Voici une autre de mes anciennes fics. Celle-ci imagine une enfance de Voldemort et son arrivée à la puissance, avant sa chute. Rien de nouveau, seulement une vision supplémentaire du passé du Dark Lord… Je précise qu'il ne s'agit pas d'un journal, car si c'est Jedusor qui parle, il n'est pas un "conscient narrator", c'est à dire que je me mets à sa place sans que le personnage ait conscience de parler de lui. Faites en sorte de l'aimer!
Si Voldemort m'était conté: de Jedusor à Voldemort
Chapitre 1: Oracle pour un orphelin
- Oups... Jedusor, je n'ai jamais vu un couloir aussi sale!
Cessant un instant de frotter le parquet, je tourne la tête. Trois garçons et une fille, de la boue jusqu'aux genoux, marchent avec application dans tous les sens, un sourire provocateur aux lèvres. Que répondre, quand on est inférieur en nombre, humilié par ses genoux douloureux à force d'être appuyé dessus, et par ses bras couverts de la suffocante mousse à parquets, et qu'on est déjà en retenue pour avoir boxé un camarade?
Je me remets à frotter, choisissant de les ignorer. Et chaque coup de brosse rageur que je donne à ce sol foulé par des générations d'imbéciles, je le donne à chacun de ces quatre-là, qui font de ma vie un enfer.
Prends ça, Ralph.
Prends ça, Frank.
FLOUSH!
D'un coup de pied sournois, Ralph, le meneur, a renversé mon seau. Avant d'avoir eu le temps de savoir ce que je fais, je me lève d'un coup, furieux - il se retrouve, je ne sais comment, propulsé par terre. Il me regarde, ahuri, mais déjà Frank m'envoie un direct magistral. Nous sommes allés trop loin pour nous contrôler. Je frappe ce que je peux avec la brosse...
- Jedusor!
Voilà les ennuis. Nous sommes arrêtés en plein élan. Je redonne un coup de brosse au hasard, histoire que ça en vaille la peine. Je ne baisse pas les yeux devant Rodolphe, le pion, surnommé Napoléon à cause de sa petite taille et de ses manières militaires, qui arbore son air des mauvais quarts d'heure, prometteur de sermons et de retenues.
- Explications, gronde-t-il avec une rage mal contenue, le doigt pointé vers Ralph.
Tout est perdu pour moi.
Les âmes tendres verraient peut-être en moi le petit orphelin maltraité, une sorte d'Oliver Twist ou de Cendrillon au masculin, mais elles auraient tort. Bien sûr je suis petit et maigre, toujours dernier en sport, rafleur de toutes les meilleures notes mais solitaire et esseulé, orphelin seul au monde, mais on ne me verra jamais me plaindre, même en tête-à-tête avec moi-même. Je suis le favori du directeur, même s'il essaye de ne pas le montrer; je suis l'élève modèle, autant à l'orphelinat qu'à l'école du quartier où la plupart des gens n'osent afficher leur antipathie pour moi, car ils me trouvent inquiétant dans mes silences, mes gestes, mes regards; et surtout, je porte en moi un monde unique. Le monde de ma grandeur et de ma revanche. Car si une bande de quatre vipères - Ralph le meneur fanfaron, Frank le type à muscles, genre bovin, Benjamin le spécialiste des coups en douce et Violette la jolie et redoutable Milady - peut faire de mon quotidien un simulacre de l'enfer, j'ai en moi l'intelligence et la ténacité des conquérants. Un jour, je deviendrai moi-même, je serai puissant, redouté et respecté. Qui reconnaîtra en moi ce petit asocial irascible, penché sur une brosse à parquets? Je vivrai dans le bonheur, comme l'aurait voulu ma mère.
Ma mère... Une pensée nostalgique...? Je ne l'ai pas connue - autrefois, elle était mon rêve, j'attribuais mes épreuves à son absence. Une ombre fluette, ange fragile, giron protecteur, à la fois reine de douceur et déesse de colère, à peine salie par le passage d'un homme égoïste et sans cœur - mon père. Elle avait dû l'aimer, puisqu'elle m'a donné son nom, un nom banal et ridicule: Tom Jedusor. Je vivrai ce qu'elle n'a pas eu le temps de vivre: la fierté de soi, le mépris des gens stupides. Moi, le maigrichon, l'enfant surdoué, terriblement mûr pour son âge, autour de qui se produisent d'étranges choses, je me referai une noblesse.
Dois-je l'avouer? Bien que très rationnel (je ne crois qu'en la logique, les faits, la volonté, les savoirs sûrs), je porte un trouble secret... L'hiver dernier, alors que je rentrais plus tard de l'école, retardé par une réunion de délégués de classe, j'avais pris de petites rues sombres, espérant aller plus vite; sous un porche, une femme m'a accosté. Elle avait cet air loufoque des sorcières de contes de fées, mais inspirait comme confiance. Elle a pris ma main, puis m'a dit: "Tu as une aura puissante, très puissante..." Puis elle a consciencieusement examiné la paume de ma main, y a passé un doigt brûlant... "Tu feras de grandes choses... Au cours de ton onzième été, ton destin sera scellé... Tu te découvriras toi-même... Le onzième... été... tu iras...à la rencontre de ton destin..."
Nous verrons bien. L'été commence.
