Auteur : Gillian Middleton ( u/483952/Gillian_Middleton )

Titre : Wherever This Road May Lead Us (Où que cette route puisse nous mener)

Genre : Romance

Résumé : Devant faire face aux évènements survenus pendant sa perte de mémoire, Dean fait de son mieux pour stabiliser sa relation avec son frère.

Pairing : Sam/Dean

Rating : M

Disclaimer : Les persos appartiennent aux créateurs de la série, et l'histoire à Gillian Middleton.

Avertissements : Je précise encore qu'il s'agit d'une traduction et que l'autrice de cette fic est Gillian Middleton. Si vous le pouvez, je vous suggère d'aller la lire en VO sur ce même site. Cette fic est une fic slash, traitant donc de relations homosexuelles qui iront jusqu'au lemon donc vous êtes prévenus. Inceste. Cette histoire est la suite de Memories of Me, que j'ai également traduite et que je vous conseille vivement de lire avant.

Je suis désolée d'avoir été aussi longue! Au cas où il y aurait encore des gens que ça intéresse, voici enfin la suite de Memories of Me, qui fera deux chapitres.


Partie 1

Dean regarda ses vêtements tourner dans le sèche-linge, hypnotisé par le mouvement circulaire et par le cliquetis régulier et sourd de quelque chose de métallique heurtant le tambour. Il avait l'esprit parfaitement vide et détendu, et il pouvait sentir ses yeux commencer à se fermer alors que la fatigue causée par une longue nuit sans sommeil le rattrapait.

Une porte claqua derrière lui et il sursauta, ses yeux s'ouvrant brusquement et son regard se concentrant.

« Désolé, » dit Sam, souriant largement en rouvrant la porte de métal et en commençant à sortir son tas de vêtements du sèche-linge. « On dort debout, vieux ? »

« Ha ha, » fit Dean aigrement, se frottant le visage avec lassitude. « C'est moi qui ai conduit toute la nuit. Toi au moins tu as réussi à roupiller un peu. »

« Ouais, parce que moi plus mes jambes dans le siège avant de cette voiture égal une bonne nuit de sommeil. » Sam secoua un jean et le plia dans le sens de la longueur avant de le rouler en boule et de le fourrer dans son sac de voyage. Les deux garçons sortaient de l'école d'empaquetage des Winchester, qui consistait en gros à rendre les vêtements aussi petits que possible pour en faire rentrer un maximum dans un sac.

Dean balança la tête de droite à gauche pour se dérouiller. « C'était mieux que rien. » Si les vêtements de Sam étaient secs, les siens devaient l'être aussi, il ouvrit donc le couvercle du sèche-linge et commença à sortir ses affaires. Tandis qu'il pliait et secouait, il réfléchit aux différents vêtements qu'il avait lavés, qui étaient en fait à peu près tous ceux qu'il possédait. Des T-shirts noirs. Des caleçons gris. Des chemises de flanelle, des motifs à carreaux sombres.

« Est-ce que j'ai quoi que ce soit qui ne soit pas noir ? »

Dean s'arrêta, fronçant les sourcils à ce souvenir. Il n'y avait jamais vraiment pensé avant, à ce qu'il portait. Il affectionnait les jeans, les brodequins et les chemises qui lui allaient juste comme il fallait. Mais c'était plus pour le confort et le côté pratique qu'autre chose. Mais maintenant il lui venait à l'esprit – non, il se souvenait qu'il lui était venu à l'esprit – que ce qu'il portait était vraiment… sombre. Que cela manquait vraiment de couleur.

Se souvenir d'une pareille chose procurait une sensation très bizarre. Remettre en question quelque chose qu'il avait toujours tenu pour acquis. Examiner les raisons d'un point de vue totalement différent et trouver qu'elles manquaient.

« J'ai rien contre la manière dont on a grandi, mec, mais c'est une sacrée raison pour acheter des vêtements. »

Ah. Si seulement son goût en matière de fringues était la seule chose qu'il devait remettre en question maintenant.

Dean jeta un regard en coin à Sam, qui était en train de remettre les manches d'un sweatshirt à manches longues à l'endroit. Sam leva les yeux, lui sourit à nouveau et Dean se contenta de secouer la tête et de retourner à son propre linge.

« T'es toujours en colère contre moi ? » dit Sam sur le ton de la conversation.

« Je ne suis pas en colère, » répondit brièvement Dean, faisant passer son irritation sur son jean, le réduisant à une boule serrée et le fourrant dans son sac.

« J'ai dit que j'étais désolé. J'essayais juste d'alléger l'ambiance. »

Dean fourra un malheureux T-shirt dans son sac et se tourna pour faire face à son frère. « Quelle ambiance ? » demanda-t-il. « Il n'y avait pas d'ambiance avant que tu dises ça. »

Les joues de Sam se colorèrent légèrement. « J'ai juste dit que tu étais mignon. »

« Ouais, et tu aurais dit ça il y a une semaine ? »

« Non, » admit Sam. « J'aurais pu le penser. »

Dean se contenta de le regarder.

« D'accord, je ne l'aurais peut-être pas pensé non plus, » dit Sam sur la défensive. « Mais on n'est pas il y a une semaine, Dean. On est aujourd'hui. »

« Ouais, et hier nous nous sommes mis d'accord pour mettre ça derrière nous, » signala Dean. Sam prit avec sa mâchoire cette expression entêtée qu'il avait mais Dean n'allait pas céder, cette fois-ci. « Pas vrai ? »

Sam lui fit face pendant quelques instants de plus, puis haussa ses larges épaules et se remit à plier son linge. « Tu prends ça trop au sérieux, » dit-il doucement.

« Mince, désolé, » dit Dean aussi sarcastiquement qu'il le pouvait en démêlant ses chaussettes et ses caleçons. Pourquoi s'emmêlaient-ils toujours ? « J'imagine que je ne trouve pas ça aussi hilarant que toi. »

Comme il s'y attendait, Sam eut l'air contrit et coupable. Sa tête se redressa et il se mordit la lèvre. « Je ne trouve pas ça drôle, » dit-il sincèrement et Dean sentit lui-même un pincement de culpabilité.

« D'accord, d'accord, » marmonna-t-il, rangeant les derniers vêtements avec gratitude. « T'as fini ? J'ai besoin de me reposer la tête. »

« Ouais. » Sam mit son sac de voyage sur son épaule et suivit Dean à l'extérieur de la laverie, dans la rue calme. Dean s'arrêta alors que Sam posait une grande main sur son bras et le pressait doucement.

« Dean ? » dit-il doucement.

Dean lui jeta un coup d'œil.

« Je ne me moquais pas de toi. Honnêtement. »

Dean voulait vraiment être celui qui rit maintenant. Il aligna quelques remarques piquantes, Ne sois pas une telle mauviette, Sam. On en a fini avec la culpabilité, Sam ? Monte dans cette foutue voiture, Sam.

D'une manière ou d'une autre, aucune ne fut capable de franchir ses lèvres. Sam semblait tellement sincère en se tenant là, ses cheveux trop longs lui tombant sur le front, ses yeux sombres si brillants et sérieux. Quelque chose se serra dans la poitrine de Dean.

« Ouais, ok, » fut tout ce qu'il réussit à dire. Sam lui lança un sourire hésitant, sa fossette se déplaçant et la douleur dans la poitrine de Dean grandit. « On peut y aller ? » implora-t-il, réprimant impitoyablement cette douleur, la refoulant au fond de lui.

Sam acquiesça et partit le premier et Dean prit une profonde inspiration, puis une autre. Ça craignait vraiment.


L'eau de la douche coulait fort dans la salle de bain et Dean s'appuya contre la tête capitonnée de son lit en soupirant. C'était tellement soulageant de pouvoir baisser sa garde sans que Sam observe chacun de ses foutus mouvements. Si seulement il savait ce que son énigmatique petit frère pensait. Que se passait-il derrière ces yeux ?

Une image vint à l'esprit de Dean, comme une diapositive se plaçant devant un objectif.

Les yeux de Sam, écarquillés et brillants d'amour, des larmes dégoulinant sur ses tempes. La texture et le goût qu'aurait ce liquide s'il le léchait amoureusement sur la peau jeune et tendue, les larmes salées ayant un goût de sang dans sa bouche.

Avec un juron étouffé, Dean serra le poing et frappa avec force l'oreiller à côté de lui. Et il pouvait se passer de la rediffusion en Technicolor, merci bien.

« Respire, Dean, respire, » se conseilla-t-il à voix basse. Il était tout à fait compréhensible qu'il soit hanté par ces souvenirs. Après tout, il avait traversé une expérience traumatisante. Perdre la mémoire, avoir le Syndrome de Stockholm sur Sam, retrouver la mémoire et devoir gérer les conséquences.

N'importe qui serait tendu après ça.

Un peu d'aide de la part de son frère aurait été la bienvenue. Mais non, monsieur Je-ferais-tout-pour-toi ne se rendait pas le moins du monde utile. Il passait son temps à faire des regards en coin, à rougir de façon inappropriée et à exhiber cette foutue fossette dans sa direction au lieu d'avoir l'air convenablement honteux et pris en faute par rapport à ce qu'il avait fait.

Dean aurait tout donné en cet instant pour effacer ces quelques derniers jours de son esprit. De l'esprit de Sam. Pour que les choses redeviennent simplement comme elles étaient entre eux, sans ces souvenirs embarrassants et cette foutue sensation dans sa poitrine qui ne s'en allait pas.

Sam choisit cet instant pour sortir de la salle de bain dans un nuage de vapeur et dans rien d'autre qu'une serviette d'hôtel. Il séchait ses cheveux avec l'autre serviette en arrivant, alors que l'eau scintillait toujours sur ses épaules et sur le haut de ses bras. Il s'arrêta net, Dean lui lançant un regard furieux, la main tombant de sa tête, la serviette qui séchait ses cheveux suspendue à ses doigts.

« Quoi ? » dit-il, sur la défensive.

Dean serra la mâchoire, secouant la tête avec incrédulité.

« Hé, c'est toi qui voulais que les choses redeviennent normales, » dit Sam sur la défensive. « C'est ce que je fais habituellement après une douche. »

Dean ramassa sa trousse de toilette et sa serviette et dépassa son frère l'air furieux, ne prenant même pas la peine de répondre.

« Dean, » dit Sam avec exaspération tandis que Dean passait à côté de lui pour aller dans la salle de bain. « Dans un milliard de chambres d'hôtels après un milliard de douches c'est ce que – »

Dean ferma ostensiblement la porte au nez de son frère, interrompant sa plainte.

« Ouais, Sammy, » marmonna-t-il, tournant brutalement les robinets jusqu'à ce que de l'eau bouillante et fumante se déverse dans la cabine de douche. « Mais dans toutes ces milliard de chambres d'hôtel et pendant toutes ces milliard de douches tu ne nettoyais pas mon sperme de ton ventre ! »

Dean arracha sa chemise et déboutonna son jean, jetant ceinture, portefeuille, clés et tout le reste sur le carrelage et les enlevant avec son boxer. Il poursuivit son monologue décousu à voix basse, énumérant ses griefs en se débarrassant de ses vêtements et en se plaçant sous le torrent.

« Tirons un trait là-dessus, j'avais dit. Qu'est-ce que tu ne comprends pas là-dedans ? On était d'accord pour en finir avec ça, Sam, mais tu es incapable de lâcher prise, pas vrai ? Tu peux jamais rien laisser tomber, faut que tu le tritures, que tu poses des questions et que tu détruises tout ! »

« Tu as dit quelque chose ? » demanda Sam de l'autre côté de la porte, et Dean se mordit la lèvre en se rendant compte que sa basse complainte s'était transformée en bruyante diatribe.

« Fous-moi la paix ! » rétorqua-t-il, pas d'humeur à être gentil. Il mit son visage sous le jet d'eau en poussant un grognement, retenant sa respiration alors que l'eau trop chaude mitraillait sa peau, nettoyait la sueur et la crasse de la journée et ce goût sur ses lèvres qu'il ne pouvait se sortir de la tête.

« Nom de Dieu, Sammy, » murmura-t-il, s'extrayant du jet d'eau, appuyant son front contre le carrelage froid, l'eau ruisselant sur son visage, ses cheveux et les coins de ses yeux. « S'il te plaît, laisse tomber. »


Dean se rasait soigneusement devant le miroir, une serviette autour de la taille, sentant la chaleur bienvenue de la pièce embuée s'envelopper autour de son corps et détendre ses muscles. Il avait une bonne barbe de deux jours à labourer –

« Est-ce que j'ai besoin de me raser ? »

- et il fit les gestes machinalement, laissant ce rituel habituel le calmer. Ses mains étaient stables alors qu'il faisait glisser le rasoir sur sa mâchoire, éraflant le dessous de son menton et retraçant soigneusement la fente qu'il avait héritée de son père.

Que lui et Sam avaient tous deux héritée de leur père.

Avec une expression sérieuse, Dean croisa son propre regard dans le miroir, la honte lui donnant des frissons dans le dos. Il avait rejeté la faute sur Sam, mais il savait qu'il était injuste. Ouais, peut-être que Sam aurait pu faire preuve de davantage de bon sens pendant que la mémoire de Dean était en vacances, mais Dean ne pouvait pas tout lui reprocher.

Parce qu'il ne se souvenait que trop bien de comment ça avait été. L'intensité, la force de ce lien entre eux. Il avait senti cette force longtemps avant que Sam ne soit impliqué. Cette intimité.

Fermant les yeux, Dean put se souvenir avec une parfaite clarté de ce que ça lui avait fait de regarder Sam sans le connaître. Et pourtant de s'être senti si attiré vers lui, si charmé par son sourire, attiré par son corps, conquis par sa gentillesse. Ce que ça lui avait fait de plonger son regard dans celui de Sam et d'y voir cet amour et cette dévotion totale.

Bien sûr, pas la peine d'être un génie pour le deviner. Dean savait qu'il avait quelques lacunes dans le domaine de l'amour, il l'avait senti toute sa vie. Son père et son frère avaient été tout son monde, et il n'y avait eu personne d'autre au bataillon. Ni les personnes diverses avec lesquelles papa les laissait pendant qu'il chassait, ni celles avec lesquelles il restait entre les chasses. Ni les professeurs, ni les amis de passage, ni la parade de femmes qui avaient réchauffé son lit.

Pas même la seule femme qu'il avait cru pouvoir vraiment aimer. Aucun d'eux n'avait atteint cet endroit qui avait été complètement et exclusivement occupé par sa famille.

Son cœur.

Alors, quand tout le reste était parti et quand Dean avait ouvert les yeux en se retrouvant totalement perdu dans le monde, eh bien, pas la peine d'être un génie pour deviner pourquoi il avait été attiré par Sam. Même le sexe n'était pas si incroyable, il était passé par une période dans son adolescence où il avait été plutôt conscient que les hommes pouvaient l'exciter autant que les femmes, dans les bonnes conditions.

En fait, il avait de façon plutôt consciente tourné le dos à cette partie de sa sexualité, en fermant la porte à clé. Il s'était dit que c'était une question de convenances – c'était déjà assez dur de s'intégrer dans certains des endroits où ils devaient aller, sans y ajouter une étiquette encombrante qui rendrait les choses plus compliquées.

Mais en vérité, bien sûr, il avait réprimé ça seulement à cause de son père. Il ne pensait pas que son père ait quoi que ce soit de particulier contre les gays, mais Dean ne pensait pas que cette information sur son aîné serait la bienvenue.

Et puis ça n'avait pas été si difficile, comme ça l'aurait été s'il avait été complètement gay. Les femmes répondaient à tous les besoins de son corps et tout le reste venait de sa famille et de la chasse.

Dean rouvrit les yeux, observant cette fois son reflet avec ironie. Sammy avait eu raison sur ce point, il était un chien. À la minute où il avait eu une chance de combiner les trois grands amours de sa vie, il avait sauté sur l'occasion.

Littéralement.

Ils devaient juste surmonter ça, lui et Sam. Dépasser les souvenirs, les silences gênants et le fait que Sam soit totalement et complètement incapable de penser dans sa tête et non à voix haute.

Allons bon, peut-être qu'un jour ils s'assiéraient autour de quelques bières et en riraient…

Dean haussa un sourcil en direction de son reflet.

Nan. Sûrement pas.


Sam était assis sur son lit et lisait le journal local qu'ils avaient pris à l'accueil en arrivant au motel. Il leva les yeux avec un peu de nervosité lorsque Dean sortit de la salle de bain et jeta son kit de rasage et sa trousse sur la table.

« Euh, Dean, » commença-t-il avec incertitude.

« Désolé de t'avoir mal parlé tout à l'heure, » fit Dean, cherchant à adopter un ton léger.

« Tu l'es vraiment ? » dit Sam, l'air perplexe. Il abaissa le journal.

« Ouais. » Dean posa ses vêtements sur un dossier de chaise et contrôla la porte d'entrée, tirant la chaîne et s'assurant qu'elle était bien fermée. Puis il contrôla la fenêtre, remettant le rideau en place alors que le soleil matinal perçait dans la chambre faiblement éclairée. « Je suis juste fatigué, mec. »

« Ouais, » accorda Sam. « Moi aussi. »

Dean défit les couvertures de son lit et s'assit, examinant son frère qui était assis en tailleur sur les couvertures. « Mec, on est bien sur la même page, là ? » dit-il prudemment.

Sam resta interdit, le regard pensif.

« Je veux dire, » continua Dean, « Nous voulons la même chose ici, pas vrai ? Que les choses redeviennent comme elles étaient avant tout ça ? »

« Dean, » dit Sam avec précaution. « Mec, je ne pense pas que les choses puissent jamais redevenir comme elles étaient avant. »

Dean encaissa ça. « Ok, » convint-il, y réfléchissant. « Mais tu sais, hein, qu'elles ne pourront jamais être comme elles étaient pendant. Hein ? »

Et voilà que, bordel, Sam détournait encore le regard, déglutissant, serrant le journal entre ses mains. Allez, Sammy, enjôla Dean dans sa tête. Je sais ce que tu veux, mec, mais ça n'arrivera pas. Laisse tomber, Sam, laisse tomber.

« Ouais. » L'accord de Sam fut aussi doux qu'un murmure, mais il recelait une sincérité qui provoqua une poussée de pur soulagement chez Dean.

« Eh bien, ok alors, » dit-il, bien plus joyeusement. « On ne peut pas retourner en arrière mais on peut avancer. Il faut juste qu'on traverse tout ça et qu'on ressorte de l'autre côté. Et comme tu disais, on a vu pire, pas vrai ? »

Sam fronça les sourcils pendant une seconde ou deux puis se détendit et eut un sourire en coin. « Ouais. »

« Ouais, » approuva Dean. « Maintenant faut que je dorme, mec, impossible de garder les yeux ouverts. Tu vas pioncer un peu ? »

« Ouais, je finis juste le journal avant, » dit Sam d'une voix rauque, le secouant pour le rouvrir. « Voir si je peux nous trouver un nouveau coup. »

« Excellent, » s'enthousiasma Dean, s'allongeant et se tournant sur le côté. Il savait qu'il était trop enthousiaste, savait même qu'il était un peu cruel…

Mais…

Mais il savait aussi ce que Sam voulait, son petit frère n'étant pas si doué que ça pour cacher des choses à son grand frère. Il savait pourquoi Sam s'était laissé séduire même en pensant que c'était lui qui était le séducteur.

Et il savait ce dont Sam avait soif, parce qu'il avait exactement la même soif.

Dean était tombé amoureux de son frère pendant qu'il avait perdu la mémoire, et il était juste de dire qu'il en était de même pour Sam.

Dean savait qu'il était un homme qui avait manqué d'amour toute sa vie. Et il savait que son frère était un homme qui avait trouvé l'amour et l'avait perdu. Et si lui n'avait pas eu toute sa tête quand il avait offert son amour à son frère, alors Sam n'avait certainement pas eu toute sa tête quand il lui avait offert son cœur en retour. Brisé par la solitude, piégé dans une vie qu'il avait rejetée et à laquelle il ne semblait pourtant pas pouvoir échapper.

Séparé de tout ce qui était normal et sécurisant, à quoi pouvait-il s'accrocher si ce n'est à Dean ?

Ça avait été bien trop facile pour eux deux de franchir la limite.

Ce serait bien trop facile de recommencer.

Mais Dean avait repris ses esprits maintenant, et comme d'habitude il était celui qui devait prendre les responsabilités. Voir avec sa tête, pas juste avec son cœur.

C'était à son tour de faire ce qu'il fallait, de les faire traverser ce feu sans qu'il les brûle complètement. Sans qu'il calcine tout ce qui était spécial et important entre eux et qu'il ne leur laisse que des cendres.

Et Dean savait que c'était son boulot.

Alors il ignora les petits bruits que fit Sam en se préparant à aller au lit, en éteignant la lampe de chevet et en s'installant avec un soupir. Il ignora la douleur dans sa poitrine et ce foutu arrière-goût qui s'attardait dans sa bouche.

Et il continua à jouer son rôle de grand frère.


« Je crois que j'ai trouvé notre prochain coup, » dit Sam, sirotant son café comme s'il était sept heures du matin au lieu de neuf heures du soir.

Dean bailla jusqu'à ce que sa mâchoire craque, appuyant sa tête sur sa main, le coude posé sur la table en Formica.

« Mec, il faut qu'on se remette à ce truc de dormir quand il fait nuit. »

« C'est pas pour tout de suite, si c'est bien ce que je crois. » Sam retourna l'ordinateur portable et Dean plissa les yeux pour lire la page.

« Le Wisconsin du Sud-Est victime d'attaques d'ours pour la troisième fois cette année. »

« Ouais, mais regarde les dates, » dit Sam, retournant l'ordinateur de manière à ce que Dean ne puisse même pas le faire même si ses yeux avaient été totalement concentrés. « On a sans aucun doute un cycle lunaire ici. »

Dean s'arrêta avec la tasse de café à mi-chemin en direction de ses lèvres. « Loup-garou ? »

Sam haussa les épaules. « Possible. »

« Cool. »


L'Impala roulait à fière allure sur l'autoroute, Dean au volant tandis que Sam étudiait une carte qu'ils avaient récupéré à la dernière station service, vérifiant les coordonnées et les marquant au crayon.

Dean jeta un coup d'œil vers lui. « Tu penses vraiment que c'est un loup-garou ? »

Sam enleva la lampe torche aussi fine qu'un stylo de sa bouche et l'éteignit. « Le motif correspond. »

« Tu te souviens de ton premier ? » Dean lui fit un sourire un coin et Sam rit aux éclats.

« Si je m'en souviens. Douze ans et mes genoux s'entrechoquaient. »

« Papa nous a laissés pour 'garder la voiture' pendant qu'il le traquait. » Dean fit une grimace de dégoût.

« Ce qui voulait dire : 'Dean, surveille ton petit frère pendant que je le traque', » décoda Sam. « Tu étais en pétard. »

« Je voulais juste faire partie de la chasse. »

« Après, la foutue chose a fait demi-tour et papa était derrière elle et nous hurlait de monter dans la voiture et de démarrer. »

« Et j'essayais de te traîner dans la voiture mais tu criais que tu ne laisserais pas papa derrière toi. »

« Comme s'il ne pouvait pas se débrouiller tout seul, » rigola Sam. « Et puis cette foutue chose est sortie à découvert et tu t'es jeté sur elle. »

« C'était une sacrée saloperie, » rappela Dean.

« Et elle venait vers nous, et papa continuait à crier depuis les arbres, et tu attendais encore et encore mec, » dit Sam, secouant la tête. « Je te jure que je pouvais sentir son haleine puante. Et après bam ! »

« Droit entre ses deux yeux, » fit Dean avec satisfaction.

« Après, papa était là et il criait. Et tu avais ce grand sourire de merdeux sur ton visage. »

« Et tu étais par terre en train de dégueuler ton dîner sur toute la roue avant de la voiture, » lui rappela Dean avec la mémoire affûtée d'un grand frère.

Sam secoua la tête en soupirant. « Mec, papa était furieux. Mais tu te souviens, quand on est retournés à la cabane ? »

Le sourire de Dean s'adoucit. « Ouais. »

« Il t'a donné ta première bière. »

Dean s'esclaffa malicieusement.

« Ok, ce qu'il pensait être ta première bière. »

Dean continua à rire, tirant la langue, le mal personnifié.

« Ok, » rit Sam. « Ce qu'il fit semblant de croire être ta première bière. »

« Ma première bière officielle, » clarifia Dean.

« Et il a dit que tu avais rejoint un clan fermé. Celui de ceux qui avaient occis un loup-garou. Il a dit qu'il y en avait peu qui marchaient sur cette terre. »

Dean poussa un soupir et secoua la tête. « De bons moments, mec. »

Sam acquiesça. « Il y a eu de bons moments, » accorda-t-il.

« Avant que tu ne deviennes un ado terrible. »

« Tu es juste emmerdé par cette poussée de croissance, mec. »

« Avorton. »

« Nain. »


Sam but une gorgée de sa bière et montra la carte. « Voilà, cette chose a tué trois fois dans un rayon de six kilomètres pendant les trois derniers mois. Et toujours pendant une nuit de pleine lune. »

« Je ne sais pas, Sam, » fit Dean, fronçant les sourcils en regardant la zone grisée. « Le Wisconsin est plein d'histoires de loup-garous. Et si c'était encore un timbré qui jouait les monstres ? »

« Eh bien, la beauté d'une balle en argent, c'est qu'elle tue tout aussi bien qu'une balle ordinaire. »

Dean haussa les sourcils. « Sammy, Sammy, Sammy. Tu es vraiment en train de suggérer qu'on tue une personne ? »

Sam ouvrit son ordinateur et cliqua sur un lien. Une photo en noir et blanc d'une petite fille souriante, les joues bronzées et rebondies fendues d'un sourire éclatant, les cheveux attachés en couettes avec de gros nœuds.

« La seconde victime, » dit Sam sombrement. « Laura Benton. Neuf ans. »

Dean examina le petit visage heureux, sa mâchoire se resserrant. « Tu marques un point. »

Sam soupira et ferma l'ordinateur. « Parfois un monstre est un monstre. »

« Ouais. »

Ils restèrent assis en silence pendant quelques minutes alors que la vie continuait dans le bar autour d'eux. Une chanson se termina dans le jukebox, une autre commença et les deux frères se tournèrent en même temps l'un vers l'autre avec un grognement.

« Oh non. » Dean leva les yeux au ciel. « Je mourrai heureux si je n'entends plus jamais cette chanson de ma vie. »

« Papa a complètement usé cet album, » renchérit Sam. « Je jure devant Dieu que je l'ai entendu dans mon sommeil pendant des mois après ça. À ce jour je ne peux pas entendre les Eagles sans penser aux moments où j'étais allongé à l'arrière de la Chevy, regardant les étoiles pendant qu'on roulait de nuit. »

Une rousse aux longues jambes passa par là et fit un clin d'œil à Dean, et elle attira son attention alors qu'elle se dirigeait vers le bar.

« Je me suis toujours demandé ce que cette chanson avait, » médita Sam, ne remarquant pas l'air distrait de son frère. « Pour que papa soit aussi accro. Peut-être un bon souvenir… »

« Hmm, » réussit à prononcer Dean, ses yeux suivant la progression de la rousse alors qu'elle s'appuyait contre le bar. Elle lui lança un rapide coup d'œil à travers ses cils et il sourit. Je t'ai eue.

Le silence de Sam attira son attention et il se tourna pour lui faire face, mais Sam ne le regardait pas. Il fixait la bouteille qu'il tenait des deux mains, examinant l'étiquette comme s'il y allait y avait un contrôle dessus le lendemain. Ses joues étaient pâles comme la mort.

Dean jeta un autre regard vers la rousse qui le fixait maintenant ouvertement, faisant passer un doigt sur le rebord de son verre.

Dean soupira. C'était une bombe et il était probablement sur un coup. Si c'était n'importe quel autre soir il serait déjà là-bas, maniant l'art de la séduction et du mensonge.

Mais ce n'était pas n'importe quel autre soir – c'était ce soir. Et Sam était assis en face de lui avec l'expression de quelqu'un dont le chien viendrait d'être écrasé.

« Hé, » fit Dean, le tapant sous la table avec désinvolture.

« Aïe, » dit Sam, lui lançant un regard noir.

Dean désigna les tables de billard situées dans un coin d'un signe de tête. « Tu veux jouer ? »

Sam fronça les sourcils d'un air interrogateur, son regard allant de Dean au bar puis revenant. « Quoi ? Toi et moi ? »

« Non, moi et le loup-garou du Wisconsin, » railla Dean. « Allez, Sam, tu ne peux pas être complètement rouillé. »

« Je peux toujours te battre les yeux fermés, » dit Sam, un sourire grandissant sur les lèvres.

« Oh ooh, voilà des paroles agressives, » fit Dean d'une voix traînante, vidant sa bouteille. « Vas voir si tu peux nous trouver une table, je vais nous chercher d'autres bières. »

Sam se leva, jetant un regard trahissant son malaise vers le bar, mais Dean sourit et y alla, esquivant les clients en posant les bouteilles vides et fit signe au barman de lui en donner deux de plus.

« Je pensais que tu ne viendrais jamais, » dit la rousse, son parfum fort l'atteignant avant ses paroles. Il prit une profonde inspiration et lui adressa un sourire lascif.

« Alors ce qu'on dit est vrai. Les filles du Wisconsin sont les plus belles des States. »

« Cette réplique marche souvent pour toi ? » Elle eut un petit sourire suffisant et Dean la regarda innocemment d'un air surpris, appréciant la conversation, qui lui était aussi familière que de respirer. Ses bières arrivèrent et il tendit un billet, refusant la monnaie d'un geste.

« Chérie, une fille comme toi doit avoir entendu toutes les répliques que j'ai, » dit-il avec regret, ramassant ses bouteilles sur le bar. « Et crois-moi, rien ne me ferait plus plaisir que d'essayer chacune d'elles sur toi. »

« Mais ? » dit-elle d'une voix traînante.

Il haussa les épaules et s'écarta du bar. « Mais ce soir je suis en mission humanitaire. Faut que je m'occupe de mon petit frère, il est en mauvais état. » Dean désigna vaguement les tables de billard d'un signe de tête. Sam rassemblait les boules, son long corps maigre penché au-dessus de la table, jetant des regards vers le bar.

La rousse fit une grimace de déception. « Quelqu'un lui a brisé le cœur ? »

Dean inclina la tête. « Tu sais quoi ? C'est ça. Un vrai canon aussi. Mais, entre toi et moi, loin d'être assez bien pour lui. Tchao. »

« Peut-être une autre fois, » appela-t-elle et il fit un clin d'œil par-dessus son épaule.

« Compte là-dessus. »

« Tu en as mis du temps, » l'accueillit Sam, tendant la main pour sa bière.

« De rien, » fit Dean ostensiblement. « Maintenant, tu veux parier sur qui pliera le premier ? »


Sam manquait d'entraînement mais tout lui revint assez rapidement, et à la dernière partie Dean était en difficulté. Il obtint une vague d'applaudissements quand il fit rentrer sa dernière balle et qu'il prit des paris, sentant que quelques bonnes poires étaient prêtes à avancer leur argent. Deux heures plus tard, les Winchester avaient plus de trois cent dollars et décidèrent que c'était assez.

« Il était temps que tu fasse rentrer de l'argent, » plaisanta Dean alors qu'ils parcouraient les deux pâtés de maisons qui menaient au motel.

« Tout m'est revenu assez vite, » médita Sam. « Il m'arrivait de faire une partie ou deux pour me faire un peu de monnaie quand j'ai commencé à aller à l'université. Après j'ai trouvé un boulot à mi-temps dans une librairie. »

Il s'arrêta, aussi réticent que jamais à évoquer ces années, et Dean n'insista pas. En vérité, il ne voulait vraiment pas savoir.

C'était une belle soirée, illuminée par la lune, qui serait pleine le lendemain, et une brise chaude faisait voler des papiers qui traînaient dans la rue devant eux. Dean prit une profonde inspiration et s'arrêta, s'adossant nonchalamment à un arbre, appréciant les taches de lumière que la lune imprimait sur sa peau, tatouages éphémères qui se déplaçaient et se déformaient lorsqu'il pliait les doigts.

Il devait pousser un peu les choses maintenant et ça ne l'enchantait pas.

« Tu sais, Sammy. Il faudrait qu'on parle. »

Le pouffement de Sam avait quelque chose de nerveux. « Ça change. D'habitude c'est moi qui veux parler et tu me dis de me la fermer. »

« Crois-moi, je préfèrerais éviter cette conversation, » fit Dean avec ardeur.

« On dirait une menace. » Sam s'adossa à un poteau, tout en longues jambes et en longs bras. Dean continuait à être pris par surprise, parfois, par la grâce adulte et masculine que Sam avait acquise. À dix-huit ans son frère n'avait été que mouvement et énergie, qu'os juvéniles et anguleux recouverts par une peau douce et tendue.

Les années qui suivirent avaient banni le garçon pour toujours mais Dean continuait parfois à lever les yeux en s'attendant à le voir.

« Je crois que j'ai besoin d'une sorte de règlement là, Sam, » dit Dean, tentant la légèreté. « J'ai besoin de savoir où j'en suis. »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? » La voix de Sam était basse.

« Tu sais ce que je veux dire, » fit Dean, implacable. Il se mordit la lèvre un instant, hésitant entre laisser tomber et continuer. Il secoua la tête et continua. « J'ai besoin de savoir, mec. Quand je peux regarder une jolie fille sans que ça te brise le cœur. »

« Va te faire voir, » éclata Sam, s'écartant du lampadaire.

« Quand je peux flirter avec une jolie fille sans que tu donnes l'impression que je te trompe, Sam. » Dean se tendit lorsque Sam s'avança vers lui, les poings serrés. L'adolescence lui avait appris qu'il n'était pas impossible que Sam donne de mauvais coups quand on le poussait trop loin.

« Quand je peux ramener une jolie fille à la maison sans que tu – »

« Ferme-la, bordel ! » hurla Sam, et Dean la ferma. Il avait été assez loin pour l'instant. « Alors c'est ça, Dean ? » demanda Sam, la voix rauque. « Un autre coup d'un soir ? Une conquête de plus ? Eh ben, qu'est-ce que t'attends ? Ne me laisse pas t'arrêter. »

Sam fit un autre pas en avant mais Dean tint sa position, levant le menton pour faire face au visage féroce de son frère. Une grande main se leva mais Sam se contenta de tendre la main.

« Les clés ? »

Dean serra la mâchoire, sentant la colère battre dans sa tête. « Ne m'attends pas, » éructa-t-il, plongeant la main dans sa veste pour prendre les clés et les mettant violemment dans la main de Sam. Un instant de contact éphémère avec la peau fraîche et Sam se retirait, sortant des ombres tachetées pour s'enfoncer dans l'obscurité, le clair de lune qui blanchissait sa peau la réduisant en poussière.

Et l'espace d'un instant la colère dans les yeux de Sam mourut, sa mâchoire se serra et sa bouche trembla, et Dean pensa qu'il était peut-être allé un peu trop loin.

Mais Sam se contenta de se retourner vivement et continua son chemin dans la rue sans un autre mot.


Dean ne retourna pas dans le bar qu'ils venaient de quitter, ses pieds étant trop agités pour qu'il s'asseye. À la place il marcha, dépassant un autre pub très éclairé avant de repérer un petit tripot plus loin dans le pâté de maisons. C'était plus calme à l'intérieur, il y avait moins de musique bruyante et de rires, plus de buveurs sérieux engagés dans la tache de s'emplâtrer avant de tituber jusqu'à chez eux pour retrouver ce qui pouvait bien les y attendre.

Et tout ce qui l'attendait lui était un frère hostile d'un mètre quatre-vingt quinze, pensa Dean sombrement, descendant son verre et en demandant un autre. Venait-il juste de s'émerveiller en voyant combien Sam avait grandi ? Eh bien, il retirait tout ça, c'était le même petit morveux qu'il avait toujours été. Toute sa vie il avait été le bébé, le préféré, le choyé. Toute sa vie il avait été heureux de laisser Dean prendre soin de lui, le protéger, essuyer son nez qui coule et boutonner son stupide manteau.

Et maintenant voilà où en était son grand frère, à essayer de faire ce qu'il fallait, de réparer le pétrin dans lequel Sam les avait inconsciemment laissés se fourrer, et qu'avait-il en remerciement ? Des insultes. Une totale incompréhension.

Si ça ne tenait qu'à Sam, ils seraient retournés au motel maintenant, jouant à se peloter la tronche. Peu importait demain et peu importaient les conséquences à long terme pour eux en tant que frères. Ils seraient retournés dans cette petite chambre confortable. À s'embrasser. À se toucher.

Dean abaissa le verre qu'il menait à ses lèvres alors que le souvenir l'assaillait.

Se rouler sur le lit, se pencher sur Sam. Embrasser enfin ses lèvres, caresser ces épaules, cette longue nuque déliée, descendre vers la force musclée de ces bras. Sam en-dessous de lui, gémissant, se tordant, et qui aurait cru qu'il s'enflammerait aussi vite ? Qu'il se déplacerait juste comme il faut ? Qu'il s'emboiterait si bien avec son grand frère.

Un liquide coula sur ses doigts et Dean baissa les yeux vers ses mains tremblantes, du whisky de qualité s'écoulant le long du verre sur le bar abîmé.

Bordel. C'était encore bien trop réel et bien trop proche. Il aurait dû ignorer Sam et accepter l'offre de cette rousse. Il pourrait être enfoncé en elle à ce moment même, savourant toute cette chair pâle. Se purgeant de ce besoin impulsif.

Mais il ne pouvait pas trouver l'envie de retourner au bar, et de plus, elle était probablement bel et bien prise maintenant.

Et… il ne pouvait pas vraiment nourrir de désir pour elle non plus, à cet instant. Il n'avait pas soif de chair douce et féminine, mais du toucher rugueux de mains fortes, glissant le long de sa cage thoracique, tenant ses hanches, cherchant ses caresses.

Et ce n'étaient pas n'importe quelles mains masculines non plus. Bordel, Sam. Pourquoi faut-il que ce soit toi que je veuille ?

Sauf qu'il savait pourquoi, n'est-ce pas ? Ce n'était pas parce qu'il ne cédait pas à cette douleur qu'elle était moins réelle. Tout cet amour qui aurait dû être balayé lorsqu'il était redevenu le frère de Sam était revenu avec force. Il était toujours là. Et ça faisait un mal de chien.

De petits bruits dans le coin attirèrent son attention et il pencha la tête pour regarder quatre hommes assis autour d'une table, l'un d'eux battant habilement un paquet de cartes, puis les distribuant rapidement.

« Une partie ? » appela le distributeur, voyant le regard que Dean posait sur eux.

Dean baissa les yeux vers sa boisson versée puis leur jeta un autre regard. « Je vous préviens. Je ne suis pas d'humeur à perdre. »


Il était deux heures du matin quand Dean ferma et verrouilla la porte de la chambre de motel derrière lui. La pièce était sombre et immobile, mais il sut instantanément que Sam était éveillé. Des années passées à partager une chambre lui avaient appris à connaître intimement les rythmes de respiration de son frère. Dean se mit en boxer et t-shirt avant de grimper dans son lit avec un soupir.

Il devrait juste dormir. Il le savait.

Le silence résonna contre le tic-tac d'une pendule murale, et la respiration de Sam ne changeait toujours pas. Dean ferma les yeux et se força à dormir.

Bordel.

« J'ai gagné quatre cent balles, » dit-il calmement à la chambre.

Silence.

« En jouant au poker. »

Silence.

Bordel.

« C'est tout ce que je faisais. Jouer au poker. »

Un froissement de draps se fit entendre alors que Sam se tournait, et les yeux de Dean, habitués à l'obscurité, virent que les yeux de son frère étaient ouverts, un sombre éclat de cristal. Le regardant à travers l'espace entre leurs deux lits.

Dean soupira. « Endors-toi, Sam, » dit-il, avant de se retourner pour lui tourner le dos.