Note de l'auteur : Me revoici avec une nouvelle publication :) Un OS, cette fois !

Celui-ci est un Mystwalker, parce que ça me manquait d'écrire sur eux (comme par hasard, quand je me mets à écrire un Jerza, voilà qu'arrive une avalanche d'idées Mystwalker dans ma cervelle... Allez comprendre). Y'a pas, je suis trop accro à ce couple :)

Le titre ne va peut-être pas avec l'histoire. Cela dit, j'ai tendance à choisir mes titres au feeling, en fonction de ce que je ressent en pensant à mon histoire. Ceci dit... J'ai conscience que beaucoup se demanderont peut-être le rapport entre le titre et l'histoire. Y'en a un, c'est juste que je ne sais pas l'expliquer... Bref, c'était le paragraphe qui ne veut rien dire.

Enfin, ceci n'est que la première partie de cet OS. J'ai un peu de mal à décider de ce que je vais mettre ensuite, et je trouve que le dernier passage de cette première partie est pas mal comme transition de fin (PHRASES DE FIN *.* ... *PAN*).

Bref, pour que vous sachiez que je ne suis pas morte (j'ai juste plein plein de trucs en cours d'écriture !) :)


Disclaimer : Le monde et les personnages de Fairy Tail appartiennent à Hiro Mashima.


Distorsion


Partie I - Cette armure que je ne pouvais briser


Depuis le balcon du château, il contemple la ville en ruines. La Capitale d'Edolas n'est plus que tas de gravats et tranchées boueuses. Une maison a perdu son toit, une autre est éventrée, une troisième s'est complètement écroulée. Les campements de fortune envahissent les rues et les restes des bâtiments qui tiennent encore debout.

Pourtant, l'ambiance est joyeuse - festive même ; car ils ont perdu la magie, mais ils ont gagné un Roi. Des rires se font entendre, les enfants les plus petits jouent dans les rues, leurs aînés aident en souriant à la reconstruction, heureux d'avoir une bonne raison de salir leurs vêtements.

Un garde le tire de sa contemplation. Le jour s'est levé, il est toujours dans sa tenue de Mystogan, et seules ses blessures qui le lancent encore lui font comprendre qu'il s'est seulement passé quelques heures, et non plusieurs années.

Il se retourne et rentre à l'intérieur des épais murs de pierre qui l'ont vu naître et grandir, croise des yeux semblables aux siens. Faust le regarde, calme, si différent d'y il a quelques heures seulement. La magie a emporté la folie du vieil homme avec elle, ce vieil homme qui le regarde d'un oeil attentif, presque doux - tout ce qu'il a jamais désiré. Et pourtant, il va devoir le châtier, ce père qui l'a renié, ce Roi qui a mené son pays vers sa propre ruine. Cet homme qui assume ses erreurs et accepte, silencieusement, la sentence encore non prononcée.

Non. Pas seulement lui. Eux, réalise-t-il en observant ceux qui sont là, debout derrière celui qu'ils ont servi jusque dans ses pires folies. Hugues, Sugar Boy, Byro, et puis elle. Cette Erza si différente et pourtant si semblable à celle qu'il a toujours connu. Cette Erza aux cheveux courts, à la tenue provocante et au regard dur. Cette Erza qui a tiré sans remords dans le dos d'un de ses compagnons, cette Erza qui a tué et qui a aimé ça. Cette Erza qu'il reconnait mais qu'il ne connait pas, cette Erza qu'il a l'impression de connaître et qui est une étrangère.

Il leur tourne le dos, pour ne plus voir ce père et son regard qu'il a tant désiré, pour ne plus voir cette femme qui le fait se sentir troublé. Il parle, explique, le futur, le Royaume, leurs crimes. Et il châtie.

L'exil pour Faust. Le confinement dans la Cité et l'aide à la reconstruction pour les autres.

Protestations. Erza d'abord, suivie par les trois autres. Fichue fierté trop grande, fichu honneur du guerrier qui préfère mourir que perdre, fichue détermination à payer le prix fort. Il retient un soupir, hausse la voix. Et finalement c'est Faust qui calme le jeu, Faust qui leur dit d'accepter la sentence. La sienne et la leur.

Et ils obéissent. Sans discuter, sans protester. Et à ce moment, Jellal sent le Roi remplacer Faust un court instant - juste une dernière fois. L'espace d'une seconde, c'est lui qui a été destitué.

Plus tard, il regarde le dos de cet homme, qui n'a été son père que quelques minutes, s'éloigner lentement dans le désert qui entoure la Capitale. Comme quand il était enfant, sauf que cette fois c'est lui qui a provoqué ce départ.

Derrière lui, les anciens Commandants d'armée regardent partir celui qui fut leur chef toute leur vie - ou presque -, les yeux impassibles.


Deux ans plus tard, c'est par le même balcon que Jellal - le Roi Jellal - contemple la Capitale reconstruite. Il reste quelques échafaudages ici et là, mais tout aura bientôt été rebâti. L'agencement des rues, des maisons, des édifices, tout a changé. Tout comme lui.

Rien que sa tenue le prouve. Le foulard et le masque ont disparu, tout comme ses larges chausses et ses bandages dissimulateurs. Ses bâtons autrefois magiques ornent désormais les murs de son salon. Ses nouveaux atours comportent bien une cape, mais elle n'est que d'apparat, lourde et étouffante, bien loin de l'étoffe noire déchiquetée qui a assisté à ses plus grands exploits de mage.

Le bureau derrière son dos est encombré de papiers qu'il doit traiter. Parce qu'il est Roi, parce que c'est son travail et son devoir. Mais il est aussi humain, et en ce moment Jellal est fatigué. Lassé des courbettes et des mondanités, de l'étiquette et de l'hypocrisie. Il a envie d'être libre juste un instant, de redevenir Mystogan pour un petit moment, ombre intangible que nul ne peut emprisonner.

Alors il se change discrètement, revêt les chausses et les bandages, le masque et le foulard. La cape noire, discrète et légère, revient caresser ses épaules. L'ombre l'avale et il se laisse faire, passant entre les gardes comme une écharpe de brouillard.

A un croisement, il hésite. Le couloir qu'il s'apprête à prendre n'offre aucune opportunité de dissimulation. Des pas retentissent derrière lui. Il n'a plus le choix, s'engage à pas de velours dans l'allée lumineuse, se jette dans un renfoncement inespéré alors que des pieds bottés d'acier passent le coin du mur.

La tenue de celle qui s'avance, inconsciente d'être observée, n'a guère changé au cours des deux dernières années. Son écharpe violet foncé est un peu plus déchirée, ses cheveux ont repoussé - pas entièrement, car dans sa fureur d'autrefois elle les a coupés très courts. Elle ne tient plus de lance à la main, mais ses yeux sont toujours durs et froids.

Jellal a pourtant essayé de les réchauffer, ces iris marron, au cours des deux années écoulées. Il a tenté de comprendre la cause de leur froideur, de trouver ce qui a pu faire diverger autant le chemin et le caractère des deux Erza. Mais il n'a rien trouvé. Le passé de la Commandante semble n'être fait que de fumée. Il a bien essayé de lui demander, mais aucune réponse n'a jamais passé les lèvres de la rousse.

Et pourtant, pourtant il sait que d'une certaine manière, Knightwalker ressemble à la Scarlet qu'il a connue. Parfois, dans certaines situations, il capte une expression, un geste, un ton de voix, qui confortent ses certitudes et nourrissent son incompréhension.

Il a observé les membres de Fairy Tail, ici sur Edolas. Il les a comparé à ceux qu'il connaissait, là-bas, sur Earthland. Et il est arrivé à la conclusion qu'ils étaient semblables. Semblables avec une touche de différence. Cette définition leur convient à tous.

Seule Erza échappe à la règle. Elle, elle est différente avec une touche de similitude. Et ça l'intrigue. Parce qu'il sait que dans la cause de cette différence réside la réponse à toutes les questions qu'il se pose sur la guerrière aux cheveux de feu.

Alors il observe, il l'observe, elle, à chaque fois qu'il le peut, comme maintenant. Il essaie de trouver le détail déclencheur, celui qui lui expliquera tout. Mais jusqu'à présent il n'a vu que froideur, impétuosité, habileté au combat, peau blanche marquée de cicatrices et crinière embrasée.

Malgré tout, il lui semble parfois qu'elle est moins retenue qu'il y a deux ans ; son regard est toujours gelé, mais l'acier qui s'y trouvait s'est changé en un métal plus malléable. Sa voix est restée dure et tranchante, mais quelques fois, il sent des émotions y percer - colère, fierté, mépris, moquerie, agacement.

La Commandante se stoppe au milieu du couloir, à quelques pas de celui qui l'épie. Elle tourne la tête, regarde autour d'elle, fronce les sourcils. Les yeux inquisiteurs passent sur le sol, les murs, l'ombre qui dissimule Jellal - méfiance. Mais en ce moment Jellal est Mystogan, et même elle et son regard de cendres ne peuvent le débusquer. Finalement, elle jette un dernier coup d'œil derrière son épaule et reprend sa marche. Il la suit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse de sa vue. Ses épaules se détendent quand le rouge s'évanouit de sa vision et il prend une nouvelle fois conscience d'à quel point elle le trouble.

Il tend la main derrière son dos, pour prendre appui sur le mur. Ses doigts s'approchent de la cloison, et puis passent à travers - il sursaute, se retourne. Il n'y a pas de mur, pas de cloison - juste un passage étroit empli d'obscurité. Jellal est curieux, et il est Mystogan - la brume ne craint pas la nuit. Alors il s'engage dans le couloir sombre, se demandant ce qu'il va trouver à l'autre bout - et l'espace d'un instant, il a l'impression d'être de retour sur Earthland, en train de remplir une mission pour la guilde.

Le chemin qu'il emprunte serpente à travers le château. Quelques fois il éprouve de la difficulté à marcher, d'autres ses jambes l'entraînent sans difficulté ; le couloir enchaîne montées et descentes, et il se demande jusqu'où il va aller. Finalement il passe une dernière arche, sculptée celle-là, et se retrouve dans une salle dont il ne peut que deviner les larges dimensions.

Sa main heurte une torche éteinte suspendue au mur. Après maintes tentatives avec plusieurs sortes de pierres, une étincelle jaillit et le bois s'embrase. D'autres torches semblables à la première ornent les murs, et il les allume une à une, en se servant de la première. Il repose sa torche sur son support et observe le lieu qu'il vient de découvrir.

La salle est ronde, grande, et quatre immenses statues de son père y définissent un large carré. La disposition lui rappelle trop la salle des Anima pour qu'il ne se méfie pas. Au centre de la formation des statues, une large dalle de pierre plate accueille des chaînes à ses extrémités, et il frémit en se rendant compte que l'écartement des liens permet d'entraver un humain.

Une balustrade se trouve en hauteur. Il avise un petit escalier, grimpe. Un passage mène dans une autre pièce, sombre elle aussi. Il ressort, revient une minute plus tard avec une torche, ravive la lumière. Cette salle-ci ressemble à une pièce d'étude - un bureau, une bibliothèque, et des feuilles, couvertes d'encre - schémas, formules, annotations.

Il s'approche, consulte certains ouvrages - surtout ceux écrits de la main de son père. Dans la bibliothèque, un cahier, moins poussiéreux que les autres, attire son attention. La calligraphie n'est pas celle de Faust. Il cherche, et finalement trouve un nom, écrit sur l'intérieur de la couverture : Byro.

Il parcourt les pages en diagonales, perçoit certains termes qui lui évoquent bien des souvenirs. Plan Anima. Plan ETD. Canon de la Chaîne du Dragon. Plan AZR. Cette entrée lui fait froncer les sourcils. Jamais il n'a entendu parler de ceci. Il revient en arrière, cherche la page où il a vu cet en-tête.

Il pose le cahier sur le bureau, aplanit les feuillets pour ne pas perdre l'endroit qu'il vient de retrouver. Un titre, en haut de la feuille : Plan AZR, écrit en majuscules. En-dessous, une note entre parenthèses est griffonnée, presque illisible à cause de l'encre qui a bavé.

Army Zero Rebellion.

Juste en-dessous, le plan schématique du dispositif qui se trouve dans la salle attenante : les quatre statues, la dalle, les chaînes. Des équations, des formules, des schémas. Il parcourt les différentes pages du projet, s'arrête sur une liste. Des noms - tous accompagnés d'une parenthèse précisant un grade. En haut de la page, la première ligne lui saute aux yeux.

Erza Knightwalker (Commandant Div. II)

Suivent ensuite Hugues et Sugar Boy, puis d'autres officiers par ordre de grade militaire. Le nom de Lily n'apparaît pas, et Jellal ne sait s'il doit être soulagé ou non. Il s'imagine la Commandante, entravée sur cette dalle de pierre qui lui donne des frissons. Qu'a fait son père aux officiers de son armée ?

Une note est écrite dans la marge à côté du nom de la guerrière rousse.

Expérience réussie. Plus aucune opposition du sujet aux ordres de Sa Majesté. Attention pour les essais suivants à laisser plus d'émotions aux sujets. La cruauté et le goût du sang exacerbés obtenus chez le Commandant K. effraient les alliés de Sa Majesté. A surveiller.

Il se fige. Les mots résonnent en lui comme si le vieux conseiller de son père venait de lui parler à l'oreille. Le dégoût l'emplit et il sent la saveur de la bile lui caresser le fond de la gorge - haut-le-cœur.


Un magnifique arc-en-ciel illumine les cieux au-dessus de la Capitale, né du soleil apparu quelques minutes derrière les nuages de pluie. Depuis le bureau royal, la vue est féérique, mais Jellal ne la voit pas.

Assis sur son siège, engoncé dans ses vêtements princiers, il fixe d'un oeil absent le bois vernis de son bureau. On toque à la porte, qui s'ouvre après les deux secondes réglementaires, et laisse passer la seule femme de l'armée. Elle s'avance, baisse la tête et le salue, pose son rapport sur le bureau - s'apprête à faire demi-tour.

« Commandant Knightwalker. »

Elle se fige, revient à sa position initiale, le regarde - droit dans les yeux.

« Majesté ?
- Pourquoi obéissiez-vous à Faust ?
- Parce qu'il était le Roi. »

La réponse a fusé, rapide, ferme, impassible - automatique.

« C'est la seule raison ?
- Oui.
- Pourquoi êtes-vous entrée dans l'armée ?
- ... Pourquoi cette question ? »

Hésitation - infime certes, mais Jellal a l'oreille fine.

« J'aimerais vraiment que vous me répondiez.
- ... Pour détruire les guildes noires. »

Réponse vacillante, hésitante - presque question. Erza doute, il le sent. Elle doute sans comprendre pourquoi, parce qu'elle n'a pas vraiment de réponse.

« Mon père vous a -t-il fait quelque chose ?
- Pardon ? »

Elle le regarde, sourcils froncés, un éclat d'incompréhension dans les yeux. Se peut-il qu'elle ait oublié ?

« Faust vous a-t-il contraint à lui obéir ?
- Personne ne m'a jamais contrainte à faire quoi que ce soit. Quels que soient mes actes, je les assume. Toujours. »

La voix est devenue tranchante - offensée. Fierté, encore. La Commandante repart et il ne peut que regarder la porte se refermer derrière elle.


Les couloirs qu'elle connaît par coeur défilent sous ses pas. Gauche, droite, droite, escalier, gauche, escalier, tout droit. Porte. L'armurerie est vide de soldats, mais elle préfère ça. Erza aime venir dans cette pièce quand elle ne peut dormir, ou quand elle a besoin de réfléchir - souvent, depuis deux ans.

« Pourquoi êtes-vous entrée dans l'armée ? »

Cette question la hante depuis que le Roi la lui a posée. Parce qu'elle n'a pas la réponse alors que celle-ci devrait être une évidence. Mais elle a beau chercher, elle n'a aucun souvenir d'une motivation. Elle a toujours connu le palais, le Roi, les armes, le sang. Et elle ne connaît rien d'autre. Les guildes noires, c'était juste une excuse - parce qu'elle ne pouvait pas perdre la face devant le Roi.

Mais Erza n'aime pas le mensonge - elle déteste ça. Alors elle l'a cherchée, cette vérité qui lui manque. Elle la cherche toujours, au point d'en avoir mal à la tête. Elle n'est pas bête ; elle a bien remarqué que Hugues et Sugar Boy semblent perdus, eux aussi, tout comme la majorité des officiers. Ils suivent le Roi Jellal faute de mieux, mais ils ignorent tous pourquoi.

Pourquoi combattent-ils ? Pourquoi obéissent-ils aux ordres de celui qu'on appelle Roi ? Pourquoi ont-ils accepté de tuer sans discuter ? Pourquoi ont-ils agréé à toutes les folies de Faust ? - car c'est bien ce que c'était : des folies. Irréalisables, impossibles, inatteignables, risibles. Et pourtant ils se sont battus pour elles.

Des dizaines de questions sans réponses, qui tourbillonnent sous son crâne et l'empêchent de dormir, lui vrillant les tempes d'une douleur incessante. Ça réveille quelque chose, aux tréfonds de sa conscience, mais elle n'arrive pas à le saisir. Elle le sent, pourtant, que c'est là la réponse à ses interrogations, le remède à ses migraines ; la vérité lui glisse entre les doigts - comme à chaque fois.

Encore une fois, elle essaye, parce qu'Erza Knightwalker n'abandonne pas - jamais. Elle cherche, faisant fi du tambourinement qui augmente sous son crâne. Elle s'approche de ce qu'elle veut tant comprendre, frôle la vérité du doigt...

Douleur. Affreuse, suppliciante. La guerrière tombe à genoux, mains plaquées sur les tempes. Un flash - elle, plus jeune, blessée sur le sol, se tordant le cou pour regarder un Roi aux yeux effrayants de folie.

« Erza ! Erza, réponds-moi ! »

Une voix paniquée parvient à ses oreilles - une voix qui lui évoque des souvenirs. Elle ouvre des yeux embrumés, sent la froideur de la pierre sur sa joue. Elle est étendue à terre, réalise-t-elle. A-t-elle perdu connaissance ?

Une main puissante balaie gentiment les cheveux qui lui tombent devant les yeux - elle aperçoit des mèches bleues. Qu'est-ce que le Roi fait ici ? Elle ne bouge pas - elle n'en n'a pas envie. Elle est fatiguée, fatiguée de sa vie sans but et de ses questions sans réponses.

« Erza, tu vas bien ? »

Depuis quand la tutoie-t-il ?

« Erza, dis quelque chose ! »

Pourquoi est-il aussi inquiet devant son silence ? Il est le Roi ; que lui importent les dires des soldats ? Elle sent ses paupières devenir lourdes. La brume enveloppe son esprit et elle ne se sent pas le courage de lutter.

Des yeux verts accrochent les siens - inquiétude, peur, incompréhension. Alors elle entrouvre les lèvres, laisse s'échapper les mots qu'elle a retenus trop longtemps.

« Je n'ai pas... de réponse. »

Il écarquille les yeux - surprise.

« Erza ?
- Je ne... sais pas pourquoi. »

Un dernier souffle, un éclat vert - et le brouillard emporte sa conscience avec lui.


« Où allons-nous ? »

Le Roi ne répond pas à sa question et continue de marcher. La lune éclaire la Capitale d'une lumière diffuse alors qu'ils traversent le château silencieusement.

Erza ne sait plus quoi penser de ce souverain si étrange. Il n'a rien dit quant à ce qui s'est passé dans l'armurerie, une semaine auparavant. Il s'est contenté de la ramener dans sa chambre ; le lendemain, il a juste hoché la tête en signe de vœu de silence. Et ce soir, alors que tout le château dort, il est venu la chercher dans ses appartements.

Ils débouchent dans un couloir qu'elle connaît bien ; elle l'emprunte souvent en journée. Le Roi s'arrête devant une portion de mur sans aucun signe particulier, se retourne, lui fait signe d'approcher. Elle obéit, et c'est une fois qu'elle est à quelques centimètres de l'épaule royale qu'elle aperçoit le renfoncement obscur.

Il la regarde - vert olive, vert cactus. Confiance, espoir.

« Il y a quelque chose que je veux que tu voies. »

Tutoiement, encore. C'est devenu récurrent, ces derniers temps - au point qu'elle ne proteste même plus. Le Roi est têtu. Autant qu'elle, sinon plus ; elle l'a accepté, bon gré mal gré. Et uniquement parce qu'il ne le fait qu'en privé.

Ils marchent dans le noir, longtemps. Parfois, avant un virage ou une marche, il effleure son bras. La salle où ils finissent par arriver réveille un écho dans sa conscience alors que le souverain allume les torches une à une.

Elle regarde les statues à l'effigie de l'ancien Roi, la dalle de pierre et les chaînes d'acier. Elle perçoit du coin de l'œil une chevelure bleue monter un escalier dans un coin, longer une balustrade, disparaître dans un autre passage.

Lentement, elle fait le tour du carré délimité par les géants de pierre. La dalle au centre l'interpelle ; elle a déjà vu ce lieu auparavant. Mais où ? Quand ? Et pourquoi ? Comme hypnotisée, elle s'avance jusqu'à cette roche plate, y pose le pied, relève la tête - croise le regard de la statue de Faust en face d'elle.

Douleur. Un cri résonne dans la salle ronde. Des chaînes de métal froid enserrent ses poignets et ses chevilles ; elle se débat. En face d'elle, une statue la regarde de ses yeux de pierre effrayants. Les mêmes yeux, emplis de folie, l'observent depuis une balustrade. Un éclair rouge, un cri. Douleur.

Elle ouvre les yeux sur un plafond bleu nuit. Elle est dans un lit, couverte par des draps de soie rouge. Une sensation de fraîcheur contre sa joue - un homme aux cheveux bleus qui lui essuie doucement le visage avec un tissu humide.

Que s'est-il passé ?

Le Roi la regarde d'un air indéchiffrable ; le tissu passe sur son front, ses tempes, ses joues, son cou.

« Tu te sens mieux ? »

Elle hoche la tête, se redresse. Le drap tombe sur ses cuisses - on l'a changée. Actuellement, elle s'en fiche assez ; elle a d'autres problèmes bien plus importants à résoudre.

« Qu'est-ce c'était, cet endroit ?
- Tu ne te souviens pas ? »

Elle déteste quand il répond à ses interrogations par une question. Parce qu'il est Roi ; du coup, c'est à elle de répondre.

« Pas vraiment. »

Soupir. Lui aussi, il a l'air fatigué - combien d'heures a-t-elle dormi ?


Les jours passent et il ne peut s'empêcher de penser souvent à la guerrière aux cheveux enflammés. Il prend conscience que la femme qu'il connaît n'a rien à voir avec celle qu'il aurait connu sans les folies de son père, et il se demande sans cesse quel peut bien être son véritable caractère.

Plusieurs fois, il la retrouve inconsciente ; d'autres fois encore, c'est près de lui qu'elle s'écroule, et il se sent à la fois bien inutile et complètement désolé quand il ne peut rien faire d'autre que l'allonger dans un lit et attendre qu'elle se réveille.

Dans ces moments-là, il lui tient la main, et s'émerveille devant la force que peut déployer tant de finesse. Ou alors, il écarte du bout du doigt les mèches écarlates qui lui tombent sur le visage ; parfois cède à la tentation, et fait glisser sa main dans les boucles douces.

Peu à peu, quand elle revient à elle, la Commandante s'étonne moins de le voir à son chevet, et elle se met même à répondre à ses questions. Monosyllabes d'abord, puis des mots, des phrases, et finalement, elle lui raconte.

Ce qu'elle voit quand elle perd conscience, la douleur crucifiante qui accompagne ces visions qu'elle ne comprend qu'à moitié. Lui, il sait la vérité, ce que Faust lui a fait, et il réalise que ce sont ses souvenirs qui lui reviennent peu à peu : la perte de la magie a du affaiblir le traitement subi par les officiers.

Erza ne le regarde jamais quand elle lui parle. Elle fixe le plafond d'un regard neutre et il en est chagriné, parce qu'au final ce n'est pas entièrement qu'elle se confie à lui. Mais quand il était Mystogan, Jellal a appris la patience. Alors il attend. Comme il a attendu qu'elle lui parle, il attend qu'elle le regarde.

Il sait qu'elle finira par le faire. Du moins, il l'espère de tout son coeur. Car insidieusement - et sûrement sans même le vouloir -, cette femme sauvage l'a rendu dépendant à elle, à son regard blindé et son comportement impénétrable. Il espère plus que tout pouvoir trouver la faille dans l'acier trempé, se glisser dans une fissure pour découvrir enfin celle qui se cache réellement derrière sa lance et son armure.


Les malaises de la guerrière continuent, plus fréquents, plus longs ; elle s'en réveille souvent épuisée et il voit d'un regard inquiet de larges cernes se dessiner sous les yeux bruns.

Un matin, il l'emmène dans le jardin - un lieu calme, reposant, où il aime venir pour réfléchir. Il guide la Commandante jusque devant une stèle de marbre blanc. Il la sent mal à l'aise, devant cette tombe qu'elle ne connaît pas.

« Ma mère aimait beaucoup les fleurs. C'est pourquoi, quand elle est morte, mon père a pris la décision de faire de son jardin sa dernière demeure.
- C'est la tombe de votre mère ? »

Question superflue - la réponse est évidente. Venant d'Erza, qui n'aime pas s'encombrer de paroles inutiles, il trouve cela surprenant. Il se tourne un peu vers elle ; elle fixe la stèle d'un air absent. Comme si l'on avait ralenti le temps, il distingue la poitrine de la jeune femme se soulever de plus en plus vite, son regard se voiler, son souffle devenir erratique. Il peut presque entendre son coeur s'affoler et ne réalise que c'est le sien qui résonne entre ses tempes que lorsqu'elle s'effondre à quelques mètres de lui.

Il a juste le temps de la rattraper avant qu'elle ne touche terre et il sent confusément que quelque chose ne va pas ; ce malaise-ci est différent des autres. La rousse tremble et il réalise que sa peau est glacée ; une expression de douleur s'inscrit sur le fin visage et il ne peut que la soulever entre ses bras pour l'emmener à l'intérieur. Le front de la guerrière effleure son cou et il sursaute devant la chaleur qui l'a assaillit un court instant ; c'est une Erza brûlante de fièvre qu'il ramène dans sa chambre avant de faire mander le médecin.

L'homme qui arrive est un vieillard sûrement aussi vieux que Faust ; il a connu Jellal enfant, connait la Commandante depuis ses débuts dans l'armée. Il comprend la situation sitôt la porte passée, et sans faire cas du souverain qui se tient dans un coin, il s'approche du lit et commence aussitôt son examen. Par respect pour l'inconsciente, le bleu détourne le regard quand le médecin ôte le soutien-gorge de guerre qui lui habille la poitrine.

« Majesté, venez m'aider. Vite ! », le presse le vieil homme sans même le regarder, d'un ton qui ne souffre aucune protestation.

S'excusant intérieurement auprès de la Commandante, il obéit et prend place de l'autre côté du matelas. Suivant les instructions du médecin, il passe son bras sous les épaules de la jeune femme pour la relever un peu et laisse échapper un son choqué quand le vieux docteur enfonce brutalement une main raidie sous le sternum de la rousse, avec une force suffisante pour qu'il entende les os craquer.

Erza gémit, tremble un peu - et c'est là qu'il se rend compte que sa poitrine ne se soulève plus. Le médecin serre les dents, recommence - craquements d'os. Nouveau gémissement, nouveau frémissement. La guerrière n'inspire toujours pas. Sous ses doigts qui lui maintiennent la nuque, Jellal sent le pouls de la Commandante diminuer. Puis disparaître.

Avec horreur, il libère rapidement une de ses mains et la pose sur le sein de la jeune femme - au diable la pudeur. Rien. La réalisation tombe comme une chape de plomb.

Infarctus.


Le monde est coloré. Un nombre incroyable de nuances s'offre à ses yeux ; des rouges, des bleues, des vertes, des mordorées, des orangées, des brunes, des claires, des sombres. Tout est coloré ; aucun gris, aucun vide autour d'elle.

Lentement, les couleurs floues se précisent. Des fleurs, jolies, parfumées, et de toutes les couleurs, qui parsèment une prairie dorée. Un ciel, bleu et blanc et infini. Des arbres, des feuilles, de l'herbe - verts.

« Erza ! »

Elle se retourne ; au loin, une silhouette imprécise agite le bras. Des cheveux rouges, rouge écarlate, tombent sur ses épaules.

Le vent se lève dans son dos, fait voler ses propres mèches - écarlates également.

« Erza ! C'est l'heure de rentrer ! »

Une voix de femme - douceur et apaisement. Elle court, sans l'avoir décidé, spectatrice invisible des actes de son propre corps, et se jette dans ces bras inconnus - chaleur. Un parfum familier, un sourire qui lui rappelle des souvenirs enfouis.

La petite fille qu'elle est se laisse aller dans l'étreinte réconfortante, étreint le tissu du vêtement de celle qui l'enlace. Murmure.

« Maman... »