Je suis sortie de la projection de Civil War avec le cœur en miettes et beaucoup de colère. À un moment, il fallait bien que tout cela sorte, alors j'ai écrit. Vous vous doutez bien que ce n'est pas joyeux. Et sûrement biaisé, alors j'écrirai le point de vue de Steve. Un peu plus tard, le temps de me calmer. ;)
Cet OS peut-être vu comme une suite de Reprise des hostilités mais peut être lu indépendamment.
Merci à mrsgingles pour son magnifique fanart - à découvrir sur Tumblr : mrsgingles . tumblr post/144079527695/so-no-matter-what-i-promise-you-if-you-need-us - qui m'a profondément touchée et qui m'a donné l'idée de départ de cette histoire. Merci à Angie et à HyperRaspberry pour nos conversations post projection qui m'ont aidée à évacuer ce trop-plein d'émotions.
Disclaimer : seule l'histoire m'appartient, les personnages restent à Marvel.
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« Tony ? Tony, c'est bien toi ? »
Le son de ta voix me bouleverse plus que je ne le croyais possible, alors je raccroche et balance le téléphone au loin. Alors, quoi qu'il arrive, je te le promets. Si tu as besoin de nous - si tu as besoin de moi - je serai là. Tu es sûrement sincère mais je ne suis pas encore prêt pour ça. Qu'est-ce que je croyais ? Qu'on pourrait se parler calmement, tous les deux ? Que je pourrais accepter ta main tendue et mettre de côté tout ce qui me ronge depuis des semaines ? Quel con. C'est trop tôt, c'est trop dur.
Pour ne pas être tenté d'aller rechercher le téléphone et de te rappeler, je me ressers un verre de whisky. Je te vois déjà grimacer. Yep, je me suis remis à picoler, malgré tous tes efforts pour me faire arrêter. J'ai recommencé dès que je suis rentré à la Tour. Sans toi. J'ai picolé, conduit pied au plancher et baisé la première fille qui passait. Peut-être que les limites que tu m'avais fixées me pesaient. Ou peut-être que je voulais juste te faire chier. Quelle importance ? Tu n'étais pas là pour le voir. Et même si tu l'avais été, je doute que tu en aurais encore eu quelque chose à foutre.
Rassure-toi, quand Rhodey m'a rappelé le lendemain pour me demander si j'allais bien, j'ai vite dessoûlé. C'est lui qui me demandait si j'allais bien alors que lui... J'ai pris une douche, j'ai fait de mon mieux pour avoir l'air présentable et je suis allé le rassurer, en conduisant à une allure raisonnable, cette fois. Il a beau m'assurer qu'il ne regrette rien et que si c'était à refaire, il ne changerait rien, je me sens honteux à chaque fois que je le regarde. S'il ne m'avait pas suivi, il volerait encore. L'armée, c'était sa famille, à Rhodey, comme tu disais que les Avengers étaient la mienne. On a fait un beau gâchis.
Je me souviens de toi disant que ton équipe ne te disait pas tout. Je me souviens de toi ramenant Bucky à la Tour. Putain, Steve, tu savais. Bien sûr que tu savais, tu avais eu accès aux dossiers de Hydra. Tout comme Natasha. Qui d'autre savait ? Barton ? Fury ? Si cela se trouve, j'étais entouré de gens qui savaient et qui ne m'ont rien dit « pour mon bien ». C'est aussi pour mon bien que tu es parti à la recherche de Bucky quand la mémoire lui est complètement revenue et qu'il a fui la Tour ? Il ne devait plus pouvoir me regarder en face puisqu'il se souvenait de chacun d'eux, désormais. Je te revois m'assurer que tu ne savais pas ce qui avait pu causer son départ. Félicitations, capitaine, tu es devenu un maître ès dissimulation. Ou alors, tu l'as toujours été.
Après tout, tu m'avais déjà caché que lui et toi aviez été amants pendant la guerre. Et tu ne t'étais pas gêné pour remettre ça chez moi, chez nous. Je devais être bien con, ou très amoureux, pour accepter l'idée d'une cohabitation, après ça. Oui, je t'aimais vraiment, au point d'accepter que tu le rejoignes dans sa chambre avant de passer dans la mienne, ou l'inverse.
Le pire étant que, finalement, je me suis bien entendu avec Barnes. Si on regarde bien, on avait pas mal de points communs, lui et moi. Il avait son bras, j'avais mon cœur, nous étions deux éclopés améliorés. Il était hanté par des images de corps suppliciés, ce que j'avais vu derrière le portail m'empêchait encore de dormir. On était tous les deux très forts pour cacher tout ça, à grand renfort de sarcasme. Et, surtout, on t'aimait. Assez pour apprendre à nous tolérer, assez pour comprendre que tu ne voulais pas choisir entre nous deux.
Pour être honnête, j'étais trop lâche pour t'obliger à choisir. J'avais trop peur de ton choix. Et j'avais raison d'avoir peur. Tu n'as eu aucune hésitation. C'était ton ami. Je n'étais que ton amant.
Je ne t'en veux pas d'avoir pris son parti contre le mien. Tu venais de perdre Peggy, Bucky était le dernier lien avec ton histoire, je comprends que tu n'aies pas voulu que le lien se rompe.
Et je n'en veux même pas à Bucky. Bien sûr, Zemo avait bien calculé son coup, et ces images ont libéré une rage viscérale que je n'aurais jamais imaginé porter en moi. Serais-je allé au bout et l'aurais-je tué ? Je n'en sais rien. Je me rappelle juste ce sentiment d'oppression, de peur et de désespoir quand j'ai vu Bucky poser la main sur la gorge de ma mère. Et la colère qui a tout consumé quand tu as finalement avoué que tu savais.
Quelle ironie, quand même. On a survécu à Loki, à sa magie et à son armée de Chitauris, on a survécu à Ultron et son armée de drones - même si on y a perdu Bruce - mais Helmut Zemo, un humain sans pouvoirs particuliers, sans technologie stupéfiante, et juste armé d'une pauvre bande vidéo, a réussi à nous anéantir. Frère contre frère, amant contre amant, je doute qu'on s'en relève un jour.
Tu te rappelles quand j'ai accusé Bucky d'avoir fait taire Howard ? C'était à la Tour, je parlais sous le coup de la colère mais je n'y croyais pas franchement. Et supposer et voir sont deux choses différentes. Là, j'ai vu. J'ai vu ton ami d'enfance tuer ma mère.
Ma mère. Ma mère qui m'a bercé, consolé, qui s'est si souvent interposée entre Howard et moi. Ma mère qui m'a appris l'italien, la musique, le piano. Le Try to remember que tu aimais tant m'écouter jouer, c'est elle qui me l'avait appris. Je n'arrête pas de penser à ce qu'elle a ressenti quand le sergent Barnes s'est approché d'elle, après avoir tué Howard. Ça, je ne pourrais jamais te le pardonner.
Si tu me l'avais dit, dès que tu l'as su... D'accord, j'aurais été furieux. J'aurais sûrement tout fait pour retrouver ce fils de pute et lui régler son compte. Dans un premier temps. Ou j'aurais pleuré toutes les larmes de mon corps entre tes bras. Tu m'aurais écouté, tu aurais laissé la peine et la rage s'évacuer avec mes larmes avant de m'expliquer les tortures subies par Bucky, ses lavages de cerveau répétés, son conditionnement implacable. Mais tu n'as rien dit. Pour mon bien. Ou pour le tien, comme tu as enfin l'honnêteté de le reconnaître.
Je reprends une gorgée de whisky. L'alcool me brûle la gorge. Je crois que je n'aime plus ça. Tu crois que c'est à cause de ces années d'abstinence que tu avais réussi à m'imposer ? Ou c'est à cause de la boule que j'ai dans la gorge ? Amertume sur amertume, le résultat est dégueulasse. Je repose le verre. Je foire tout. Même me remettre sérieusement à picoler, j'ai du mal.
T'Challa m'a appris que Bucky avait demandé à être cryogénisé tant qu'il pouvait représenter un danger pour les autres. C'est peut-être le plus lucide de nous trois. Ouais, je sais où est Bucky mais, ne t'inquiète pas, je ne vais pas débarquer au Wakanda pour le faire décongeler. D'abord, parce que je n'ai pas vraiment les moyens ni l'envie de déclencher une guerre avec le Wakanda. Ensuite, parce que T'Challa est un mec bien et il m'a bien fait comprendre qu'il ne faisait pas ça contre moi. Il comprend ma colère et compatit à ma douleur. Il pense juste que la vengeance est une maîtresse insatiable et qu'il faut que ça s'arrête avant qu'elle ne finisse par nous dévorer. Il a sûrement raison. Et enfin, parce que ma colère n'est pas - plus - dirigée contre Barnes. Tu sais à qui j'en veux.
Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, je m'en veux à moi aussi. Je me suis buté tout autant que toi et, du coup, je n'ai pas réussi à te faire comprendre mon point de vue, que nos actions ont des conséquences, que détruire une ville ou seulement un quartier, même pour sauver le monde, c'est faire des victimes et que leurs familles sont en droit de nous demander de rendre des comptes. Et que penser que nos pouvoirs nous permettent à eux seuls de définir les notions de bien ou de mal, c'est irresponsable et dément. C'est vrai, avant la Sokovie, avant que Miriam Sharpe ne vienne me reprocher la mort de son fils, je n'y avais jamais vraiment réfléchi. Iron Man était un justicier solitaire et j'aurais préféré crever que de donner un début de contrôle sur mes armures. Mais Charles Spencer est mort à Novi Grad, au milieu des gens qu'il était venu aider et cette foutue responsabilité est venue tout embrouiller.
Dans le fond, nos positions n'étaient pas si différentes. Moi, j'avais privatisé la paix dans le monde, toi, tu as formé une milice au nom de cette même paix. Bonheur et justice pour tous ! C'est un bel idéal. Mais qu'arrivera-t-il à ceux qui refuseront cette belle idée ?
Je ne te dis pas que j'ai raison et que tu as tort. Juste que nous avons des responsabilités. Laisse tomber, va, je ne suis même plus sûr de croire à ce que je dis. Je devrais peut-être remiser mes armures et m'enfermer au fond de mon labo, une bonne fois pour toutes. J'ai toujours eu plus de facilité à comprendre les robots que les humains.
Cela a toujours eu ce goût écœurant, le whisky ? Je devrais aller chercher une bouteille de vodka, ça n'a pas de goût et ça saoule vite, ça fait oublier, même temporairement, les morts, les responsabilités, les regrets, la douleur de l'absence. Et ça me donnerait peut-être le courage ou l'inconscience de t'appeler.
Le téléphone est toujours dans un coin de la pièce, près de la baie vitrée.
J'espère que tu ne rappelleras pas.
J'aimerais tellement que tu rappelles.
