent ma précieuse princesse, elle disait sans cesse que c'était la meilleure chose qu'elle ait faite dans la vie. Elle a vraiment fait de son mieux pour s'en sortir et je suis sure que si elle n'avait pas été tuée elle y serait arrivée. Je serais restée près d'elle pour l'aider. Alors après sa mort, j'ai voulu réaliser son rêve et donner une famille à Lindsey… »
« Tu aurais pu demander de l'aide… » Sara ne baisse pas les bras et continue de s'adresser à moi, mais c'est peine perdue.
Connor intervient de nouveau et je lui réponds sans peine.
« J'ai écrit aux parents de Stéphanie… je… je savais qu'elle était en mauvais termes avec eux mais ils étaient la famille de Lindsey, et puis la petite portait le prénom de sa grand-mère… alors j'ai cru que… je ne sais pas peut être qu'ils auraient envie de la connaître, mais ma lettre est restée sans réponse ! A ce moment là Lindsey n'avait plus que moi… alors j'ai pris mes responsabilités. »
« Que s'est il passé ensuite ? » m'interroge Connor.
« Je me suis occupée de Lindsey pendant un an et puis un jour Eddie a fait son grand retour. Nous nous sommes alors mariés très vite pour donner un foyer à Lindsey. Les choses se sont plutôt bien passées entre nous pendant presque six mois mais ensuite Eddie a commencé à me tromper avec des femmes qui lui rappelaient Stéphanie. Malgré tout nous sommes restés marier jusqu'aux six ans de Lindsey, puis la situation est devenue trop compliquée entre nous, et de temps en temps il retouchait à la drogue. Je ne voulais pas divorcer, je savais que je perdrais Lindsey mais Eddie était conscient qu'il n'était pas un bon parent, après le divorce il m'a tout de même laissé la garde de la petite, bien que je ne sois pas sa mère biologique »
« Tu étais la belle-mère de Lindsey pourquoi ne l'as tu pas adoptée ? Nous n'en serions pas là aujourd'hui ! »
Je peux voir que Sara est furieuse… mais je reste de marbre.
Connor se plie encore une fois au jeu et je lui donne docilement la réponse.
« La paperasse ça n'a jamais été notre fort, Eddie et moi on était un peu paumés, et puis quand on en a enfin parlé, nous n'avons jamais trouvé le temps de le faire ! Entre mes cours du soir, mon boulot la journée, la petite, mon mariage qui bâtait de l'aile je n'ai pas vraiment eu le temps de m'en occuper, je me disais toujours, demain, demain et finalement onze années sont passées… et quand Eddie est mort j'ai vu mourir avec lui tout espoir d'adopter légalement Lindsey. Les choses sont restées ainsi et tout ça se passait bien jusqu'à ce qu'une certaine personne vienne mettre son nez dans mes affaires ! » je n'ai pas pu m'empêcher d'envoyer cette pique à la grande brune.
« Je n'ai pas mis mon nez dans tes affaires Catherine et tu le sais ! J'ai juste fait mon travail » proteste Sara en refermant vivement le dossier devant elle.
« Ah parce que le travail des CSI c'est de détruire des familles maintenant, je n'ai pas du avoir la circulaire qui expliquait cette réorientation de carrière » je lui crache amère oubliant une seconde que je ne veux plus jamais lui parler.
« Je suis désolée Cath je ne voulais pas que les choses se passent ainsi, mais je ne pouvais pas deviner… »
« Je ne veux plus la voir ! Fais la sortir d'ici Connor, je refuse de répondre à d'autres questions si elle reste ici ! Je ne veux plus qu'elle m'approche ! » je pleure à nouveau comme une gamine. La trahison de Sara me fait trop mal.
« Cath je… » elle essaie de poser sa main sur la mienne au dessus de la table mais je la repousse.
« Fais la sortir ! » cette fois je hurle et Sara a un mouvement de recul.
« Sara s'il te plait… » Connor lui attrape doucement le bras et la conduit jusqu'à la porte.
« Catherine… » je l'entends murmurer mon prénom mais je n'ai pas la force de la regarder. Je veux qu'elle quitte cette pièce, je veux qu'elle quitte mon esprit, je veux qu'elle quitte ma vie…
Je m'écroule sur la table en pleurs…
Je hais cette femme…
J'aime cette femme…
Je crois que je vais être malade, mon cœur brisé me donne la nausée.
Je suis une femme brisée…
Chapitre 8 : Sara
Connor vient de me pousser hors de la salle d'interrogatoire et je crois que je vais me mettre à pleurer. Je n'ai rien fait d'autre que de briser la vie de Catherine… la vie de Lindsey… et ma propre vie.
« Tu es morte pour moi… » Les mots de Catherine me hantent. J'ai besoin d'un moment un peu seule, je cours me refugier dans les vestiaires. Je suis à peine arrivée que déjà des larmes inondent mon visage.
Je suis en plein cauchemar…
Je voudrais tellement aider Catherine et Lindsey… Lindsey que je dois aller interroger dans une autre salle, Lindsey qui n'a pas la moindre idée de ce qui se passe ici.
Je glisse sur le sol, replie mes genoux sous mon menton et pleure de plus belle.
« Sara ? » les voix de Nick et Warrick m'arrivent soudain aux oreilles. « Sara qu'est qui se passe ? On a entendu Lindsey hurler dans le couloir, qu'est ce qu'elle fait ici, et où est Catherine ? »
Je suis bombardée de questions et lorsque je relève enfin la tête je peux voir l'inquiétude sur leur visage. Puisqu'ils ont été alertés par les cris de Lindsey autant tout leur raconter maintenant, ils finiront bien par l'apprendre à un moment ou un autre.
Je prends une profonde inspiration et je leur explique la situation. Au fur et à mesure de mon récit je peux voir leurs visages se décomposer.
« Catherine est accusée de meurtre ? » me demande Nick effaré.
« Non, enfin pas encore… mais elle le sera bientôt, et après une telle accusation elle perdra sûrement sa place ici même si elle est innocente. Les services sociaux vont lui prendre Lindsey le temps qu'on y voit plus clair dans cette histoire, ça c'est certain ! Si j'avais su… je n'aurais pas donné suite à cette enquête… » un nouveau sanglot me secoue alors que je suis toujours assise sur le sol.
« Tu ne pouvais pas savoir Sara, personne ne pouvait savoir ! » me console gentiment Warrick « Arrête de pleurer, ce n'est pas comme ça qu'on va aider Catherine ! »
« Elle me déteste… » je hoquète entre deux sanglots.
« Mais non pas du tout, elle est juste en colère » m'assure Warrick en posant sa main sur mon épaule.
« Tu connais Catherine, elle est impulsive et ses sentiments prennent souvent le dessus » ajoute Nick pour me rassurer. « Et puis ce n'est pas comme si tu l'avais fait exprès, ça aurait pu être n'importe lequel d'entre nous ! Laisse lui le temps de se calmer, elle finira par le comprendre » ajoute le Texan sûr de lui.
Mais ils ne connaissent pas Catherine comme moi je la connais…
Je sais qu'elle ne plaisantait pas… je suis belle et bien morte pour elle.
« On va sortir Catherine de cette galère tous ensemble, et une fois que ça sera fait elle et toi mettrez les choses au clair entre vous, pour savoir ce que vous voulez ou non. Mais en attendant elle a besoin que ses amis soient là pour elle, tous ses amis, tu as compris Sara ? » Warrick me regarde avec insistance et pendant une minute je me demande s'il veut parler de Catherine et moi comme d'un couple…
« Qu'est ce qu'on peut faire pour t'aider ? » demande soudain Nick interrompant ainsi le fil de mes pensées.
Je ne sais pas trop je suis un peu perdue…
« Les cartons ! » je me redresse alors d'un bon.
« Quels cartons ? » me demandent les garçons à l'unisson.
« Stéphanie a laissé des cartons avec tout un tas d'affaires, je suis sûre qu'on trouvera quelque chose là dedans, peut être même un certificat de naissance, ou l'ADN d'Eddie pour nous permettre de prouver sa paternité. Catherine nous a dit tout à l'heure qu'elle était la marraine de Lindsey, on trouvera peut être un acte de baptême » soulevée par une vague soudaine d'optimisme je donne l'adresse aux garçons pour qu'ils se rendent sur les lieux pour récupérer les cartons.
« Il faut qu'on trouve quelque chose et vite sinon Catherine sera obligée de rester ici, en garde a vue… et passé 48 heures on l'enverra en prison pour meurtre et enlèvement d'enfant »
Rien que d'imaginer Catherine enfermée avec de dangereuses criminelles me donne envie de vomir.
« Nous n'avons plus une minute à perdre ! » Nick et Warrick courent hors de la pièce et je me retrouve seule.
Peut être que parmi les papiers ou les photos nous trouverons un indice qui innocentera Catherine du meurtre de Stéphanie. Je sais qu'elle n'a pas pu tuer son amie, Cath n'est pas ce genre de femme.
Quand à l'enlèvement présumé de Lindsey, si on arrive à prouver que Catherine est légalement sa marraine, elle ne sera pas accusée de rapt d'enfant… mais elle perdra tout de même la garde de sa fille. Mais dans le cas présent c'est toujours mieux que rien, pour le moment je dois simplement éviter la prison à Catherine ensuite nous verrons.
J'ai besoin d'encore une minute avant de pouvoir retourner au labo et affronter Lindsey.
Essuyer la rage et la colère de la seconde Willows ne me remplit pas de joie, mais je ne veux pas qu'un parfait inconnu dise la vérité à Lindsey. Je dois au moins ça à la famille Willows.
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Je suis devant la salle où se trouve Lindsey et j'ai besoin de tout mon courage pour pousser cette porte.
Lorsque j'entre enfin, Lindsey bondit de sa chaise, je sais que je devrais attendre son avocat mais elle est ici toute seule avec un agent de police qui lui a à peine adressé la parole depuis presque une heure maintenant.
Elle a le même air déterminé sur le visage que celui Catherine… elles se ressemblent tellement dans leurs gestes, dans leur attitude, j'ai du mal à réaliser qu'elles ne sont pas vraiment mère et fille.
« Où est ma mère ? » me demande l'adolescente en se plantant devant moi.
Je fais signe à l'agent qui se trouve dans la pièce qu'il peut sortir, je prends le relai. Lorsqu'il a quitté la pièce je me tourne à nouveau vers la petite blonde.
« Catherine va bien ne t'en fais pas… elle est dans la salle juste à côté. Écoute Linds assieds toi, j'ai certaines choses à te dire… »
« Maman a des ennuis ? » me demande elle en fronçant les sourcils.
« J'ai bien peur que oui… » je tire la chaise à côté de moi et je m'y assois lourdement.
Lindsey prend place sur la chaise en face de la mienne, elle attend sagement que je prenne la parole.
« Ta mère… Catherine est… » je ne sais pas comment lui présenter les choses. Ses grands yeux bleus brulent de questions et bien que je sache que c'est biologiquement impossible, je retrouve le regard de Catherine dans les yeux de Lindsey.
« Sara qu'est qui se passe, ma mère a quel genre d'ennuis ? »
« De sérieux ennuis Linds, mais ne t'en fais pas, les gars et moi on fait de notre mieux pour l'innocenter, tout se passera bien »
« Qu'est ce qu'on lui reproche au juste ? »
L'air grave et soudain si adulte de Lindsey me fait mal au cœur, elle ne devrait pas être ici à endurer tout ça, elle devrait être au centre commercial à faire du shoping avec ses copines. Mais malheureusement c'est le moment de vérité… je suis sur le point de bouleverser toute la vie de cette gamine.
« Elle sera bientôt accusée d'enlèvement d'enfant et peut être même de meurtre. »
« Quoi ? C'est une blague ?! Une meurtrière ?! Sara on parle de ma mère, tu sais bien qu'elle ne ferait pas de mal à une mouche, elle respecte trop la vie pour ça. Tu le sais toi, tu la connais ! »
« Le meurtre reste encore à prouver… et je suis sûre qu'elle n'a rien fait, mais l'enlèvement d'enfant est bien réel lui. Je suis désolée Lindsey. »
« C'est n'importe quoi ! Elle ne ferait jamais un truc comme ça ! Et si elle a enlevé un gamin c'était sûrement pour une bonne raison, une famille violente, un danger de mort, un truc comme ça, parce que ma mère est quelqu'un de bien ! Ce n'est pas une cinglée qui enlève des enfants à la sortie de l'école ! »
Les mains de Lindsey se sont mises à trembler de rage et elle retient difficilement ses larmes.
Je lui souris tristement : « Tu as raison elle avait une bonne raison… et si j'avais été à sa place j'aurai sûrement fait la même chose. Mais aux yeux de la loi elle a commis un grave délit… »
« Mais tu vas l'aider n'est ce pas ? »
Je peux voir tout le désespoir du monde dans les yeux de Lindsey, elle me regarde comme si j'étais son dernier espoir, son seul espoir.
« Bien sûr que je vais aider Catherine, mais ce n'est pas si simple Linds. »
« Pourquoi ? Elle lui a sauvé la vie à ce môme non ? Alors le juge devrait se montrer compréhensif ! En plus elle travaille pour la police »
« Elle n'a pas de casier et beaucoup d'entre nous irons témoigner en sa faveur. Elle devrait s'en sortir avec une mise à l'épreuve et son casier restera surement vierge, mais…» ma voix se meurt peu à peu je n'ai pas la force de lui dire la vérité. Je comprends tout à coup Catherine, je comprends pourquoi en 15 ans elle n'a jamais pu lui dire la vérité.
« Mais quoi ? »
J'ai soudain mal au cœur, et mon estomac menace de se retourner à chaque seconde…
« L'enfant qu'elle a recueilli… » je reprends mon souffle. « Lindsey… c'est toi. Catherine n'est pas ta mère biologique. Je suis désolée ma puce »
Je me dégoute, comment ais-je pu lui faire une chose pareille, je viens de briser sa famille, je viens de briser tout ses points de repère. Elle a l'air soudain si perdue.
« Qu'est ce que tu racontes… » Elle est tellement sous le choc que sa voix n'est qu'un murmure. « Tu es en train de me dire que mes parents n'étaient pas mes parents c'est ça ? »
« Non… d'après ta mè… d'après Catherine, Eddie est bien ton père… »
« Ma mère n'est pas ma mère, mais mon père lui est mon père ? Comment est ce possible »
« C'est plutôt compliqué Linds »
Je la vois lutter péniblement contre ses larmes.
« Non, tu te trompes Sara, c'est impossible ! Est-ce que tu m'as regardée ? Est-ce que tu as vu à quel point je lui ressemble ? Je ressemble à ma mère ! » Lindsey s'est tout à coup mise à hurler, avant de se lever rapidement de sa chaise, la faisant ainsi basculer en arrière.
Je me lève à mon tour, et contourne la table pour la rejoindre.
« Je sais que c'est difficile Linds mais… »
Elle lève alors sur moi un regard inondé de larmes et rempli de colère. Et une fois encore je suis frappée par sa ressemblance avec Catherine.
« Non tu ne sais pas ! Tu ne sais rien, rien de rien ! » ses pleurs s'intensifient et sa respiration est plus saccadée. Je la sens sur le bord d'exploser.
Je me précipite alors vers elle et la serre dans mes bras.
« Je te déteste Sara, tu n'es qu'une menteuse ! Pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi tu lui fais ça à elle ? »
Lindsey se débat violemment dans mes bras, ses points me frappent partout où elle peut m'atteindre, mais je ne bronche pas, je sais qu'elle a besoin de se défouler.
« Elle avait confiance en toi, elle m'a toujours dit que tu serais là pour nous, pour elle, pour moi ! Et toi tu détruis ma famille ! Tu dis qu'elle m'a enlevée ! » elle hurle de plus en plus fort et ses pieds se sont joint à ses poings pour me donner des coups, mais je ne la relâche toujours pas.
« Catherine Willows est ma mère, tu entends ? » les coups commencent à cesser et ses pleurs redoublent.
« C'est ma mère Sara, Catherine Willows est ma mère, c'est une mère géniale… c'est la mienne… la mienne… » les coups se sont arrêtés et Lindsey pleure à présent tout contre mon torse.
Je resserre mon étreinte sur elle et lui caresse doucement les cheveux : « Ca va aller ma puce je te le promets… »
« Je l'aime… »
« Je sais ma grande, je sais que tu l'aimes et elle aussi, elle t'aime plus que tout » je suis au bord des larmes, voir Lindsey dans cet état me rend si misérable.
« Maman…je veux voir ma maman » à cet instant Lindsey ressemble à une petite fille, à une toute petite fille perdue qui a besoin de sa mère.
Je suis sur le point de faire quelque chose d'interdit, permettre à l'adolescente de voir sa mère, je sais que si je me fais prendre j'aurai droit à un blâme dans mon dossier mais Catherine et Lindsey le valent largement.
Je relâche la petite blonde de mon étreinte, et je décroche mon cellulaire…
« Connor c'est Sara, j'ai trouvé quelque chose d'intéressant j'aurais besoin de te le montrer pour que tu poursuives l'interrogatoire de Catherine. Parfait, je suis dans le labo du fond »
J'ai tout juste raccroché que j'entends la porte d'à côté claquer. J'attrape rapidement la main de Lindsey, qui fronce les sourcils de surprise.
« Fais moi confiance, je t'emmène voir Catherine »
Un sourire radieux recouvre alors le visage de la jeune fille.
Je sais que nous n'aurons pas beaucoup de temps, chaque seconde nous est précieuse.
Lorsque je rentre dans la salle où se trouve Catherine, je suis accueillie par un regard de glace, mais lorsqu'elle se rend compte que Lindsey est juste derrière moi, un sourire illumine son visage et pendant une seconde j'ai presque l'impression que ses yeux me disent merci.
Mère et fille se précipitent dans les bras l'une de l'autre.
« Oh ma chérie, est ce que tu vas bien ? » lui demande Catherine en passant une main sur le visage de sa fille.
Lindsey hoche la tête.
« Je suis tellement désolée mon cœur… si tu savais » Catherine est au bord des larmes.
« Je ne comprends rien à toute cette histoire maman, Sara dit que tu n'es pas ma mère, mais elle se trompe hein ? C'est une erreur ! Je suis bien ta fille, n'est pas ? »
Catherine me regarde l'air perdue, elle ne sait pas quoi dire à Lindsey.
« Je suis bien ta fille… » la voix de l'adolescente tremble de sanglots.
« Elles sont ici ! » crie tout à coup une voix qui ouvre la porte derrière moi, me projetant ainsi en avant.
Je peux voir Catherine resserrer ses bras autour de sa fille.
« Mais qu'est ce qu'elle fiche ici ? Sara qu'est ce qui se passe ? » grogne Connor.
Grissom, Connor, un officier de police et une assistante sociale rentrent les uns à la suite des autres dans la salle. Je peux voir que Connor est furieux de s'être fait avoir comme un débutant et Gil n'a pas l'air plus heureux.
« Sara qu'est ce que tu as fait... » marmonne Gil en secouant la tête navré.
« J'ai fait ce que j'avais à faire ! » je réplique en redressant le menton.
Le policier et l'assistante social se dirigent alors droit vers Catherine, qui d'instinct recule. Elle ressemble à une lionne prête à tout pour défendre son petit.
« Miss Willows lâchez la petite sans faire d'histoire » souffle le policier en avançant prudemment vers elle comme si elle était armée.
« Non, vous ne pouvez pas me la prendre » Catherine agite la tête.
Tout à coup les choses basculent, j'ai à peine le temps de m'en apercevoir. L'assistante sociale s'est emparée de Lindsey qui hurle et se débat comme un vrai petit diable. Catherine est retenue par le policier et en moins d'une minute l'assistante sociale est sortie de la pièce avec Lindsey.
« Sara ne les laisse pas prendre ma fille, Sara s'il te plait rattrape là… »
Je reçois une vraie décharge… des heures que Catherine refuse de me parler et lorsqu'elle le fait enfin c'est pour me demander une chose impossible.
« Sara… » son visage est ravagé par le chagrin et ses yeux me supplient de faire quelque chose. « Sara aide moi… » crie-t-elle avant de se laisser glisser sur le sol, obligeant ainsi le policier à relâcher sa prise sur elle.
Je me sens alors pousser des ailes et je sors en courant de la salle d'interrogatoire. Je prends l'assistante sociale en chasse dans les couloirs du labo, Lindsey continue de se débattre et ralentit ainsi leur progression.
Je ne suis plus qu'à quelques mètres d'elles quand je suis soudain arrêtée en pleine course, je suis si surprise que pendant une seconde je manque d'air.
Des bras me retiennent par la taille…
Grissom…
« Lâche moi, on ne peux pas les laisser prendre Lindsey ! »
« Sara calme toi, tu ne ferais qu'empirer les choses ! Je n'ai pas besoin qu'un autre de mes CSI se fasse arrêter pour entrave à la justice ! »
« Mais Lindsey… » je fais de mon mieux pour qu'il me lâche mais rien à faire.
« Nous récupérerons Lindsey je te le promets, mais nous ferons ça de façon légale, Catherine a déjà bien assez de problème comme ça ! »
« Où est ce qu'elle l'emmène ? »
« Dans un centre pour enfants en attendant le jugement, il se trouve quelque part sur la 7ème avenue. Elle y sera en sécurité » m'assure t-il.
En sécurité c'est vite dit, je connais ce genre de centre… J'y ai passé une partie de mon enfance.
« Je peux te lâcher maintenant ? »
Je lui dis oui d'un mouvement de la tête.
« Catherine a besoin de nous, elle a besoin de toi » me dit il avant de me lâcher.
Sara ne les laisse pas prendre ma fille, Sara s'il te plait rattrape là… Sara aide moi…
Je sais qu'elle compte sur moi.
Gil a tout juste relâché sa prise sur moi, que je cours derrière Lindsey… je cours jusqu'au parking mais il est déjà trop tard, l'assistante sociale est en train de quitter les lieux Lindsey assise sur la banquette arrière.
Je cours après la voiture même si je sais que ça ne servira à rien, je hurle le prénom de l'adolescente espérant par miracle qu'elle m'entendra mais rien ne se passe… ma course commence à ralentir, lorsque je m'aperçois que Lindsey s'est retournée et me fixe par la vitre arrière. Poussée par l'énergie du désespoir je rattrape pratiquement la voiture qui quitte doucement le parking.
Lindsey baisse la vitre arrière, je l'entends hurler mon prénom… et son appel me déchire un peu plus le cœur.
« Ne t'en fais pas Linds, je viendrai te chercher bientôt, je te le promets »
Je ne suis pas sûre que la jeune fille m'ait entendue, mais je la vois soudainement hocher la tête avant que la voiture ne disparaisse au coin de la rue.
Je m'écroule à genoux sur le bitume, les poumons en feu.
J'ai tout foutu en l'air, tout ce gâchis est en partie ma faute, mais Lindsey m'a entendu, elle sait au moins qu'elle ne sera pas seule et que je ferai de mon mieux pour la sortir de là.
De mon mieux…
Catherine, elle a fait du mieux qu'elle a pu pendant toutes ces années en gardant son secret. Et je n'ai pas le droit de lui en vouloir après tout je ne lui ai jamais parlé de mon enfance, je ne lui ai jamais dis que ma mère avait assassiné mon père pour nous protéger mes frères et moi.
Laura, ma mère, elle aussi a fait des choix tout comme Catherine…
Ce sont des mères, et l'une comme l'autre font de leurs mieux pour protéger leurs enfants peu importe le prix à payer. La scène qui vient de se jouer sous mes yeux : les larmes de Catherine, l'assistante sociale, les hurlements de Lindsey me renvoient mon passé en plein figure.
Une bouffé d'angoisse m'envahit alors…
J'ai besoin de réconfort, en règle générale je vais le chercher auprès de Catherine, mais aujourd'hui fait exception.
Je me relève et saisis mon cellulaire dans ma poche.
Je passe rapidement en revue le journal d'appel et le numéro que je cherche s'affiche enfin…
« Allô… maman… c'est Sara… »
A suivre…
