Titre : Aimer d'une autre façon.
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Cela est si réel. C'est agréable et doux sur sa peau.
Il peut sentir la chaleur d'un corps, d'une bouche.
Non, ce n'est pas un rêve.
Bobby se redresse d'un trait. Il était plongé dans un rêve exquis, et l'instant d'après il a les yeux grand ouvert dans l'obscurité de sa chambre.
Rapidement, il fouille du regard. Il voudrait se tromper. Il espère que ce n'était qu'un rêve.
Quand ses yeux se fixent sur l'autre personne dans son lit.
Sa respiration se coupe.
« Mais qu'est ce que tu fouts ? » S'énerve-t-il. Jack relève la tête de dessous les couvertures. Il déglutit et se frotte le coin de la bouche.
Bobby écarquille d'avantage les yeux. Il est dégoûté.
D'habitude, pour garder le dessus, Bobby passe directement à la bagarre. Mais cette fois ci, c'est différent. Il est décontenancé, complètement abasourdi.
« Tu… Tu veux que je recommence ?» Dit l'autre en remontant vers Bobby, ses lèvres divisant son visage en un large sourire.
C'est justement ce que n'arrive pas à comprendre Bobby. Comment ce gamin peut-il sourire comme si de rien n'était : « Mais t'es malade ?! » S'emporte-t-il. Sa voix devient de plus en plus forte et, au fur et à mesure le sourire de Jack disparaît. « Dégage d'ici avant que je te tue ! » Hurle Bobby, le jetant hors du lit d'un coup de pied. Jack tombe au sol, en boxer : « Mais… ». Il est confus, ça se voit sur son visage. Il se redresse et se rapproche du lit où Bobby se rhabille. Là, à côté du lit, il peut sentir toute la colère de son aîné. Alors, il n'ose plus parler. Il se tient juste debout, la tête baissée. Il attend. Il ne sait pas quoi au juste.
« PUTAIN, je t'ai dit de dégager ! » Hurle Bobby horrifié sur le garçon qui reste planté sur le planché. Bobby se maîtrise. Bien que ça n'en ait pas l'air, Bobby refoule le besoin de le cogner. S'il s'était laissé aller à son émotion, le petit serait déjà à terre avec quelques fractures.
L'autre ne bouge pas. Bobby ne supporte plus de le voir. Si il reste là, il risque de lui exploser la tête. Bobby sort du lit d'un bond. Aussi vite, il saisit Jack par le bras et le jette carrément hors de sa chambre. La porte de la chambre de Bobby se referme sur le nez de Jack qui ne comprend plus rien.
Il aime Bobby. Il l'aime tellement fort. Et maintenant, il est fâché.
Il commence à paniquer : « Evelyn… » Pense-t-il entre deux bouffées d'oxygène. Il inspire, il expire de plus en plus vite. L'air manque, il a l'impression d'étouffer. Alors son souffle se fait plus profond. Mais rien n'y fait, il lui faut de l'air. Il titube dans le couloir de l'étage, se rendant aux escaliers. Il descend mécaniquement, l'air complètement absent. Il ne sait plus quel est la marche à suivre. Il voulait juste que Bobby l'aime… Maintenant, il n'a pas d'autre option à part partir.
Pour une fois que tout se passait bien. Ca faisait quelques semaines qu'il était là, et il fout tout en l'air… Comme d'habitude. C'est toujours de sa faute.
Evelyn lui avait montré comment faire des pancakes.
Jerémyah lui avait montré comment faire des cabanes en bois.
Angel lui avait donné une série d'exercices qui le musclerait rapidement.
Bobby le protégeait…
Jack sort de la maison. Pied nu dans l'allée, il se dirige sur le trottoir. Il ne sait pas où il va. Bobby… Il ravale une boule dans sa gorge, l'empreinte de la poigne de son frère sur le bras. L'air tiède de la nuit vient fouetter son dos, il n'en a pas conscience. Un pas après l'autre, juste ça.
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Plus lumineuse que d'habitude, c'est le clair de lune qui l'éveille. Elle se lève, une drôle de sensation dans le creux du ventre. Sa chemise de nuit virevolte sous le léger courant d'air, elle sort de sa chambre et jette un coup d'œil dans celle du dernier. Personne n'est dans le lit, ni dans la chambre. Elle fronce les sourcils avant de descendre. A mi hauteur de la montée d'escaliers, elle s'aperçoit que la porte est ouverte en grand. Elle s'arrête apeurée et fait demi-tour silencieusement.
Lorsqu'elle frappe à la porte de Bobby, elle peut l'entendre s'énerver avant qu'il ne vienne ouvrir. Il se cristallise, les yeux ronds : « Pardon maman, je ne pensais pas que c'était toi… ». Evelyn met un index devant sa bouche pour lui dire de se taire. Ensuite, elle murmure : « La porte d'entrée est ouverte. Je ne sais pas si il y a quelqu'un dans la maison. »
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Après avoir fait le tour de la maison, la porte refermée, tout danger est écarté. Evelyn s'installe à la table de la cuisine, regardant l'horloge qui indique une heure tardive de la nuit.
« Merci, Bobby… Mais… Où est Jack ?» S'inquiète Evelyn. Bobby ne dit rien, face à l'évier, il se remplit un verre d'eau. Il hausse les épaules. Après un instant : « Je vais faire le tour du quartier en voiture… Il ne doit pas être très loin ! »
Evelyn entend de l'agacement dans la voix de son fils. Normal, il est 3h30 du matin. Peut être voudrait-il dormir : « Je peux y aller, tu sais. » Dit-elle, voulant le soulager d'une besogne. Mais Bobby refuse, il oscille la tête : « Ecoute… Je ne sais pas comment le dire, alors je vais résumé. J'ai été un peu brutal avec lui tout à l'heure… Je pense que c'est pour ça qu'il est parti… »
Les yeux de sa mère s'agrandissent : « Brutal ? ». Elle fixe Bobby attendant une explication. Il détourne la tête, évitant ses yeux clairs : « Je n'aurais pas du… Je sais que c'est ce que tu vas dire… Mais, tu aurais dû nous dire qu'il est… Détraqué ! » Se défend Bobby. « Qu'est ce que tu veux dire ? Qu'est ce qu'il s'est passé ? » Lui demande-t-elle. Bobby bafouille mal à l'aise : « Je… Je dis juste qu'il est à côté de ses pompes. J'ai l'impression qu'il a tout un tas de notions erronées. » Un silence s'installe puis Bobby demande : « Il vient d'où ce môme ? ».
Evelyn frotte ses mains l'une sur l'autre et réfléchit un instant avant de répondre : « Il a un dossier énorme… » Dit-elle en levant les yeux au ciel. « C'est le garçon le plus malchanceux que j'ai croisé de toute ma carrière. Il a été placé dans différentes maisons d'accueils et à chaque fois, ça s'est mal passé. Tu sais, on lui a collé l'étiquette de 'débile' mais il ne l'est pas, juste qu'il ne parlait pas. C'est en partie pour ça qu'il n'a pas eu droit aux meilleurs foyers. » Bobby soupire puis murmure entre ses dents « mais, il est débile ! ». Evelyn fronce des sourcils et continue : « Quand tu dis qu'il a de mauvaises notions, je ne sais pas trop quoi en penser. C'est un enfant qui a été manipulé, battu, affamé… C'est un enfant qu'on a trompé, en l'aimant de la mauvaise manière. La dernière maison qu'il a connue, il ne voulait pas en partir. Il se sentait aimé et apprécié mais à quel prix…»
Bobby pince ses lèvres, pas certains de comprendre : « Pourquoi l'avoir enlevé de cette famille si il s'y sentait bien ? ». Evelyn ferma les yeux en repensant à toute l'histoire : « On m'a confié son dossier à ce moment là. Ca été difficile pour moi. Quand je suis venue le chercher, escortée par la police, il pleurait Il ne voulait pas partir. Tu aurais dû le voir… La façon dont il se cramponnait à cet homme. Cet homme qui abusait de lui, cet homme qui disait l'aimer. Jack l'a vraiment cru. Encore aujourd'hui, je suis persuadée qu'il le croit. Jack ne veut pas s'avouer ce qu'il s'est passé entre eux… Il se contente de penser que c'est la seule famille qui ne l'a jamais blessé. » Evelyn s'arrête de parler pour soupirer légèrement puis : « J'ai compris qu'il serait perdu, le jour où l'orphelinat m'a contactée. Je ne sais pas si tu as remarqué mais Jack a une façon particulière de se faire aimer. Il charme, il provoque. Il utilise sa beauté pour se faire aimer. A l'orphelinat, il a eu des comportements équivoques vis-à-vis de certains éducateurs… Ils m'ont alors contacté pour que je déplace Jack sur un autre foyer. Tu imagines bien que personne ne voulait de lui. Alors, j'ai pensé que j'étais sa dernière chance. J'ai peur pour lui. Il a 14 ans. Il pense que l'amour, l'affection n'existe que dans le sexe… »
Bobby serre les poings, nauséeux : « Oh merde ! Maman… On est trois mecs dans cette baraque, tu aurais dû nous prévenir… » Se crispe Bobby. Evelyn acquiesce : « Je sais mais j'ai pensé que je devais agir de la même façon qu'avec vous… ». Bobby s'agite sur sa chaise : « Voyons maman, il ne s'agit pas d'un gosse qui arnaque, vole ou se bat ! Il n'a rien à voir avec nous ! ». Evelyn baisse la tête, elle sait que Bobby a raison : « Je me suis peut être trompée… Mais je ne peux pas l'abandonner. Il a besoin des Mercer, Bobby. Je veux que tu comprennes ça ! »
Bobby comprend mais que dirait-elle si elle savait ce qu'il s'est produit ? « Tu sais… J'adore ce gosse. On le considère déjà comme un frère. Mais sa façon d'agir… ». Bobby repense à ce qu'il s'est passé plus tôt dans la nuit. Il ne sait pas si il doit en parler à sa mère. De toute façon, il n'oserait pas. Maintenant, il sait tout. Il comprend mieux. Sa colère n'est plus dirigée vers Jack, mais plutôt vers ceux qui l'on bousillé. « Je vais l'aider maman… Je te le promets… ». Evelyn prend la main de Bobby dans la sienne, un regard infini de compassion et de gratitude dans ses yeux humides.
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Merde, merde, merde et merde !
Le jeune adolescent aimerait bien se lever pour partir. Mais il n'y arrive pas. Son corps reste figé dans la même position, assis sur le banc d'un arrêt de bus. Il voit la silhouette connue se rapprocher d'un pas décidé, le regard fixe, l'allure pressée. Jack baisse la tête. Par peur, par honte, par désarroi. Il sait que si Bobby croise son regard en cet instant, il pourra y voir toute l'étendue du monde dans lequel il est perdu.
« Que fais tu là ? » Demande Bobby en détaillant la zone d'arrêt de bus. « Tu comptes aller où ? ».
Jack ne sait pas vraiment. Il s'est juste assis quelques minutes auparavant. Il est en quête de protection, d'amour. Il se sent tellement vide au fond de lui. « Je veux rentrer chez moi… » C'est la seule chose qu'il répond. Les mots s'écoulent sans qu'il en ait vraiment conscience. Bobby l'observe, un pincement au cœur. Il voudrait que Jack considère la maison des Mercer comme la sienne, mais ce n'est pas le cas. « Rentre avec moi ! » Dit Bobby, posant sa veste sur le dos du garçon en sous vêtement. Jack a un hoquet. En respirant, il peut sentir l'odeur rassurante du blouson de Bobby, son odeur. L'aîné des Mercer est si gentil avec lui. « Je… Je ne comprends plus. Qu'est ce que je dois faire ? » Demande Jack, la voix enrouée.
« Tu dois faire ce qui est le mieux pour toi. Et je pense que c'est de revenir avec moi. Tu ne te plais pas avec nous ? » Demande Bobby hésitant, en s'asseyant à côté de Jack, tentant de capter son regard. Jack tourne la tête légèrement. Il entrevoit Bobby entre ses mèches de cheveux. « Si… Mais, je me sens mal… » Jack détourne sa tête, fixant ses mains «Vous ne me demandez rien en échange… J'ai l'impression de ne servir à rien… » Finit-il par murmurer.
Bobby souffle longuement, les paroles de sa mère résonnant encore dans sa tête. « Jack… Tu es notre frère. C'est un fait, c'est comme ça ! Tu ne dois rien faire pour le mériter. Ca restera comme ça jusqu'au jour de ta mort. » Explique Bobby. Bobby se relève. Jack a grandi avec tant d'idées fausses. Toute sa vie est à reconstruire. Toute sa façon d'interagir avec les autres aussi. Ca ne va pas être facile. Après avoir vécu aussi longtemps dans le mensonge, Jack aura du mal à croire les gens. Bobby sait qu'il va devoir rétablir la vérité. Ca prendra le temps qu'il faudra, pense Bobby. « Viens, on rentre à la maison » Dit Bobby, invitant Jack à monter sur son dos.
Bobby sent la joue humide de Jack dans le creux de son cou. Il n'en dit rien. Il sent, à la façon dont le gamin s'agrippe, que le petit cherche du réconfort. Bobby se contente de marcher, Jack sur son dos, dans la rue éclairée, en direction de leur maison.
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Fin… Enfin, on verra… Si j'imagine une suite à cette fic, je n'hésiterais pas à vous la faire partager.
