Encre.
Une goutte d'encre, simple, noire, tomba sur le parchemin, y dessinant un petit cercle sombre. Le bout d'une plume vint à se poser, tremblante, sur le papier. Une lettre se forma, suites aux courbes et aux droites tracées par la plume. Puis un mot, ensuite plusieurs. Une phrase toute entière, tremblante, tracée à l'encre fraiche, se dessina. La plume se releva, tenue par une main hésitante. Un soupir franchit des lèvres rêches, qui s'humectèrent ensuite.
Inspirer, expirer.
Une goutte atterrit sur la feuille, faite d'un autre liquide, plus clair, plus transparent. Cependant, dans la pénombre de la nuit, à peine éclairée par la flamme d'une bougie, et déposée sur la ligne d'écriture, elle semblait comme faite de la même encre qui marquait le parchemin.
Inspirer, expirer.
Une goutte, d'encre de nouveau, vint marquer le parchemin. Dans les ténèbres silencieuses, l'on put entendre un reniflement. Un soupir. Un poing se serra, faisant retentir le bruit d'articulations qui se craquaient. Des doigts se crispèrent sur la plume. Un nom, en guise de signature, fut tracé en bat du mot. Les lignes n'étaient pas droites. La plume se cassa, formant une tâche à la fin d'un « y ».
Inspirer, expirer.
La plume tomba sur le bureau, les doigts qui la lâchèrent étaient maculés d'encre. On releva la main intacte pour retirer une paire de lunettes rondes, en mauvais état, et un bras se leva pour essuyer d'un geste rageur des larmes salées. On n'avait même pas pris la peine de s'assoir pour écrire. On se redressa donc, faisant craquer la colonne. On saisit un sac, que l'on posa sur une épaule. Puis l'on quitta la chambre. « Je pars. Ne tentez pas de me retrouver. »
Inspirer, expirer.
A pas de loups, on traversa la grande maison endormie, alors que des dents venaient mordiller une lèvre inférieure pour retenir des pleurs. Puis l'on se retrouva dehors.
Inspirer, expirer.
On ouvrit des yeux rougis, avec des prunelles vertes pleines de regret. Un regard parcouru les champs à peine agités par une légère brise. Le calme régnait dans cette nuit d'été. Le regard se leva, se posant sur le ciel d'un noir aussi sombre que l'encre qui maculait les doigts.
Inspirer, expirer.
Faire un pas. Quitter cette endroit. Avancer, faire quelque chose. Ne pas rester là à hésiter, ne pas douter. Des milliers de pensées de ce genre grouillaient dans son esprit. Des dents se serrèrent, de même que des poings.
Inspirer, expirer, avancer.
Une voix retentit. Un appel. Un nom. Un questionnement. Surtout, ne pas se retourner. Ne pas craquer. Continuer d'avancer. Les mots d'un meilleur ami résonnaient dans son esprit. Des mots d'une autre ne cessaient d'aller et venir. Pouvait-on réellement quitter ainsi ceux qui nous sont chers ?
Inspirer, expirer. Se retourner.
Les prunelles vertes se posèrent en premier sur une tignasse rousse, puis sur des yeux bleus et un air surpris. Les mots passèrent par se simple regard. Une détermination se détruisait petit à petit. D'autres mots retentirent dans cette nuit d'été, cette nuit d'encre. Une conversation troubla le calme. Et puis, de nouveaux bruits de pas. Celui d'une porte.
Inspirer, expirer. Revenir, renoncer.
