Titre : Apple of Sodom
Auteur : Cleo
Genre : A.U. / Yaoi très lemon / SM / Romance / Drame … Y a vraiment de tout alors c'est un peu dur de donner tout les genres.
Rating : + 18 (z'êtes prévenues, surtout que moi je fais pas dans la dentelle ! XD)
Source : the GazettE
Disclamer: Les Gazette n'appartiennent qu'à eux ^^ (malheureusement)
Pairing : Il y a 6 pairings en tout donc je pense que ça satisfera tout le monde. Je ne préfère pas vous les révéler pour l'instant sinon ça enlèverait tout l'effet de surprise. Néanmoins, je peux vous donner le pairing le plus flagrant qui est un Uruha x Reita.
Note : Bon beh c'est un an de travail… J'y ai mit tout mon cœur dans cette histoire alors j'espère que vous prendrez autant de plaisir à la lire que moi j'ai eu du plaisir à l'écrire. Même si tout le monde s'en fout, je tenais quand même a remercier ici les personnes qui m'ont aidé dans l'écriture : Khorat, pour son soutien et ses corrections, Yanzi d'avoir été disponible à n'importe quelle heure de la nuit pour m'expliquer les subtilité de la mécanique masculine XD, mon petit copain qui a passé de longues heures à m'écouter déblatérer sur ma fic, qui a su me conseiller et tester certaines choses pour moi XD, ma maman pour ce qui attrait à la photographie et puis mon dictionnaire de synonymes sans qui j'aurais rien pu faire XD
Voila. Merci à toutes celles qui me lirons et n'hésitez pas à commenter !
OoOoOoOoO
- Uruha ! Réveille-toi maintenant !
- Mmm…
Lorsqu'Uruha entrouvrit les yeux, il distingua une silhouette familière.
- Allez Uruha ! Bouge !
- Mais laisse-moi dormir ! lui répondit-il en se tournant sur le côté.
- Regardez-moi ça… On dirait un déchet humain ! Et en plus il se complait dans sa déchéance !
Uruha maugréa quelques secondes sous l'œil dépité du jeune homme brun. Il ouvrit tant bien que mal les yeux et, la lumière intense qui lui contractait instantanément les pupilles, frappa son crâne aussi violemment qu'un coup de burin.
- Ma tête ! s'écria-t-il en enfouissant son visage dans les mains.
- Ca t'apprendra ! Allez ! debout maintenant, j'en ai marre de te ramasser tous les matins dans un piteux état ! J'en ai marre, Uruha, tu comprends ?
- Arrête de crier, Kai ! C'est bon, je me lève !
Kai attrapa la main du garçon pour l'aider à se relever du bitume crasseux sur lequel il gisait ivre mort.
- Rentre et va te laver ! T'empestes l'alcool !
- C'est bon ! T'es pas ma mère ! lui répondit-il en dégageant brutalement sa main de celle de Kai.
Sans un mot de plus, Uruha regagna l'appartement en titubant. Kai, déconfit, le regarda s'éloigner : c'est à peine s'il arrivait à tenir sur ses jambes lorsqu'il disparut au coin du pâté de maison. Kai tourna les talons pour se rendre au travail. Quand ce n'était pas Uruha qui l'appelait au beau milieu de la nuit pour qu'il vienne le chercher chez on ne sait qui, le petit rituel de la matinée voulait que Kai le ramasse dans la rue, près des bars ou des boîtes qu'il avait l'habitude de fréquenter. Et même si se faire traiter de la sorte tous les matins n'était guère agréable, il n'y prêta pas plus d'attention, trop habitué à retrouver un Uruha sobre et navré le soir.
Le trajet entre le bar et l'appartement sembla interminable et pourtant il habitait à deux pas. Tant bien que mal Uruha grimpa les quatre étages et c'est la gorge sèche qu'il ouvrit la porte. L'intérieur, toujours impeccable, n'était bien évidemment pas son œuvre. Comme à son habitude, Kai lui avait laissé un petit déjeuner encore fumant sur la table de la cuisine. L'odeur du poisson et de la soupe miso monta aux narines d'Uruha qui se sentit défaillir tout à coup. Ses muscles se raidirent instantanément et son cœur se mit à palpiter. Il eut à peine le temps de courir aux toilettes que, les larmes aux yeux, il se vida les entrailles au-dessus de la cuvette. Honteux, il s'affaissa ensuite le long du mur pour se laisser tomber lourdement au sol en se détestant de n'avoir fait preuve d'aucune once de respect envers ce repas préparé avec gentillesse. Cette même gentillesse qu'il avait osé piétiner sans aucun remord quelques minutes auparavant. Et ce fut avec un sentiment de culpabilité qu'il se dirigea d'un pas traînant vers la salle d'eau.
OoOoOoOoO
A son retour, Kai trouva Uruha endormi sur le canapé. Le cendrier débordait de mégots écrasés et la télé débitait ses traditionnels jeux télévisés que la population japonaise aime tant. Des divertissements idiots qui n'ont d'intérêt à être regardés que pour se moquer des situations ridicules dans lesquelles sont placés les concurrents. Ici, le candidat - un petit homme fluet d'une quarantaine d'année - devait courir en slip de bain rose criard sur un tapis roulant recouvert d'huile. Si jamais il avait le malheur de répondre faux aux questions de la jolie présentatrice, la vitesse du tapis accélérait et risquait de l'éjecter à tout moment dans une piscine remplie de boue. Kai coupa la télévision et s'accroupit près du canapé. Uruha semblait dormir paisiblement. On aurait dit un enfant avec son visage poupin et son sourire innocent. Pourtant, sa grande taille et ses fins biceps apparents sous les manches de son t-shirt traduisaient le contraire. Kai caressa du dos de la main ses longs cheveux blonds décolorés en l'appelant doucement. L'autre finit par ouvrir lentement les yeux.
- Ca va mieux ? demanda Kai.
- Oui, merci, lui répondit-il en souriant.
- Tu as faim ?
Uruha ne dit rien et s'assit sur le canapé en baissant la tête.
- Je suis vraiment désolé pour ce matin… Je sais que ça suffit pas de dire ça mais…
- C'est pas grave, d'accord ? C'est l'alcool qui te rend comme ça. Mais s'il te plaît, arrête de boire et trouve un travail. Ca t'aiderait. Ta famille va pas te donner éternellement de l'argent tu sais. J'aime vraiment pas te voir dans cet état. On se connaît depuis tellement longtemps… et ça, je sais que c'est pas toi…
- Mais… je…
- Je sais, on ne va pas ressasser le passé. Maintenant il faut aller de l'avant, d'accord ?
- Oui. T'es toujours là pour moi quand ça va pas et en retour je fais l'imbécile… Tu m'offres un toit et…
- Arrête, c'est bon. Je vais pas laisser mon meilleur ami à la rue quand même…
Uruha reprit au bout d'un court instant :
- Kai ? Tu travailles beaucoup et tu prends jamais le temps de t'amuser… alors est-ce que tu veux qu'on sorte ce soir ?
- Si tu me promets que tu vas pas finir complètement saoul, j'accepte.
- D'accord ! Allez je vais t'aider à préparer le dîner, proposa Uruha quelque peu apaisé.
- Non ! Surtout pas ! Tu fais toujours tout cramer !
- Crétin ! lança-t-il en rigolant.
OoOoOoOoO
Le Maze était le club gay du moment. Une sorte de grand complexe qui se rapprochait plus de la boîte de nuit que du bar. Les enceintes crachaient leurs habituels sons électro et la grande salle était plongée dans la pénombre. Seuls, les spots multicolores qui s'affolaient sur la musique permettaient de distinguer par à coup les foules de jeunes gens qui s'étaient massées près du bar ou sur la piste de danse. Comme tout lieu de ce genre, l'atmosphère y était lourde, la conversation difficile à cause des décibels poussés à l'excès. Kai et son ami commandèrent quelques boissons mais durent se résoudre à rester debout près du comptoir car toutes les tables avaient déjà été prises. A regret, Uruha se contenta de boire un soda pour honorer la promesse. Il se rapprocha de Kai et lui parla à l'oreille.
- Tu veux pas te trouver quelqu'un pour la soirée ? lui criait t-il pour se faire entendre.
- Non, non c'est bon, répondit-il quelque peu gêné.
Kai n'avait jamais vraiment réussi à trouver son aise dans les endroits de la sorte, alors, pour faire passer le temps ; il scruta des yeux les gens regroupés près du comptoir et son attention se porta sur quelqu'un qui le regardait fixement à quelques mètres de lui. D'après le peu qu'il avait pu entrevoir avant de baisser les yeux, embarrassé par l'insistance du regard, cette personne avait de longs cheveux noirs. Des lèvres charnues et un visage fin au point qu'il se demanda si c'était une femme ou un homme. Kai osa relever les yeux pour dissiper le doute. Il l'observa : la façon qu'il avait de s'adosser au comptoir et de boire négligemment sa bière était une attitude typiquement masculine, cela ne trompait pas. Une fois de plus leurs regards se croisèrent. Pris de surprise, Kai détourna immédiatement les yeux.
- Hey mais ce gars là-bas ! Il te matte ! s'écria Uruha. Sans aucune gêne, il pointait du doigt le parfait inconnu.
Uruha se moqua gentiment de son ami qui rougissait.
- Va lui parler Kai !
- T'es fou ? Je ne suis pas comme toi !
- Tu fais référence au fait que j'aime les mecs ou bien que je drague sans aucune gène ?
- Les deux !
- Ce que tu peux être coincé mon pauvre ! soupira t-il.
Sans même prendre en considération l'avis de son ami, Uruha fit signe de la main au garçon pour l'inviter à approcher. Kai n'eut même pas le temps d'objecter qu'en un instant il se retrouva face au beau ténébreux. Uruha s'éclipsa en pouffant de rire, laissant dans l'embarras ce pauvre Kai qui s'empourprait déjà, balbutiant des paroles incompréhensibles. Il pestait intérieurement contre cette audace dont faisait preuve Uruha et qu'il n'avait jamais réussi à supporter.
Le garçon disait s'appeler Aoi.
Uruha était allé prendre place sur un tabouret à l'autre bout du bar. Il observait attentivement l'expression de Kai qui rendait la situation plus que comique : celui-ci se grattait nerveusement le front à chaque phrase prononcée et paraissait plus que mal à l'aise. Derrière le comptoir, les étagères phosphorescentes débordaient de bouteilles d'alcool. Pourtant Uruha ne céda pas et commanda un autre soda. Il se mit à imaginer Kai en train de s'adonner à des plaisirs libidineux avec le garçon auprès duquel il l'avait abandonné. Mais cela restait de l'ordre du fantasme car jamais il n'avait vu son ami tomber dans ce genre de dérives. Alors qu'il sirotait son verre se désespérant que, cette fois encore, sa tentative de dévergonder Kai n'aboutisse sur un échec, un portefeuille laissé là sur le comptoir attira son attention. Uruha chercha autour de lui l'éventuel propriétaire mais à première vue, personne ne semblait manifester une quelconque inquiétude. Autour de lui, les groupes de gens discutaient entre eux. Alors, il attrapa et ouvrit le cuir dans le but d'identifier son propriétaire mais il y trouva surtout une liasse de billets dont la somme avait l'air plus que conséquente. Il compta discrètement : 70 000 yens(1). Qui aurait pu laisser traîner un portefeuille contenant autant d'argent ? Une idée soudaine traversa son esprit. Une mauvaise idée. Il la refoula vigoureusement, reposa le portefeuille là où il l'avait trouvé et se concentra sur son verre qui crépitait de petites bulles de gaz. Ce morceau de cuir abandonné sembla soudainement et sans conteste terriblement alléchant, si facile de s'en emparer. Uruha y jeta un vif coup d'œil, puis un second. Se sentant nargué, il gesticula nerveusement sur son tabouret et lui tourna le dos, conscient de la vilaine idée qui trottait dans sa tête. La musique sembla se calmer, avec les spots qui s'éteignirent quelques instants. Il but une grande gorgée de soda, scruta des yeux les alentours, se retourna et en un éclair la liasse de billets se retrouva dans la poche arrière de son jean. Paniqué par son geste, il décida de prendre aussitôt la fuite. Partir le plus loin, le plus vite possible de cet endroit. S'il arrivait à rentrer chez lui « sauf » ce serait gagné. Il se leva précipitamment et manqua de faire tomber le tabouret. Sa culpabilité se lisait clairement sur son visage. Il ne cessait de regarder autour de lui pendant qu'il se frayait un chemin à la hâte, dans la foule compacte, pour aller chercher son ami. Bousculant parfois un homme ou une femme qui n'avait pas le reflexe de s'écarter assez vite sur son passage. Mais soudain, ce fut Uruha qui se retrouva projeté en avant par une main invisible dans son dos. Il manqua de perdre l'équilibre, mais cette même main le rattrapa par le poignet. Un souffle chaud se rapprocha de sa nuque et, dans ses oreilles déjà parasitées par la musique, une voix masculine retentit, lui ordonnant d'avancer sans broncher. Uruha, pris de panique, n'eut d'autre choix que d'aller là où l'homme le poussait fermement. Il l'emmenait aux toilettes et quand ils furent à l'intérieur, Uruha fut projeté violemment contre la cuvette. L'individu entra à sa suite et verrouilla le loquet. Alors, Uruha put entrevoir quelques secondes son visage avant de se faire empoigner et plaquer face contre le mur. Il s'agissait d'un garçon guère plus âgé que lui. Des cheveux blonds décolorés et une sorte de bandeau en tissu qui passait au milieu de son visage ; cachant curieusement le nez et les joues. Il lui fouilla les poches et y ressortit l'argent volé.
- C'est à moi ça ! dit-il en agitant les billets devant les yeux apeurés d'Uruha qui tenta aussitôt de s'expliquer ; donnant de pathétiques raisons pour écarter la thèse du vol. Bien évidemment, l'autre n'en croyait pas un mot. Les nombreuses caméras de surveillance avaient été témoins. Elles révèleraient l'inéluctable vérité. Uruha n'avait donc plus d'autre alternative que d'admettre sa culpabilité. Il finit par abdiquer et répéta maintes fois qu'il était sincèrement désolé, qu'il ne voulait pas d'ennuis, qu'il ne reviendrait plus jamais ici et qu'il ferait tout ce qu'il faudrait pour que la police ne soit pas mise au courant. Le garçon ne disait plus rien, laissant Uruha dans ses suppliques, il s'était remis à lui fouiller les poches et tomba sur son portefeuille. Il en sortit une carte au hasard tout en veillant à le maintenir de force contre le mur.
- Mmm… Takeshima Uruha… C'est bien ça ton nom ? demanda t-il en regardant la carte.
La joue aplatie contre le carreau, l'interpellé fit « oui » de la tête.
- T'a pas une thune ! Comment tu comptes me dédommager ?
- Tu as récupéré ton argent alors laisse-moi s'il te plaît !
- Et tu crois que de l'avoir récupéré c'est suffisant ? Tu te fous de moi ?
- Qu'est ce que tu veux alors ?
Le garçon retourna Uruha, dos contre le mur. Il déglutit nerveusement lorsqu'il vit son agresseur, l'expression du vice dans les yeux, se passer la langue sur les lèvres.
- Takeshima… J'ai déjà entendu parler de toi… Tu sais quelle réputation t'as dans le quartier ? Je vais te montrer… Mets- toi à genoux.
Uruha ne sembla pas vouloir bouger ce qui agaça le garçon. Il appuya fortement sur ses épaules pour le forcer à poser genoux à terre. Uruha redoutait déjà la tournure qu'allaient prendre les événements et il en eut la confirmation quand il le vit dégrafer son pantalon.
- Pas ça ! s'écria t-il en repoussant le garçon, horrifié.
- Quoi ? Je croyais que t'aimais ça ? A moins que tu préfères que j'appelle la police pour leur dire que tu voles de l'argent dans un club de gays ? T'imagines la honte qui va tomber sur ta famille ! Un fils qui aime se faire baiser par n'importe quel type et qui vole de l'argent pour se bourrer la gueule. Sans compter les emmerdes avec les flics… T'es un déchet ! Alors je te conseille d'ouvrir gentiment la bouche sans broncher.
Les larmes montèrent aux yeux d'Uruha. Il avait été pris au piège. Cet individu pervers allait se servir de lui pour décharger son plaisir malsain et rien ne le sauverait. Dire non ? Choisir d'attirer des ennuis à sa famille ? Il en était hors de question. Après tout le tort qu'il leur avait causé… Après ce terrible incident dont il était le seul responsable et qui avait fait tomber sa famille dans la douleur… Non, il n'était pas question d'en ajouter d'avantage. Alors, la mort dans la l'âme, Uruha ferma les yeux et ouvrit difficilement la mâchoire.
- C'est bien ma belle ! T'a fait le bon choix.
Uruha tremblait de tous ses membres lorsqu'il entendit son bourreau finir d'ouvrir le pantalon et qu'il lui saisit d'une main les cheveux pour l'attirer vers l'objet tant redouté.
Soudain, on entendit cogner à la porte.
- C'est pris ici ! Y'a d'autres toilettes libres ! cria le garçon, agacé.
- Uruha ! Qu'est ce que tu fou ? C'est moi ! C'est Kai !
Uruha releva les yeux vers son agresseur. Celui-ci le regardait d'un œil menaçant. La petite lueur d'espoir venait de disparaître aussi rapidement qu'elle était apparue. Il aurait voulu crier, hurler, appeler au secours pour que Kai vienne le sauver mais ce regard redoutable qui le scrutait de haut, disait clairement « si tu fais ça tu es un homme mort ». Alors, Uruha n'eut d'autre alternative que de jouer la comédie auprès de son ami.
- Je suis occupé là Kai, je reviens plus tard dit-il d'une voix tremblotante. Je suis désolé…
- T'a la voix bizarre ? T'a bu ? Tu m'avais promis de pas boire ! Uruha j'en ai vraiment marre là ! J'accepte gentiment de venir ici pour te faire plaisir alors que tu sais que j'aime pas ce genre d'endroit ! Ensuite tu me colles avec un gars sans me demander mon avis pour que tu puisses aller te saouler en cachette je suppose. C'est toi qui m'as invité et tu me laisses en plan pour aller te faire baiser par un gars que tu dois sûrement pas connaître et qui plus est dans des chiottes ! T'a vraiment aucune dignité ! Je rentre, j'en ai marre. T'a intérêt à rentrer ce soir parce que j'irai pas te ramasser sur le trottoir demain matin ! C'est compris ?
- O… Oui…
- Ok ! Je rentre. A tout à l'heure alors !
Uruha fondit en larmes. Sa seule chance d'échapper à ce châtiment abject venait de s'évaporer. De plus, Kai ne lui pardonnerait sûrement pas. Cette fois avait été celle de trop.
- Ton ami a l'air vraiment très en colère ! Ah ah ah !
- S'il te plaît, laisse-moi rentrer chez moi suppliait Uruha en s'accrochant aux vêtements du garçon. Je te donnerai de l'argent si tu veux.
- Finis ce que t'as commencé. Après, je te laisse partir. Plus vite tu auras fini et plus vite tu pourras rentrer chez toi.
Le garçon s'adossa au mur qui tremblait sous le tambourinement des enceintes du club. Une fois de plus il lui saisit les cheveux et l'attira vers son entre-jambes. Quand Uruha réussit à desserrer difficilement les dents, l'autre lui fourra directement son sexe dans la bouche. Il eut un mouvement de répulsion mais cette main qui s'accrochait à sa tignasse l'empêchait de reculer. Uruha ferma les yeux aussi fort qu'il le put de peur de distinguer ne serait-ce qu'une infime partie de l'ignoble chose qu'il avait entre les lèvres. Déjà, le garçon gesticulait d'impatience. Sans aucune gène il prenait entière possession de la bouche de sa victime dont les gémissements de dégout étaient étouffés.
- Allez ! montre-moi un peu de quoi t'es capable sinon je vais tout raconter aux flics !
Uruha se remit à sangloter lorsqu'il attrapa d'une main l'érection pour commencer à y appliquer des va- et-vient. Les petits râles de satisfaction que le garçon se mit à pousser ainsi que ce goût âcre qui se rependait dans sa bouche renforcèrent le calvaire du supplicié. Les larmes perlaient sur ses joues. Son corps, lui, agissait mécaniquement et son esprit s'en détachait. Il ne voulait pas y croire. Cela ne pouvait être là qu'un mauvais rêve. Et pourtant, cette main qui lui arrachait presque les cheveux et ce sexe dans sa bouche étaient bel et bien là pour lui infliger ce châtiment qu'il avait sûrement mérité. Ces gestes, ceux que sont corps s'appliquait à exécuter, ils les avaient faits bien des fois. Mais là c'était différent. Il n'avait pas choisi. Il était juste la victime d'un affreux chantage qui avait réduit tout son être à néant pour n'en garder que l'aspect d'un vulgaire objet sexuel.
- Arrête de chialer ! Je sens pas ta langue là, alors applique-toi !
Uruha accéda difficilement à la demande et enroula sa langue autour de cette érection qui s'agitait entre ses lèvres. Elle grossissait encore au point qu'il commença à en avoir mal à la mâchoire et à se demander si le supplice arriverait enfin à son terme. Mais l'autre semblait prendre un malin plaisir à voir souffrir sa victime. Il n'était guère enclin à finir si vite les réjouissances.
- Mmm… Ca se sent que t'as l'habitude petite cochonne ! Regarde-moi maintenant !
Se faire insulter de la sorte ne fit qu'accroître l'extrême dégoût qu'il éprouvait déjà face à cette abominable personne. Il se refusa alors à ouvrir les yeux. Le regarder dans cette posture : à genoux, soumis comme une vulgaire putain, ne ferait que lui donner raison et ça, Uruha n'était pas enclin à le lui offrir. Bien évidemment le blond n'apprécia guère cet élan de rébellion et tira les cheveux d'Uruha qui cria sa douleur, le forçant ainsi à relever la tête.
- Regarde-moi je te dis ! Sinon ça va mal aller pour toi !
Accablé par l'horrible chantage dont il était victime, il dut se résoudre une fois de plus à obéir. Et à peine eut-il ouvert les yeux qu'un son semblable au déclencheur d'un appareil photo retentit dans la minuscule pièce. Uruha découvrit, horrifié, le tout petit objectif d'un téléphone portable pointé sur lui. Le garçon venait de prendre une photo de la scène de perversion à laquelle il l'avait forcé et il la lui montrait fièrement en ricanant. Un bref instant, Uruha aperçu le cliché : l'auteur était bien évidemment méconnaissable, par contre lui on le distinguait très clairement, la bouche grande ouverte gobant un sexe et les yeux rivés vers l'objectif. Uruha se jeta sur lui pour s'emparer du portable mais l'autre ne se laissa pas avoir si facilement : il le repoussa avec violence. Uruha tomba lourdement sur les fesses et se retrouva coincé contre le mur. Le garçon avait plaqué ses deux mains sur le carrelage glacé après avoir pris soin de ranger à la va-vite son portable dans la poche intérieure du blouson.
Sans le moindre avertissement, il engouffra une nouvelle fois son érection dans la bouche d'Uruha. Et cette fois-ci, il ne lui laissa aucune liberté de mouvement. Il ondulait les hanches en prenant une fois de plus entière possession de la bouche de sa pauvre victime bloquée contre le mur. C'était désormais les assauts d'une bête en furie qui poussait des grognements rauques qu'Uruha se devait de subir. Les coups de reins étaient tels qu'Uruha avait plaqué ses mains sur les hanches du garçon pour essayer, en vain, de lui limiter son champ d'action. Résistant tant bien que mal aux envies de vomir qui lui prenaient la gorge à chaque allée et venue, la situation empirait : maintenant il lui violait la bouche sans aucune once d'humanité. Les yeux débordant de larmes, il implorait Dieu pour que la torture s'arrête enfin et après d'interminables minutes ce fut chose faite. Le garçon s'arrêta brusquement en poussant un râle tandis que son liquide âcre se déversait abondement dans la bouche de sa victime. Quelques va-et- vient de plus et il daigna enfin libérer Uruha de son emprise. Celui-ci, toujours affaissé contre le mur, avait le visage inondé de larmes et les yeux terrorisés. Entre ses lèvres coulait abjectement des filets du liquide blanchâtre. Le garçon remit ses vêtements en place et s'accroupit devant Uruha qui semblait pratiquement inerte. Il lui plaqua ensuite sa main sous le menton, le forçant à fermer la bouche.
- Avale !
Uruha le regardait avec des yeux effrayés et au bout de quelques secondes il déglutit difficilement.
- Tu fais honneur à ta réputation ! C'est bien !
Satisfait, le garçon se releva et sortit de sa poche un papier et un stylo. Il griffonna dessus et une fois qu'il eût fini, le lui tendit à Uruha. Mais, lorsqu'il voulût prendre le papier, il distingua quelque chose sur l'intérieur du poignet du garçon qui le terrorisa encore d'avantage. Uruha lui saisit le bras et souleva la manche de son blouson pour mieux distinguer ce qu'il avait reconnu être comme un tatouage. L'autre se laissa faire en rigolant tandis qu'Uruha écarquillait grand les yeux sur le dessin : un kanji entouré d'un cercle en flammes.
- Viens demain à 15h à l'adresse indiquée sur ce papier, dit-il en se dégageant le bras. J'ai une photo de toi dans une situation plus que compromettante. Sans oublier bien-sûr le fait que t'as essayé de me voler mon fric. Alors je te conseille de pas te dérober.
Uruha bouche bée attrapa le papier et le regarda sortir des toilettes, les mains dans les poches.
- Au fait ! Moi c'est Reita, lui lança-t-il avant de claquer la porte.
Il pensait qu'après l'horrible chose qu'il avait dû subir, il serait enfin libéré mais là, la situation était devenue encore plus critique. C'était inexorablement le début d'un long cauchemar dont il devrait se sortir seul. Il n'était pas question d'en toucher ne serait-ce qu'un mot à Kai. D'une part car il avait terriblement honte de tout ce qu'il s'était passé ce soir mais aussi car il voulait protéger son meilleur ami du danger qui se profilait. Ce tatouage, était la pire chose qui aurait pu lui arriver…
Après avoir séché ses larmes et repris un peu de contenance, Uruha rentra à l'appartement en portant désormais sur ses épaules ce poids terrible.
OoOoOoOoO
Lorsqu'il rentra, Kai était en train de regarder la télévision. La cigarette qu'il tenait entre ses doigts ne présageait rien de bon. En effet, Kai n'avait l'habitude de fumer que lorsqu'il était vraiment contrarié. Uruha savait pertinemment que cette soirée avait été la fois de trop. La goutte d'eau qui fait déborder le vase. Il aurait voulu tout expliquer à son ami mais il ne le pouvait pas. Il se détestait car cette énième mésentente était une fois de plus son entière faute. Lui qui avait promis de faire des efforts, de changer. Là, il n'avait fait qu'empirer la situation ainsi que la détestable image que Kai avait de lui : celle d'un mec totalement irresponsable qui se réfugie dans l'alcool pour fuir la dure réalité de la vie et qui n'a aucun respect pour son corps. Certes, cette image était la triste vérité mais pour l'incident de ce soir, il aurait tellement souhaité que Kai sache qu'il se trompait.
Uruha prit une profonde inspiration et pria pour que Kai daigne une fois de plus passer l'éponge. Si jamais il s'avérait que Kai refuse, ce serait indéniablement la fin d'une longue amitié.
- Kai…
L'interpellé ne décolla pas les yeux du poste de télévision, ignorant son ami qui s'était assis à côté de lui sur le canapé.
- Kai ? Je suis vraiment désolé pour ce soir. J'ai même honte de te dire ça… Je te dis tout les jours que je suis désolé… Mais tu vois ce soir, j'avais promis que je ne boirais pas et je n'ai pas bu. Regarde-moi Kai ! J'ai pas bu ! Je te le jure ! Tu sais comment je suis quand je bois et là tu vois… Tu me crois, hein ?
- Oui, je te crois, répondit-il froidement en le regardant du coin de l'œil.
- Merci. Et pour ce qui est du garçon… Je suis vraiment désolé aussi… Je voulais juste que tu passes un peu de bon temps. J'ai mal agis, je suis maladroit. Je m'en excuse. Il ne t'a pas embêté au moins ?
- Non, ça va, il a été sympa et poli.
- Je suis rassuré alors… Il s'appelle comment ?
- Aoi
- Ah, je vois et vous avez discuté de quoi ?
- Bon, Uruha ! Tu m'emmerdes avec tes questions débiles ! Tu vois là ce qui s'est passé ce soir, ça me reste en travers ! Alors n'essaye pas de faire passer la pilule plus facilement en me parlant de ce type.
- Je suis vraiment désolé Kai…
- Je sais, tu me le dis tout les jours que t'es désolé. Ecoute, tu fais ce que tu veux de ton cul ! Ca me regarde pas ! Mais le fait que tu me laisses en plan pour aller te faire baiser dans des chiottes, j'apprécie pas vraiment ! Tu peux comprendre non ?
Uruha ne put se retenir plus longtemps et éclata en sanglots lorsqu'il se remémora le supplice qu'il avait dû endurer. Kai en fut bouleversé. Ne sachant que faire face à cette réaction inattendue, ce fut lui qui s'excusa d'avoir été si dur. Mais, comme Uruha ne semblait pas se calmer, il le prit dans ses bras sans trop comprendre d'où venait cette si grande tristesse. Kai pensa que cette dispute avait surement avait été celle qui fit qu'Uruha se rendait compte, enfin, de son piteux mode de vie. Alors, il mit sa colère de côté et préféra le laisser pleurer dans ses bras jusqu'à ce qu'il se calme.
Uruha semblait épuisé autant physiquement que moralement alors Kai le coucha. Abattu par la fatigue, il se laissa border comme un petit enfant et lorsque Kai ferma la porte pour regagner sa propre chambre, les sanglots reprirent de plus belle. Un fort sentiment de solitude l'envahit. Seul face à l'atroce réalité de ce qu'il venait de subir. Il se haïssait de ne pas s'être débattu, mais avait-il eu vraiment le choix ? Non, en fait c'était sa piètre vie toute entière qu'il maudissait, celle qui encore venait de la pousser à essayer de voler de l'argent. Il haïssait son manque de maturité. Ce courage qui lui faisait défaut pour affronter la réalité de la vie. A ce moment-là, il aurait eu envie de mourir. Pour oublier tout. Pas seulement cette soirée, mais toute sa vie. Mais même « ça » il n'avait pas le courage de le faire. Depuis un an, sa vie n'était que douleur et déchéance. Il souhaitait tellement vivre et non pas survivre, pourtant cela était au-dessus de ses forces. Du coup, il n'apportait que déception autour de lui. Sa famille… ses amis… Kai… Se sentir entouré et malgré tout désespérément seul était un sentiment qu'il ne connaissait que trop bien. Ce châtiment qu'il avait subi ce soir-là n'était que la propre punition qu'il s'était infligée lui-même. La conséquence de son laisser-aller. Oui, c'était lui qu'il haïssait et non pas son bourreau.
OoOoOoOoO
Cela faisait une heure que Kai s'était endormi. La parquet grinça et la porte de sa chambre s'entrouvrit. La lumière qui émanait du couloir le réveilla à demi et il distingua la silhouette d'Uruha. Celui-ci referma derrière lui et vint se glisser dans le lit.
- Qu'est ce que tu fais Uruha ?
- J'arrive pas à dormir…
Le visage encore humide de larmes, il se lova contre Kai. Entre eux, le nounours qu'Uruha ne quittait jamais pour dormir. Un souvenir disait-il. Et pourtant, il y attachait une importance beaucoup trop grande pour une simple peluche…
Un peu rassuré, Uruha l'étreignit et ils finirent par s'assoupir ensemble.
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Après s'être tourné et retourné pour prolonger le sommeil, la lumière du soleil eut raison de lui et Uruha finit par se réveiller tant bien que mal après une trop courte nuit… Pas si courte à vrai dire car lorsqu'il aperçut l'heure qu'indiquait le réveil, il se leva d'un bond et paniqué, couru vers la salle de bain. Dans un quart d'heure à peine, il devait se rendre à l'adresse que Reita lui avait indiqué la veille. Un quartier industriel mal famé et qui heureusement pour lui n'était qu'à dix minutes de marche. Il quitta précipitamment l'appartement sans même prendre le temps d'avaler le repas que Kai lui avait préparé avant de partir travailler. Et c'est non sans appréhension qu'il se rendit au rendez-vous en pressant le pas. Qui sait quelle atrocité il allait encore devoir subir !
Ce n'était qu'un vieux hangar désaffecté. Du moins c'est ce qu'il croyait. Il vérifia une fois de plus l'adresse pensant qu'il se trompait. Pourtant : pas de doute, c'était bien ici. Uruha toqua fébrilement sur la petite porte rongée par la rouille. Pas de réponse. Il toqua de nouveau, plus fort cette fois-ci. Mais toujours aucune manifestation ; alors, il entra. Ses doigts tremblaient lorsqu'il referma la porte derrière lui. De l'intérieur, la bâtisse semblait bien plus grande et, mis à part les quelques véhicules servant à charger et décharger des marchandises garés sur les côtés, ainsi qu'un amoncellement de palettes et de caisses, elle était totalement déserte de vie. Une lueur faiblarde filtrait à travers la baie vitrée de ce qui semblait être un bureau en hauteur dominant l'ensemble du hangar. Un escalier en colimaçon permettait d'y accéder. Uruha s'y engagea. La peur et le doute s'emparèrent de lui alors qu'il gravissait une à une les marches qui le menaient vers un cauchemar certain. Tremblotant, il ouvrit la porte et découvrit l'être perfide de la veille.
- T'es en retard Takeshima !
Le visage toujours recouvert par l'étrange bandeau, il se tenait négligemment assis sur un grand fauteuil, les pieds sur le bureau devant lui et une cigarette à la main. Il tira une bouffée de tabac.
- Assieds-toi ! ordonna t-il, en lui indiquant le siège qui se trouvait en face du bureau.
Uruha prit place sans dire un mot. Maladroitement il essaya de camoufler ses mains qui tremblaient mais l'autre s'en aperçut et afficha un sourire de contentement.
- Si je t'ai fait venir ici, c'est parce que j'ai un petit boulot pour toi Takeshima ! Bon, je pense que tu l'as compris tout seul hier, je suis le fils de Suzuki Eijiro, dirigeant actuel du clan Miura Gumi. On a un petit problème de… comment dire ? Un petit problème commercial avec Itabashi(2). Disons qu'on voudrait s'étendre mais un merdeux nous met des bâtons dans les roues ! Le patron n'est pas content parce qu'on n'arrive pas à trouver un accord. Le type en question s'appelle Kabayama Hiroyasu. Il fait du commerce d'Enkô(3). Tu sais, ces gamines qui se prostituent pour de l'argent de poche. Et son business il marche… beaucoup trop à notre goût. Tu sais les lycéennes ça plait… Et ces merdeuses, elles ont trouvé le bon filon avec Kabayama. Je t'épargne les détails de leur marché. Quoi qu'il en soit, ils se font beaucoup de fric et nous pas assez parce qu'il à le monopole sur toute la zone maintenant. Ca peut plus durer. Alors par chance, j'ai rencontré une de ces grognasses qui travaille pour lui et, accroche-toi bien, elle m'a dit qu'il était gay Kabayama ! Je suis tombé de haut quand j'ai appris ça ! Qui aurait pu croire ça d'un type comme lui ! Bien sûr, j'ai quand même mené ma petite enquête et il s'avère que la gamine elle mentait pas. Grâce à son business, il a une bonne couverture, en plus il est marié et il a des gosses ! La totale quoi ! Tu vas me dire « Mais pourquoi tu me racontes tout ça ? » Ben mon petit, j'vais avoir besoin de toi !
Le bureau était jonché de paperasse en tout genre. Reita attrapa un dossier sur l'une des piles de documents et le fit glisser vers Uruha.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Uruha toujours aussi apeuré.
- Ouvre !
Uruha découvrit une photo d'un vieux type au crâne dégarnit. A vue d'œil, il lui donnait la soixantaine, peut-être plus. Accompagné du cliché, une feuille d'identité décrivant tout le statut de cette personne.
- C'est lui Kabayama Hiroyasu. Tu vas baiser avec lui !
- Pardon ? Non ! C'est hors de question ! Et puis, pourquoi d'abord ?
- On va lui tendre un piège. Si on a une preuve matérielle compromettante, on pourra le faire chanter pour qu'il arrête son commerce, ainsi, on pourra faire tourner nos putes plus facilement dans Itabashi.
- Alors pourquoi vous demandez pas à ceux qui travaillent pour vous ? Il doit bien y avoir des mecs dans le lot, non ?
- Non, on tape pas dans le commerce de gays ! C'est trop honteux. Mais toi t'es là mon petit Takeshima… Tu vas le faire.
- Certainement pas ! T'as qu'à le faire toi ! Je m'en vais !
Furieux, Uruha se leva et alors qu'il allait poser la main sur la poignée de la porte, Reita l'interpella.
- Takeshima… Voudrais-tu que je te rappelle que t'es pas en mesure de décider quoi que ce soit… T'as déjà oublié ce qui s'est passé hier ? Il me suffit de passer un coup de téléphone et je fais tomber tout le peu de dignité qu'il te reste ainsi que celle de ta famille… Alors reviens t'asseoir que je finisse de t'expliquer ce que tu vas devoir faire !
- T'es ignoble ! rétorqua t-il, les yeux au bord des larmes.
- Assis !
La mort dans l'âme, il n'eut d'autre choix que d'obéir une fois de plus. Il jeta encore un coup d'œil à la photo en serrant les poings.
- J'ai réussi à t'arranger un rendez vous avec lui au Dai Ichi Hôtel(3) pour demain soir. C'est le patron qui paye la chambre ; alors, t'as pas intérêt à merder. On va t'équiper de deux mini caméras. L'une que tu devras installer toi-même en arrivant là-bas et l'autre que tu garderas sur toi en permanence. Faut absolument qu'on voit bien son visage et qu'on voit aussi que t'es un mec, c'est pourquoi on préfère qu'il y en ait deux. Je vais te montrer.
Reita extirpa d'un des tiroirs du bureau une pile de vêtements qu'il tendit à Uruha. Des habits noirs en vinyle.
- Vas-y, mets-les.
- Là, maintenant ?
- Ouais ! j'ai besoin de voir si ça te va et d'installer la caméra dessus.
Uruha chercha autour de lui un endroit où il aurait bien pu se changer à l'abri du regard abject de Reita. Mais en vain…
- Mmm fais pas ta mijaurée ! Allez, dépêche toi de te changer, tu me fais perdre mon temps là !
Il décida de lui tourner le dos pour conserver un minimum de pudeur. Après s'être déchaussé, il enleva sa chemise puis son pantalon. Mais alors qu'il s'apprêtait à revêtir la tenue, il entendit Reita ricaner.
- Non ! T'enlèves tout ! ordonna t-il.
Uruha baissa les yeux et avec embarras il fit glisser son boxer le long de ses jambes. Reita alluma une autre cigarette en se délectant par la même occasion du spectacle qu'il s'offrait.
- Tu sais que t'es très appétissant Takeshima…
L'interpellé fit mine de ne pas entendre. Il savait très bien que Reita voulait écraser le peu de dignité qu'il essayait vainement de conserver. Marquant ainsi pleinement son pouvoir d'autorité sur sa pauvre victime qu'il avait mis sans aucun remord dans une situation humiliante.
Après avoir examiné les vêtements coupés curieusement et s'être débattu avec eux un bon moment, Uruha réussit à les enfiler. Des guêtres reliées à un mini short, par d'étranges jarretelles. Et, en haut, une sorte de top aussi moulant que le bas. Le tout lui donnait l'air d'un travesti prêt pour aller faire le trottoir.
- T'es vraiment bonne avec ces habits Takeshima ! Tu me donnerais presque envie de te baiser, là tout de suite.
- Arrête de parler de moi au féminin et de me considérer comme un objet !
- Oh mais c'est ce que tu es ! Assieds-toi sur le bureau maintenant !
- Je te hais ! s'écria Uruha.
Son sang ne fit qu'un tour lorsque, une fois installé sur le bureau, Reita s'approcha à quelques centimètres de lui. Déjà, il se voyait violé par cet être effroyable. Mais à son grand soulagement, il se contenta, de trafiquer les petites poches qui se trouvaient sur le haut de la tenue. Totalement absorbé dans son casse-tête de mini câbles, Reita ne disait plus un mot.
- Pourquoi moi ? Pourquoi est-ce que tu m'obliges à faire ça ? osa alors demander Uruha
- Tu poses trop de questions, Takeshima, lui répondit-il en ne décollant pas les yeux du montage complexe qu'il était en train de réaliser.
Au bout d'interminables minutes, il eut enfin fini. Tout les fils avaient disparus et la caméra devenue invisible.
- On va tester pour voir si ça marche.
De la même sacoche d'où il avait sorti la série de câbles, il extirpa un ordinateur portable et après quelques manipulations sur l'engin, ils virent apparaître l'image que retransmettait la caméra camouflée sur Uruha.
- Vous les yakuzas, vous êtes vraiment tarés…
Reita le gifla, offusqué par ce qu'il avait osé lui lancer en pleine face. Le fait même qu'Uruha essaye de le provoquer, le fit sortir de ses gonds, alors, dans un élan impulsif, il lui saisit les cheveux et, de force, le plaqua face contre le bureau. A demi allongé, Uruha se maudissait déjà de ne pas avoir su tenir sa langue dans sa poche. Maintenant qui sait, ce qui l'attendait pour avoir voulu défier l'autorité de son bourreau.
- Répète un peu pour voir ?
- Excuse-moi… Je ne dirai plus rien de tel, je promets.
- Je vais t'apprendre les bonnes manières Takeshima ! J'en ai marre que tu oses te la ramener tout le temps ! Et là je te jure que je vais te faire comprendre les choses une bonne fois !
Reita attrapa d'une main le shorty qu'il descendit rapidement. Uruha voulut bien se débattre mais l'autre lui saisit la nuque pour le maintenir de force. Et de l'autre main il commença à lui tâtonner les fesses.
- S'il te plaît, arrête ! Je suis désolé ! cria Uruha qui voyait déjà avec effroi se profiler le châtiment.
Reita finit par trouver ce qu'il cherchait… Uruha cria de douleur tandis que Reita glissait un doigt en lui sans aucun ménagement.
- Arrête ! supplia t-il une fois de plus, les larmes aux yeux.
Reita n'en fit rien et se contenta de remuer le doigt enfoncé à présent entièrement.
- Tu vas finir par aimer ! Tu vas…
La sonnerie d'un téléphone portable retentit à ce moment-là. Agacé, Reita grogna et mit fin au supplice. Il décrocha :
- Ouais ?... Ouais je l'ai… Mmm ça pourrait être mieux, mais ça va je m'en sors… Quoi ? Tout de suite ?... Ca peux pas attendre là ?... Ouais… Ouais… Ok ok, c'est bon j'te dis…
Il raccrocha encore plus agacé. Uruha quant à lui n'avait pas bougé d'un pouce, de peur que cela contrarie encore d'avantage Reita. Réduit au rang d'esclave, cette fois avait suffi pour lui faire comprendre qu'il ne devait en aucun cas émettre la moindre résistance sinon il devrait en payer des conséquences perverses et abjectes. Reita le libéra, lui ordonna de se rhabiller et de rentrer chez lui. Uruha ne se fit pas prier et en quelques minutes, il était déjà prêt à partir.
- Ne te réjouis pas trop vite Takeshima ! J'en ai pas fini avec toi. Demain, tu reviens ici à 21h00, je t'emmènerai au Dai Ichi Hôtel pour le rendez vous. T'a pas intérêt à être en retard. Est-ce que j'ai été bien clair ?
Uruha acquiesça rapidement et s'enfuit du hangar.
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Kai travaillait en tant que serveur dans un restaurant qui venait juste d'ouvrir. Un de plus parmis la grande chaîne de restaurants « pseudo Français » et qui innove pour que la cuisine « raffinée » soit abordable par la classe moyenne. La nourriture y est de piètre qualité et pourtant, si l'on se contente de la présenter de la même façon que la vraie restauration française, alors elle passe tout de suite pour de la bonne cuisine auprès de la population. Bien qu'il fût un garçon travailleur et responsable, éduqué dès son plus jeune âge à la rigueur par un père trop sévère à son goût, déjà, Kai en avait assez de ce boulot : un salaire minable, des horaires impossibles, un rythme de travail pénible et cette satanée tenue de « garçon de café » inconfortable au possible.
Un client venait de s'asseoir à une table près de la baie vitrée.
- Bonjour, qu'est-ce que vous désirez ?
- Toi !
Kai fut arraché à ses lamentations et posa des yeux ébahis vers la personne qui avait osé dire ça. Après un moment de réflexion, forçant sa mémoire, il se rendit compte qu'il s'agissait du garçon qu'il avait rencontré la veille au club.
- Non ! C'est pas ce que je voulais dire ! Je… voulais dire « C'est toi ! » fit-il, manière de se rattraper. Son teint avait viré rouge écarlate, ce qui amusa Kai.
- Aoi, c'est ça ?
- Oui, je suis vraiment désolé, j'ai été surpris de te voir ici c'est tout ! Je bosse dans le quartier et je voulais essayer ce nouveau restaurant. Je pensais pas tomber sur toi !
- C'est bon, y'a pas de mal. Qu'est ce que tu commandes ?
- Euh… Donne-moi le menu du jour s'il te plaît.
Les plats défilèrent et chaque fois que Kai venait le servir, Aoi semblait le dévorer des yeux. Il essaya en vain d'engager la conversation mais Kai semblait totalement hermétique et surtout gêné par les regards insistants. Au moment de payer l'addition, Aoi tenta le tout pour le tout :
- Ca te dit d'aller boire un verre après ton service ?
- Non merci, ça ira, répondit-il froidement.
- Ah ben ça au moins, ça a le mérite d'être clair … J'avoue m'être jamais fait jeter aussi rapidement… Bravo ! Tu es le premier ! Mais je vais pas lâcher le morceau si facilement, quitte à passer pour un gros lourdaud. Je vais venir manger ici tous les jours jusqu'à ce que tu acceptes d'aller boire un verre avec moi !
- Si ça t'amuse… répondit Kai totalement désintéressé.
- Ok alors à demain !
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Uruha avait quitté le hangar et décida de ne pas rentrer à l'appartement de suite. La chose que lui avait demandé de faire Reita était encore trop fraîche dans son esprit. Une envie de vomir lui prit le ventre lorsqu'il repensa au visage de l'affreux type avec lequel il allait devoir coucher. Aucune échappatoire n'était-elle envisageable ? Si jamais il n'allait pas au rendez-vous de demain, Reita ferait de sa vie un enfer. Aller voir la police était impossible. En parler à Kai ? Non sûrement pas, il lui créait déjà assez de problèmes comme ça, pas question d'en ajouter d'avantage. Uruha était seul face à cette situation et n'avait pas d'autre choix que d'aller au rendez-vous de demain…
Ses pas l'avaient mené au bord d'un canal. Il s'assit sur les marches d'un escalier et ne put se retenir plus longtemps. Pleurer, c'est bien la seule chose qu'il savait faire. Il aurait tellement voulu qu'à cet instant quelqu'un, n'importe qui, vienne le soutenir, l'aider, le sauver. Mais plus les heures passaient et plus il tombait inexorablement dans sa solitude. Un sentiment de totale impuissance l'envahissait. Une fois de plus il aurait eu envie de mourir. En finir définitivement avec tout mais même ça ! il était trop lâche pour sauter le pas.
La soleil se couchait et l'air se rafraichissait. Il ne fallait pas que Kai s'inquiète, alors il rentra.
Cette nuit-là aussi, il ne réussit à trouver le sommeil qu'en la présence rassurante de son ami.
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(1) 70 000 yens : Environ 500 euros.
(2) Itabashi : Un des 23 arrondissements spéciaux de Tokyo.
(3) Enkô : Abréviation de Enjo kôsai. C'est une pratique japonaise où les lycéennes sont payées par des salary man pour faire office d'escort ou bien pour avoir des relations sexuelles avec eux.
(4) Dai Ichi Hotel : Hôtel de luxe situé dans le quartier de Ginza.
