Une fin d'après-midi dans des bois enneigés. Deux personnes de sexe opposé. Dans les airs, une comptine. Tous deux l'entendent. L'un n'écoute pas quand l'autre tend l'oreille. Surprise, elle observe les alentours. Cherchant la source de ce bruit qu'elle discerne avec peine. Assise sur un banc, dos aux arbres blancs, elle écrit :

« Où commencer et quand conclure. Quelles questions futiles, si on juge. Si on analyse les événements passés. Quand on se rend compte qu'on ne peut interférer avec ceux qui sont amenés à venir. Qu'on ne peut que les vivre. Qu'ils ont déjà été probablement écrits par avance. Qu'on ne fait que suivre un pseudo chemin déjà tracé. Par qui, je vous le demande. J'étais là. Je suis là. Je ne suis plus. Je ne veux plus être. Impuissance. Peur. Colère. Choc. Incompréhension. Nombreux sont les adjectifs qui naviguent dans mes pensées. Mais aucun ne reflètent réellement ce que j'éprouve. Ou peut-être que si. Cet extrait d'un artiste qui ne sera pas cité. Légèrement modifié par mes soins. Quand le ciel s'écroule, sur nos petites étoiles. On se sent si seul, quand le train déraille De la pluie dans mes yeux, quand l'espoir détale. Je pers l'équilibre sur mon propre manège. Sous le soleil d'été, je vois tomber la neige. On ne se moque plus de dieu, quand nos peines nous assiègent. Il y a des jours comme ça, ou rien ne va. Enfermé dans ton mal-être à t'en torturer la tête. Quand l'espoir meurt, pourra-t-il renaître ? Écoute-moi crier, aux portes de l'Enfer. Regarde-moi tomber, sans plus personne derrière. Les personnes qui m'entoure sont guère mieux que moi, je suis donc plus ou moins seule. Et peu à peu, je nous vois perdre nos pétales. On veut seulement s'évader, oublier nos cauchemars..»

La jeune fille s'interrompt, épuisée. Elle venait d'écrire d'une traite une cinquantaine de pages. Elle referma son exutoire et, sans un regard, sort de son sac l'appareil. Elle se lève. Bien décidée à percer le mystère. Cette mélodie doucereuse qui semble pourtant être une mise en garde. La jeune fille continue son chemin. Ne s'arrêtant que pour prendre quelques photographies. Sa nouvelle passion. Capturer des instants. Elle ne se rend pas compte du danger. Lui est à l'affût du moindre changement d'air, des vols d'oiseaux ou encore, du bruissement des feuillages.

Promenons-nous dans les bois ...

(Le loup la guette. )

Un début de soirée dans des bois enneigés. Le chasseur et sa proie. Dans les airs, la comptine continue. Chacun continuant leur chemin. On aperçoit une rivière. Aussi calme et lisse que peut l'être une rivière en ce début d'hiver. L'une est triste et tourmentée. L'autre tendu, sentant l'adrénaline monter. L'on peut maintenant entendre les clics du capteur de merveilles. Les craquements des brindilles qui annoncent une présence.

Promenons-nous dans les bois pendant que le loup n'y est pas ...

(Le loup est là, devant elle. )

Sous le regard effrayé de la demoiselle, il sourit. Ils se dévisagent longuement. De taille moyenne, elle porte les cheveux longs et naturellement blonds très bouclés qu'elle lisse chaque matin, consciencieusement. Ils sont depuis quelques temps de couleur rousse. Cela met en valeur sa peau laiteuse, sa fine bouche légèrement rosée, ainsi que ses magnifiques yeux noisette. Comme si ces détails changeaient l'histoire. Elle entrouvre à peine ses lèvres qu'il tire. Elle tombe. Endormie pour un moment. Elle rêve et se revoit enfant tout d'abord, puis quelques mois en arrière. L'homme la traîne. On pourrait presque lire jusque dans ses pensées.

« Psychopathe. Je rêve de vous tuer. Tous autant que vous êtes. Sans pitié ni remords. Sans rescapés. Une mise à mort, lente et douloureuse. Vous me supplierez de vous épargner. Psychopathe. Je garderais mon sourire carnassier, sadique. Nous converserons comme le ferait une bande d'amis autour d'une table. Je vous demanderais votre ressenti face à ses événements que vous n'auriez osé penser être possible. Psychopathe. Tout ne sera plus que douleurs et pleurs. Une totale désolation pour une quasi résignation. Le contrôle de votre esprit. Je vous détruirais petit à petit. Cette humiliation vous semblera normale. Méritée. Vous ne verrez plus qu'elle. Effacés ces souvenirs heureux d'une vie passée. Le temps n'aura plus d'emprise sur vos êtres. Puis au moment fatidique, j'assénerais le coup de grâce. Je me détournerais de vous. Ni plus, ni moins. Vous me supplierez de continuer. De ne pas vous abandonner. Et moi, sourire aux lèvres, je vous dirais adieu. Laissant vos esprits mutilés à leur sort. Je suis un Psychopathe. Ayez confiance en moi. Votre sécurité sera ma priorité.»

Et toujours cette comptine.

Promenons-nous dans les bois pendant que le loup n'y est pas.

Si le loup y était, il nous mangerait ...

(Il est trop tard. )

En cette nuit, le sol en neigé recouvre déjà leurs traces. Le Fou sorti de nulle part et la mystérieuse jeune fille qu'il vient d'enlever. Sans préavis, la comptine s'est arrêtée.