(herm) Aphrodite
Par Maria Ferrari
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Les personnages de Vision d'Escaflowne ne m'appartiennent pas, je ne tire aucun profit financier de leur utilisation.
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—Chapitre 1—
L'horreur de la vision était telle qu'on ne pouvait en détacher les yeux, qu'elle en devenait fascinante : la ville était dévorée par les flammes. Atroce… pourtant beau, artistique ; une horrible œuvre d'art.
Un rire insistant et bruyant résonnait…
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Serena, les yeux clos, remua dans son lit. Le drap ne lui couvrait plus qu'une partie des jambes ; elle portait une chemise de nuit en coton épais qui, relevée, découvrait sa culotte. La jeune fille était couchée sur le ventre, son visage fourré dans l'oreiller.
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Un guymelef blanc tranchait, un par un, ses adversaires, levant son immense épée et l'abattant sans pitié, avec férocité. Une voix désespérée hurlait dans la nuit : « Gatti ! Chester ! »
Le guymelef blanc tourna son immense corps métallique et courut droit devant lui en brandissant son glaive…
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Dans un sursaut, Serena ouvrit les yeux et se dressa sur ses coudes, le visage humide de sueur. Elle se tourna, s'assit et entoura ses genoux de ses bras, dissimulant sa tête. Quelques instants s'écoulèrent ainsi, avant qu'elle relève le nez, des yeux fatigués, une moue désabusée.
Elle décida de se lever ; elle ne parviendrait pas à dormir paisiblement. Son sommeil n'avait pas été réparateur, il avait été rempli des scènes cauchemardesques qu'elle avait vues lorsqu'elle était dans le corps de Dilandau. ça ne la laisserait donc jamais en paix ?
Cela faisait trois semaines qu'elle avait réintégré son corps et sa maison. La première semaine, elle avait été dans un brouillard complet, elle ne se souvenait absolument pas de l'existence de Dilandau, ni de son existence à elle chez les Zaïbachers ; elle repartait de l'âge de cinq ans : elle cueillait des fleurs dans le parc jouxtant le manoir Schezar, sa mère la regardait avec affection assise sur la balancelle. Tout lui était revenu peu à peu en tête. Tout… hélas ! Se remémorer les scènes de guerre, de violence, d'horreur était une chose dont elle se serait aisément passée. Cela étant, elle ne pouvait rien y faire ; et aurait-il été préférable de vivre avec un trou de dix ans dans sa vie ? Elle en doutait.
Le souvenir le plus pesant était le désespoir intense que Dilandau avait ressenti, à la perte de Miguel d'abord, puis à celle de tous ses autres hommes, ses compagnons de route.
Dix ans passés entre le Vione et le pays Zaïbach, dont un seulement en tant que Serena. Elle avait passé huit ans dans les laboratoires des sorciers, le temps d'achever parfaitement la transformation en mâle, le temps de forger Dilandau selon le modèle qu'ils escomptaient.
Ces pourritures.
Cette période était totalement floue dans son esprit. Apparemment, son subconscient refusait de lui laisser entrevoir ce qui s'était passé durant ces huit années, un blocage qu'elle n'avait plus sur les deux dernières, une fois Dilandau jeté dans la vie pseudo réelle. Pourtant, ces deux années-là aussi avaient été particulièrement traumatisantes, sans doute moins que les huit précédentes, elle ne pourrait en jurer : elle ne se souvenait quasiment de rien.
Le seul souvenir qui lui restait de cette période était Jajuka, son protecteur, son seul ami, la seule bonne chose qui lui était arrivé ; c'était sans doute pour ça qu'il ne lui restait que celui-là.
Jajuka était mort ; cette vision la hantait aussi, au même titre que la mort des Dragonslayers. Il était mort pour la sauver et pour qu'elle vive enfin une vie normale, une vie heureuse. Elle n'en voulait pas à Van de ce meurtre : la mort est une chose inévitable dans les conflits guerriers. Et puis, c'était Dilandau qui était visé, non Jajuka. Van tenait son alter-ego pour un monstre ; il se trompait. Elle ne lui en voulait pas, il n'était pas le seul à s'être trompé durant ces affrontements ; et ces erreurs avaient souvent été fatales à des êtres qui n'avaient rien demandé à personne.
Bien qu'elle ne lui en veuille pas, elle était toujours secouée d'un frisson lorsqu'elle le voyait. Elle ne pouvait s'empêcher de le revoir liquidant un par un les Dragonslayers avec une rage meurtrière effrayante. Elle ne pouvait échapper à la vision de l'épée s'abattant une première fois sur Dilandau – sur elle – et tuant Jajuka qui s'était interposé. Elle aurait voulu oublier qu'après avoir tué le seul être cher qui restait à Dilandau – ce qu'ils avaient en commun Dilandau et elle, outre leur corps –, il avait relevé son épée pour l'achever.
Cette fois-ci, c'était Allen qui était intervenu.
Elle s'était demandé ce qui se serait passé si Van avait tué Dilandau. Serait-elle morte aussi ? Ce n'était pas sûr… Après tout, Dilandau portait sur le visage une marque qu'elle n'avait pas, ce qui aurait tendance à signifier que les blessures corporelles qui meurtrissaient Dilandau ne l'atteignaient pas – contrairement aux blessures morales –, quant à connaître les conséquences d'un coup mortel…
De toute façon, même en admettant qu'il n'aurait pu la tuer, elle ne pourrait jamais oublier cette férocité meurtrière qui animait le roi Van Slanzar de Fanel quand il était au combat. Il voulait tuer celui qu'il considérait comme un monstre, cependant lequel était le plus monstrueux de Dilandau et de lui ?
La relation destructrice qui liait Van et Dilandau lui avait toujours parue "suspecte" ; Dilandau avait une excitation au moment de se battre avec lui qu'il n'avait avec aucun autre de ses adversaires ; Van aussi était différent au moment de leurs duels. Elle s'en rendait compte à présent : il y avait autre chose dans leur relation.
On dit que votre pire ennemi est aussi votre meilleur ami, car il vous rend plus fort1 ; cela pourrait-il être quelque chose dans ce goût-là ?
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Serena entra dans la cuisine pour prendre son petit déjeuner. Elle y trouva le roi de Fanelia en pleine discussion avec son frère. Elle se mordit la lèvre, s'exhorta à oublier le frisson qui semblait lui hérisser les cheveux.
« Bonjour.
— Bon… bonjour Serena. »
Van détourna les yeux. Serena savait qu'il n'était jamais très à l'aise en sa présence ; elle était, d'une certaine manière, son pire ennemi. Finalement, ils étaient aussi mal à l'aise l'un que l'autre quand ils se retrouvaient ensemble. Serena se doutait que Van cherchait le plus possible à l'éviter ; elle ne s'en vexait pas, ça l'arrangeait.
Aujourd'hui, il n'y avait pas que le problème Dilandau en cause dans la gêne de Van : Serena portait juste sa chemise de nuit. Assise, elle ne lui couvrait les jambes qu'à la mi-cuisse ; Van n'était pas habitué à voir des représentantes de la gent féminine si peu habillées. Van n'était pas le seul gêné : Allen n'appréciait guère qu'un étranger – Van avait beau être un ami, cela restait un étranger – voit sa sœur dans une tenue trop légère à son goût ; il emmena son compagnon de discussion dans une autre pièce pour dérober les jambes de Serena à sa vue.
Serena les regarda passer la porte du coin de l'œil et mordit dans un croissant. En mâchant, les yeux pensifs fixés droit devant elle, elle prit la résolution de parler en tête-à-tête avec Van : peut-être le fait de s'expliquer une bonne fois pour toutes résoudrait leur problème commun.
