Bien le bonjour à vous, ça faisait quelques temps dites-moi... Aah, je pourrai longuement parler du devoir d'un auteur - quand bien même amateur sur internet - qui est de ne pas laisser ses lecteurs dans l'attente, qu'écrire une histoire est un engagement pas seulement personnel, et que par une certaine forme de respect il faut poursuivre notre projet jusqu'à le finaliser. Je suis la première à le dire.
Alors, non, l'Exécuteur n'est pas arrêté, il trouvera une suite, simplement je ne saurai donner de précision quant au dates. Comment dire... dans les derniers chapitres j'ai compris que l'histoire était en train de m'échapper, que je voulais donner une certaine satisfaction aux lecteurs mais que j'avais fini par m'éloigner de l'ambiance que j'avais trouvé si complaisante, de cette fiction. La tournure des événements ne m'appartenait plus. J'ai été déçue de moi. Oui, je ne suis pas censée vous faire plaisir et répondre à vos attentes, il faut que j'écrive ce qui me plaît ! Sinon je me retrouve bloquée, comme actuellement ! Mais je suis en train de trouver le moyen de redonner tout son sens à L'Exécuteur, de lui faire retrouver sa noirceur et sa "démence", et le retour à la réalité pour vous risque d'être peut-être un peu rude à ce moment-là... En espérant que vous aimerez toujours, même après vous être pris un gros wtf en pleine poire X)
Cette petite nouvelle avait besoin de sortir, je l'ai actuellement bientôt terminée, il s'agit plus de correction pour ce qui reste. Donc, ne vous inquiétez pas, elle sera finie ! D'autant qu'il ne s'agit là que d'une histoire de trois pauvres chapitres... Le style est... différent, il se rapproche plus de L'Ailleurs (qui trouvera également une suite, originellement je voulais poster le premier chapitre cet été mais j'ai été trop impatiente... et vous voilà à attendre).
En ce moment j'écris très peu, je lis énormément, des heures et des heures par jours, sur Archive of our Own, car j'ai commis le péché ultime pour vous. Depuis quelques mois un nouveau ship a dépassé tous les autres, même celui-ci, à un point inimaginable ! Et je ne vais pas dire duquel il s'agit ;)
Dans tous les cas j'espère que vous apprécierez cette petite fanfiction, et sur ce je vous souhaite bonne lecture ?
J'ajoute que l'intégralité de cette fanfiction est écrite sous la musique : Après un Rêve op.7, no.1 de Gabriel Fauré (et d'autres gens)
Une forêt perdue dans les montagnes sous un ciel immense grisé, une nature verdoyante sous un soleil timide. Cavel était un de ces villages dont on ne repart jamais, qu'on le veuille ou non. Mais la population était de manière générale si peu ouverte qu'il ne viendrait même pas à l'esprit d'un seul habitant de quitter son doux foyer. Les maisons d'un rose pâle vieilli se dressaient plus bas sur le plateau, qui formait un terrain assez étonnamment plane compte tenu du lieu. L'église pointait joliment en son centre, majestueuse bien que pas très haute, mais elle était entretenue et cela se voyait. Il y avait peu de passage, aucune route nationale à proximité. En fait un seul chemin menait hors du village, un chemin étroit qui partait serpenter plus haut dans la montagne puis s'enfuyait au loin, vers l'inconnu.
Cavel était coupé du monde.
Mais Cavel était beau, charmant, irrépressiblement attirant pour les générations qui y voyaient le jour. Parfois on pouvait y croiser un voyageur, un couple voire une famille, mais jamais de groupe plus conséquent. Aucun étranger ne s'y attardait, c'était simplement de passage, tout bonnement comme si le village avait soigneusement été rayé de la carte afin de laisser les villageois dans leur tranquillité. Aucun nouvel arrivant n'était vu d'un mauvais œil, au contraire même, on se montrait curieux et avenant. Il ne fallait cependant bouleverser aucun quotidien de chacun, seulement se faire une place afin d'entrer avec confort dans le moule et suivre le courant.
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Eren Jaeger était né ici, il vivait en compagnie de sa sœur aînée Mikasa, de sa mère et de son père. Il connaissait chacun des élèves de sa petite école, il s'entendait avec tout le monde. Il aimait accompagner ses parents lorsqu'ils se rendaient à l'église le dimanche, non pas tellement qu'il croyait en une entité supérieure, mais plutôt qu'il appréciait passer du temps en famille et partager avec les autres. Le samedi tôt le matin il se rendait au marché quand sa mère avait mal au dos ou que son père était trop fatigué car il s'était couché tard, plongé qu'il était dans un travail géographique passionnant. Puis, l'après-midi il s'en allait tenir compagnie aux ancêtres du village qui jouaient aux échecs sur la place de l'église. Il ne les battait pas encore, mais il n'en était pas loin, il pouvait le sentir. Souvent la douce Christa était absente autour de la table, son âge avancé l'empêchant parfois de bouger de son chez elle. Alors, comme à son habitude, Eren sortirait de Cavel. Il partirait dans la plaine cueillir un beau bouquet de fleur et le lui apporterait, lui demandant encore une fois le nom de chacune des plantes qu'il avait apportées, faisant mine d'avoir oublié. Elle ouvrirait l'un de ses nombreux herbiers et poserait des définitions sur les images, ou encore lui compterait les balades de sa jeunesse, quand elle partait camper en pleine montagne avec ses amis, qu'ils étaient idiots et fous, mais qu'ensemble ils avaient formé les meilleurs souvenirs de sa vie. Ses yeux se mettraient à briller, faisant défiler toutes ces nombreuses mémoires si précieuses.
Le jeune homme n'était pas très grand du haut de ses tout récents dix-huit ans, il était même assez petit, avec son mètre soixante-treize. Il avait des cheveux châtain foncé qui reflétaient un bronze délicat au soleil, une jolie peau mâtinée et des yeux d'un turquoise aussi pur que les rivières qui couraient dans les montagnes alentour. Son sourire illuminait le village chaque jour, il était le parfait garçon. Il était l'ange de Cavel.
Comme tout enfant il avait eu sa période difficile avant de trouver sa place parfaite, de s'ancrer comme tout le monde avait fini par le faire dans le moule. Mais il avait gardé un secret. Son secret, ridicule et sans conséquence, mais ça n'était tout de même rien qu'à lui, ça lui appartenait à lui seul. Dans un endroit comme celui-ci où tout se sait, absolument tout, avoir un secret était chose rare, un luxe pour Eren et un encombrement inutile pour la grande majorité des habitants de Cavel. Parfois, en fin d'après-midi, après les cours, ou bien le samedi après être allé voir madame Christa, il s'en allait retourner dans la plaine. Il montait plus haut, à la limite de la forêt, mais ne la franchissait jamais. Il s'allongeait là, parmi les herbes hautes, et laissait la mélodie de la nature l'envahir, le son des criquets, les bruissements des feuillages. Les odeurs riches venaient délicieusement taquiner ses narines, et il soupirait d'aise. Parfois il gardait les yeux ouverts sur le ciel, quand celui-ci était d'un bleu clair parfait, et parfois il les fermait, quand le soleil se cachait derrière les nuages. Autant dire que ses paupières étaient bien souvent closes. Mais ça ne le dérangeait en rien, il aimait ces longs filaments grisâtres sous lesquels il avait vu le jour.
Il mettait une bonne demi-heure pour se rendre jusque dans son coin secret à lui, et pouvait y rester quelques minutes tout comme deux bonnes heures. Il lui arrivait de rentrer assez tard, alors que le repas allait commencer, mais ses parents ne lui demandaient jamais rien tant qu'il était présent pour le dîner à temps. Ils avaient confiance en leur fils modèle.
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Aujourd'hui était un jour comme les autres, qui se déroulerait sans accroche. Nous étions mercredi, les cours s'arrêteraient ainsi à midi. Les élèves sortaient du grand porche, pressés de rentrer dans leur chez eux afin de trouver de quoi se mettre sous la dent. Le jeune adulte était en compagnie de son meilleur ami, un petit blond qui répondait au nom d'Armin. Ils avaient partagé la même nourrice, qui à l'époque n'était autre que Christa, une des raisons pour lesquelles Eren prenait autant soin d'elle.
« Je ne pensais pas que tu aurais une aussi bonne note, disait Armin.
- Comment ça ? fit le châtain dans un froncement de sourcils.
- Je suis peut-être le seul à l'avoir remarqué, mais moi tu ne m'auras pas. J'ai bien vu comme tu avais le nez en l'air toute la semaine dernière, à regarder par la fenêtre.
- Rien ne t'échappe, rit-il en lui tapotant l'épaule. Mais au fait dis-moi, où en es-tu avec Annie ?
Il ne voulait pas tellement s'avancer sur ce sujet, mais il tenait tout de même à savoir. La curiosité d'Eren l'emportait sur beaucoup.
- Eh bien…, commença Armin en rougissant. On-on s'est peut-être embrassés…
- Comment ça peut-être ? s'esclaffa le châtain.
- Oui, bon ça va, on s'est embrassés, bredouilla son ami.
Eren renifla avec amusement puis un doux sourire prit place sur son visage.
- Je suis content pour toi.
Armin dodelina de la tête, gêné au possible.
- Et toi alors ? bifurqua-t-il, n'aimant pas qu'on s'attarde sur son cas. Tu as trouvé ta perle ?
Ce fut au tour de l'ange du village d'être mal à l'aise.
- Cavel est si petit que je crois que ça se saurait.
- Chaque chose arrive en son temps, voulut le rassurer son ami.
- Armin, soupira-t-il, ici, dès qu'on est petits, chacun sait presque déjà avec qui il terminera sa vie.
- Tu es Eren, répliqua le blond. Tu es le garçon bien-aimé de tout le monde. Tu pourrais choisir, tu fais simplement ton difficile… Tu n'as pas encore trouvé chaussure à ton pied, voilà tout. Mais ne t'inquiète pas, c'est certain, ta future se cache quelque part dans les murs de Cavel et tu la trouveras tôt ou tard. »
Ce à quoi Eren répondait par un sourire distrait et disait au revoir à son ami d'enfance, chacun s'en allant manger chez eux. Puis le châtain perdait un peu de son humeur si joviale, penchant pour une mine plus pensive. Il avait un coffre au fond de lui, fermé à double tour, qui cachait son cœur, et qui, il le savait, l'empêcherait de trouver son aimée. Du moins pas à Cavel. Il ne pensait pas vraiment au reste du monde en-dehors de son village, comme le reste de la populace il ne se posait pas trop de questions sur son futur lieu de vie. Il finirait là où il était né, c'était d'une logique si absolue et absurde pour chaque habitant de Cavel qu'on n'y pensait même pas. Les dernières paroles d'Armin résonnaient encore dans sa tête, et il n'aimait pas ça, être saisi de doute. Ici tout était censé être programmé, on sait où on va dès la naissance, et si l'on est indécis alors on se fera épauler et tout rentrera vite dans l'ordre. Cependant Eren ne pouvait pas être aidé, il avait son souci personnel, et l'étaler devant tout le monde n'arrangerait en rien. Il s'agissait d'une stupide maladie incurable, qui n'avait pas vraiment sa place à Cavel, qui sortait du moule. Mais tant qu'il n'en montrerait rien elle ne l'affecterait pas, elle se ferait discrète, invisible. Et il pourrait vivre avec jusqu'à être vieux et fatigué.
Eren ne voulait pas rentrer chez lui directement. Ses parents étaient partis travailler – sa maman à la clinique, son père à l'école – et ne seraient de retour qu'en milieu d'après-midi, et sa sœur était à la fac dans la ville voisine, à presque une heure de route d'ici, mais reviendrait peut-être ce soir, avant qu'il ne fasse nuit. Il ne fallait pas croire, on sortait parfois du village, surtout lorsque l'on était étudiant, mais on finissait toujours par rentrer au bercail avec hâte. Le jeune adulte s'était déjà quelques fois rendu en ville, sans plus d'enthousiasme que cela. Ce n'était pas comparable avec Cavel, les deux avaient leurs aspects positifs comme négatifs, mais l'instinct des villageois était si fort que retrouver leur foyer en fin de journée était devenu plus qu'une habitude : c'était un besoin. Puisque qu'Eren serait seul chez lui et qu'il n'avait pas plus faim que cela, il se décida à retourner dans la plaine afin de regarnir le bouquet de Christa. Ça lui arrivait de temps en temps le mercredi après-midi en plus du samedi de visiter la vieille dame. Puisqu'il n'avait rien de particulier à faire et qu'elle non plus, ils se tenaient mutuellement compagnie.
Il coupa les minces rues de Cavel, puis une fois à la frontière du village il marcha le long de la Grande Route – c'était le nom qu'on lui donnait, bien qu'elle ne soit pas bien large – la seule qui menait ailleurs qu'ici. Le goudron semblait étrange sous ses chaussures, c'était une surface étrangère puisqu'il était habitué aux pavés, mais il avait fini par s'en accommoder. C'était lisse, d'un gris sombre et sale, qui tranchait avec le reste du paysage. Eren longea la bordure de la route, les pieds à moitié dans l'herbe, à moitié sur l'asphalte. Après cinq minutes de marche, alors que le village s'éloignait, il sortit de la Grande Route pour venir monter dans la plaine. Une nouvelle fois, ses Timberland se verraient sans doute salies, mais ce n'était pas grave puisqu'il les nettoierait soigneusement en rentrant tout à l'heure. Il admira les arbres plus haut, mais ce n'était pas pour lui le moment de se rendre sur son lieu de détente. Aujourd'hui il resterait vers le bas de la plaine et trouverait de belles fleurs à ramener à son ancienne nourrice. Cavel et ses alentours étaient magnifiques, tout était d'un beau vert profond. Ce qu'on pouvait lui reprocher était le temps. Il ne faisait pas froid du tout, il faisait même très bon, mais son ciel était bien souvent couvert de nuages de couleur perle. Le soleil prenait parfois le dessus, mais souvent perdait la manche.
Eren cueillait les fleurs, choisissant celles qui étaient écloses mais pas trop non plus, de façon à ce qu'elles durent le maximum de temps possible pour sa nourrice, du moins au moins jusqu'à la fin du week-end. Il aurait pu passer l'après-midi à faire ça. Il aimait ce calme qui régnait dans la nature, et à la fois toute cette symphonie musicale si on y prêtait suffisamment attention. Des rayons de soleil perçaient les nuages, parsemant les hautes herbes de leur chaleur et la chevelure du châtain de mèches légèrement cuivrées. L'après-midi serait douce en ce début de printemps. L'hiver ne touchait pas Clavel, il le contournait. Une bonne demi-heure après, alors que ses bras étaient maintenant chargés de longues pousses, le lycéen se redressa et partit retrouver la Grande Route. Alors que ses pieds venaient de retourner sur le goudron, il remarqua une coccinelle sur l'une des fleurs qu'il tenait – une petite jaune du nom d'Arnica si sa mémoire ne lui faisait pas défaut – ses pétales courbant sous le poids plume de l'insecte. Avec un léger sourire il amena ce dernier sur son doigt, puis s'accroupit et le déposa sur les herbes qui bordaient la route. Il regarda quelques secondes la coccinelle se crapahuter un peu plus loin dans la verdure, avant de se redresser.
Ce fut la première fois qu'il le vit.
Un garçon pas très haut et d'un âge semblant assez proche se tenait sur le côté opposé de l'asphalte, marchant dans le sens inverse du sien, donc allant vers lui. C'était un étranger. Eren le savait, puisqu'il connaissait le visage de presque chaque personne de son village et, s'il avait croisé celui-ci, il s'en serait souvenu. Les caractéristiques du jeune homme face à lui ne correspondaient en rien à celles d'un habitant de Clavel. Il avait une peau très blanche, tranchant nettement avec sa chevelure de jais, et des yeux que le châtain parvenait mal à distinguer, mais semblaient clairs. Bien qu'il ne soit pas très grand, en tout cas plus petit qu'Eren, sa musculature paraissait plutôt bien développée sous son tee-shirt noir et son blouson. Le lycéen allait avancer d'un pas afin de rentrer au village mais s'était stoppé, perdu dans sa contemplation. L'autre marchait plus doucement maintenant, de manière infime, et quand il parvint à sa hauteur, de l'autre côté de la route, il avait tant ralenti qu'il serait presque à l'arrêt. Leurs regards se croisèrent, ils se dévisagèrent, semi intrigués, puis comme s'il y avait eu un signal Eren détourna subitement la tête et reprit sa marche, un peu plus rapide qu'auparavant.
Habituellement il aurait lâché un sourire à l'inconnu et lui aurait lancé un « bonjour », mais il ne se le permit pas aujourd'hui. Le garçon avait un il-ne-savait-quoi de… effrayant. Inquiétant. Très différent. Ce fut lorsqu'une odeur lui piqua le nez qu'il se rendit compte que l'inconnu fumait une cigarette, puis il put déceler en-dessous de ça un faible effluve de menthe fraîche. Au bout de quelques mètres il tourna la tête et coula un regard en direction du jeune homme, mais ne s'attarda pas bien longtemps en remarquant que celui-ci s'était stoppé et regardait la montagne, en haut de la plaine. Eren avait pris beaucoup de fleurs blanches aujourd'hui, il se demanda si la couleur de la peau de l'inconnu se rapprochait tant que ça d'une renoncule à feuilles d'aconit. Sans y penser vraiment, il ramena le bouquet chez lui au lieu de l'apporter à sa nourrice, puis nettoya ses chaussures et s'attela à ses devoirs.
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Il apprit le nom de l'inconnu dès le lendemain, au petit matin.
« Voici un nouvel élève, disait le professeur d'histoire, il arrive un peu tard parmi nous alors je compte sur vous afin de l'aider à se repérer.
Le châtain releva les yeux de son cahier, puis croisa pour la deuxième fois le regard de l'inconnu. A cette période de l'année, c'était étonnant de recevoir quelqu'un.
- Je m'appelle Levi Ackermann, prononça ce dernier d'une voix un peu rauque mais suffisamment forte pour que tous l'entendent. Enchanté. »
Il ne paraissait justement pas particulièrement enchanté, simplement ennuyé d'être là. Eren fronça les sourcils, sceptique, puis regarda autour de lui. Les autres ne semblaient pas avoir remarqué quoi que ce soit, ils étaient tout simplement excités d'avoir un nouveau venu, et lançaient pour certains un « salut » à leur futur camarade. Mais le châtain sentait que ce type-là, il allait apporter des ennuis. Lui qui pourtant était toujours celui qui faisait le premier pas, faisait fi de ce que pensait autrui ou des ragots, il se trouvait là plutôt sur le qui-vive. Levi se dirigea vers le fond de la salle et s'installa à la dernière table, celle contre la fenêtre, juste derrière… celle d'Eren. Le cours débuta.
Quand finalement la cloche sonna la pause, le châtain entendit la chaise derrière lui racler le sol avec empressement. Beaucoup d'autres élèves se levèrent, interceptant le nouveau afin de l'aborder, lui posant les questions bateau habituelles. Celui-ci se contentait de répondre d'une voix traînante, fatiguée. Eren ne l'aima pas pour cela. Il jeta un coup d'œil derrière lui et regarda les maigres notes griffonnées par Levi, qui ne constituaient en pas grand-chose – cela avait-il au moins un quelconque rapport avec le cours ? Mauvais élève ou élève distrait.
« Vous permettez que j'aille prendre l'air ?
Le nouveau avait prononcé ces mots d'un ton agacé, puis sans attendre la réponse il s'extirpa du troupeau et s'échappa par la porte. Tous avaient ouverts grand les yeux, stupéfaits. Eren croisa les bras avec mécontentement. Il ne laisserait pas Levi amener sa mauvaise humeur dans la classe. Quand on remarqua que ce dernier était sorti afin de fumer, puis que trois élèves rapportèrent dans les minutes qui suivirent que ça ne sentait pas que le tabac, immédiatement les regards se firent moins avenants, et d'autant plus quand le noiraud arriva au moins cinq minutes en retard pour le cours suivant.
« Je vois le genre, avait murmuré un élève non loin d'eux, Jean, un blondinet, mais pas suffisamment discrètement.
Eren l'entendit et ne put retenir un soupir. En dépit de ce qu'il pensait de Levi, il n'aimait pas qu'on parle ainsi tout haut sur quelqu'un. Et Jean était un idiot, pas méchant mais un idiot quand même. Personne ne lui disait jamais rien de façon ferme, c'est pour cela qu'il lui arrivait de faire des commentaires désobligeants. Mais il n'avait tout de même pas à mettre le nouvel arrivant dans la gêne ou à l'écart comme cela.
- Jean, souffla-t-il, et le garçon se tourna vers lui. Par –
- Si c'est pour dire des trucs pareil du con, tu peux gentiment te la fermer, grommela une voix derrière le châtain, à l'encontre du blond.
Jean fit les yeux ronds, estomaqué, puis se retourna avec empressement sur sa chaise. Eren aussi était surpris, mais il tenta de n'en rien montrer et se tourna vers Levi.
- Excuse-le, chuchota-t-il, il est un peu bête mais au fond il n'est pas méchant.
Le regard du noiraud s'attarda un peu trop sur son visage, semblant tenter de le cerner dans un froncement de sourcils, suffisamment longtemps pour que le lycéen sente ses joues piquoter, et celui-ci se demanda s'il le reconnaissait, puis l'autre répliqua :
- Et toi t'es qui, le bon samaritain ? »
Les élèves pas très loin autour l'entendirent. Le châtain fit mine de l'ignorer et se retourna sur sa chaise. Il était choqué qu'il lui ait parlé aussi abruptement, mais pour autant il ne lui en voulait pas.
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Eren était apprécié, s'en prendre à lui avait été un plus afin de clairement déclarer : ce nouveau ne va pas rentrer dans le moule. Dès ce jour et la semaine qui suivit, de moins en moins de personnes tentèrent de l'aborder, jusqu'à ce que ça atteigne le chiffre zéro suite à de cuisantes défaites. Pourtant, à chaque fois qu'Eren entrait en classe, il se surprenait à vérifier si la table derrière lui était vide ou non. Parfois Levi venait, parfois il ne venait pas, et dieu seul sait ce qu'il pouvait bien faire à la place. Quand il faisait honneur de sa présence, il sortait dehors à chaque pause se griller une clope ou un joint, et de l'intérieur du bâtiment, le châtain laissait glisser son regard vers la fenêtre.
Parce que plus Levi Ackermann était mis à l'écart, plus il devenait intriguant aux yeux de l'ange du village. Le nouveau n'avait pas trouvé sa place, il était devenu invisible, ignoré. On connaissait son tempérament vif et son évincement pour les belles paroles, et on l'évitait pour cela. Il était aigre quand on lui adressait plus de quatre mots, menotté à son mutisme, et tout sauf sociable. Alors pourquoi, tandis qu'il ne l'appréciait pas, Eren avait du mal à le voir ainsi ? Ce n'était pas de la pitié qu'il ressentait, c'était une forme… d'énervement. D'incompréhension. Et de curiosité, aussi.
Au bout de deux semaines après son arrivée, alors que plus personne de lui adressait la parole, le lycéen prit son courage à deux mains quand il remarqua le noiraud attablé à sa place. Il vint poser son sac par terre puis se tourna vers lui avec un petit sourire.
« Bonjour, dit-il, et il craignit un instant de ne pas avoir parlé assez fort.
Mais non, son camarade l'avait entendu puisqu'il releva la tête de ses bras pour venir ancrer son regard au sien, d'une couleur acier saisissante. Il paraissait surpris, et Eren remarqua que sans sa moue ennuyée ou grincheuse, Levi avait les traits fins.
- Bonjour. » répondit-il d'un ton remarquablement léger, quoiqu'un peu méfiant.
Le châtain hocha doucement le menton puis s'assit et sortit ses affaires, se préparant au cours qui allait suivre.
Ainsi, pendant quelques jours, à chaque fois que le noiraud venait il lui lançait un « bonjour », rapidement retourné. Cela se transforma ensuite sans tarder en une forme plus familière et joviale, un « salut ». Au bout d'un court temps Eren eut l'audace de rallonger un poil leur discours, lui demandant « s'il allait bien aujourd'hui », ce à quoi l'autre répondait par l'affirmative. Quand finalement Levi fit un pas vers lui, cinq jours après, lui retournant la question, le châtain se sentit content. Il se laissa aller dans sa réponse, s'exprima, lui comptant sa soirée d'hier et comme quoi sa sœur lui manquait car elle préférait rester en ville ces derniers temps, à fond qu'elle était dans ses examens. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, le noiraud l'écouta avec attention, hochant légèrement la tête. Ce matin-là ils furent comme chaque autres élèves qui se connaissaient, s'échangeant quelques mots avant le début du cours. Si l'on omettait les coups d'œil surpris qu'on leur jetait.
Bientôt ces quelques mots devinrent une habitude, et Eren était heureux de les échanger avec le noiraud. Quand il venait en cours le matin, il se demandait toujours si ce dernier serait là, et quand c'était le cas il se permettait d'esquisser un sourire un peu plus large.
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Il n'aimait pas Levi.
Il n'aimait pas son attitude je m'en foutiste, son langage grossier et le fait qu'il ne fasse rien en cours ou ne s'y rende carrément pas, ni le fait qu'il consomme de la marijuana devant les plus jeunes de l'école et que la fumée gêne chaque élève qui s'était posté un peu trop près de lui. Il n'aimait pas non plus qu'on le craigne ainsi parce qu'il se comportait différemment, que les professeurs lui fassent des remarques mais qu'il n'en tienne pas compte. On pouvait prendre ça pour de la provocation, et s'était même sûrement cela, à n'en pas douter. Levi aimait provoquer. Mais il n'était pas méchant, non, il n'était pas méchant. Il ne voulait simplement pas se faire emmerder. Le lycéen était intrigué, d'autant quand il remarqua que le nouveau limitait le langage fleuri quand ils conversaient. Et la présence de ce dernier en cours finit rapidement par annoncer un bon début de journée. C'était embêtant.
Un jour un professeur, qui n'était pas des plus aimables et désirait sans doute se venger de l'affront que lui faisait le noiraud de sécher autant ses cours, demanda à celui-ci de se rendre au tableau et l'interrogea. Il s'exécuta, allant se placer sur l'estrade d'un pas tranquille. La question était difficile, très peu devaient en connaître la réponse, alors il n'y absolument pas de quoi fanfaronner. Pourtant certains élèves semblaient satisfaits de voir le vilain petit canard se faire ainsi remettre à sa place. Mais Eren savait que ça n'atteignait pas le nouveau, que ça lui passait bien au-dessus de la tête. Les sourires se fanèrent quand Levi les regarda tour-à-tour d'un air provocateur. Quiconque oserait faire une seule remarque sur son compte en sa présence aurait affaire à son accablement.
Le châtain secoua la tête, dépité du comportement de ses camarades. Il n'avait pas oublié le regard attentif du noiraud quand il lui racontait sa journée précédente, ni ses salutations devenues de plus en plus avenantes et sincères. Quand finalement les yeux orageux de Levi passèrent sur lui, ils s'arrêtèrent et s'ancrèrent aux siens, et les muscles de son visage se détendirent imperceptiblement. Eren plaça ses mains de chaque côté de sa bouche et tenta de lui articuler la réponse, mais sans grand succès. Puis il y eut ce petit instant de flottement, où il remarqua l'animosité dans le regard du noiraud disparaître petit à petit totalement, puis un sourire en coin, très léger, apparut dans un coin de ses lèvres.
« Je n'en ai absolument aucune idée monsieur, répondit le nouveau, sans quitter une seule fois des yeux le châtain, puis il retourna s'asseoir à sa place sans demander son reste.
Trois petites minutes après Eren entendit un chuchotis derrière lui.
- Je suppose que je dois te remercier d'avoir essayé.
C'était étonnant venant de la part de cet élève irrespectueux. Puisque le professeur avait son attention dirigée ailleurs, Eren en profita pour se retourner à demi, sans toutefois croiser le regard de Levi.
- Ce n'est pas la peine, dit-il.
- Très bien alors. » répondit l'autre sans rien ajouter.
Eren se recentra sur le cours, gêné. Il aimait parler aux autres, faire de nouvelles connaissances – bien que ce soit rare dans Clavel. Mais le fait que le noiraud à moitié muet lui adresse la parole de sa propre volonté, ça l'intimiderait presque.
Et les conversations matinales s'en trouvèrent un peu plus allongées.
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Un jour, alors que le ciel se faisait menaçant, il y eut une nouvelle avancée.
« Tu viens ?
La cloche annonçant la pause venait de retentir dans l'établissement, il était temps pour Levi d'aller fumer. Mais aujourd'hui, alors qu'il se levait de sa chaise, il avait proposé à Eren de l'accompagner. Quelques paires d'oreilles avaient entendu l'échange, et des regards surpris se tournèrent vers le châtain, se demandant pourquoi il paraissait aussi proche du mauvais élève, du moins assez pour que ce dernier lui demande s'il souhaitait lui tenir compagnie. Le lycéen s'en trouva alors incommodé, et sans réfléchir vraiment il donna sa réponse :
- Non, merci, déclina-t-il poliment l'invitation.
Le noiraud n'en parut pas touché, il haussa simplement les épaules et partit. Puis Eren eut honte. Il eut honte de son comportement, d'avoir agi en fonction des autres, et honte aussi d'avoir autant envie d'accompagner Levi dehors. Il aimait sa compagnie, il aimait lui parler chaque matin où il le voyait, il aimait ces yeux qu'il posait sur lui, ce regard qu'il n'adressait pas aux autres. Il aimait se sentir ainsi privilégié, en quelque sorte. Il aimait aussi l'air détendu qu'avait le noiraud quand il se permettait de parler, les quelques mots que laissaient passer ses lèvres fines et bien dessinées. Mais il le détestait également pour cela.
- Pourquoi est-ce qu'il t'a proposé de venir ? lui demanda un camarade.
Il allait répondre, mais les nuages se décidèrent à ce moment-là de laisser filtrer l'eau, et la pluie tomba. Sans y réfléchir plus longtemps il attrapa son parapluie – se remerciant intérieurement d'avoir vérifié la météo – et se dirigea prestement en-dehors de la salle de classe, trottinant.
- Où est-ce que tu vas ? voulut savoir Armin.
- Il pleut, et Levi est dehors sans parapluie, lui lança-t-il à la volée.
Il accourut presque dehors, l'ombrelle bien serrée dans la paume de sa main. Il ne savait pas trop ce qu'il était en train de faire ni pourquoi, mais il s'en sentait étrangement excité. Quand Levi le remarqua et qu'il vint à lui, un sourire franc comme Eren ne lui en avait jamais vu lui échappa, il ne regretta nullement son acte. Parvenu à sa hauteur sous le parapluie, cigarette au bec, le noiraud lui glissa :
- Je savais que tu avais envie de m'accompagner.
Le châtain détourna ses iris turquoise, le bout de ses oreilles se mettant à chauffer.
- Pff. » lâcha-t-il en haussant les épaules.
Et ils restèrent ainsi, debout sous le parapluie, la fumée de la cigarette s'élevant tranquillement dans les airs.
Eren accompagna dorénavant presque à chaque fois le noiraud lorsqu'il sortait fumoter, ne faisant pas attention aux sourcils de plus en plus froncés et inquiets de ses camarades et professeurs. Parfois le mauvais élève ne revenait pas de la pause et rentrait chez lui, sur son vélo, alors si le châtain était avec lui à ce moment-là il pourrait sûrement le persuader de revenir avec lui en classe. Celui-ci était vif d'esprit, il avait sans doute compris son petit manège, mais il ne faisait aucune remarque là-dessus. Et il sembla à Eren que les fréquences de ses absences s'étaient amenuisées.
Levi représentait tout ce que le châtain rejetait, et à la fois tout ce qui l'intéressait.
Et ça rendait Levi un peu plus détestable chaque jour qu'Eren s'arrêtait sur le seuil de la classe et remarquait que la place derrière la sienne était occupée.
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Parfois le midi ils s'asseyaient ensemble sur le toit de l'école. Ce n'était pas dangereux mais c'était interdit, pourtant l'ange du village était parvenu à prendre goût à ça, braver cette petite limite sans grave conséquence. Levi avait bien compris que ça ne lui ressemblait pas de désobéir aux règles, alors quand il avait vu la moue sérieuse du châtain il s'était tout bonnement fichu de lui. Mais ce dernier s'en fichait, il avait eu son petit moment de gloire, il avait commis une infraction et il avait aimé le partager avec son camarade si désinvolte. Ils s'étaient alors assis sur le toit et avait mangé leur sandwich, le large ciel s'étalant au-dessus de leurs têtes.
Le noiraud n'avait pas beaucoup de conversation, il répondait par des phrases simples et courtes, concises, comme si tout était réfléchi de manière à ce que ça soit le plus résumé possible. Eren, bavard comme il était, aurait dû s'en sentir incommodé. Alors pourquoi était-il devenu accro à la présence de Levi ? Pourquoi ne plus parler ne le dérangeait pas lorsqu'il était là ?
Etre avec lui c'était comme s'échapper de Cavel, c'était comme si les portes d'un nouveau monde s'ouvraient au châtain. Alors qu'il n'avait jamais pensé déménager de son village, cette nouvelle compagnie était telle une bouffée d'air frais, qui n'avait pas pu lui manquer auparavant puisqu'il en ignorait l'existence. Et il se demandait d'ailleurs comment il avait fait jusque-là pour ne pas voir cette part absente qui faisait maintenant partie intégrante de son tout neuf quotidien. De son bonheur.
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Eren aimait Levi.
La réalité ne le frappa pas de plein fouet, non, il en prit conscience petit à petit. Mais à chaque rencontre c'était plus fort, et ça lui enserrait le cœur.
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Un soir il était perché sur le porte bagage du vélo du noiraud, lui enserrant la taille avec légèreté, ce dernier le ramenant ainsi chez lui depuis maintenant cinq ou six fois. Il leur était déjà arrivé, après les cours vers dix-sept heures, de partir s'asseoir dans l'herbe en bas de la plaine. Levi traînait son vélo à ses côtés, longeant la Grande Route, lâchant parfois un mot sur le cours précédent qui l'avait « emmerdé à en mourir », ou bien il demandait à Eren des nouvelles de sa sœur, car il savait combien elle comptait pour lui. Parfois ils restaient une petite vingtaine de minutes, parfois plus d'une heure. Si le soleil commençait à baisser alors le noiraud les ramenait sur son vélo, et ce bien que le village ne se trouve pas très loin. Avant le lycéen n'aurait jamais pris le risque de monter avec quelqu'un d'autre, qui conduisait, lui bouchant ainsi la vue sur ce qui se passait devant. Mais avec Levi c'était différent. Tout était différent. Il releva un peu le menton et des mèches corbeaux vinrent lui chatouiller le front, ainsi que cette habituelle odeur de tabac brûlé et de menthe. Il avait appris à en apprécier le parfum. Ça désignait le noiraud, alors comment pouvait-il encore le trouver écœurant ?
C'était dur d'aimer Levi. D'aimer un être aussi irrationnel et impétueux. Et d'aimer un garçon. Le vilain petit canard était la clé qui avait ouvert le coffre enfermant le cœur d'Eren. L'homosexualité n'était pas comprise par les villageois de Cavel. Ce n'était pas un rejet houleux, on n'en parlait simplement pas. Et pourtant la proximité qui s'était petit à petit établie entre l'ange et le mauvais garçon auraient peut-être dû mettre la puce à l'oreille des habitants, cependant ils faisaient comme s'ils ne voyaient rien.
Le châtain était la brebis entichée de la bête, mais il n'était pas certain que le grand méchant loup l'aime en retour. Les regards doucereux qu'il recevait de sa part le mettaient dans le doute, et il se disait que peut-être… Peut-être seulement. Parce qu'il ne s'autorisait rien. Il ne pouvait pas aimer son garçon ici, à Cavel. Et ça le noyait de l'intérieur, ça le rongeait de chagrin, parce qu'il n'était pas suffisamment fort pour oser braver cet interdit. Ce n'était pas aussi facile que de monter sur le toit de l'école. Pourtant il continuait d'aimer son village fermé d'esprit de tout son cœur, c'était une part de lui qu'il ne pourrait renier.
Il posa délicatement sa joue sur le dos de Levi, regarda les petites pousses d'herbes défiler puis ferma les yeux, se laissant bercer par le doux balancement du vélo. Sa poitrine le serrait, il n'y était pas habitué et c'était par conséquent particulièrement désagréable. Il détestait le noiraud de le faire se sentir aussi mal. Et quand une larme roula sur sa joue il resserra ses bras autour de la taille de ce dernier, pressant un peu plus son torse contre lui, gardant les paupières closes. Le garçon lui parla, lui posa une question peut-être, mais Eren ne se sentait pas la force de répondre, il ne se sentait même pas la force d'écouter. Il fut contraint de poser pied à terre quand le vélo s'arrêta, puis de se mettre debout quand Levi descendit de la selle. Avec le vent sa larme avait séché, mais il avait conscience de ses yeux rougis et en avait honte, alors il détourna la tête. Doucement, le mauvais élève déposa le vélo dans l'herbe, puis il se planta à quelques centimètres du châtain, si proche que ce dernier fut contraint de le regarder. Il se fit happer par ces prunelles orageuses et puissantes, et pourtant qui le fixaient avec tant de douceur. Ce n'était pas comparable à la manière qu'avaient ses parents de le regarder, là c'était tout autre chose. C'était tourmentant.
Quand les lèvres de Levi se retrouvèrent sur les siennes, il n'esquissa pas le moindre geste. Il se laissa faire. Puis quand le noiraud s'éloigna afin de jauger sa réaction, Eren se figea encore plus, l'âme hurlante. Il ne recula pas. Il ne le voulait pas. Mais il ne pouvait avancer non plus. Alors le méchant loup caressa sa joue, avec une infinie tendresse qui lui fit fermer les yeux, et leurs lèvres se retrouvèrent une nouvelle fois. C'était froid à cause du vent, puis ça devint rapidement tiède au fur et à mesure que leurs bouches se pressaient encore et encore l'une contre l'autre. Elles s'épousaient parfaitement, comme si elles avaient été conçues pour finir imbriquées. Les joues rougies, ils se séparèrent, et le noiraud lui glissa avec un petit sourire :
« Maintenant personne ne connait aussi bien l'ange du village que moi.
Eren le regarda. Il regarda son visage, ses lèvres plus rouges et ses yeux scintillants, puis il se dit que décidément Levi était vraiment beau. Il était aussi tentant que le diable.
- Je ne suis pas un ange, fit-il d'une voix enrouée.
- Tu en es un. » répliqua immédiatement le noiraud en enfourchant son vélo, puis d'un mouvement de tête lui fit signe de monter.
Ils repartirent sur la Grande Route en direction du village, encore plus collés qu'avant, le châtain arborant un large sourire et Levi un plus petit, mais ses iris gris perle brillaient de mille feux.
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Un jour Eren lui dirait, il le savait, et ça n'allait pas tarder. Il montrerait à Levi son endroit à lui, le lieu où il pouvait passer des heures sans rien faire, sans parler. Quoiqu'en y pensant sans avoir à trop se torturer l'esprit, il pouvait maintenant rester de longs moments sans bouger ni s'exprimer, où que ce soit, tant que le noiraud était à ses côtés. Son lieu secret avait ainsi perdu peu à peu de son sens, il était même en train de le délaisser, puisqu'il avait trouvé autre chose, qui devenait de plus en plus significatif. Ça l'effrayait. Et il en voulait à Levi autant qu'à lui. Mais, il n'y pouvait rien, il l'adorait.
C'était lui, il était devenu son nouveau refuge quand il avait besoin de se couper du monde. Cependant s'y rendre s'était transformé en son quotidien, et c'était mauvais, pas vrai ? A un moment ou à un autre il devrait refaire face à la réalité, et le retour serait rude. C'était du moins ce qu'il pensait. Mais se détacher de Levi était de toute manière déjà devenu une chose inimaginable.
Alors dites-moi, qu'avez vous pensé de ce premier tiers ? :)
Bon comme à mon habitude les dialogues ne sont pas particulièrement présents... Mais j'en ai mis davantage dans la suite, ne vous inquiétez pas
Plein de bisous
