Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. Je ne retire aucun profit de son utilisation si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue.
Rating : M ou NC-17. Twincest Kanon/Saga
Note de l'auteur : Spéciale dédicace à Arbendaël. L'idée est partie d'un fanart que vous retrouverez sur mon site en illustration de cette fic.
Résumé : Après leur résurrection suite à la Bataille contre Hadès, les jumeaux se disputent pendant un entrainement. Kanon quitte le Sanctuaire d'Athéna et son départ plonge Saga dans une profonde déprime. Aveuglement d'une part et lutte désespérée d'autre part, contre un sentiment qui gagne toujours pour notre plus grand plaisir. Bonne lecture.
Chapitre 1
Sanctuaire d'Athéna.
La vie reprenait tout doucement son cours au Sanctuaire d'Athéna. Il restait encore des stigmates de l'affrontement contre les Spectres d'Hadès. Ou du moins, contre ceux qui s'étaient fait passer pour tels. Difficile même pour une roche aussi dure que le marbre de ne pas garder les marques d'un coup d'Excalibure, du passage d'un Rozan Hyaku Ryu Ha contre une Stardust Revolution ou pire, d'une Athéna Exclamation. Après avoir été ressuscités par la volonté bienveillante d'un Dieu, ou un caprice peut-être, les Chevaliers de la Déesse étaient à nouveau tous là. Eux-mêmes étaient les premiers surpris. Mais ils prenaient la chose avec philosophie. On leur donnait une nouvelle opportunité de servir Athéna et peut-être de ne pas commettre les mêmes erreurs qui, par le passé, les avaient conduits à une bataille fratricide. Aussi, chacun tentait de faire bonne figure malgré les questions, les doutes, les incompréhensions. Mais ça n'était pas si facile.
Ce matin-là, Shion regardait l'entraînement. Comme d'habitude, les Chevaliers d'Or étaient le "clou du spectacle" et tous les apprentis et autres Chevaliers présents, étaient assis dans les gradins de pierre pour voir s'affronter ces hommes d'exception, ces demi-dieux. Tous rêvaient d'être leurs successeurs et s'employaient à garder les yeux fixés sur celui dont le signe zodiacal correspondait au leur. Et alors ils se mettaient à imaginer mille et une aventures extraordinaires, tout d'Or vêtus. Mais le Grand Pope sentait bien que quelque chose n'allait pas. Ce n'était pas flagrant, ce n'était pas évident. C'était latent, sournois. Un manque d'enthousiasme indécelable pour qui n'a pas l'œil exercé à remarquer ce genre de chose. Des gestes approximatifs, des mouvements sans vigueur. Mû s'ennuyait tellement pendant ces entraînements, qu'il y venait avec une armure à bricoler, en attendant que le temps passe jusqu'à l'heure du déjeuner, après avoir combattu contre l'un de ses compagnons, et jouait machinalement avec son marteau.
A ses côtés, Aldébaran avait carrément apporté son pique-nique par flemme de se préparer un repas chez lui. Pourtant le Taureau avait toujours été un homme plein d'énergie et de volonté. Si même lui devenait partisan du moindre effort, qu'en était-il des autres ? C'est là qu'en était le Pope. Même Dohko ne venait plus le voir aussi souvent qu'aux tous premiers temps de leur retour. Trop loin le Treizième Temple ? Trop haut ? Trop de marches ? Soudain une violente explosion le tira brutalement de ses pensées. Une partie des gradins de l'arène venaient d'être purement pulvérisés juste à côté d'un groupe d'apprentis. Aussitôt, tout le monde précipita auprès des enfants.
- Bordel Kanon ! Tu peux pas mieux viser ? cria Saga en poussant son frère.
- Parce que c'est ma faute ? s'insurgea celui-ci en revenant vers lui. Et toi ? Tu pouvais pas la contrer au lieu de l'esquiver ?
- La contrer ? Tu veux que je contre une de tes Galaxian Explosion ? s'indigna Saga en attrapant son frère par le col de sa tunique. Tu veux que je meure encore une fois ? C'est ça ?
- On s'entraîne Saga ! s'écria celui-ci en se dégageant brutalement. Elle était pas puissante !
- Pas puissante ? Pas puissante ? hurla le Gémeaux en titre. Regarde les gradins ! Pas puissante ?
- Shion, comment vont les gosses ? demanda le cadet des jumeaux, ignorant la dernière gueulante de son frère.
- Ils n'ont rien. Plus de peur que de mal, répondit-il en serrant contre lui Kiki qui pleurait.
Les autres Chevaliers s'occupaient de rassurer les apprentis, constatant qu'aucun n'était touché. Kanon fit soudain volte-face et quitta l'arène en direction du Grand Escalier. Le choc passé, tous désertèrent les lieux et les Chevaliers, pour le coup complètement démotivés - déjà qu'il ne leur en fallait pas beaucoup - mirent un terme à leur entraînement du jour. Mû laissa Shion prendre soin de Kiki et retourna à son armure.
- Qu'est-ce qu'ils leur arrivent aux jumeaux ? demanda le Taureau, sans vraiment attendre de réponse tout en terminant sa salade au poulet.
- Va savoir… souffla le Bélier d'un ton trainant, symptomatique de son désintérêt pour la chose.
- Ils s'entendaient bien pourtant.
- Mmm… Bon, je finirai cette armure dans mon atelier.
Il endossa la Pandora Box et regagna son Temple. Aldébaran se retrouva seul, l'esprit en proie à une multitude de questions. Etant leur voisin, il avait remarqué que les jumeaux s'engueulaient souvent ses derniers temps. Il ne savait pas pourquoi, mais il entendait les éclats de voix. Il prit sa bouteille d'eau, son Tupperware et remonta chez lui. Alors qu'il lavait la boite en plastique dans l'évier de la cuisine, il entendit à nouveau une dispute qui venait du Troisième…
Kanon avait violemment refermé la porte de leur appartement derrière lui. Il était dans une rage noire. La goutte venait de faire déborder le vase. Il fonça dans sa chambre, ouvrit son placard pour en sortir deux grands sacs. Il les posa sur le lit et commença à les remplir avec ses vêtements.
- Kanon !
La porte devait se demander ce qu'elle avait bien pu faire de mal aujourd'hui. Saga la referma tout aussi délicatement que son frère quelques minutes plus tôt. Le cadet entendit les pas de son double d'abord dans le salon, puis dans la cuisine et enfin qui remontaient le couloir qui menait à leurs deux chambres.
- Kanon ! Qu'est-ce tu fous ?
- J'me barre ! répondit-il sans se retourner.
- Comment ça tu t'barres ? Où tu vas ?
- Là où j't'aurai plus sur le dos !
- Tu fuis ? C'est ça ? Tu fais une connerie et t'espère qu'on va planquer la poussière sous l'tapis ?
- Ouais, c'est ça…
- Regarde-moi, fit Saga, d'une voix plus douce.
- Quoi ! Qu'est-ce qu'y a !
- Arrête et écoute-moi.
- Dégage du milieu.
- Kanon, s'il te plait…
Saga sentait la panique le gagner à la seule idée que son frère s'en aille. Ça lui était tout simplement inconcevable. Ils avaient tant souffert, raté tant de choses que des jumeaux doivent vivre. Ils n'ont pas eu une vie normale, ils ne sont pas des hommes normaux. Même leurs sentiments sont hors normes. Et alors qu'ils avaient peut-être là, une chance d'avoir une existence un peu plus proche de celle du commun des mortels, quelque chose allait encore de travers. Mais cette fois, ce n'était pas un Dieu qui se mêlait de mettre la zizanie. De toute évidence, ils s'en sortaient très bien tous seuls. Saga baissa la tête en la secouant de gauche à droite. Non. Il refusait de perdre encore son frère.
- Kanon, j'te laisserai pas partir, murmura-t-il, observant son double toujours occupé à remplir ses sacs.
- Parce que tu crois que j'ai besoin de ton autorisation ? J'ai vingt-huit ans, tu t'rappelles ?
- Qu'est-ce que je dois faire pour que tu restes ?
Kanon se figea un instant, sembla réfléchir, puis fourra rageusement une pile de t-shirt dans le sac.
- Y a rien à faire. J'peux plus rester ici.
- Pourquoi ? Si j'ai fait quoique ce soit de mal, dis-le-moi.
- T'as rien fait. C'est moi qui… C'est moi, c'est tout.
- Kanon, fit tout doucement son frère, j't'en prie… parle-moi. Dis-moi ce qui va pas…
- J'peux pas… J'peux plus rester ici… Je supporte plus de…
- De quoi ? demanda encore l'ainé en posant une main sur l'épaule de son jumeau.
- Ne me touche pas ! hurla ce dernier en bondissant à l'autre bout de la pièce.
- Mais… qu'est-ce que…
- Ne t'approche pas, gronda le cadet, les yeux brillant de larmes contenues, une expression de terreur et de rage sur le visage.
Saga était perdu. Il ne savait plus comment parler à son frère. Il ne savait pas quoi lui dire parce qu'il ignorait ce qui le mettait dans un tel état.
- Je peux pas te laisser comme ça, sans rien faire. Parle-moi, laisse-moi t'aider.
- J'ai rien à te dire… Golden Triangle !
- Kanon !
Sanctuaire de Poséidon.
Le plus surpris fut sans doute Isaak, le Général du Kraken. Il sortait de la salle de bains lorsqu'il se trouva nez à nez avec un Dragon des Mers visiblement très agité.
- Kanon ? Tu peux pas frapper avant d'entrer ?
- Désolé… J'étais sensé arriver dans mon appartement… Tu peux garder mes sacs, un instant ?
- Bien sûr, déclara le jeune homme en passant un t-shirt. Tu reviens parmi nous ?
- On en parlera plus tard, fit Kanon en quittant la pièce.
Chaque Général de Poséidon avait un appartement dans le Temple du Dieu des Mers, au cœur du Sanctuaire Sous-Marin. Un lieu pour se reposer au calme après les entraînements. Kanon longea le couloir sur quelques mètres et entra chez lui. Tout était fermé. L'odeur de l'absence prolongée lui sauta au nez. Il ouvrit les larges baies vitrées et l'air marin entra. Il fit le tour des lieux, constata que tout semblait fonctionner. Il tira le cordon d'appel relié aux services d'entretien du Temple et quelques minutes après, un serviteur qu'il ne connaissait pas entra.
- Je suis le Général du Dragon des Mers. Qu'on vienne faire mon appartement.
- Bien, Monseigneur.
Il retourna chez Isaak pour prendre ses affaires. Il était en train de vider ses sacs quand deux jeunes femmes entrèrent. Rapidement et en silence, elles firent un brin de ménage, changèrent les draps et mirent des serviettes dans la salle de bains. Kanon remarqua qu'elles lui jetaient des regards furtifs, un peu craintifs. Il sourit. Ainsi donc sa réputation de violence et de cruauté l'avait précédée. C'est vrai que lorsqu'il entraînait les six autres Généraux des Mers, il ne leur avait fait aucun cadeau. Tant mieux. Si on le craignait, on le laisserait tranquille. Il allait sortir lorsqu'une monstrueuse cosmoénergie le cloua sur place.
- Poséidon… marmonna-t-il.
Il poursuivit son chemin, sortit du Temple et se dirigea vers un lieu isolé du Sanctuaire. Il déambula longtemps entre les rochers et les concrétions de corail. Au dessus de sa tête, le ciel liquide du fond de l'océan lui renvoyait une image déformée des poissons qui évoluaient gracieusement. La lumière du soleil arrivait jusque là, atténuée par la profondeur de l'eau qu'elle devait traverser, baignant les lieux d'une lueur bleutée très claire. Un léger souffle d'air saturé d'humidité parcourait le Sanctuaire. Il s'assit à même le sable, le dos contre un rocher.
- Eh bien ! Si je m'attendais à te voir ici…, fit le Dieu, sous les traits du jeune Julian Solo.
- Seigneur Poséidon, murmura Kanon sans même le regarder.
- Tu devrais t'agenouiller devant moi, mais si j'en juge par la confusion qui règne dans ton esprit, je serai magnanime et ne t'en tiendrai pas rigueur. Pour cette fois…
- Veuillez me pardonner…
- Je croyais que tu voulais rester au Sanctuaire de ma nièce pour vivre avec ton frère et tes compagnons et ainsi apprendre à les connaître. J'ai approuvé ta demande, je te le rappelle.
- Oui… Et je vous en suis très reconnaissant. Mais les choses ont… Elles ont un peu changé…
- Je sais…
Kanon releva la tête vers la divinité. Que savait-il ?
- Ce que tu vis n'est pas un phénomène qui nous est inconnu, à nous, les Dieux. Personnellement, je ne te juge pas pour cela. Mais tout le monde n'aura pas mon ouverture d'esprit. Les temps mythologiques sont révolus. Ce qui était toléré à cette époque ne l'est plus aujourd'hui. Mais ce n'est pas impossible de vivre ton rêve et ta passion. Tu seras toujours le bienvenu ici, à l'abri des gens soi-disant bien pensants. Quoi ? Pourquoi me regardes-tu ainsi ?
- Après ce que j'ai fait… ce que je vous ai fait, commença Kanon, hésitant, votre… bienveillance me surprend. Croyez bien qu'elle me touche énormément.
- Julian est une incarnation intéressante. C'est le premier à s'opposer à moi. Il fait valoir son point de vue et je trouve que c'est… enrichissant. Tu peux le remercier.
- Je n'y manquerai pas.
- Reste ici aussi longtemps que tu le jugeras nécessaire pour y voir plus clair en toi…
- Merci, Seigneur…
Sanctuaire d'Athéna.
Taciturne. Sombre. Lugubre. Agressif. Voilà Saga depuis le départ de son frère. Il marchait sur l'une des plages du Sanctuaire, shootant de temps en temps dans un galet qui avait eu l'audace de se trouver sur son chemin. Ses compagnons se relayaient pour garder un œil sur lui. Tout le monde avait bien conscience que l'absence de Kanon était la raison de ce brusque changement d'humeur. Dans l'arène d'entraînement, ils étaient de moins en moins nombreux à se mesurer à lui. Seul Aldébaran avait la force de lui résister, Shion et Dohko, eux, jouaient la carte du vice et de leur expérience. Les autres se tenaient prudemment à l'écart de ses poings, de ses pieds et de sa Galaxian Explosion.
Il tourna toute son attention vers la mer qui venait régulièrement caresser le sol graveleux de la plage. L'air marin souleva ses longs cheveux et lui fit légèrement plisser les yeux. Il se concentra et lança toute sa perception vers les flots houleux. Tous les jours, il essayait de sentir la présence de son jumeau, persuadé qu'il avait trouvé refuge chez le Dieu des Océans. Mais il n'y parvenait pas. Le Sanctuaire de Poséidon était, comme celui de sa nièce, protégé par un bouclier de cosmoénergie qui bloquait la presque totalité des intrusions de cosmos en provenance de l'extérieur. Mais de là à ne rien trouver, strictement rien, pas la plus petite sensation de sa présence, c'était inquiétant. Et Saga en était là. Son désespoir, sa souffrance, il les cachait derrière son air renfrogné et sa brutalité. Pour ceux qui l'avaient connu avant qu'il ne prenne la place de Shion, ils avaient du mal à reconnaître celui qu'ils avaient devant les yeux. Où était passé le Chevalier aimable, gentil, dévoué, loyal ? Où était celui qui était surnommé l'incarnation d'un Dieu ? Ces qualités étaient, certes, toujours là, enfouies au fond de son cœur, mais elles étaient étouffées par ce sentiment de culpabilité, de vilénie, d'ignominie qu'il éprouvait. Le départ de Kanon avait apporté des réponses à nombre de questions qu'il se posait sans avoir réellement eu le temps d'y réfléchir sérieusement. Mais là, il fallait qu'il comprenne la réaction de son frère et la sienne. Avait-il trop étouffé Kanon ? S'était-il montré trop protecteur, trop curieux ? C'est vrai qu'il lui posait beaucoup de question sur ses activités, mais Kanon répondait sans rechigner. Jamais il ne lui avait reproché de se mêler de sa vie privée. C'est donc que ça ne devait pas le gêner, sinon, vu son caractère, il n'aurait pas hésité à lui en faire la remarque. Alors comment en étaient-ils arrivés à s'engueuler plusieurs fois par jour ces derniers temps ? Tous les jours. Pour des broutilles. Kanon qui ne trouve pas son rasoir et qui accuse Saga de ne pas l'avoir rangé à sa place, Saga qui critique la cuisson de son steak quand son frère fait la cuisine… Des broutilles oui, qui dégénéraient rapidement et qui prenaient des proportions ahurissantes.
- Si je ne connaissais pas les raisons de ton agissement, je pourrais prendre ça pour un acte de guerre, fit une voix jeune, derrière lui.
- Qui es-tu ? bondit Saga en se mettant en garde.
Aussitôt, une cosmoénergie phénoménale le paralysa. Il ouvrit de grands yeux de surprise et vit dans l'aura qui entourait le jeune homme le reflet du Dieu des Océans.
- Ça répond à ta question ? répliqua l'incarnation de la Divinité, un sourire aux lèvres.
- Seigneur Poséidon, souffla le Gémeaux, baissant légèrement ses poings, bien conscient qu'il valait mieux ne rien tenter d'irréfléchi.
- Essayer de pénétrer mon Sanctuaire pourrait être mal interprété si ton frère ne se trouvait pas dans le même état d'esprit. Vous êtes si semblables…
- Mon frère ? Comment va-t-il ?
- Comment vas-tu toi-même et tu auras une idée de la réponse. Vous êtes aussi malheureux l'un que l'autre.
Poséidon marchait lentement sur la plage, et s'en rendre compte, Saga lui avait emboité le pas.
- Je ne comprends pas ce qui lui arrive, dit l'ainé des jumeaux, espérant par là que le Dieu se montrerait plus généreux en confidences.
- Et c'est bien là ton problème. Lui sait pourquoi il se sent mal, mais toi, tu l'ignores alors que votre… dilemme est le même. Vous êtes un paradoxe. Lui accepte ce que toi tu te caches. Et c'est cette acceptation qui lui fait tant de mal.
- Mais de quoi parlez-vous ? Je ne comprends rien ! s'énerva Saga.
Le Dieu des Sept Mers se retourna vers lui et le fixa de son regard si étrange. Il lisait aisément la confusion, le conflit inconscient du jeune homme qui refusait d'admettre les raisons de son mal-être. Saga était perdu, désemparé. Sa souffrance était palpable et Poséidon la recevait de plein fouet. "Par l'Olympe ! jura-t-il intérieurement. Est-il possible d'éprouver un sentiment aussi fort et de ne pas le remarquer ? De ne pas le comprendre ?"
- Pourquoi souffres-tu autant de son départ ? De son absence ? Réponds honnêtement à ces deux questions en arrêtant de te voiler la face derrière des concepts qui n'ont pas leur place ici. Ouvre ton esprit et ton cœur et alors tu comprendras les raisons de votre souffrance. Quand tu sauras, je reviendrai te chercher.
- Pourquoi ne pas plutôt ramener mon frère ? se méfia Saga, peu rassuré de se retrouver là-bas, en dessous.
- Parce que vous aurez certainement beaucoup de choses à vous dire et qu'il vous faut un lieu où vous serez tranquilles. Trouve rapidement ces réponses, Saga. Kanon est à l'agonie…
Et le Dieu disparut.
Saga fixa longtemps l'espace désormais vide, que le corps de Julian Solo avait occupé. Puis il ferma les yeux et tomba à genoux sur le sable. Des larmes brulantes coulèrent sur ces joues, sa gorge serrée lui faisait mal, tout comme son esprit et son corps qui réclamaient furieusement la présence de Kanon. Le son de sa voix qui faisait écho à la sienne, ses sarcasmes, son ironie, sa chaleur, sa gentillesse, sa tendresse, son rire, son humour parfois douteux. Il regrettait leurs soirées affalés devant un film, appuyés l'un contre l'autre, grignotant du pop-corn et buvant un soda. Même leurs disputes lui manquaient. Mais pourquoi avait-il un tel besoin de lui ? Oui, leur destin hors du commun, si tragique, mais il n'y avait pas que ça. Une image de son frère sortant du bassin des thermes avec une serviette autour des reins s'imposa à son esprit. Puis une autre où il est torse nu pendant un entrainement. Et soudain, l'aiguillon sournois et glacé de la jalousie qui lui lacère le cœur et l'esprit lorsqu'il le revoit en train d'embrasser le Poissons, quand il suit des yeux les mains semblables aux siennes qui parcourent sensuellement le dos et la hanches d'Aphrodite.
Alors le voile qui lui obscurcissait l'esprit se déchire brutalement, le mettant face à la vérité. Une vérité qu'il commence par fuir, par nier. Non, il ne peut pas avoir ce genre de sentiments pour Kanon. C'est interdit. C'est mal. C'est ignoble. Et pourtant, ses souvenirs se mettent à tourbillonner dans sa tête qu'il prend entre ses mains pour l'empêcher d'éclater. Il inspire profondément, rejette son corps en arrière, se tend et hurle vers le ciel qui s'est couvert de nuages gris et menaçants. Il hurle son désespoir, sa culpabilité, sa souffrance devant ces sentiments immondes et la douleur de cette absence. Il s'écœure. Il se dégoute.
Le souffle lui manque, son cri disparait, se perd vers le large. Il halète, suffoque presque devant la brutalité de l'évidence. Et puis il repense aux paroles de Poséidon. Une phrase en particulier. :"Lui accepte ce que toi tu te caches." La signification en est-elle aussi simple ou bien y a-t-il un sens caché ? Faut-il prendre ses mots au premier degré, sans chercher plus loin ? Et donc cela voudrait-il dire que…
Poséidon qui n'était pas parti bien loin, conscient que Saga était intelligent et qu'il comprendrait rapidement ce qui lui arrivait, transporta le Chevalier dans son Sanctuaire. Il le laissa devant son Temple en lui indiquant d'un mouvement de tête la direction à suivre.
Lentement, le Gémeaux avance. Pour la première fois, il découvre l'Empire du Dieu des Océans. C'est très différent du Domaine Sacré d'Athéna. Certes, il y a tout aussi peu de végétation mais les couleurs des coraux donnent au lieu une impression de féérie permanente. Le bruit omniprésent de l'eau calme et apaise l'esprit. L'air doux aux senteurs marines est agréable et revigorant.
Il finit par arriver dans un endroit plus désert, hérissé de concrétions rocheuses brutes. Le sol est fait de sable très fin et de morceaux de coquillages broyés. Il avance encore et se retrouve au bord d'un abîme dont il ne voit pas le bout. La fosse est remplie de squelettes d'animaux gigantesques. Serait-ce le légendaire cimetière des baleines ? Puis, il se fige. Il vient de percevoir le cosmos de son frère. Il est faible, mais c'est bien lui. Il ne pourrait jamais le confondre avec un autre. Jamais. Alors il prend son courage à deux mains et se dirige vers lui. Il camoufle sa présence. Il ne veut pas le voir s'enfuir encore à son approche. Il ne veut plus jamais le voir lui tourner le dos et s'éloigner de lui. Et il l'aperçoit.
Kanon est assis sur un rocher, les bras autours de son genou replié. La brise soulève ses longs cheveux. Il est pieds nus et ne porte qu'un jeans élimé et une chemise noire. Saga le voit de temps en temps baisser la tête et poser son front sur son genou. Soudain, Kanon semble relâcher son contrôle sur son cosmos et Saga reçoit de plein fouet sa souffrance et son désespoir. Sa culpabilité et son dégout de lui-même. Sa gorge se serre, il met sa main devant sa bouche pour ne pas hurler la douleur qu'il ressent à cet instant. Il fait encore quelques pas… Kanon s'est retourné brusquement, leurs regards se harponnent.
Il descend du rocher, des mouvements souples et fluides que Saga ne peut s'empêcher d'admirer. Un chat. Oui, voilà. Kanon est un chat. Il retombe toujours sur ses pattes, sait flatter lorsqu'il veut obtenir ce qu'il désire. Il est capable de rester des heures à observer ce qui l'entoure et ronronner pour exprimer sa satisfaction. Mais il faut aussi se tenir loin de ses griffes et de ses canines pointues quand il est énervé. Et quand il est effrayé, le chat se transforme en un fauve sauvage, puissant et magnifique. Et extrêmement dangereux.
Il fait un pas en arrière, mais Saga lève la main.
- Attends… s'il te plait…
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je… Il fallait que je te voie, que je te parle.
- J'ai rien à te dire.
- Je crois que si, mais si tu ne veux pas parler, alors écoute-moi.
- J'ai pas envie !
- Je t'en prie… Kanon… Je souffre autant que toi.
- J'crois pas, non…
- Si. Je veux t'aider et m'aider aussi. Parce que je sais pourquoi tu as mal et je ressens la même chose pour les mêmes raisons.
- Tu veux m'aider, hein ? Tu veux m'aider ? Alors tue-moi ! hurla Kanon qui s'était précipité sur son frère en s'accrochant à son t-shirt, hystérique, sans même avoir entendu la seconde partie de la réponse.
Saga fut anéanti par ces paroles. Il savait que son frère ne plaisantait pas, qu'il ne jouait pas la comédie. Il était sérieux. Très sérieux. Comment en était-il arrivé là ? Et pourquoi lui-même n'avait-il rien vu de sa détresse ? Sûrement était-il trop occupé à se cacher inconsciemment à lui-même ce qu'il ressentait pour remarquer le désespoir de son jumeau. Ils glissèrent sur le sol. Saga l'entoura de ses bras et le serra contre lui. Ces sanglots étaient si forts qu'ils ressemblaient à des convulsions et cette litanie qu'il n'arrêtait pas de psalmodier.
- Tue-moi… tue-moi…
- Tu sais bien que je peux pas faire ça, mon ange…
- Pourquoi ? demanda son double presque parfait en relevant son visage baigné de larmes. Tu n'as pas la moindre idée de ce que j'endure depuis des mois. C'est insupportable. Ce que j'éprouve est immonde… Je peux plus… j'en peux plus…
- Kanon…
Il se mit à bercer son frère. Assis là, sur le sol, Saga tentait de rassurer son cadet. Il avait entouré ses épaules d'un bras et son autre main caressait doucement ses cheveux. Il poussa un soupir de soulagement lorsqu'il sentit Kanon se calmer. Il lui releva la tête et plongea son regard dans les yeux rougis par ses pleurs.
- Je veux t'aider, murmura-t-il, mais je ne sais pas quoi faire. Aide-moi à t'aider, à nous aider, j't'en prie…
Kanon se noya dans les deux émeraudes qui le regardaient. Il y lut tant de douceur, de force, d'amour qu'il n'eut pas le courage de lui avouer ce qui le faisait à ce point souffrir. Il y aurait de la haine et du dégoût dans ces yeux là.
- Je t'aime, Saga parvint-il à dire d'une voix à peine audible.
- Mais aussi je t'aime, qu'est-ce que tu crois…
- Tu comprends pas… J'ai pas le droit… pas comme ça… mais j'y peux rien… j'ai pas le droit… tu comprends ?
- Si j'ai bien saisi, tu veux être sanctionné pour les sentiments que tu éprouves, chuchota-t-il d'une voix doucereuse. Et si c'est le cas, auras-tu la sensation d'être purifié de ce que tu penses être honteux ? Sale ?
- Si je meurs, ce que j'éprouve disparaîtra avec moi, répondit Kanon d'une voix lointaine.
- Et moi ? As-tu pensé à moi ? Que vais-je devenir sans toi ?
- Tu es bien trop noble, bien trop pur. Tu es toujours considéré comme un demi-dieu. Je n'ai pas le droit de te déshonorer, de te salir avec de tels sentiments…
- Je me suis assez déshonoré tout seul pendant treize ans, Kanon. Ce que tu éprouves n'y changera rien. Tu me mets sur un piédestal, mais il y a longtemps que j'en suis tombé. Tout seul, en plus. Faut être idiot, hein ? Tu veux vraiment être puni pour ce que tu ressens pour moi ? Tu penses qu'après, tu te sentiras… mieux ?
- J'ai plus goût à rien… Une fois mort, je serai libéré de cette souffrance…
Voir Kanon dans un tel état de faiblesse, de décrépitude morale remplissait Saga de colère. A cause d'une éducation qui condamne de tels sentiments. Il peut comprendre. Ce n'est pas normal, c'est vrai. Mais pourtant, ça arrive. Alors la culpabilité vous ronge comme un acide et vous fait vivre un enfer. Parce que, quoi qu'on en dise, l'amour est le plus indomptable des sentiments. Il est sauvage, rebelle, insoumis, puissant, il conduit aux pires extrémités. Il peut vous offrir le bonheur absolu comme la pire des tortures. La preuve, Kanon est en enfer alors que lui, Saga, est au comble de la joie. Il attrapa le visage de son frère et le releva vers lui.
- Je suis aussi coupable que toi, murmura Saga en essuyant du pouce les larmes sur les joues ombrées d'une barbe de plusieurs jours.
- Non. Non parce que tu n'éprouves pas ce que je ressens.
- Bien sur que si, idiot. Je me voilais juste la face alors que toi, tu avais compris…
Et Saga posa lentement ses lèvres sur celles de Kanon qui eut un sursaut de recul. Mais l'ainé ne le laissa pas s'éloigner. Il raffermit sa prise autour du visage et prolongea le contact. Le cadet finit par se libérer.
- Mais qu'est-ce que tu fais ? s'écria-t-il.
- Tu souffres parce que tu penses que tes sentiments sont sales. Je souffre parce que tu t'es éloigné de moi. Je t'aime Kanon. Accepte-le comme je l'ai accepté. C'est vrai que c'est… inattendu, immoral, mais je m'en fiche parce que je ne veux pas te perdre encore une fois. Tu as voulu me protéger et tu as mal. Je me voilais la face et j'ai eu mal. Mais maintenant, c'est terminé. Je ne le permettrai plus. Ta douleur est aussi la mienne. Si tu te coupes, je saigne. Nous ne pouvons pas lutter contre cet amour qui nous rend fou. Oublie ton éducation, tes principes, tes scrupules. Donne-nous une chance d'être enfin heureux.
Kanon regardait son frère, les yeux écarquillés, laissant ses paroles prendre toute leur signification. Saga ne semblait pas dégouté, au contraire. Il acceptait ce sentiment. Il se l'appropriait, le faisait sien et il le lui offrait attendant en retour la même chose de sa part. Lui aussi voulait être aimé et par personne d'autre que lui.
- Saga, mais… tu es mon frère…
- On s'en fout ! Arrête de te cacher derrière cet argument. Pour moi, il n'a plus aucune valeur. Je t'aime. Tu peux comprendre ?
Encore un silence, encore un plongeon dans les yeux de l'autre pour y lire la sincérité, la pureté, la vérité. Et voir s'effondrer le rempart de l'hésitation soumis aux assauts formidables de la détermination de Saga. Kanon comprit alors que son frère les protègerait tous les deux. Il défendra de toutes ses forces cet amour. Le cadet était bien placé pour savoir qu'une fois sa décision prise, son jumeau ne laisserait rien ni personne s'en prendre à eux, à leur relation, à leurs sentiments. Et s'il était honnête avec lui-même, il devait admettre qu'il ferait la même chose. Malheur à quiconque ou à quoi que ce soit qui se mettrait sur leur route. Il serait à ses côtés pour faire face à toutes les difficultés qu'ils rencontreraient inévitablement.
- Je t'aime, Saga, furent les seuls mots que l'ex-Général prononça et pour son frère, c'était bien suffisant.
Tout était dit. Ils s'embrassèrent longuement puis finirent par rentrer au Temple de Poséidon. Kanon fit visiter les lieux à son ainé qui s'extasia devant la beauté de l'endroit. Et inévitablement, ils terminèrent dans l'appartement réservé au Dragon des Mers.
- Et maintenant ? fit Kanon en regardant son frère assit sur le lit.
- Je ne sais pas… J'ai juste envie de te serrer contre moi… c'est tout…
A suivre...
Suite et fin vendredi prochain.
