J'avais tout perdu, mon ancienne vie, ma patrie, mon monde... mon espace temps... même mes capacité à parler ne me servaient plus à rien ici ; leur langage m'était totalement inconnue. La seule chose qui me donna une vague idée de l'endroit où je me trouvais, était le décor ; maisons en bois, chemins de terre battue, les vêtements aux couleurs mornes... je devais me trouver en Asie vers le début de la renaissance... ou peut-être même après... après tout, mes connaissances en la matière, étaient plus que limitées.

Je regardai ma montre, l'aiguille ne bougeait plus... elle avait due prendre l'eau lors de mon arrivée ; un magnifique saut carpé dans une mare plutôt vaseuse. A vrai dire, j'avais à peine eu le temps d'en sortir, que j'étais tombée nez à nez avec des personnes coiffées de chapeaux en bambou qui, quand ils m'ont vue, se sont reculés d'au moins quatre mètres ; étais-je vraiment si terrifiante que ça ?

Après ça, ils m'ont encerclée et attachée puis enfermée dans une cage avec d'autres prisonniers, pour quelle raison ? L'esclavage, le trafic de cheveux, la prostitution ou peut-être tout à la fois, je n'en savais rien... mais une chose était sûre, c'est que je devais vraiment être un drôle d'oiseau ici, car les adultes ne me quittaient pas du regard, et les enfants me montraient très souvent du doigt en parlant à leurs parents qui les attiraient vers eux en me dévisageant encore et toujours.

Vingt nuits avaient passé depuis ma capture, donc plus de deux semaine à manger une bouillie de riz infâme avec des choses que gigotaient dedans. Au départ, j'avais vraiment été tentée de faire la fine bouche, mais partant du principe qu'une bouchée de moins, était égale à un jour de moins à vivre, je pris sur moi, et fermant les yeux avalai la totalité de mon bol.

Les caravanes s'étaient arrêtées dans une clairière, et alors que je venais d'entamer ma maigre pitance, j'entendis des cris de douleur ainsi que des mots aboyés, leurs donnant l'apparence d'ordres.

Bientôt, un jeune garçon vint nous rejoindre dans la cage, sa bouche en sang et un morceau de chair coincé entre ses dents serrées. Il se releva bien vite, et se jeta contre les barreaux de la cage, allant jusqu'à mordre ces derniers dans un acte désespéré de sortir. Toutefois, personne ne vint l'aider et pour le calmer, l'un des supposés marchands d'esclaves, lui donna un bon coup de bâton sur les doigts ainsi que sur la tête. Assommé, le gamin ne bougea pas et étrangement, même après tout ça, personne ne sembla avoir la moindre compassion pour le petit être. J'aurais bien fait quelque chose, mais j'étais à l'exacte opposé de la cage, et une marée humaine me barrait le passage.

La nuit arriva bien vite, sa froidure également et, tentant tant bien que mal de garder une température à peu près normale, les prisonniers s'étaient resserrés les uns contre les autres, mais prenaient grand soin d'éviter le gosse... ainsi que moi. Je comprenais la méfiance qu'ils avaient à mon égare ; une barbare de l'Est avec des habits bizarre et qui ne parle pas la langue... j'avais de quoi déstabiliser. Mais ce garçon, pourquoi ne pas l'accepter ? Il était clairement asiatique, ses vêtements ne dépareillaient pas de ceux des autres... alors pourquoi le laisser dans le froid ?

Je ne voulais pas attirer l'attention sur moi plus que d'ordinaire mais, prenant sur moi, je me levai avec beaucoup de mal et, enjambant les têtes, j'arrivai dans le coin où se trouvait l'enfant ; il tremblait. Je l'attrapai, et m'asseyant contre les barreaux, le couvris de mon châle en l'entourant de mes bras ; si nous étions les deux parias du convoi, alors une collaboration s'imposera.