Disclaimer : Tous les personnages appartiennent aux studios Square Enix et Disney.
Bêta lecture : Wa, Milou-sarcastic-yaoiste
Note : Joyeux Noël ! Les OS qui composeront ce recueil sont le fruit de ma participation au [Secret Santa 2018] organisé par Milou sur le Forum Geôlier de FR, qui a eu lieu du 24 novembre au 25 décembre. Vous avez peut-être remarqué que le titre est emprunté à un recueil d'Yves Bonnefoy ? Pas de panique, pas de plagiat. Ce n'est pas très original de ma part mais allez le lire si vous avez le temps, tout comme Ce qui fut sans Lumière. Parce que c'est super beau, et une source d'inspiration infinie.
Pour la petite histoire, j'ai galéré pour tenter de satisfaire les envies de mon Santa, et du coup il en a résulté deux OS finis et un inachevé. Milou a été adorable pour m'aider à choisir, et finalement je n'ai rien choisi du tout… Du coup, je posterai les deux OS là-dedans. Comme ça, au cas où l'un ou l'autre ne plait pas, l'honneur est sauf.
C'était très amusant d'écrire sur ce pairing dont je n'ai absolument pas l'habitude, même si j'ai quand-même longuement hésité à faire du SoVen. Peut-être si l'envie me prend, pour rajouter d'autres histoires à ce recueil ? On verra bien.
Dans tous les cas, joyeux Noël à toi, Laemia, en espérant que vous passiez tous de magnifiques fêtes de fin d'année ! Ya.
Le vide, le sucre et les étoiles
Vanitas se demandait si tous les êtres de lumière étaient aussi niais et mielleux que Riku et Sora lorsqu'ils étaient ensemble. Depuis une heure qu'ils les regardaient faire, il ne pouvait s'empêcher de trouver ça franchement dégoûtant, ce débordement d'affection et ces sourires, ces regards complices et ses bourrades amicales, et pourtant il était incapable de dire si le sentiment qu'il ressentait là, ce pincement dans sa poitrine, pouvait décemment s'apparenter à de la jalousie.
La Guerre des Keybaldes s'était achevée depuis un mois à peine et déjà les choses reprenaient tranquillement leur cours, la reconstruction des villes, des cœurs, et plus que tout des amitiés brisées. Xehanort vaincu, ses réceptacles avaient été obligés de choisir leur camp une fois libérés des Ténèbres, certains préférant disparaitre à jamais, retrouver Kingdom Hearts, d'autres choisissant le parfum doux-amer de la liberté sans pour autant savoir ce qui les attendait dans cet « après », cet ailleurs imprévu qui n'avait été écrit dans aucun grimoire, qui n'existait dans aucun plan préétablit par le cerveau de la machination, qui les avait laissé à la fois ivres d'extase et pétris de stupeur.
C'était vivre ou périr, exister pour de bon ou couler dans l'oubli.
Vanitas, pour sa part, avait vite fait son choix.
Tout le monde semblait si heureux, désormais. C'était presque blessant toute cette félicité en dépit de la douleur et des morts, comme s'il y n'y avait jamais rien eu, comme rien n'avait changé alors que tout, absolument tout était différent. Aqua et Terra, qui se serraient la main dans un coin en souriant en direction d'un vieux magicien aux sourcils broussailleux, au chapeau ridiculement rigide et à la mine sévère. Axel, Roxas et Xion, qui riaient aux éclats autour d'une petite table agrémentée d'un service à thé entretenu par un drôle de bonhomme à la longue barbe blanche, à se partager une poignée de glaces bleues alors que leurs assiettes débordaient déjà de crèmes et de pudding à l'odeur alléchante. Néo, la copie ridicule qui maintenant jouissait d'une vie propre, occupé à tenir le fil d'une écharpe à motifs que tricotait consciencieusement Naminé, un châle couleur de neige vissé sur ses épaules. Et puis Ventus, dont la chaleur douce irradiait dans son propre corps alors qu'il était parti donner un coup de main à Santa dans la Ville de Noël, plein de ses certitudes mièvres et de sa bonté d'âme.
Vanitas détestait se l'avouer, mais retrouver son double de lumière avait été un immense, sinon le plus pur, des soulagements. Oh, il haïssait encore la Terre entière et les Nescients n'avaient absolument pas cessé de squatter son essence, mais il n'avait plus mal. Plus de douleurs aigües comme des coups de poignards quand il partait s'entrainer avec Riku dans le Colisée de l'Olympe, ou quand un coup de Keyblade bien placé anéantissait brutalement un morceau de lui-même. Plus d'angoisse à l'idée de ce manque, ce trou béant en quête frénétique de plénitude qui lui sciait les jambes et rongeait sa poitrine jusqu'à le rendre fou, plus d'ondes de souffrance pointues comme des lames de rasoirs le long de sa colonne vertébrale, plus de cris dans sa tête quand il pataugeait dans la vase sombre et gluante de son palier brisé.
Il était libre, il était apaisé, et ça faisait un bien fou. Il n'en restait pas moins désagréable avec tout le monde, mais il s'était créé entre Ventus et lui un lien de complaisance cordiale, une entente teintée de piques haineuses en souvenir du bon vieux temps, lorsqu'il pouvait rêver à loisir de lui trancher la gorge pour avoir osé choisir Sora comme refuge à son pauvre petit cœur blessé.
Vanitas reporta son regard sur les décorations kitsch, les boules de verre colorées et les guirlandes pelucheuses qui agrémentaient la décoration criarde de la Tour Mystérieuse, se refusant à observer une seconde de plus l'échange sucré qui se déroulait entre les deux amis d'enfance. Il n'arrivait toujours pas à saisir les concepts abstraits qu'étaient l'amitié et l'amour, depuis le temps qu'il était là. Plus de combats pour occuper sa tête, plus de machinations malfaisantes à mettre en place, et mine de rien ça lui laissait beaucoup plus de temps libre qu'il ne l'aurait cru, à réfléchir sur tout et n'importe quoi, principalement sur les règles de sociabilité qui régissaient son nouveau monde.
Seulement voilà. Il avait beau cogiter dans son coin, à lancer des sourires torves à quiconque aurait eu la mauvaise idée de venir l'embêter, il n'arrivait pas à toucher du doigt les codes essentiels du savoir vivre chez les Gardiens de la Lumière.
On lui avait dit que c'était mal, de saboter les bureaux de vote à Disney Town parce qu'il voulait que tout le monde arrête de se vanter de ses bonnes actions (après tout il s'estimait être le seul à ne pas être hypocrite face au fonctionnement de ce royaume gouverné d'une patte de fer par la Reine Minnie) pour gagner ce fameux « concours » qui lui refilait des boutons. On lui avait dit que c'était méchant, lorsqu'il avait ricané en déchirant une à une les pages du grimoire de la Forêt des Rêves Bleus pour que Sora arrête de faire l'impasse sur son entrainement, alors que clairement, sur ce coup-là, il était persuadé d'avoir fait une bonne action.
Et puis qui rêvait de filer un coup de main à une bande d'animaux sous Prozac, sérieusement ?
C'était à s'en donner mal au crâne, tant il y avait de rouages dans cette mécanique niaiseuse, et il avait beau regarder partout dans les sourires chaleureux d'Axel, de Roxas et de Xion, dans l'étincelle qui brillait parfois dans les yeux de Néo lorsqu'il discutait avec son étrange blonde, dans les éclats de bonheur qui transpiraient chez Sora jusque dans sa voix de crécelle, il ne comprenait pas. Et ça le mettait en rogne, Vanitas, de ne pas comprendre, et il était hors de question qu'il aille demander de l'aide à Ventus concernant l'art de la vie en société. Parce que ce serait s'assoir sur son orgueil, sur ce fin fil de sentiment rassurant qu'il avait toujours réussi à identifier comme de la fierté, et que cet état de fait était tout bonnement inenvisageable.
Grommelant quelque chose dans sa barbe, il finit par fixer ses mains en caressant du pouce un long sucre d'orge, cette espèce de canne tordue et collante pleine de vide et de sucre, à l'image même de l'idée qu'il se faisait de cette ridicule fête de Noël. Facile à casser.
Ça avait été la Guerre, bon sang. Des hurlements, des blessures, la peur et le désespoir, l'odeur métallique du sang, l'agonie des abîmes. Riku avait failli mourir, ils avaient failli gagner, enfin, Ansem, Xemnas, Xehanort et ses doubles, lancés corps et âmes dans une bataille éperdue. Donald -un canard bruyant duquel Vanitas se fichait bien, mais apparemment il faisait partie de la Garde de cette andouille de rongeur qu'on appelait le Roi- avait même fini dans le coma avant de daigner se réveiller un beau matin, à marmonner dans ses plumes alors que toute l'équipe s'était trouvée à son chevet pendant des jours et des jours. Ça lui passait au-dessus de la tête, cette espèce d'ambiance légère et joyeuse qui s'était peu à peu installée à l'approche de l'hiver, la montagne de cadeaux au pied du sapin décoré comme pour compenser toutes ces pertes, toutes ces belles promesses pour atténuer la perte de ceux qui n'étaient plus là, le réconfort de la nourriture pour se remplir jusqu'à vomir et oublier un instant la vacuité dérisoire de leur misérable existence.
Pas que Vanitas ait un jour tenu à quelqu'un, et à bien y réfléchir c'était peut-être pour ça qu'il ne pouvait pas comprendre. A part redevenir complet il n'avait jamais rien désiré et maintenant que c'était fait tout lui laissait, ironiquement, une atroce sensation de vide. Il avait passé sa main au-dessus de la flamme d'une bougie pour vérifier si son corps avait encore mal, avait gratté avec un soupçon de fascination la croûte d'une blessure laissée là sur son torse juste après la guerre, comme une recherche de certitude dans ce quotidien lisse et calme propre aux accalmies.
On lui avait toujours répété que les sentiments étaient destructeurs, inutiles aux bons déroulements des événements, et pourtant il aurait tué pour ressentir un peu plus que cette espèce d'impression latente dans sa poitrine, dans ses mains, comme un frisson étrange lorsqu'il se regardait dans le miroir en se demandant s'il avait bien conscience de son corps, du temps, s'il n'était pas encore perdu dans le monde figé et poussiéreux de la Nécropole des Keyblades. Si sa beauté d'enfant buté, pas encore habituée aux sourires autres que cruels ou suffisants, allait un jour s'adapter au sirop moelleux de la compassion, aux mains moites posées sur son épaule après une mission, aux blagues pleines de double sens qu'il enrageait de ne capter qu'une fois sur deux, même en faisant le maximum d'efforts.
Il ne l'admettrait jamais, mais c'était sûrement par crainte qu'il ne parlait à personne, envoyait si souvent paitre ces ennemis qui lui avaient si généreusement tendu la main.
Quand Vanitas parlait il était rarement interrogateur, aimable et clair. Il s'embrouillait même souvent dans des phrases sans fin et si on essayait de lui expliquer quelque chose il rembarrait sèchement quiconque osait lui dire qu'il avait tort, au risque de créer un nombre considérable de frictions au sein du groupe des Porteurs. Par habitude et sans réel désir de changer, Vanitas était resté fidèle à lui-même. Egoïste, moqueur et affreusement satisfait de son attitude de petite diva prétentieuse. Il aimait répandre la désolation dans les mondes qu'il venait sauver, faisait souvent allégrement capoter une mission dont l'intitulé ne lui plaisait pas, prenait réellement plaisir à se délecter de la terreur qu'il voyait passer sur les traits de ses ennemis, et peut-être encore plus sur ceux de ses alliés.
Vanitas parlait mal, Vanitas ne nouait pas d'amitiés malgré la douceur supposée de sa nouvelle existence.
En un mot comme en cent, Vanitas était méchant, et il le resterait sans doute à jamais.
Pourtant, comble du comble, on ne lui reprochait rien. Les gentils appelaient cela « la tolérance », pour soi-disant lui permettre de s'adapter à son nouvel environnement, mais lui interprétait plutôt ça comme une gigantesque preuve de stupidité. On avait pas idée de lui faire confiance, et puis il sentait bien dans les regards que lui lançaient parfois Riku ou Aqua que toutes ces histoires de sincérité n'étaient que pure hypocrisie, encore plus quand on se retrouvait de l'autre côté de la barrière. Quand il était en rogne contre un des membres du groupe ces-deux là gardaient toujours leurs Keyblades à portée de main, tout contre leurs cuisses, prêts à interférer, prêts à agir, prêts à le faire taire si jamais la conversation dégénérait, comme s'il était assez bête pour ne pas voir leurs dents serrées et leurs muscles tendus.
Ventus lui avait soufflé que c'était faux, qu'il était complétement parano, mais il avait remarqué la petite différence de traitement qui s'établissait souvent malgré eux, ces courtes pointes acides lâchées « sans faire exprès » qui le rappelaient vaguement à la souffrance de sa non-existence, à n'être toujours vu que comme un sous-fifre ou pire, un abominable déchet.
Dans ces moments-là, naturellement, il ressentait quelque chose. Mais il était affligé de voir que ses Nescients n'explosaient toujours autour de lui qu'en vagues houleuses et froides, pleines de peur et de honte comme un reflet de sa tristesse et de son amertume, juste avant qu'il ne les élimine lui-même à grands coups d'estoc. C'était pitoyable et il partait souvent se cacher pour pleurer, surpris de trouver là des larmes humides alors qu'il n'avait jamais invoqué autre chose que de la douleur, de la colère et de la rage.
A son grand désarroi, il y avait pourtant autre chose capable de lui secouer le cœur. Il n'y pouvait rien, ça jaillissait sans prévenir et ça lui coupait le souffle sans qu'il n'ait rien demandé à personne. Ca n'était pas de la tristesse, même pas cette envie qu'il avait parfois de faire quelque chose de cruel juste pour s'amuser, ou même le résultat d'une exaltation propre à la victoire.
Non, au départ ça n'avait été qu'une brûlure intense dans la poitrine, différente de celle qu'il ressentait quand il était avec Ventus. C'était plus tenu, plus fébrile. Ça rendait ses mains épouvantablement moites et il ne pouvait plus s'entendre respirer sans avoir envie de se gifler, cuisant de gêne comme son rythme cardiaque s'emballait à la manière d'une danseuse de polka. C'était ridicule, vraiment, et il jetait partout des coups d'œil furieux en s'essuyant les paumes sur tout et n'importe quoi, sifflant régulièrement quelques injures entre ses dents en espérant que personne n'ait remarqué quoi que ce soit d'anormal, de soudainement différent dans son attitude.
Heureusement pour lui, les autres semblaient tous très prompts à nier qu'il ait pu s'émouvoir de quoique ce soit d'autre que de lui-même et de sa pathétique condition de vilain repenti.
Bien.
C'était peut-être dû à la connexion du cœur de Ventus avec celui de Sora, à bien y repenser. Il avait réfléchi longtemps à la question lors de ces nombreuses promenades nocturnes, se questionnant sur le pourquoi de ces étranges sursauts corporels, sur les frissons pas si désagréables qui couraient le long de sa peau alors même que la vision s'imposait à lui, affichant un espèce d'air idiot sur l'ensemble de son visage. Sur comment il en était venu à l'épier du coin de l'œil, l'air de rien, à l'écouter parler juste pour ne pas troubler les accords mélodieux de sa voix, cristalline et légère, évaporée dans l'atmosphère, noyée en dehors du temps.
Après tout, ça n'avait été qu'un sourire. Pas de quoi en faire tout un plat, à première vue rien de trop grave. Mais quel sourire, vraiment. Un petit retroussement de nez assorti d'un rire clair, la tête rejetée en arrière, un tremblement de lumière liquide glissé dans ses yeux d'un bleu éclatant, comme si c'était normal qu'on le regarde comme ça, qu'on le considère, qu'on lui tende la main.
Vanitas ne se sentait véritablement exister que quand Kairi le regardait.
Il savait que c'était stupide, et il se sermonnait en se disant que c'était pire que tout le reste, de se sentir à ce point fasciné par une de ses fichues Princesse de Cœur. N'était-elle pas censée représenter tout ce qu'il avait haï à son paroxysme, un positivisme à tout épreuve, une détermination puissante tout en beauté et en délicatesse ? Un cœur de lumière pure en dépit des ombres de l'adolescence, un diamant de volonté et de gentillesse brut dont chaque facette semblait miroiter une couleur différente, une essence rayonnante toute emplie de douceur ?
Il aurait dû vouloir la détruire comme il avait voulu détruire Ventus, car ce qui était beau était fragile, et par définition toujours plus satisfaisant à piétiner. Il aurait dû vouloir lui arracher ce sourire splendide et repeindre ses traits avec du sang et pourtant il n'arrivait qu'à se confondre en maladresse quand, par mégarde, son bras effleurait le sien au cours d'une discussion, ses doigts son poignet chaud, quand il retrouvait par hasard sur son vêtement une courte mèche de cheveux roux, à l'odeur de jasmin.
Contrairement aux autres, il n'avait pas l'impression que ses sourires à son intention étaient forcés. C'était naturel pour elle de vivre avec un cœur, d'aider ses amis à accrocher les décorations dans la salle des fêtes, de saluer tout le monde sans exception quelle que soit la pièce dans laquelle elle entrait. Il y avait quelque chose de fluide et de limpide dans sa manière d'être, ça ruisselait comme de l'eau quand elle marchait, c'était en elle, ça brillait sans qu'elle n'ait besoin de faire le moindre bruit, de raconter sa vie, de se mettre en avant. Il ne ressentait pas la même chose quand il croisait Naminé ou Xion : l'une était trop blanche pour être nette, l'autre trop entachée par les brumes de ses souvenirs pour lui ressembler réellement. Seule Kairi avait cette démarche, ce parfum, ce rire. Quand elle était là il ne pouvait plus détacher son regard d'elle, à son plus grand désespoir.
Là encore ses intenses prunelles cherchaient à capter sa présence, glissaient à nouveau sur les deux imbéciles comme elles espéraient retrouver ce visage, cette silhouette qu'il avait fini par connaitre par cœur sans vraiment sans rendre compte.
Il sursauta quand une main tiède se posa sur son épaule, bientôt suivie d'un subtil parfum de fleurs fraîches.
─ Vanitas ?
Sans qu'il ne puisse les retenir, un déluge de Nescients se matérialisa subitement à son côté, lui arrachant son sucre d'orge des mains pour se fendre un chemin jusqu'au buffet, leurs petites pattes d'ombres griffant joyeusement le sol tandis qu'il se retournait pour faire face à la nouvelle arrivante, tout sourire.
Son sourire.
Le cœur de Vanitas rata un battement et il jura en voyant un apparaitre une grosse bestiole rose bonbon à sa gauche, apparemment toute empreinte d'amour, de confusion et de malaise.
A la place du sourire charmeur qu'il avait préparé, il ne put produire qu'un semblant de grimace.
─ Euh, tout va bien ?
Vraiment, bravo. Un génie. Du plus bel effet.
─ Ouais, articula t-il difficilement après quelques longues secondes, se raclant la gorge pour en atténuer la désagréable sécheresse.
Il cherchait activement ce qu'il pourrait dire ou faire de plus afin de ne pas paraitre trop bizarre, voire complétement à côté de la plaque. Il ne fallait pas, en aucun cas, qu'elle remarque qu'il n'était pas maitre de la conversation, et ce même si son énorme Nescient couleur guimauve ne faisait rien, mais alors strictement rien pour améliorer la situation.
Tranquillement, il fit mine de fixer un point dans le lointain pour ne pas avoir à croiser directement son regard, juste le temps de trouver une solution. Mais…ses yeux étaient si bleus, d'une clarté parfaite. Encore plus éthérés que ceux de son double mais en mille fois plus étincelants, comme annonciateurs d'un ailleurs éternel et…
Cette pensée lui parut tellement lyrique et transpirante de niaiserie qu'il en retint un hoquet de sidération, refilant un coup de pied bien mérité à sa créature qui c'était dit que ce serait une bonne idée de se mettre à chanter.
─ Tu veux quoi ? lâcha t-il par-dessus les couinements de la petite bête, doucement agacé par les battements de son cœur dont le chant, désordonné, gonflait dans sa tête.
Kairi éclata de rire en camouflant à peine sa bouche et il lutta pour ne pas laisser échapper un Nescient encore plus confus, rosâtre et probablement aussi mou que le précédent.
Dans le cas où il échouerait toute crédibilité serait perdue, et il en entendrait parler au moins jusqu'à la prochaine génération, si prochaine génération il y avait. Il serra les dents, respira fort. Déjà, la grosse créature commençait à fondre en entamant une ode à la joie complétement détraquée.
─ Qu'est-ce qu'y a ? Y'a rien de drôle !
Elle rit encore devant sa moue crispée, et il la regarda faire sans comprendre jusqu'à ce qu'elle sorte un petit paquet de derrière son dos, essuyant la larme minuscule qui menaçait de poindre au bord de ses paupières.
Vanitas fixa d'abord le paquet avec méfiance, plissa longuement les yeux sans réussir à appréhender la raison d'un tel acte. C'était le soir de Noël, oui, ils buvaient tous du chocolat chaud en s'explosant le bide et tout le tralala, mais lui et Kairi ne se parlaient clairement pas assez pour qu'elle ait la soudaine envie de lui faire un cadeau, si ? A moins qu'elle attende quelque chose en retour ? Si c'était le cas, elle pouvait toujours se brosser. Suspicieux, il se décida à lui prendre la boîte des mains pour la secouer dans tous les sens avant, d'enfin, relever la tête.
Devant lui Kairi souriait toujours, les pommettes gracieusement haussées, les mains croisées derrière son dos en attente de sa réaction, heureuse comme s'ils avaient été seuls au monde.
Vanitas sentit son cœur s'enflammer.
C'était une éclaireuse. Une putain d'éclaireuse scintillante de mille feux.
─ Joyeux Noël, souffla t-elle finalement avant de tourner les talons, le plantant là avec des yeux immenses, un présent dans les mains et une horde de Nescients brûlants à ses côtés.
Et pour une fois Vanitas les laissa libres, toujours pas rassuré quant aux émotions que cet instant venait de provoquer. Est-ce que c'était ça, la fameuse magie de Noël dont tout le monde parlait ? Le bonheur intense et éphémère, la sensation de flotter en tombant dans un trou noir, l'impression que le sol venait de s'ouvrir sous ses pieds ?
Avec un soupir exaspéré il se résigna à remettre tout ça à plus tard, se faisant la promesse mentale de demander discrètement à Ventus ce que Kairi avait demandé sur sa liste au vieux gâteux, quand il rentrerait.
