Disclaimer : L'univers de Stargate appartient à ses créateurs
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Slash pairings: Rodney McKay/John Sheppard
Carson Beckett, Elizabeth Weir, Radek Zelenka, Ronon Dex, Teyla Emmagan.
Genre : Angst, drame, première fois
Chapitres : 10
Références à l'épisode : "L'expérience interdite" (Trinity): Saison 2, épisode 6
Rating M et ce n'est pas pour rien.
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TRADUCTION DE LA FIC DE TIRA NOG : RESILIENCE
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Comme je le signale désormais dans toutes mes fics, ou traductions si vous avez envie de mettre seulement ma fic ou traduction en Alert Story sans prendre un instant pour laisser une review de temps en temps, je vous enjoins de lire les quelques lignes en gras sur mon profil, histoire de savoir ce que je ressens à ce sujet, surtout que pour cette fic le travail de traduction a été conséquent. Et puis surtout pour remercier l'auteur, Tira Nog pour son travail.
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Cela doit faire maintenant au moins trois ans que j'ai traduit cette fic. J'ai demandé plusieurs fois l'autorisation à l'auteure mais pas de réponse et puis hier j'ai hurlé de joie quand j'ai découvert un post sur live journal où elle fait part de ses conditions face aux requêtes pour les traductions de ses fics. J'en revenais pas. Cela fait longtemps que j'avais envie de partager cette magnifique histoire avec les autres lecteurs. Vous pouvez la trouver en anglais en tapant Tira Nog Resilience sur votre ordi.
Merci à Alpheratz pour son aide.
Personnellement je trouve cette histoire fantastique, une des plus belles et des plus réussies que j'ai jamais lu en anglais. J'espère que vous lui ferez bon accueil parce que, croyez-moi, elle en vaut la peine.
Bon, j'arrête mon bla-bla et je vous souhaite une bonne lecture.
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Chapitre 1
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La soirée d'accueil pour les membres de la nouvelle expédition battait son plein et l'amphithéâtre, avec sa paroi de verre haute d'environ trente mètres donnant sur l'océan en était le cadre parfait. Il était aussi gigantesque que la baie des Jumpers mais n'avait pas été conçu dans un but précis. L'endroit ressemblait à l'équivalent d'une cathédrale Ancienne avec ses plafonds ciselés, ses flèches et ses vitraux colorés. Moins les bancs d'église, bien sûr.
Quand Rodney McKay entra dans la salle bruyante et bondée le niveau sonore de la soirée était assourdissant.
-Vous autres scientifiques, vous ne lisez donc jamais les mémos ? Demanda un lieutenant blond en tenue de cérémonie tout en le dépassant dans l'entrée de l'amphithéâtre.
C'était un des nouveaux. Rodney ne l'avait jamais vu avant. C'est une soirée habillée.
Rodney jeta un coup d'œil sur sa tenue de travail puis reporta son attention à l'officier.
-J'étais trop occupé à travailler sur la façon de protéger votre cul des Wraith pour me rappeler d'emporter un smoking. Et pardonnez-moi si je n'ai pas eu envie de gaspiller ma charge autorisée d'articles personnels avec quelque chose d'aussi inutile. D'autre part je ne suis pas le seul à ne pas être habillé en pingouin, remarqua t-il en apercevant Zelenka dans la salle.
-Oui, c'est vrai, et ils sont tous dans votre service, nota le lieutenant en secouant la tête d'un air dégoûté. Puis il s'éloigna.
S'il avait eu besoin d'une preuve pour démontrer à quel point les choses avaient changé, c'en était une. Quand ils étaient partis pour la galaxie de Pégase la dernière fois on ne leur avait même pas permis d'apporter des cravates. Maintenant ils avaient des réceptions habillées. Il se demanda ce que ce serait la prochaine fois. Approvisionner Atlantis pour les mariages et les Bar Mitzvahs ?
En se faufilant dans la foule Rodney réalisa qu'il était vraiment mal habillé. À l'exception de quelques uns de ses scientifiques qui étaient manifestement venus directement du labo, comme lui-même et étaient vêtus de l'habituel uniforme bleu de la division tout le monde était en tenue de soirée ou en tenue militaire de cérémonie. Mais qu'est-ce que ça fichait ? Ce n'était pas comme s'il avait demandé à se trouver là.
Pourtant, même s'il se trouvait forcé de faire acte de présence, tout n'était pas si mauvais. La musique était sans intérêt mais il n'en était pas de même pour la nourriture et c'était tout ce qui importait. Le long des murs de l'amphithéâtre était aligné un buffet lourdement chargé de mets frais venus de la Terre.
La majorité des membres de l'expédition d'origine était rassemblée autour des tables, engloutissant aussi vite que leurs mains et leurs bouches pouvaient bouger. Les deux cents nouveaux venus étaient dispersés parmi les Atlantes et les Athosiens et causaient aimablement tandis que les habitants de longue date, soldats ou scientifiques sous pression, se gavaient sans souci des notions de politesse.
Il y avait au centre de la pièce un petit groupe enthousiaste qui dansait au son de « Star Me Up » des Rolling Stone. McKay sentit ses lèvres agitées d'un tremblement convulsif en remarquant Teyla sur la piste de danse improvisée. Le sergent Stackhouse tentait de lui enseigner une danse mais une personne avec un corps aussi sexy que le sien n'avait pas besoin de quelqu'un pour cela. Teyla semblait s'amuser mais Rodney ne put s'empêcher de remarquer que le sourire de Stackhouse semblait forcé comme s'il s'obligeait lui-même à prendre du bon temps.
Stackhouse n'était pas le seul. Rodney se demanda si le Major, non, si le Colonel Sheppard avait ordonné à ses hommes d'être présent de la même façon qu'Elisabeth lui avait demandé à lui comme faveur personnelle. Cela faisait presque deux mois de cela mais Rodney ne pouvait regarder Stackhouse sans penser à son acolyte Markham. Ils avaient été ensemble tous les deux sur tant de missions que Rodney les avait rarement vu l'un sans l'autre.
C'était étrange à quel point la pièce semblait vide même s'il y avait plus de monde assemblé ici que depuis que ses bâtisseurs l'avaient abandonnée il y avait dix-mille ans de ça. En comptant l'équipage du Dédale et les Athosiens, il devait y avoir près de quatre cents personnes ici-même. Le vacarme de la pièce indiquait à quel point elle était peuplée mais en observant la soirée, Rodney avait douloureusement conscience de ceux qui n'étaient plus là.
Elizabeth avait semblé perdue pendant des mois sans la présence de Peter Grodin à ses cotés. Rodney commençait à être habitué à l'absence de Peter mais c'était difficile de perdre un membre de l'équipe aussi indispensable.
Et maintenant Aiden Ford s'en était allé lui aussi. Rodney ne s'était pas attendu à ressentir autant sa perte mais pas un jour ne passait sans que ne lui manquât l'enthousiasme puéril du jeune homme. Le jeune camarade gouailleur que Sheppard avait recruté avait ajouté quelque chose à chacune de leur mission et Rodney savait déjà que cela leur manquerait. Ce n'était pas que Ford et lui aient été proches. D'ailleurs Rodney ne l'avait jamais été avec qui que ce soit. Mais Ford avait sauvé sa peau plus d'une fois et bien qu'ils fussent si différents qu'ils auraient pu être élevés dans deux galaxies distinctes, Ford lui avait toujours témoigné du respect et de la patience, ce qui avait été plutôt rare dans sa vie.
Rodney n'oublierait jamais la façon dont Ford avait jeté ses bras autour de lui et l'avait étreint quand ils avaient résolu le problème du nanovirus. Cette étreinte n'avait pas été quelque chose de capital pour Ford, juste une expression de soulagement, de joie et de gratitude, une chose qu'il aurait faite à n'importe qui mais c'était la première étreinte spontanée dont Rodney se souvenait depuis le jardin d'enfants. Ce cadeau fortuit de Ford avait provoqué un changement de perspective chez Rodney qu'il commençait seulement à admettre. Cela lui avait fait comprendre ce qui manquait dans sa propre vie.
Ou peut-être se sentait-il un peu perdu ? Rester debout à la porte à songer à un homme qui avait disparu il y avait presque deux mois n'était pas très sensé. Mais après ce qu'ils avaient traversé cette dernière année, qui pouvait s'attendre à être encore sain d'esprit ? Leurs forces vitales aspirées par des vampires à la technologie supérieure…Cela pouvait servir de trame à un mauvais film de la chaîne SciFi, mais c'était désormais leur réalité.
En temps ordinaire Rodney focalisait son attention sur son travail et essayait de ne pas penser à tout ça. La menace journalière d'une extinction imminente le faisait se concentrer là-dessus et rien d'autre ne pouvait rivaliser avec. Et ce soir il n'arrivait pas à se distraire. Pas seulement à cause de ses craintes présentes mais parce qu'il y avait eu trop de pertes qu'ils n'avaient pas eu le temps de pleurer correctement.
La différence était que maintenant il ressentait le besoin de faire le deuil d'une personne. Avant de venir sur Atlantis Rodney était si concentré sur ses projets qu'il remarquait rarement quand il était le dernier à quitter le laboratoire. Il oubliait que c'était samedi, entrait et ne remarquait pas qu'il était seul jusqu'à ce qu'il essaye de se procurer de quoi dîner à la cafétéria fermée. Quand il se trouvait sur Area 51, Lindstrom le traînait toujours dehors après qu'ils soient restés sur place plus de dix-huit heures.
La pensée de Lindstrom lui fit l'effet d'un coup de poignard. Il avait persuadé son ancien collègue de travail de se joindre à l'expédition. Lindstrom n'avait pas survécu assez longtemps pour arriver à la cité.
Rodney savait qu'il n'aurait rien pu faire de plus. Merde ! Ce fichu virus d'ordinateur l'avait presque empoisonné lui aussi. Mais la nuit dernière, après être finalement rentré sur Atlantis, il n'avait pas pu enlever de son esprit l'image atroce du pauvre Linsdtrom, hurlant pour obtenir de l'aide alors qu'il était aspiré dans le vide par le sas. Même encore maintenant son cœur se mettait à battre à tout rompre et ses poumons se comprimaient tandis qu'il se trouvait au bord de la crise de panique rien qu'en y pensant. (1)
Il savait que son humeur sombre actuelle était la répercussion de la crise de la veille, quand le virus de l'ordinateur des Wraith avait failli les tuer pendant le voyage retour du Dédale. Pour parler vrai, même s'il s'agissait de quelqu'un à l'intelligence aussi supérieure avec des qualités de commandement comme les siennes, combien de temps le destin d'une mission entière pouvait-t-il reposer sur les épaules d'un seul homme avant qu'il ne commence à ressentir les effets du stress ?
Il y avait deux mois de cela ils lui avaient donné quarante secondes pour sauver la cité. Hier il avait disposé de deux minutes pour calibrer le transporteur Asgard ou bien John aurait été un homme mort. Ou le colonel aurait été un homme mort, rectifia t-il mentalement.
Avec tous les facteurs de stress qui planaient au-dessus de lui, Rodney savait qu'il ne pouvait pas se permettre de manquer de rigueur à ce sujet. Sheppard devait rester le Major ou le Colonel ou n'importe quelle autre distinction que Rodney pouvait trouver pour se rappeler que certaines choses ne pourraient jamais arriver, même dans la galaxie de Pégase.
Il n'eut qu'à jeter un coup d'œil à l'endroit où Sheppard était en train de rire avec Elisabeth, Kate Heightmeyer et cette jolie technicienne blonde du Dédale pour saisir l'impossibilité de revenir sur ce problème. Sheppard avait naturellement été attiré par les trois femmes les plus renversantes de la salle. Elisabeth était incroyable dans sa longue robe de soirée rouge. Le Dr Heightmeyer portait une jupe flottante turquoise et verte avec un haut décolleté d'un noir chatoyant. La technicienne portait ses longs cheveux blonds libres et était vêtue d'une robe d'été lilas. Leurs cerveaux pouvaient rivaliser avec tous les geeks ici-présents mais en ce moment elles ressemblaient à des mannequins. John lui-même était paré de son uniforme de cérémonie, tel une affiche publicitaire pour l'armée. Il paraissait même s'être rasé pour l'occasion. Rodney savait que John voulait mettre en avant son nouveau rang car sinon il n'aurait jamais porté cet uniforme d'apparat. Mais il était tout de même fichtrement beau là-dedans. Rodney essaya de ne pas spéculer à quel point il serait beaucoup mieux sans lui.
Si la vue de Sheppard charmant les trois plus jolies femmes d'Atlantis ne suffisait pas à renforcer la totale impossibilité de son fol engouement, il pouvait aussi se remémorer la femme Ancienne d'une exquise beauté, absolument parfaite que le colonel avait séduit. Des corps féminins lisses aux courbes chaudes, de jolis visages, voilà ce qui attirait John Sheppard et non un geek égoïste, un peu rond avec un double menton et un front qui se dégarnissait.
Rodney ne pouvait même pas penser à ce ridicule engouement comme un espoir, un désir ni même un rêve parce que cela lui faisait trop mal de savoir qu'en réalité la seule personne pour laquelle il était parvenu à avoir une sorte de lien émotionnel ne le verrait jamais autrement que comme un ami.
Mais parfois, quand Sheppard et lui se lançaient des piques et des insultes enjouées, presque charmeuses, qui étaient la marque distinctive de leur rapport, Rodney s'oubliait un instant. Il se perdait dans ces yeux noisette brillants et rien d'autre n'avait d'importance que le lien qu'il avait établi avec cet homme. Durant les trente-six années de son existence il pouvait compter le nombre de fois qu'il avait forgé un lien réel avec un autre être humain. Il en trouvait quatre, peut-être cinq pour être franc.
Il n'était pas le genre d'homme qui inspirait l'amitié ou l'affection., il le savait. La période de conflits qu'avait été son enfance ne lui avait laissé aucun doute sur le fait qu'il n'avait jamais été aimé ni désiré, mais il était trop vieux pour rejeter le blâme de sa marginalisation sociale sur ses parents. Les génies avaient des problèmes pour s'intégrer dans la société. Les gens normaux étaient envieux et pleins de ressentiments devant leur intelligence supérieure et Rodney avait doublement conscience d'être un génie parmi les génies. Atlantis comptait le meilleur du meilleur mais même ici son intelligence supérieure l'isolait des autres scientifiques. La plupart, comme Kavanagh entretenait un ressentiment amer envers lui mais il y en avait quelques uns, comme Zelenka ou comme Lindstrom qui semblaient presque l'admirer, qui plaisantaient avec lui et ne lui tenaient pas grief de ses accès de colère.
Mais Lindstrom était parti maintenant. Plus parti que Ford.
Rodney respira à fond, essayant désespérément d'oublier l'expression du visage de Lindstrom face à la mort.
L'esprit focalisé sur le pauvre Lindstrom, Rodney resta debout dans l'entrée de la pièce, le regard fixé sur Sheppard.
Comme si le gène Ancien l'avait prévenu qu'il était observé ou comme s'il avait vraiment senti Rodney entrer dans la salle, les yeux noisette quittèrent le visage d'Elisabeth et trouvèrent immanquablement le regard de l'autre homme.
Soudain toutes ses pensées sur la mort épouvantable de Lindstrom s'enfuirent. La secousse qui l'ébranla quand leurs regards se rencontrèrent lui sembla comme un coup de foudre ou une décharge extrêmement puissante d'énergie. Son souffle se bloqua dans sa poitrine et il se sentit l'estomac serré. Pendant un moment il fut certain d'avoir une attaque ou peut-être était-ce une autre séquelle de l'exposition aux radiations. Il avait l'impression de ne plus pouvoir respirer.
Sheppard lui envoya un grand sourire et un petit signe que chacune des trois femmes imita. Mais Rodney les distingua à peine. Tout ce qui lui importait était le sourire de John et la totale impossibilité de ce que ce sourire semblait silencieusement promettre.
Quand Rodney vit les yeux de Sheppard se plisser d'inquiétude il se força à se ressaisir, colla un sourire sur son visage, rendit au groupe son salut et se dirigea d'une démarche mal assurée jusqu'au buffet le plus proche.
Manger allait l'aider, élever son niveau de sucre dans le sang et peut-être que ce fichu cafard passerait. Il détestait se sentir ainsi.
Il lui fallut respirer profondément vingt-cinq fois avant que son estomac se desserre et qu'il puisse de servir au buffet. Un regard aux pichets transparents en plastique remplis d'eau glacée et Rodney sut que les cuisiniers étaient encore en train d'essayer de le tuer. Dans chacune de ces fichues choses flottaient des citrons coupés en rondelles.
Près des brocs d'eau se trouvait un énorme plat rempli de crevettes roses mais comme les fruits de mers lui avaient parfois causé une réaction allergique il continua le long de la table. Il y avait un grand saladier d'oignons à moitié consommés qui trempaient près des crevettes. À coté se trouvaient plusieurs sortes de chips et de crackers plus quelques petites carottes. De l'autre coté des chips se trouvait un grand plateau de boulettes de viande suédoises. Une trouvaille !
Se sentant momentanément mieux il se jeta sur les boulettes et passa les quinze minutes suivantes à s'empiffrer allègrement. Il en était à sa trente-quatrième boulette quand, en jetant un coup d'œil à la table voisine, il lâcha ce qu'il tenait dans la main à la vue de Samantha Carter dans une aguichante robe de soirée noire, se servant dans le buffet voisin. Elle lui tournait le dos mais il n'y avait aucune erreur sur sa silhouette souple et ses cheveux blonds coupés courts.
Même maintenant, avec son attirance confuse et désespérée pour John Sheppard, Sam Carter arrivait toujours à lui faire de l'effet.
En aucune façon elle ne pouvait se trouver là, il le savait. Il avait lu la liste des passagers. À moins qu'elle ne se soit cachée dans une caisse de stockage avec la cargaison du Dédale, elle n'était pas à bord au moment où ils avaient quitté la Terre. Il aurait été au courant s'ils avaient eu le pouvoir de la transporter à travers la Porte d'Atlantis. Pourtant elle se tenait là, penchée et, bon dieu, c'était quelque chose à voir !
Frisant la pure convoitise il abandonna son assiette près du plateau de boulettes et se dirigea tout droit sur Sam qui lui tournait toujours le dos mais était en train de se redresser.
-Dr Carter ? Demanda t-il dès qu'il fut assez près pour être entendu par-dessus «Simply irresistible » de Robert Palmer. Une chanson qui convenait à Carter si jamais il y en avait une, admit Rodney dans sa tête.
À sa voix elle se retourna et Rodney reconnut aussitôt son erreur. Des yeux verts et non pas les yeux bleus de Carter. Au lieu du teint crémeux et pêche de Sam sa peau était de façon charmante tachetée de taches de rousseur. Elle avait le nez retroussé et une bouche ronde sensuelle avec le genre de rouge à lèvres qu'on voyait dans les films pornos. En fait ce n'était pas le seul attribut qu'elle partageait avec les stars du porno. En voyant sa poitrine généreuse il réalisa qu'il ne l'aurait jamais confondue avec Carter s'il l'avait vu de face, même à distance. Elle était cependant absolument magnifique.
-Désolé, s'excusa t-il. J'ai cru que vous étiez quelqu'un que je connais.
-Ne vous excusez pas, sourit-elle. J'ai la même coupe que le docteur Carter. Ça m'arrive souvent.
Se rappelant ses bonnes manières Rodney tendit une main moite et se présenta.
-Je suis le docteur Rodney McKay.
Elle lui serra la main et la relâcha aussitôt, sans doute parce qu'elle était moite.
-Barbara Morris.
-Vous n'êtes pas un des membres de la nouvelle expédition ? Questionna t-il.
Il avait déjà parcouru les dossiers de tout le monde et savait qu'il n'aurait pas oublié quelqu'un comme elle, peu importait la section où elle était assignée.
-Non, je travaille dans la salle des machines du Dédale, répondit-elle.
-Oh ! Il fixa bêtement son joli visage et se força à demander malgré sa timidité :
-Euh…comment trouvez-vous Atlantis ?
-Fantastique, n'est-ce pas ? On la dirait sortie d'un conte de fées ! Répondit la jeune femme avec enthousiasme.
-La cité est impressionnante, non ? Convint-il, éprouvant de la sympathie pour ceux qui aimaient celle qu'il considérait au fond de lui comme sa cité.
Elle hocha la tête et une fois de plus Rodney se retrouva dans cette affreuse situation de ne pas savoir quoi dire. La question : Y'a t-il une chance pour que vous couchiez avec moi ? Etait grossièrement inappropriée, mais c'était tout ce que son esprit pouvait penser en la regardant. Il finit par balbutier :
-Euh…je suis le chef scientifique d'Atlantis.
Il commença à énumérer ses responsabilités et le nombre de fois où il avait sauvé la cité dans un flot de paroles nerveux. Il reconnaissait en lui-même qu'il était incohérent et qu'il se vantait sûrement trop mais il était incapable de contrôler le débit de ses mots. Il se sentait que comme quand Elisabeth lui disait qu'il n'avait que quarante secondes pour sauver la cité et que s'il n'y arrivait pas il n'aurait jamais de seconde chance. Finissant par se rappeler que quand on flirtait on était supposé laisser la parole à l'autre personne, il termina par un faible :
-Si vous le désirez, je pourrais vous faire visiter la cité en privé. L'énergie motrice de l'EPPZ est absolument incroyable.
C'était la seule chose qu'il pouvait penser intéresser un ingénieur.
Ses yeux lancèrent des éclairs et son visage se ferma. Rodney était assez familier avec ça. Il l'avait déjà vu dans des dizaines de beaux visages qui se figeaient avec une expression d'horreur et semblaient se demander : « Comment est-ce arrivé et comment me débarrasser de lui ? »
-C'est très aimable à vous, docteur McKay, mais…Commença Barbara.
Ce n'était pas vraiment un refus donc Rodney insista.
-Appelez-moi Rodney, je vous en prie. Si vous aimez la cité, vous devriez vraiment la voir.
-Je suis désolée docteur McKay mais vous n'êtes vraiment pas mon genre. Je …
Avant qu'elle ait terminé quelqu'un s'approcha d'elle par derrière.
-Barb ?
En pantalon noir, chemise de soie bleue et veste noire, Kavanagh semblait différent.
Même s'il avait essayé toute la nuit Rodney savait qu'il n'aurait pas inspiré le sourire qui éclaira les yeux verts de Barbara Morris quand elle vit Kavanagh. Ce dernier pouvait être le plus grand connard des deux galaxies mais il présentait bien. Même Rodney devait admettre que si ce type gardait la bouche fermée il pouvait être sexy. Pas de la manière dont l'était John, mais d'une façon plus intello.
-Salut, Calvin! Elle le salua et expliqua.
-Calvin et moi étions étudiants en première année à Harvard.
En temps ordinaire Rodney aurait été amusé de voir la vieille plaisanterie se confirmer : Comment savez-vous quand une personne est diplômée d'Harvard ? Dans les trente secondes de présentation il vous l'aura dit.
Mais ce soir Rodney ne put même pas se fendre d'un sourire à la confirmation de cette loi universelle d'élitisme intellectuel. Tout ce qu'il pouvait percevoir c'était le soulagement dans la voix de la jeune femme comme s'il était une sorte de vieux dégoûtant qui en avait après elle. Reconnaissant l'inutilité de ses efforts pour s'envoyer en l'air ou même trouver une compagnie féminine intelligente pour converser juste d'autre chose que des Wraith ou des amis morts ou disparus, Rodney salua l'interruption manifestement opportune de son collègue Kavanagh.
Ce dernier hocha la tête, fixa Barbara avec une lueur malveillante et suggestive dans les yeux et dit :
-Vous plaisantez, McKay, jamais de la vie ! Même votre ego ne peut pas être aussi démesuré.
À sa décharge le visage de Barbara se remplit de confusion à la remarque grossière de Kavanagh mais elle prit tout de même son bras quand ce dernier le lui offrit. Avec un léger « Ravi de vous avoir rencontré, Dr McKay », la beauté vêtue de noir voltigea jusqu'à la piste de danse avec le membre de son personnel le plus incompétent.
Barbara semblait à l'aise au bras de Kavanagh comme elle ne l'aurait jamais été au sien.
Mordant sa lèvre inférieure, brûlant d'humiliation, Rodney serra douloureusement les poings. Il jeta un regard rapide autour de lui. Heureusement personne n'avait été assez près pour entendre. Mais quand ses yeux parcoururent la foule, retournant là où ils étaient avant qu'il ait cru voir Sam Carter il trouva le regard noisette de Sheppard rivé sur lui avec acuité. Même à travers la pièce il put voir l'expression de John changer.
Il pouvait s'attendre à encore plus de dédain. Le colonel avait beau être son collègue et ami, il ne laissait jamais passer l'occasion de rabaisser son ego d'un cran ou deux. Rodney se sentait maintenant tellement au fond du gouffre qu'il ne pensait pas pouvoir supporter une moquerie de plus.
À son grand désarroi il n'y avait aucun triomphe dans le les yeux de John. Il semblait peiné. Quand il réalisa que Rodney le fixait il détourna rapidement le regard. Mais Rodney savait qu'il avait été témoin de son humiliation.
Il sentit le rouge de la honte lui brûler les joues.
Se détournant de la fête il se planta devant le buffet. Les rires semblaient anormalement forts. Même si c'était ce qu'il ressentait il savait bien que les gens ne riaient pas de lui.
Cela lui prit presque deux minutes pour remarquer les verres de champagne. Ayant besoin de s'armer de courage il en prit un et le descendit comme de l'eau. Un second, troisième et quatrième verres disparurent tout aussi vite.
Habituellement le champagne lui montait droit à la tête et ce soir cela ne fit pas exception à la règle. Au bout d'un moment il se sentit devenir rouge et la pièce se mit à tanguer légèrement. Il avait pensé que l'alcool l'aiderait à supporter le rejet humiliant qu'il avait subi mais cela le déprima encore plus. Et quelqu'un riait encore derrière lui. Incapable de supporter le bruit des gens heureux une minute de plus il se hâta vers la porte la plus proche.
Ce n'était pas celle par laquelle il était arrivé. La porte glissa devant lui et il se retrouva sur la plate-forme qui encerclait l'amphithéâtre. Les vagues s'écrasaient en dessous dans un murmure constant.
La nuit était froide et venteuse. La mer était houleuse et les étoiles reflétaient dans l'eau avec la clarté du cristal. Le vent salé lui piquait les yeux. Du moins il attribuait cela au vent du large.
Il tituba jusqu'au pare-fou, se sentant un peu plus qu'éméché. Après tout peut-être que le champagne n'avait pas été une tellement bonne idée. Agrippant la barre en métal de la balustrade il regarda fixement en direction des bourrasques salées, souhaitant avoir eu le bon sens de renoncer aux boissons alcoolisées.
Il n'était pas seul. Il y avait là un certain nombre de couples tirant profit du cadre romantique pour pratiquer le bouche à bouche mais ils étaient tous à distance respectable et l'ignorait avec la politesse tacite des étrangers dans la nuit. Comme d'habitude il se retrouvait seul dans un cadre merveilleusement romantique.
Alors que le vent salé de la nuit remplissait ses poumons Rodney se disait qu'il serait chanceux s'il n'avait pas une crise d'asthme ou attrapé un rhume au matin. Considérant comme les choses s'étaient passées cette semaine ce serait juste sa chance.
Sa santé exigeait qu'il rentre à l'intérieur mais il ne pouvait pas de nouveau faire face à la fête et l'idée de retourner dans ses quartiers vides était pire que le froid.
-Hé ! Une voix familière appelait doucement derrière lui et Sheppard vint se tenir à la balustrade à ses cotés. Il n'avait même pas entendu les portes s'ouvrir.
Rodney jeta un coup d'œil à son compagnon. Ils étaient tous les deux cachés dans l'ombre. John avait presque l'air d'un étranger dans son uniforme d'apparat. Rodney ne l'avait jamais vu dedans avant ce soir. Bonne chose. Sheppard était absolument ravageur dans cet uniforme.
N'essayant pas de feindre, Rodney énonça plus que questionna.
-Vous avez vu ?
Il pouvait ouïr à quel point sa voix semblait morne. Il ne savait pas pourquoi il voulait entendre confirmer que son humiliation était complète. Il savait que John avait été témoin de cette scène navrante.
-Ouais, répondit John d'un ton prudent avant de continuer plus sincèrement : C'était d'une stupidité sans bornes !
Rodney se raidit sous l'outrage soudain et total. Sheppard était venu là pour se moquer de lui ?
-Ecoutez, je suis a…atrocement conscient à quel point j'ai foiré. Je n'ai pas besoin que vous veniez me frotter le nez dans…
Merde, la boisson affectait maintenant son langage. Rien que prononcer correctement le mot « atrocement » lui avait demandé un effort conscient. Il continua d'essayer d'aligner au moins les quatre syllabes du mot.
-Whaouh ! Qu'est-ce que vous dites ? Le coupa John.
-Vous venez de me traiter de Chtupide ! Cria Rodney en posant les yeux sur ceux parfaits de John. Il put apercevoir par-dessus l'épaule de ce dernier plusieurs des couples sur la plate-forme regarder dans leur direction.
-Je ne parlais pas de vous, réfuta Sheppard d'un ton surpris.
-Vous ne parliez pas de moi ? Demanda Rodney bêtement. Le ton de John était conciliant. Il ne comprenait pas pourquoi il se sentait toujours menacé comme ça.
-Bien sûr que non. Pourquoi est-ce que je dirai cela ?
Bien que Rodney puisse déceler un désarroi sincère dans le ton de John il ne put faire obstacle à l'amertume. Elle se déversa hors de lui comme cette créature noire et venimeuse qu'ils avaient affrontée lors de leur première semaine sur Atlantis.
-Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que vous m'avez vu faire quelque chose de phénoménalement embarrachant. Peut-être parce que je suis Chtupide et que je n'apprends jamais. Peut-être parce que je jette mon intel…ma supériorité intellectuelle à votre visage cent fois par jour et que vous ne pouvez pas résister à la chance de rabaisser mon super ego de super-intello d'un cran ou deux ?
-Euh…super-intello et super ego ? Demanda John de son imperturbable voix traînante qui donnait envie à Rodney de le contredire. J'aime bien ça. Mais vous croyez que vous devriez dénigrer vos super-facultés ainsi ?
-Ce n'est pas drôle ! Se remit à crier Rodney comme il le faisait à chaque fois que ses émotions prenaient le dessus sur lui. Il vit du coin de l'œil deux des couples se glisser sans bruit dans la fête.
-Non, admit John d'un ton modéré. Ça ne l'est pas. Et vous savez que ce n'est pas pour cela que je suis venu là.
-Non ? Rodney savait qu'il n'aurait pas dû prononcer ces paroles mais il n'avait pas pu se retenir. Il n'y arrivait jamais quand il était bouleversé. Et la boisson n'avait pas non plus aidé.
-Bien sûr que non, répliqua John. Vous êtes mon ami, McKay. Je ne vais pas vous descendre quand vous êtes au plus bas.
Rodney lutta pour contrôler ses émotions fugitives. Quand il sentit qu'il pouvait parler de nouveau sans crier de façon gênante il cracha d'un ton narquois :
-Désolé, c'est nouveau!
Il voulait juste que John s'en aille afin de lécher ses blessures en paix.
Rodney aperçut le regard caché par les ombres de John le quitter un instant pour scruter leur environnement. Il fit de même, faisant de son mieux pour ne pas tanguer dans le vent. Les trois couples qui étaient à leur gauche n'étaient plus bouches verrouillées mais regardaient l'engueulade. Enfin, lui gueulait. John était resté parfaitement rationnel. Il était le seul à s'être énervé.
-Allez, proposa John. Venez faire un tour avec moi.
Comme depuis qu'il était arrivé dans la galaxie de Pégase il n'eut pas le choix. Sheppard posa une main sur son dos et le guida en bas de la plate-forme au coin de l'amphithéâtre, sous le vent là où il n'y avait pas de public. Rodney tremblait alors que les vents violents le transperçaient mais il suivit John sur la jetée déserte, jetant de temps en temps un coup d'œil à droite à la mer ou à gauche sur la réception à travers les fenêtres.
-Parlez-moi, dit John de ce ton intime qui donnait à Rodney envie de se laisser glisser à genoux devant lui. Cela ne devrait pas être permis d'utiliser un ton pareil dans une simple conversation. C'était réservé à la chambre à coucher pour des instructions sexuelles torrides comme Suce-moi ou écarte les jambes.
Rodney essaya de ne pas répondre mais il était aussi impuissant à refuser qu'il l'aurait été avec les deux autres ordres. John marchait à coté de lui, calme et serein, le regard fixé avec insistance sur la joue droite de Rodney, comme s'il pouvait attendre la réponse pendant un siècle.
Rodney détestait que John le connaisse si bien qu'il savait qu'il n'avait qu'un mot à dire pour le persuader de livrer ses secrets. Il se demanda si la bataille de volontés qu'il ressentait avait vraiment lieu ou bien si c'était seulement un autre symptôme de sa malchance. Il céda, comme certainement John n'avait pas douté qu'il ferait.
-Je suis juste…un peu fatigué de ça parfois, vous comprenez ? Admit Rodney à l'homme tranquille à ses cotés qui l'appelait son ami.
-Ça ? Questionna John d'un ton encourageant.
Rodney n'arrivait pas à comprendre pourquoi John restait à trembler dehors dans le froid à parler avec lui plutôt que de se trouver à l'intérieur, se distrayant en discutant avec une belle femme. Donc, au lieu de se dérober comme d'habitude il expliqua :
-Tous ces trucs…de rancart. Ou, dans mon cas, de non rancart. Peu importe si j'essaye d'être moi-même, d'impressionner ou bien d'être cool, elles me fuient toutes comme si j'avais une MST. Chacune d'elles !
Le silence qui s'ensuivit suggéra à Rodney qu'il avait remis ça. Trop d'informations. Les mecs n'avouaient jamais ces choses là entre eux. À un certain niveau il le savait. Mais il continuait à se répandre à chaque fois que quelqu'un essayait d'être son pote. Peut-être qu'il le faisait aussi à chaque fois que quelqu'un, n'importe qui, l'écoutait vraiment. Parfois il se trouvait vraiment pathétique. Il pouvait à peine avoir une simple relation hétéro basique.
Hétéro ? Le terme était assez inapproprié à la lumière des sentiments qu'il portait à l'homme avec qui il conversait. Mais John ne flippa pas ni ne fit de plaisanterie sur sa franchise inadéquate. Au contraire, il affecta ce ton très patient, absolument agaçant qu'il utilisait dans les missions quand il le contredisait.
-Ce n'est pas vrai, Rodney. Elles ne vous fuient pas toutes. Je suis déjà allé à votre laboratoire. Le docteur Takonimi aimerait que vous lui demandiez de sortir.
À quoi pensait John ? Il avait vu comment Takonimi se comportait avec lui.
-Le docteur Takonimi se fait des illusions, répliqua Rodney incapable de croire que Sheppard avait sérieusement suggéré qu'il propose un rancart à quelqu'un de son personnel.
-Je veux être certain de comprendre. Elle ne vous traite pas comme les autres, donc elle se fait des illusions ? Demanda John, un sourire dans la voix.
-Non, elle se fait des illusions parce qu'elle ne me voit pas moi, comme je suis. Elle a cette vision de moi dans sa tête qui est…et bien, c'est un peu comme quand elle me croit lorsque je… Rodney ne savait pas comment finir sa phrase.
John l'aida avec une petite taquinerie.
-Quand vous utilisez votre super ego super puissant ?
-Ouais, c'est ça, répondit Rodney avec hargne, cependant heureux de n'avoir pas prononcé lui-même ces paroles.
-Je ne vois toujours pas ce qu'il y a de mal avec ça.
-Ce n'est pas que ça. Vous savez à quel point je peux être euh…verbal quand les choses tournent mal ? Demanda Rodney, douloureusement conscient d'en avoir juste donné un exemple à John il y avait quelques minutes de cela.
-Ouais ? Elle travaille avec vous, McKay, elle doit y être habituée.
-C'est justement le problème. Elle ne l'est pas. Quand je lui crie dessus, elle me fait des excuses, même quand nous savons tous les deux que j'ai dépassé les bornes. Et si je suis trop énervé et que je ne la lâche pas…Rodney s 'arrêta, pas sûr de dire cela sans passer pour un monstre.
-Oui ? L'encouragea John.
-Elle se met à pleurer. Attention, elle ne me manipule pas. Elle est trop professionnelle pour ça, mais les larmes commencent à couler le long de ses joues et elle renifle et…je ne peux pas prendre quelqu'un comme ça, admit Rodney.
-Je ne vous blâme pas. Moi aussi je déteste les larmes, commenta le militaire. Quand Rodney le regarda, il se rendit compte que John avait l'air horrifié.
-Ouais, dit Rodney. Après une minute il ajouta avec calme :
-Merci.
-Pour ?
-Pour me rappeler qu'i quelque part quelqu'un qui me veut mais que je ne suis pas un perdant assez désespéré pour la prendre juste pour baiser. Aussi pathétique que cha en a l'air, ça fait du bien de savoir que même si je n'ai rien à me mettre sous la dent, je ne suis pas shans morale.
Rodney détestait la façon dont il articulait mal les mots mais John ne semblait pas le remarquer.
-Heureux d'avoir pu aider, répondit John d'un ton ironique. Après quelques pas Sheppard s'arrêta près de la balustrade. Le vent battait ses cheveux en désordre, lui fouettant les yeux.
Leur promenade les avait emmené sur la plate-forme, sur le coté de l'amphithéâtre qui n'avait ni porte ni fenêtre. C'était l'extrémité nord de la jetée ouest où les vents étaient les plus forts tout au long de l'année. Ils pouvaient encore sentir le bourdonnement sourd de la musique mais n'entendaient ni ne voyaient plus qui que ce soit à l'intérieur.
-McKay ?
-Oui ?
-Vous vous trompez sur vous-même. Il n'y a rien de pathétique en vous, déclara John sur un ton étrangement insistant.
-Depuis quand vous me mentez ? Demanda Rodney de nouveau en colère parce que si une chose était sûre, c'était bien que John et lui avaient toujours été honnêtes l'un envers l'autre. Nous savons tous deux que je le suis. Vos gros-bras de soldats ne se donnent même pas la peine de baisser la voix quand ils parlent de moi. Même les gens qui me rechpecte pour mon cerveau se moquent de moi quotidiennement ! Alors ne re…restez pas là pour me raconter de beaux mensonges ! Ça ne m'aide pas !
John répondit d'une voix crispée sur un ton étrangement dangereux.
-Je ne mens pas.
-Ouais, d'accord, gronda Rodney, en rage. Jusque là John ne l'avait jamais traité avec condescendance. Il le croyait stupide à quel point ? Se sentent complètement trahi il ajouta froidement :
-Merchi pour votre discours d'encouragement, Maj…Colonel. Je vous verrai plus tard.
Il venait de faire deux pas quand une poigne d'acier se referma sur son épaule et le maintint en place. John se tenait dans son espace personnel si près que Rodney pouvait sentir la chaleur de son corps sur tout son coté gauche en dépit du froid de la nuit. Quelque chose en lui se mit à trembler.
John n'était pas quelqu'un qui aimait le contact. Malgré toute sa franche camaraderie, il gardait souvent ses distances avec les gens.
-Je ne vous mens pas, insista John, perdant son calme. Vous le savez. Vous savez que vous savez ça !
John parlait comme si c'était la cité toute entière qui était en jeu.
Il faisait trop sombre pour que Rodney puisse voir le regard qui le transperçait. Même de si près les yeux de John n'étaient qu'éclairs intermittents de blanc et d'ombres, il pouvait en sentir la force.
Prisonnier de ce regard impérieux et invisible, Rodney frissonna, ragea intérieurement et finit par capituler.
-D'accord, vous ne mentez pas. La pression de l'étreinte sur son bras diminua mais John ne la relâcha pas. Vous aussi vous vous faites des illusions.
-Parce que je respecte un homme qui a le pur courage de rester près de moi chaque fois que je dois faire face à une mort certaine ? Demanda John.
Rodney ne put s'empêcher de railler.
-Pur courage ? Colonel, nous savons tous les deux que j'ai Chi peur à chaque fois que je pisse dans mes frocs. Et je ne parle pas seulement au sens fi…figuré.
John le coupa.
-Mais vous y arrivez toujours. À chaque fois. Peu importe ce à quoi nous faisons face et à quel point vous avez peur, vous trouvez toujours une manière de me sauver. Le courage n'est pas un manque de peur, Rodney. C'est faire ce que vous avez à faire en dépit de votre frayeur. Et c'est ce que vous faites chaque fois.
Aux paroles de John sa gorge se serra tellement qu'il fallut qu'il déglutisse deux ou trois fois afin de l'éclaircir suffisamment pour parler. Et même ainsi, les mots ne sortaient pas correctement. Il était conscient à quel point il articulait péniblement.
-Merch…c'est…merci.
-Je sais que c'est dur mais ne laissez pas ce qui s'est passé là-dedans tout à l'heure vous démoraliser.
-Vous voulez dire être sexchuellement repoussant pour chaque belle femme que je rencontre ? Déballa t-il, forçant John à voir la réalité. Enfin, plutôt la partie de la réalité qu'il osait révéler. Rodney avait conscience, même si John ne le saurait jamais, qu'il n'y avait pas une seule femme magnifique dans toute la galaxie qui l'émouvait de la manière dont John le faisait, pas même Sam Carter.
-Cette bimbo ne valait pas la peine de perdre votre temps. Elle était sur le Dédale hier. Elle devait savoir ce que vous avez fait et la façon dont vous nous avez sauvé la mise, commença John, ignorant visiblement à quel point son raisonnement faisait encore plus de peine à Rodney.
Il détestait à quel point il perdait facilement le contrôle. Il sentait le vent lui piquer les yeux tandis qu'il se blessait la gorge en criant de nouveau.
-Et quel est le rapport avec ça ? Elle chavait et ce n'était pas suffisant ! Che n'est jamais suffisant ! Peu importe ce que je fais. Ça n'a pas d'importanche si je sau…sauve la cité ou la galaxie ou la race humaine toute entière. Je suis toujours un intello trop gros, qui se dégarni et a plein d'allergies, que personne qui a toute sa tête ne veut approcher. Croyez-moi, colonel, ça craint d'être un vrai paria !
Rodney se détacha et tenta de s'échapper mais le champagne eut raison de son équilibre autant que de son élocution. Il trébucha.
-Humphf !
Sa fuite échoua. Le vent le frappa et il atterrit sur la poitrine ferme et solide de John. Des bras fermes se refermèrent autour de lui alors que John le remettait sur pied.
-Arrêtez-ça ! Lui ordonna t-il.
John le serrait dans ce qui était presque une étreinte. Rodney ne put résister. Au lieu de se libérer et de maintenir la distance entre eux comme il l'aurait fait s'il était sobre il se pencha dans le confort que le corps de John semblait offrir. John était si chaud et lui avait si froid, là, dehors. Tout le temps si froid. Réellement.
John se figea un instant, comme s'il allait s'écarter, mais il passa les bras autour de l'autre homme dans l' esquisse d'un geste qui ne lui était pas plus familier qu'à Rodney.
Rodney resta là, pétrifié et ivre dans l'étreinte de John. Lentement son cerveau assimila le fait qu'il se tenait debout dans les bras de John, aussi proche qu'un amant.
Quand il finit par reprendre son souffle et respirer de nouveau, il ne sentit plus l'odeur de la mer. Il était cerné par la lotion après-rasage et l'odeur encore plus chaude de John. Depuis quand l'Aqua Velva ébranlait-elle ainsi ses sens ?
Si c'était de l'Aqua Velva. Ce genre de lotion après-rasage ne semblait pas être dans le style de John Sheppard. Rodney n'en savait pas plus sur les articles de toilettes des hommes que sur les produits d'hygiène des femmes. C'était totalement hors de son domaine. Quand au lycée il s'était préoccupé de ces choses il avait simplement emprunté le Old Spice de son père. Depuis il ne s'était plus soucié de lotion après rasage, alors comment aurait-il pu savoir ?
Tout ce qu'il savait, c'était que John le retenait.
Rodney nota distraitement qu'ils étaient grands. Il était plus gros que John, plus large, plus corpulent mais il y avait une force dans les lignes élancées et robustes du militaire que démentait sa minceur.
L'étreinte que lui avait donné Ford il y avait six mois de cela n'était rien à comparé de celle-là. Rodney s'accrochait désespérément, l'étreignant en retour de toutes ses forces tout en enfouissant son visage dans la chemise de l'uniforme de John et dans son cou. Il le tenait si serré qu'il sentit un frisson parcourir le corps de l'autre homme quand son souffle frôla la peau sensible de son cou.
Le frisson purement instinctif de John provoqua une réaction physique inattendue chez Rodney. Avant même que ce dernier ne se rende compte de ce qui lui arrivait, il était devenu dur comme un roc. Pendant quelques secondes bénites il ne remarqua pas qu'il bandait dur comme fer mais à l'instant où il réalisa, il se figea.
La même tension dans le corps de John lui indiqua que ce dernier s'était lui aussi rendu compte de son excitation.
Rodney se retira, complètement paniqué.
-Echxusez-moi…je…
Il quoi ? Rodney rechercha frénétiquement une explication. Pouvait-il vraiment dire à John ce qu'il ressentait pour lui ? Ou bien lâcher un peu de vérité et admettre qu'il était complètement avide du moindre contact humain ? Aucun de ces choix n'était possible. Il devait travailler avec cet homme.
Paralysé d'horreur il ne pouvait qu'attendre le coup de poing inévitable à la mâchoire alors que ses compétences sociales inexistantes essayaient de trouver un plan qui lui permettrait de s'en sortir avec sa dignité intacte. Mais il n'y avait rien dans son répertoire limité qui couvrait le fait de presser une érection contre la hanche d'un homme hétéro désintéressé, un homme qui était justement le chef militaire de cette galaxie et son chef d'équipe pour les missions à l'extérieur. Les trente-quatre boulettes qu'il avait avalées remuèrent dans son estomac tandis qu'il reconnaissait en lui-même qu'il était bien plus emmerdé que quand le Jumper s'était coincé dans la Porte des étoiles.
Et bien sûr aucune remarque pleine d'esprit pour briser la tension ne se présentait à lui. Pas plus qu'une équipe de ses meilleurs scientifiques travaillant sur un plan pour le sortir de la situation actuelle. Aussi se contenta t-il d'adresser un autre « echxcusez-moi » ivre à son probablement ex ami choqué. Puis il tourna les talons et se sauva aussi rapidement qu'il le pouvait sans courir.
Le vent était fort mais il fut assez certain d'entendre John l'appeler par son nom d'un ton confus tandis qu'il battait en retraite.
Qu'est-ce que… ?
Le lieutenant-colonel John Sheppard resta bouche-bée quand Rodney émit un autre «echxcusez-moi » d'une voix étranglée et se précipita loin de lui au bas de la plate-forme illuminée par les étoiles.
-Rodney ? Appela t-il, finissant par reprendre ses esprits. Mais cette fois il ne put pas le stopper car son ami enivré se rua au coin de la plate-forme et disparut de sa vue.
John récapitula mentalement ce qui s'était passé. Il avait suivi Rodney dehors après l'avoir vu se faire jeter par cette jolie membre de l'équipage du Dédale.
Rodney en avait été bouleversé. Il n'y avait rien de nouveau à ça. Rodney était nerveux. Il était toujours bouleversé au sujet de tout. Tout chez lui semblait fonctionner à un niveau plus rapide et plus volatile que le reste de l'humanité. Son ego, son cerveau, ses émotions. Intense était le mot qui pouvait définir Rodney McKay.
Mais Rodney avait également bu et c'était une chose à laquelle John n'était pas accoutumé.
John s'était attendu aux hurlements. À l'instant où il avait vu cette blonde bien roulée se tailler avec Kavanagh. Kavanagh entre tous ! John avait su que McKay allait se frapper la tête contre les murs. Il n'avait jamais vu personne descendre le champagne aussi rapidement que McKay avant qu'il ne quitte la réception. La boisson alcoolisée avait visiblement abaissé toutes ses défenses.
Il ne s'était vraiment pas attendu à ce que McKay s'ouvre ainsi au sujet de ses problèmes avec le sexe opposé mais en y regardant à deux fois c'était bien dans son caractère. Posez une question à Rodney et vous en obtiendrez plus sur le sujet que ce que vous désiriez entendre, à condition qu'il ne pense pas que ce soit une question stupide. Dans ce cas là vous obteniez juste un renvoi sarcastique.
John n'avait jamais rencontré quelqu'un comme McKay. Rodney ne semblait pas avoir élevé des barrières défensives comme beaucoup de gars faisaient. Il n'employait pas les mêmes simulacres machos qu'utilisait chaque mâle que John avait rencontré depuis ses dix ans. Il n'y avait pas de foutaises genre « garder son sang froid » dans l'univers de Rodney McKay. Quand il était effrayé, inquiet, agacé, affamé, ou blessé il le faisait savoir au monde, haut et fort, et dans les moindres détails. Il n'y avait pas une once de subterfuge chez Rodney. Tout chez lui était transparent comme le verre, pour celui qui voulait le voir.
C'était ce bon côté qu'il maintenait caché.
Beaucoup de gens n'avaient aucune patience pour lui. La majorité de l'expédition trouvait le chef scientifique énervant et immature. Irritant et à éviter. Mais John avait vu ce que pouvait faire cet homme sous pression et il n'y avait rien d'immature dans l'engagement de Rodney pour Atlantis. C'était ça qui comptait pour lui. La première semaine de leur arrivée il avait vu Rodney entrer dans une créature faite d'énergie et risquer sa vie pour eux tous. Ce seul acte de sacrifice désintéressé lui avait appris tout ce qu'il avait besoin de savoir sur Rodney McKay.
Ainsi, alors que les autres se faisaient rares autour du scientifique, John avait pris le temps d'essayer de le connaître. Ce n'était pas facile mais au fur et à mesure Rodney était devenu un ami. John n'en avait pas eu beaucoup ces dernières années. La marque noire sur son nom avait assuré son isolement en Antarctique et son poste de commandant avait fait la même chose ici. Les amis étaient ses cadeaux les plus rares. La fuite de Ford l'avait laissé en manque et il se sentait un peu protecteur depuis qu'il était parti.
Quand ce soir il avait vu la blonde battre froid Rodney, cela l'avait rendu furieux. Il savait que l'autre homme pouvait être épuisant, mais tout le monde était au courant de ce qu'il avait risqué la veille. Est-ce que ça l'aurait tué de danser avec lui ?
John réalisa qu'il était probablement excessif. Il savait que McKay était tellement égocentrique qu'il manquait les allusions subtiles, ou bien pas si subtiles que ça. Certains jours vous deviez utiliser un marteau de forgeron rien que pour pouvoir placer un mot. Ce n'était donc probablement pas tout de la faute de la blonde mais John était fatigué de voir cette expression brisée dans les yeux de Rodney. Il l'avait eu pendant des semaines après que le Wraith ait tué Abrams et Gall.(2) Elle était revenue depuis que Lindstrom avait été aspiré hors du sas hier matin. Quand cette garce s'était barrée avec Kavanagh ce soir, McKay avait pratiquement saigné.
John n'avait pas pu s'empêcher de le suivre dehors. Il savait que Rodney serait bouleversé et qu'il devrait le faire parler mais il ne s'était pas attendu à…ce qu'il soit excité par une simple étreinte de sa part. Ou pour n'importe quoi venant de lui, d'ailleurs. Bien que beaucoup de gens croyaient que McKay était gay, chaque indice qu'avait eu John lui avait indiqué que McKay était hétéro, et même un peu paumé. Mais il ne pouvait pas confondre cette chair dure comme fer avec quoique ce soit d'autre qu'une érection quand elle avait poussé sur sa hanche il y avait quelques minutes de cela.
John savait qu'il aurait dû être troublé. Si cela avait été quelqu'un d'autre que Rodney il aurait flippé comme s'il avait lui-même dérapé et l'avait encouragé. Mais Rodney ne voyait presque rien à l'extérieur de lui-même. Quoiqu'il puisse se passer, tout tournait autour de lui.
La question était : Qu'allait-il faire à ce sujet ?
Il savait qu'il avait laissé passer l'opportunité d'une réaction crédible et spontanée d'un homme hétéro face à un tel incident. Mais les coups de poings et les cris n'avaient jamais été son style. Et même si cela l'avait été il ne pouvait pas être aussi hypocrite. Se protéger personnellement était une chose. Persécuter quelqu'un pour quelque chose qu'il aurait pu avoir fait lui-même en était une autre. Et en plus Rodney était ivre.
Les vents froids soufflaient violemment dans ses cheveux et son uniforme. John contemplait la mer sombre et houleuse, essayant de décider comment gérer cela. Il pouvait encore sentir la brûlure de l'érection de Rodney presser contre lui. Cela faisait un bon moment qu'il ne s'était pas senti aussi nerveux et agité.
Vingt ans de contrainte fichus en l'air par un McKay en pleine débâcle.
Depuis le jour où il s'était présenté à l'Académie, il n'avait plus jamais reconnu la part de lui-même qui aimait la sensation de l'érection d'un autre homme contre lui. Il n'avait pas été un fumiste comme ceux qui rejoignaient l'autre camp et qui débinaient ceux qui ne pouvaient nier leur nature, mais il s'était toujours assuré que ses propres inclinations soient toujours sous contrôle. Ses commandants auraient étés stupéfiés par le degré d'autodiscipline impitoyable qu'il exerçait quotidiennement sur lui-même.
Jusque là sa détermination n'avait jamais été vraiment mise à l'épreuve. Il avait toujours pris garde de flirter publiquement avec suffisamment de belles femmes pour établir fermement son hétérosexualité aux yeux de tous. Et ce n'était même pas de la comédie car il appréciait vraiment les femmes. Dans cet univers du « Don't Ask, Don't Tell » il avait eu son compte de regards mais aucun homme n'avait eu l'audace de l'approcher. Et maintenant Rodney McKay avait flanqué la pagaille dans son dossier exemplaire par…
Par quoi ?
Ce n'était pas comme si Rodney lui avait fait une proposition ou l'avait embrassé. Il était ivre et sur les nerfs. Il avait juste perdu le contrôle quand un corps chaud s'était pressé contre lui à l'improviste. John n'avait pas besoin d'être un génie comme McKay pour comprendre qu'il y avait certainement un bout de temps qu'il n'avait pas baisé. Cela pouvait arriver à tout le monde.
Le fait que Rodney ait pris la fuite à la minute où il avait réalisé qu'il bandait assurait John qu'il n'y avait eu aucune intention derrière l'acte. C'était juste un incident qui pouvait arriver à n'importe quel homme.
Mais que faire à ce sujet ? Le bon sens et l'autoprotection lui disaient de ne rien faire. Juste feindre qu'il ne s'était rien passé. Mais il connaissait Rodney. Ce type de comportement ne ferait qu'empirer la situation. S'ils ne tiraient pas cela au clair maintenant, le scientifique resterait là-dessus et cela finirait par une explosion proportionnée à McKay, probablement la plus embarrassante et la plus publique possible. John se dit que s'ils voulaient y échapper, ils allaient devoir en discuter en adultes et faire table rase de ce qui s'était passé ce soir, avant de cela ne dégénère en une énorme et affreuse crise.
Lançant un dernier regard aux vagues couvertes d'une crête blanche, il suivit Rodney dans son sillage.
Dix minutes plus tard il se tenait devant la porte des quartiers de Rodney. Il avait vérifié au labo en chemin mais il n'y avait personne. Il put apercevoir une lumière à travers le verre or et blanc translucide de la porte de Rodney.
Il appuya sur le signal mais personne ne répondit. Pourtant il savait que Rodney était là. Il pouvait presque le sentir à travers le verre Ancien.
-Rodney ? Il tapota l'écouteur sur son oreille et appela, faisant le choix conscient d'appeler son ami par son prénom. Laissez-moi entrer.
La porte coulissa et s'ouvrit. John entra. Il eut conscience que la porte se refermait derrière lui.
C'était la première fois qu'il visitait les quartiers de McKay. Cela ne faisait pas longtemps qu'ils résidaient dans leurs nouveaux quartiers. Ceux de Rodney étaient basiquement les mêmes que les siens. Le scientifique n'avait pas eu le balcon qu'il désirait mais il y avait une paire de baies vitrées phénoménales donnant sur l'océan derrière le lit, le long du mur le plus éloigné. La propre vue que John avait de la cité était jolie, mais pas aussi stupéfiante que celle de Rodney.
Sur le coté gauche du lit, Rodney avait installé une bibliothèque qui allait du plancher au plafond. Elle contenait une étrange combinaison de dispositifs Anciens et de morceaux d'ordinateurs. Sur la droite, face au mur, se trouvaient un bureau et deux chaises. Contre la paroi de gauche étaient empilées des boites provenant de la Terre qu'il n'avait pas encore déballées.
L'endroit était étonnamment ordonné. John s'était attendu à une couche de vêtements sales et de barquettes de MRE moisies, mais hormis le désordre sur les étagères la chambre de Rodney aurait pu passer l'inspection dans une caserne. Même le lit était fait avec un édredon bleu propre. Cependant John ne laissa pas son regard s'y attarder.
Au lieu de cela il contempla la seule photo sur la table de nuit. C'était celle d'un chat tigré gris, l'air bien nourri, allongé sur une couverture rouge. C'était là le seul objet personnel que Rodney McKay avait apporté avec lui de la Terre, une photo de son chat ?
C'était ironique de la part de quelqu'un qui avait seulement apporté le poster d'un chanteur, d'aller dénigrer le choix de McKay. Mais Rodney n'avait pas été blackboulé. Sa famille ne lui avait pas tourné le dos. Pourquoi une personne apporterait-elle une photo de son animal de compagnie au lieu de celle d'un membre de sa famille qui lui manquerait ?
-C'est votre chat ? Questionna bêtement John à l'homme silencieux assis à son bureau, le regard rivé sur la fenêtre sombre.
Le dos de McKay était si droit que cela devait lui faire mal.
-Oui, répondit Rodney sans le regarder. Il semblait maintenant beaucoup plus sobre, mais ce genre d'incident pouvait dessoûler un gars plus vite qu'un café. Vous n'êtes pas venu ici pour me parler de mon chat, Colonel.
Détestant le ton morne et l'utilisation manifestement intentionnelle de son rang, John passa une main dans ses cheveux et soupira.
-Non, vous avez raison. Je ne suis pas venu pour parler de votre chat.
-Alors dites ce que vous avez à dire, lâcha Rodney en faisant pivoter sa chaise d'ordinateur pour lui faire face.
Les yeux de Rodney ne rencontrèrent pas les siens. Ils étaient rivés sur les rubans fixés sur sa poitrine. Ses joues pales rosirent sous le regard du militaire.
John ne pensait pas avoir déjà vu Rodney ayant l'air aussi affligé, même pas la veille dans le couloir du Dédale quand il leur avait annoncé comment Lindstrom était décédé à cause de la fuite d'oxygène.
-Je pensais que nous pourrions discuter de ce qui s'est passé avant que les choses dégénèrent, commença John de son ton le plus raisonnable. Ça vous ennuie si je m'assois ?
Le regard de Rodney se posa rapidement sur son visage tandis qu'il désignait l'autre siège vide d'ordinateur.
Une fois assis, la résolution de John sembla l'abandonner. Il ne savait pas comment commencer. Pas avec Rodney assis là, le regardant, pale et tendu, comme s'il marchait vers un peloton d'exécution.
-Je pensais bien que vous étiez en train de flipper, déclara Rodney dans le silence. Son élocution s'était nettement améliorée.
C'était plus une question qu'une réponse.
Retrouvant sa sérénité, John secoua la tête et sourit.
-Non, je n'ai pas flippé. Et vous ?
Rodney en cligna les yeux de surprise.
-Oui, j'ai flippé pendant un long moment ici. Pour illustrer son propos, Rodney leva son bras droit qui tremblait visiblement. Mon cœur bat à toute vitesse et je crois que je suis sur le point d'avoir une crise de panique.
Le sourire de John s'élargit. C'était le Rodney qu'il connaissait et non pas l'homme ivre et vulnérable qu'il avait rencontré sur la plate-forme il y avait un petit moment de cela. Cependant John soupçonnait que le Rodney de la plate-forme était peut-être plus authentique que celui qu'il avait connu jusqu'ici.
Le scientifique sembla l'étudier un moment avant de demander :
-Non pas que je m'en plaigne, mais pourquoi n'êtes vous pas…vous savez bien, devenu furieux, défendu votre honneur, la routine macho ?
-Peut-être parce que ce qui s'est passé n'était une menace ni pour mon honneur ni pour mon machisme. Vous n'avez rien fait de mal, Rodney. Vous étiez ivre et bouleversé. Je suis un mec. Je sais qu'il a envie de sortir un peu, parfois, répondit John en soutenant le regard inquiet de Rodney.
-Ça ne pas être aussi simple que cela, dit Rodney en le scrutant, comme s'il pensait que c'était un coup monté.
-Si, ça peut l'être. Il n'y a aucune raison pour que ce soit plus difficile, affirma John doucement.
Au bout d'un moment Rodney déglutit et la tension qui habitait son visage sembla un peu diminuer..
-Donc, rien n'est… foutu ? Nous pouvons encore travailler ensemble ?
Comprenant la teneur des craintes de Rodney, John le rassura.
-Tout va bien. C'était un accident. Ce n'est pas comme si vous en pinciez pour moi depuis des mois ou n'importe quoi de pareil…
Comme d'habitude John n'avait pas su s'arrêter au bon moment. Une phrase de trop. Les mots se détachèrent tandis que le visage toujours expressif du scientifique se figeait, et quelque chose que John identifia avec réticence comme de la culpabilité filtra dans les yeux bleus injectés de sang, le temps d'un battement de cœur, avant qu'il ne soit éclairé par le manque de réaction.
Pas un mot ne fut prononcé. L'expression de Rodney resta totalement figée, insondable. Mais John sut brusquement qu'il était parti avec quelques idées fausses. Il avait vraiment cru que ce qui s'était passé était un simple accident, mais visiblement là était le problème.
Le fait que Rodney ne se mette pas à hurler ou à gesticuler lui démontrait à quel point le problème était sérieux. Les seules fois où il était calme comme ça c'était quand ils sortaient d'un état d'alerte ou bien qu'il était complètement crevé.
Donc il était crevé et en pinçait pour lui. C'était ce que Rodney avait dans la tête. La question était, et lui, qu'en pensait-il ?
Pour l'instant il était choqué. Il n'aurait jamais cru Rodney capable de garder pour lui quelque chose d'aussi énorme mais, il réalisa que malgré ses bavardages volubiles et ses pétages de plombs Rodney était capable de garder un secret. Cela faisait maintenant presque une dizaine d'années qu'il était responsable de projets militaires. L'Armée n'aurait pas mis quelqu'un qui ne savait pas tenir sa langue à ce genre de poste.
Les implications du fait que Rodney le désirait filtraient doucement en lui. Seulement quand le silence s'épaissit et que la tension se referma sur eux, John assimila que cet engouement sérieux signifiait une peine sérieuse. Le regard froid de Rodney lui apprit à quel point ça le dévastait.
Mais tout cela n'indiquait pas à John quels étaient ses propres sentiments face à cela. Rodney avait envie de coucher avec lui. Rodney s'allongeait sûrement dans le lit ici présent en se branlant en pensant à son corps nu…
John trouvait cette idée bizarre, mais il était loin de flipper comme il l'aurait dû.
Peut-être parce qu'il ne pouvait pas voir Rodney comme une menace. Il savait qu'il ne le mettrait jamais dans la situation gênante et désagréable d'avoir à rejeter ses avances. Tout le monde se branlait en pensant à quelqu'un. Dans ce cas Rodney fantasmait sur lui.
Le cœur de John se mit à battre la chamade pendant un moment. Sa respiration se bloqua douloureusement dans sa poitrine dans une bouffée de pur…
Il claqua brusquement la porte sur sa réaction. Surpris, il avait juste été surpris, se dit-il frénétiquement tout en obligeant son corps à se détendre.
Qu'est-ce qui n'allait pas chez lui ? C'était Rodney McKay, pour l'amour de dieu ! Son ami, certainement, mais toujours l'homme le plus irritant de la planète. Pourtant son cœur battait la chamade comme quand l'absolument magnifique Jimmy Burton le suçait en deuxième année de lycée. Il n'arrivait plus à réfléchir et à peine à respirer.
Merde ! Ce n'était pas bon. Au bord de la panique dans des proportions McKayennes, John rejeta durement les réactions de son corps. Il ne faisait plus cela. Plus depuis vint ans. Et c'était sûr qu'il n'allait pas briser ce record parce que Rodney McKay était un ivrogne libidineux.
Au bout d'un moment il put respirer de nouveau. Tout était OK. Il se dit que c'était étrange que Rodney puisse penser à lui de cette façon mais pas révoltant ou quoi que ce soit d'autre. Heureusement qu'il ne s'était pas mis à paniquer. Il était juste…choqué. Voilà ce que c'était : un choc. Il ne l'avait pas vu venir du tout.
C'était la vraie raison de sa quasi-panique ajouté au fait qu'il avait été totalement aveugle à ça.
John ne pouvait pas dire qu'il avait même considéré de faire cela avec Rodney. Premièrement, il avait cru que l'autre homme était hétéro et, même s'il ne l'était pas, son ami ne lui avait jamais donné aucune indication qu'il pensait à lui de cette façon. Et plus important, John ne s'était jamais permis de spéculer là-dessus. En outre, même s'il était peu disposé à l'admettre, Rodney avait eu raison auparavant. Il n'avait ressenti aucune attraction physique. Ce n'était pas le genre de type qui l'aurait intéressé. Si John avait vécu une vie différente et vu Rodney dans un club, il ne se serait même pas approché de l'homme ni accepté ses avances.
Mais il n'avait pas vécu ce genre de vie. Il n'avait pas rencontré Rodney dans une boite de rencontres. Rodney était son ami. Probablement son ami le plus proche. Quand il regardait Rodney il ne voyait pas le front dégarni et les rondeurs que le scientifique avait mentionné un peu plus tôt. C'était bien plus compliqué que cela.
Il respira à fond, essayant de s'éclaircir les idées mais il se sentait tout bizarre à l'intérieur.
Il savait quelle était la meilleure chose à faire. Un gentil refus s'imposait. Ce n'était pas comme s'il n'avait jamais dû repousser quelqu'un auparavant, mais dans le passé il avait toujours eu affaire à des femmes. Jamais des types et jamais quelqu'un d'aussi proche de lui. Même avec des étrangères John n'avait pas trouvé le refus facile mais il était toujours arrivé à le faire. Son bon sens lui criait que c'était précisément ce qu'il devait faire maintenant.
Seulement Rodney ne lui avait pas fait d'avances. Il n'avait rien dit, rien fait. Qu'allait-il faire ? Blesser Rodney pour être humain, pour avoir besoin de quelqu'un ? Frotter le nez de Rodney dans le fait qu'il y avait quelqu'un qu'il désirait et qu'il ne pouvait pas avoir ?
Son instinct de conservation lui soufflait qu'il devait faire quelque chose comme ça. Seulement Rodney avait l'air de quelqu'un avec qui il aurait déjà eu cette conversation. Quand il le regardait avec cette nouvelle connaissance il n'y avait aucun espoir ni dans ses yeux, ni dans son attitude. Tout ce que John pouvait voir était la douleur de son ami.
Se rendant compte que l'un d'eux devait dire quelque chose John regarda le visage exsangue et anormalement silencieux et déclara d'un ton aussi désinvolte qu'il le pouvait :
-Si vous ne respirez pas bientôt, vous allez vous évanouir.
Bien que la poitrine de Rodney recommençât à bouger à intervalles réguliers, il restait toujours étrangement immobile.
-Euh…je crois que nous nous retrouvons au point de départ, non ? Questionna John. Ça…change les choses.
Mais il ne pouvait dire de quelle façon. Tout ce qu'il ressentait était beaucoup trop dangereux.
Rodney émit un petit signe d'acquiescement et se mordit les lèvres avant de demandé d'un ton mesuré :
-Bilan des dommages ?
Il avait maintenant l'air mortellement sobre.
-Quoi ? John cligna des yeux en décelant la peur dans la voix de Rodney et en voyant son expression désolée.
-Qu'est-ce qui va me tomber dessus cette fois-ci ? Juste…le truc de l'amitié avec le « c'est un accident » ? Ou bien je suis viré de l'équipe ? Ou peut-être dois-je rechercher un travail dans une autre galaxie ? Notre raccordement avec la Terre est rétabli for à propos. Cela sera plus pratique pour…
John comprit que la panique avait finalement fait son apparition. Les lèvres de Rodney se déplaçaient plus rapidement que la lumière. Il pensa qu'il ferait mieux de couper court à sa panique avant qu'elle ne se transforme en explosion.
-Les choses n'ont pas changé, dit-il coupant le flot ininterrompu de paroles. Vous croyez que je vais…quoi ? Que je vais vous bannir pour…
-Avoir des vues inappropriées sur mon chef d'équipe, qui est indépendamment de ça l'officier le plus haut gradé de cette galaxie ? Amusant que la pensée du bannissement et du peloton d'exécution aient traversé mon esprit. C'est une faute qui mène à la cour martiale, non ? Demanda Rodney comme s'il soupçonnait John de jouer avec lui.
-Premièrement vous êtes un civil, donc ces règles ne s'appliquent pas à vous. Deuxièmement, et c'est le plus important, vous n'avez rien fait de mal ou d'inapproprié, et même si vous aviez…C'est entre nous, clarifia John.
Il se demanda ce que Rodney pensait de lui parce qu'il semblait totalement choqué. Ce n'était pas souvent que Rodney McKay ne comprenait pas quelque chose. L'expression de confusion sur son visage habituellement arrogant aurait été amusante dans toute autre circonstance. Mais là, ça faisait de la peine de le voir si angoissé.
-Donc c'est juste l'amitié qui est perdue ? Demanda Rodney d'une voix tremblante. Puis il continua sur sa lancée comme s'il résonnait tout haut. Ça tombe sous le sens. Je suis trop inestimable pour le projet. Vous ne pouvez pas vous permettre de me perdre en ce moment. Donc nous pouvons continuer à travailler et faire semblant qu'il…
-Rodney ! Cria John à demi. Voyant qu'il avait obtenu la pleine attention de l'autre homme il le sollicita.
-Taisez-vous un peu, s'il vous plait.
À peine eut-il prononcé ces mots que John les regretta aussitôt. Rodney semblait blessé. Mais il la ferma immédiatement, ce qui était un miracle en soi. La confusion dans ces yeux troublés et toujours cernés par l'anxiété atteignit la conscience de John.
Il se sentait comme un ogre. Comme s'il avait descendu Rodney de la même façon que la garce de tout à l'heure. Un poing d'acier lui serra le cœur quand il réalisa que Rodney croyait manifestement qu'il n'avait aucune chance et qu'il voyait le rejet comme une conclusion courue d'avance.
John essaya de se dire qu'il devrait être reconnaissant que Rodney leur ait épargné ça, mais il souffrait pour son ami.
-Je…ne m'attendais pas à quelque chose comme ça. C'est…beaucoup de choses à assimiler, dit John, se demandant s'il était en train de s'expliquer ou de s'excuser. Comprenant qu'il avait besoin de mettre mes choses au clair il continua: Laissez-moi vous dire quelque chose de vrai, cela ne change rien du tout. L'amitié est encore là…
-Je ne comprends pas, reconnut Rodney. Comment pouvez-vous ne pas être…furieux ?
C'était une question valable La plupart des hommes auraient flippé en découvrant que leur copain en pinçait pour eux. John essaya de s'expliquer sans raconter de mensonge à l'autre homme.
-Rodney, il y a des monstres qui essayent de nous dévorer. Nous avons vécu cette dernière année sur des montagnes russes, sautant d'une quasi-apocalypse à une autre. Nous étions tout le temps morts de peur. Les seules choses qui nous ont fait tenir face à ces horribles Wraith ont été la force et le courage de chacun. Quand on prend des risques comme ça les émotions sont décuplées. Leurs frontières deviennent très facilement floues.
-Vraiment, vous ne…me détestez pas ? Rodney ressemblait plus à un enfant incertain qu'à l'homme le plus égoïste et le plus irritant de l'univers. On aurait dit que cela était incompréhensible pour lui.
Cette fois-ci John n'eut pas à réfléchir à sa réponse.
-Vous êtes mon meilleur ami. Je ne pourrais jamais vous détester.
-Oh ! Euh…Je ne le savais pas. Beaucoup de gens me détestent, j'y suis habitué, babilla Rodney avant de se forcer à répondre : Vous êtes, euh, mon seul ami.
John put voir que Rodney croyait vraiment ça.
-Ce n'est pas vrai, vous avez plein d'amis ici.
-Nommez-en un, exigea Rodney.
-Elisabeth, Teyla, le docteur Zelenka, Carson, Ford. Dois-je continuer ? Parce que je peux, répondit John. Comme Rodney ne mettait pas en doute ses estimations il continua. Je ne suis pas votre seul ami mais je serai honoré d'être le meilleur.
Il entendit Rodney déglutir puis dire d'une voix étrangement basse :
-Même après ce que vous avez appris ce soir ?
-Oui, répondit John
-Ne me dites pas, ricana Rodney avec son vitriol brûlant habituel que « Vous êtes flatté et honoré, mais »…
John le coupa avant qu'il ne puisse finir.
-Ne commencez pas, ne faites pas cela. Soutenant ce regard bleu troublé, il réitéra : Vous n'avez rien fait de mal.
-Comment pouvez-vous dire cela ? Demanda Rodney avec sa hargne habituelle.
-Vous êtes humain. Vous avez droit aux sentiments. Vous n'avez rien fait de mal, répéta John.
À un moment donné, dans cette conversation incroyablement douloureuse et maladroite, il décida qu'il n'allait rien faire pour ajouter encore plus de peine à Rodney.
-Comment pouvez-vous faire comme si rien n'avait changé ? Questionna Rodney. Je vous demande cela parce que le peu de fois où ça s'est produit par le passé, les personnes en question ont pris la porte aussitôt l'avoir découvert.
John nota l'utilisation ambiguë du mot "personnes" et se demanda si Rodney était déjà tombé amoureux d'hommes hétéros dans le passé. Malgré le fait que Rodney parlât tout le temps, John réalisa qu'il ne connaissait pas grand chose de sa vie avant Atlantis. Juste qu'il avait fabriqué une bombe atomique en classe de sixième, qu'il avait laissé un chat derrière lui, et qu'il avait un faible pour Sam Carter. Ce n'était pas beaucoup d'informations sur la personne que vous considériez comme votre meilleur ami. De ce que John en savait, Rodney avait une bonne raison de s'attendre au pire de la part des gens.
-Non, ça va bien se passer. À moins que vous, vous ne soyez pas à l'aise avec moi, désormais ?
John n'avait pas pensé à cela. Si leurs rôles étaient inversés, il ne savait pas ce qu'il ressentirait à devoir travailler avec Rodney, en sachant que ce dernier était conscient de ses sentiments. Rien que d'y penser cela le faisait se sentir désagréablement vulnérable.
Rodney ne répondit pas immédiatement et quand il le fit, ce fut visiblement avec réticence.
-Vous n'allez pas rendre ceci…insupportable pour moi, n'est-ce pas ? Sa confusion commençait à devenir évidente parce qu'il se mit à parler plus vite, ses nerfs mis à rude épreuve. Je peux continuer comme nous étions pour l'éternité, mais si vous commencez à me charrier...A me tenter avec ce que je ne peux pas avoir, je préfère que vous me bannissiez tout de suite.
-Vous…charriez. John savait qu'il aurait dû être indigné mais la façon très terre-à-terre dont Rodney fit l'offensante insinuation l'alarma.
-Certaines personnes trouvent divertissant de… renforcer leur ego sur…quelqu'un qui vient d'être rejeté pour l'embarrasser. Si vous commencez à vous exhiber nu, à me toucher, ou jouez à essayer de me rendre dingue, je demanderai mon transfert, peu importe si Atlantis a besoin de moi. Je n'accepterai pas cela, John. Pas même de vous, l'avertit Rodney.
Pour quelque raison, l'utilisation de son prénom sembla accentuer la menace. John était trop écœuré par les propos de Rodney pour s'offenser de l'insinuation qu'il pourrait faire quelque chose d'aussi dénué de scrupules. Il était très probable que Rodney avait déjà subi cela auparavant.
-Quelqu'un vous a déjà fait cela ? Parvint-il à finalement demander. Lui-même pouvait entendre la dureté et la colère dans sa voix.
Rodney acquiesça avec raideur.
-Mon dieu, Rodney ! Murmura John en se frottant le menton. Il scruta le visage de Rodney blanc d'épuisement et de stress. Il pouvait dire à quel point ce dernier luttait pour garder l'esprit clair après avoir consommé une telle quantité d'alcool. Vous êtes mon ami. Je ne ferai rien pour vous blesser intentionnellement.
John commençait à se rendre compte qu'il allait assez le blesser de façon involontaire, peu importe à quel point il serait prudent.
-Alors ça devrait aller bien, conclut Rodney, même si ses yeux racontaient quelque chose de différent.
Ces tristes yeux bleus disaient que Rodney était loin d'aller bien et qu'il pouvait bien ne jamais récupérer.
Cela lui faisait mal d'être celui qui causait cette douleur, même sans le vouloir. Une partie de John avait envie de le serrer dans ses bras, comme sur la plate-forme, un peu plus tôt ce soir et de l'assurer que tout allait s'arranger, mais c'était cela qui avait causé toute cette pagaille. D'autre part, il pourrait se passer pas mal de temps avant qu'il y ait de nouveau quelque chose comme un contact innocent entre eux.
-Bon, ça va bien. Ne sachant pas ce qu'il pourrait dire d'autre, John battit en retraite. Je… Je devrai peut-être vous laisser vous reposer maintenant.
Rodney grimaça et acquiesça.
John se leva avec embarras.
-Bonne nuit.
-Bonne nuit, colonel.
Son titre le frappa comme une gifle, mais il comprenait le besoin de Rodney de mettre le plus de distance possible entre eux. Espérant que son visage ne révélait pas ce qu'il ressentait, il se dirigea vers la porte.
-John ?
Il s'arrêta à la demande de son ami anxieux et lui jeta un coup d'œil.
-Merci..
-Il n'y a rien à remercier. Je vous verrai dans la matinée.
Puis il s'enfuit.
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Fin du chapitre 1
(1) 2.02 I.A ( The Intruder)
(2) 1.12 Duel (The Defiant one)
