Disclaimer: Les personnages ne m'appartiennent pas et cette fiction provient directement de mon esprit. Elle ne se veut pas être un manque de respect pour les véritables vétérans ou ceux qui ont été prisonniers de guerre.
Notes: J'ai décidé d'aller puiser dans les coins sombres de mon esprit et de sortir de ma zone de confort pour cette fic ci. J'ai lu The Pacific de Hugh Ambrose et l'un des hommes (qui n'a malheureusement pas été intégré à la série) se retrouve dans un camp de POW. Certains passages concernant cette situation m'ont fait l'effet d'une douche froide en plein été. Et là je me suis dit : pourquoi pas ? Attention ce ne sera pas joli-joli, désolée d'avance ! Je vous souhaite quand même une bonne lecture !
Il avait été convenu que c'était à son tour d'être de garde, et ce pour le restant de la nuit. Tant mieux. Il n'arrivait pas à fermer l'œil de toute façon avec cette chaleur étouffante et ces insectes qui ne cessaient de tenter de se délecter de son sang.
Le dos bien appuyé contre la paroi sableuse, il profitait de ce moment de silence qui était devenu rare. Ses yeux se posèrent sur le visage serein de Snafu qui dormait paisiblement à ses pieds. Couché sur son flanc, la tête posée contre ses mains, il semblait être plongé dans un sommeil sans rêves. Ça ne semblait pas se passer aussi bien du côté de Jay qui s'était assoupi à ses côtés encore en position assise. Ses sourcils ne cessaient de se froncer comme une sorte de tic et les coins de sa bouche sursautaient quelques fois, lui donnant l'air d'un type ultra nerveux. Bill et Burgie se trouvaient également dans le trou de souris. Si le premier dormait aussi tranquillement que Snafu, le second avait les yeux grands ouverts et observait une photographie dont Gene se doutait de qui elle représentait. Même s'il était assez discret sur sa vie privée, Burgie semblait s'être vraiment entiché d'une certaine Florence rencontrée en Australie. En tout cas, assez pour rester toute une nuit éveillé à regarder son portrait.
- Tu peux dormir si tu veux, chuchota doucement Eugene afin de ne pas réveiller les autres. Y'a aucune chance que je tombe endormi. J'ai jamais réussi à m'habituer à cette chaleur.
- Nah, répondit Burgie sur le même ton sans relever les yeux. J'arrive pas à m'endormir alors je m'occupe comme je peux.
Sledge se mit à sourire. Valait mieux s'occuper l'esprit avec une belle image plutôt que de sombrer dans l'univers de Morphée et de tomber entre les griffes de cauchemars traumatisants comme celui qu'était probablement en train de vivre De L'Eau.
Plongeant la main dans sa poche, Gene en sortit sa petite Bible qui ne l'avait jamais quitté depuis son arrivée sur les îles japonaises. Il l'ouvrit machinalement à la page dont le coin avait été plié avant de sortir un petit crayon à la mine de la poche avant de sa chemise militaire. Tout comme Burgie il s'occupait comme il le pouvait, c'est-à-dire en rédigeant quelques souvenirs marquants de cette dernière journée au combat dans les marges du livre sacré. Une habitude qu'il avait acquis dès le début de cette nouvelle vie afin de s'accrocher à quelque chose. Pour cette fois-ci, il n'écrivit qu'un seul mot : quiet. Car oui cette journée avait été étrangement calme. Les hommes étaient tout de même demeurés sur leurs gardes, mais ils n'avaient pas croisé un seul ennemi ou vu des traces de bataille récente alors que cet endroit avait été indiqué comme étant dangereux, à risques et potentiellement entourés de Nippons. Malgré les nombreuses recherches effectuées, rien n'avait été trouvé. Si certains avaient perçu ces résultats comme un soulagement, d'autres semblaient être davantage suspicieux.
Comme si quelque chose ne tournait pas rond.
Comme s'ils étaient pris dans une sorte de guet-apens.
Sledge prit bien soin d'inscrire la date du jour (ou plutôt de la veille étant donné la nuit avancée) avant de l'encercler pour la mettre plus en évidence. Il ne savait pas trop quoi penser de cette nouvelle quiétude, mais il espérait qu'elle se prolonge de quelques jours afin de prendre des forces. Même si les différentes conditions du pays l'empêchaient de dormir, il savait qu'il finirait par tomber tôt ou tard et il espérait que cela se fasse dans un moment opportun plutôt que durant un instant qui pourrait lui coûter la vie.
Burgie eut un léger mouvement vers l'avant, ce qui attira aussitôt le regard de Sledge. Son supérieur semblait être soudainement aux aguets, comme un animal qui s'apprêterait à capter sa future proie. Gene cessa de respirer durant l'espace d'une seconde, comme si cela pouvait l'aider à détecter ce que Burgie avait saisi.
- Merde, chuchota Burgin entre ses dents avant de mettre la photographie dans sa poche et de se saisir de son arme.
Toujours plongé dans l'incompréhension, Eugene secoua légèrement la tête. Au même moment, un cri surpris provenant d'un autre trou de souris fendit l'air suivi d'un bruit de coup de feu, ce qui alerta aussitôt les amis de Sledge qui s'éveillèrent tous en sursaut.
- On se fait attaquer ! annonça vivement Burgin en se remettant rapidement sur pied tandis que d'autres coups de feu se firent entendre.
Le cœur battant, Sledge remit sa Bible et son crayon dans sa poche avant de s'emparer de son arme à son tour. Les autres s'exécutèrent tout autant et dès qu'ils furent en état de se battre, ils sortirent tous en même temps du trou de souris, prêts à affronter les ennemis.
Eugene fut aussitôt surpris du nombre de Japonais qui se trouvaient déjà sur place qui surpassait grandement le nombre d'Américains. Les ennemis couraient tout autour des trous de souris en ouvrant le feu sur ceux qui étaient encore dans leur abri de fortune ou sur ceux qui s'apprêtaient à en sortir. D'autres semblaient tenir en joue certains marines qui avaient été dépouillés de leurs armes. Cette scène semblait surréelle et pourtant elle avait bel et bien lieu.
Sans plus attendre, Sledge se mit à courir en visant les ennemis qui menaçaient de tuer les jeunes hommes sans défense. Partout autour de lui des corps tombaient lourdement sur le sol et des hommes criaient des trucs incompréhensibles en s'animant dans tous les sens tandis que les Japonais semblaient être partout à la fois. Gene se fit la réflexion que ceux-ci étaient beaucoup plus nombreux et qu'ils couvraient beaucoup plus de terrain qu'ils n'auraient dû, ce qui les mettait dans une fâcheuse position. Le support aérien était absent et il se demandait sérieusement s'ils parviendraient à échapper aux Nippons cette fois-ci.
Leur fin était-elle finalement arrivée ?
Non. Il devait bien y avoir une solution. Ou une chance du moins.
Il tua de sang-froid les quatre Japonais qui lui faisaient dos, libérant ainsi cinq de ses compatriotes de leur terrible sort. Certains offrirent un geste de remerciement à Gene tandis que d'autres prirent leurs jambes à leur cou sans demander leur reste. Il resta immobile durant un instant, observant les corps inertes sur le sol. Du sang commençait à se répandre doucement de leurs blessures, donnant une certaine satisfaction à Sledge.
Il avait fait ce qu'il fallait.
- Sledge ! cria Burgin parmi le brouhaha excessif. Il faut foutre le camp ! Tout de suite !
Il aperçut Burgin au loin qui lui faisait de grands gestes impatients de la main. Leyden, De L'Eau et Snafu étaient tous les trois réunis autour de lui et semblaient tirer sur tout ce qui bougeait afin de le protéger. Voyant qu'il ne s'activait toujours pas, Burgin cria de plus belle :
- Bouge ton cul ! Tu veux crever ou quoi ?!
Il n'en fallut pas plus à Eugene Sledge pour se remettre à courir, cette fois-ci en direction de ses amis. Il évita de justesse un tir dans sa direction, tua un autre japonais qui tentait de lui barrer la route avant de finalement parvenir à retrouver ses compagnons d'armes. Sans attendre une seconde de plus, les cinq jeunes hommes s'enfoncèrent dans la jungle épaisse. L'obscurité de la nuit les empêchait de voir où ils avançaient, mais ils parvenaient tout de même à courir dans cette nature persistante.
Au fur et à mesure qu'ils s'éloignaient de leur ancienne position, les bruits semblaient s'amenuiser. Ce n'est que lorsqu'ils n'entendirent plus rien que Burgin leur fit signe d'arrêter. Ils s'exécutèrent, hors d'haleine.
- Pourquoi on a pas été réveillé avant ? demanda aussitôt Snafu qui jeta un regard noir à Sledge. Pourquoi t'as rien fait hein ?
- Je ne le savais même pas ! répondit Gene sur la défensive, ses mots entrecoupés par une respiration saccadée.
- Tu parles que tu savais pas ! T'es tombé endormi oui ! poursuivit Snafu d'une voix grave.
- Je ne dormais pas !
- Espèce de con tu…
- Fermer là ! s'exclama Burgin d'une voix forte.
Sledge dévisagea Snafu. Ce dernier ne cessait de regarder Eugene de la tête aux pieds avec un regard rempli de jugements.
- Ça suffit, rajouta Burgin dans un murmure. Il faut essayer de retrouver les autres et se regrouper au plus vite avant que des Japs nous tombent encore dessus.
- On ne devrait pas plutôt retourner sur nos pas ? demanda Bill.
- Non. Ack-Ack a donné l'ordre de se replier. Je les ai vu partir dans cette direction.
Il désigna le chemin à suivre d'un signe de tête.
- Ils doivent nous attendre un peu plus loin.
- Et les gars qui sont restés là-bas… ? osa demander Bill.
Les cinq amis se regardèrent sans dire un mot. Ils connaissaient tous la réponse à cette question.
Ces pauvres hommes étaient condamnés à une mort quasi certaine, mais pas forcément inutile. S'ils pouvaient ralentir un peu la fuite des autres qui avaient été plus chanceux, c'était toujours ça de gagner malgré la gravité de la situation.
- On avance, ordonna Burgin. Restez sur vos gardes.
Ils se remirent en route avec leurs armes levées dans les airs, prêtes au combat.
Le cœur de Gene cognait dans son torse. La situation était très angoissante. L'obscurité de la nuit, cette jungle inconnue et leur petit nombre d'hommes étaient des facteurs qui ne jouaient pas en leur faveur. Il ressentait la nervosité palpable de ses frères d'arme, ce qui le rendait plus inquiet. Même Burgin, qui avait toujours eu l'air confiant jusqu'ici semblait être un peu déstabilisé par l'événement. Gene ne lui en voulait pas, mais ça ne le tranquillisait pas non plus. Il tentait de se raccrocher à l'idée qu'ils retrouveraient bientôt leur capitaine qui pourrait leur prodiguer de nouvelles marches à suivre, ce qui le rassurerait. Il était certain qu'Haldane et la troupe qui l'avait suivi se trouvaient quelque part dans part dans cette jungle à attendre les survivants.
Il le fallait.
Ils s'arrêtaient au moindre bruit, pointant leurs armes dans toutes les directions possibles. Que ce soit des craquements, des croassements d'oiseaux, des feuilles qui bougeaient au gré du vent : ils ne prenaient aucun risque, mais ne trouvaient jamais rien de vraiment alarmant.
- Vous pensez qu'on les a semés ? demanda Jay au bout de quelques minutes de marche.
- Je sais pas, mais j'espère qu'on se rapproche d'Ack-Ack, répondit Snafu. T'es sûr que c'était dans cette direction Burgie ?
- Certain.
Le sergent s'arrêta subitement et les autres l'imitèrent. Gene remarqua qu'il avait la même expression qu'il avait eue un peu plus tôt dans leur trou de souris. Ses iris d'un bleu glacial scrutaient l'horizon comme s'il percevait quelque chose que les autres ne parvenaient pas à voir.
Puis soudain, comme s'ils les avaient attendus pendant des jours, une dizaine de Japonais les encerclèrent en sortant rapidement du décor paisible de la jungle en les menaçant du bout de leur canon. Gene sursauta, mais gardait son arme bien en main et refusait de l'abaisser. L'index sur la gâchette, il était prêt à tirer à tout instant.
Les cinq hommes de la compagnie K restèrent immobiles et silencieux, tout comme les Japonais. La tension était palpable tandis que les regards se défiaient. Il n'avait dû que se passer qu'une seconde ou deux depuis qu'ils s'étaient retrouvés dans cette fâcheuse position, mais pour Gene, ce moment semblait durer une éternité.
Il vit avec horreur l'un des Japonais qui apposa le bout de son canon contre le front ruisselant de Burgin.
- Abaissez vos armes ou mourez, ordonna le Nippon dans un anglais correct.
Un duel de titans semblait avoir lieu entre l'Américain et le Japonais qui se défiaient du regard avec une intensité sans nom. Le cœur de Gene semblait vouloir exploser à présent, cognant jusque dans ses tympans tandis qu'ils attendaient tous la marche à suivre. La décision revenait à leur sergent qui ne semblait pas vouloir lâcher le morceau aussi facilement.
Il se rendit à l'évidence après quelques secondes en abaissant son arme sans mouvement brusque.
- Faites ce qu'il dit, ordonna-t-il à ses hommes sans cesser d'envoyer un regard mauvais à l'autre qui le menaçait toujours.
- Bur… commença Snafu.
- Ferme ta putain de gueule et fais ce que je te dis, fit Burgin dans un sifflement irrité.
Tandis dis que Gene s'exécutait en même temps que Bill et Jay, Snafu résistait à la demande. Son arme continuait de tenir en joue le Japonais qui se trouvait en avant de lui. L'ennemi ne bronchait pas, comme si cette menace ne représentait rien à ses yeux.
- Abaisse ton arme. Immédiatement.
Snafu regarda désespérément Burgin comme s'il espérait qu'il change d'idée. Voyant qu'il restait de glace, il déposa son fusil à son tour.
Désormais sans protection réelle, les choses se passèrent rapidement.
Avant même qu'il n'ait eu le temps de se rendre compte de ce qui se passait vraiment, Gene se retrouva sur ses genoux. D'un geste brusque, on lui retira son sac à dos. On lui tira les bras vers l'arrière et un Japonais lia fermement ses poignets avec une corde qui lui irritait déjà la peau. On lui passa un foulard sur la bouche avant de le lui attacher solidement derrière la tête. Des mains farfouillèrent les poches de ses vêtements à la recherche d'armes potentielles. Bientôt, un bandeau noir lui couvrit les yeux.
La dernière image qu'il vit fut celle de ses amis qui étaient eux aussi dans la même position que lui.
Sans défense et en parfaite soumission.
