C'est parti d'une figurine dans le magasin dans lequel je travaille, que j'ai prise en photo et que j'ai envoyé à une amie. Je l'ai appelée Canard-san et le soir même, j'avais l'idée de ce truc. C'est franchement assez bizarre, mais je suis bien amusée à l'écrire, sans me prendre la tête. J'espère que vous apprécierez autant le lire !

Disclamer : tous les personnages que je maltraite vilainement sont à Mister Kishimoto

Sasuke rentrait de mission. Une mission particulièrement éprouvante pour ses nerfs et pour ses muscles. Le Hokage oubliait parfois qu'il n'avait plus dix-sept ans et qu'il n'était plus si agile qu'avant. De plus, nous étions en juillet et il avait chaud sous ses habits de ninja. Parfois, il regrettait amèrement le look débraillé qu'il arborait lorsqu'il était encore en dehors du village. Mais encore une fois, le Hokage lui avait fait clairement comprendre qu'il ne reprendrait jamais du service pour lui dans cet accoutrement. Mais ce qu'il ne comprenait pas, bien caché dans sa tour, c'est que le noir attirait la chaleur. Il avait l'impression d'être dans un four.

Oui, Sasuke s'imaginait très bien dans son bain plein de glaçons, à se délecter de la fraîcheur. Mieux encore, penché sur un bon bouquin — celui qu'il lisait en ce moment était une parfaite histoire de vengeance comme il les aimait. Puis, soudain, il s'arrêta. Il savait ce qu'il allait faire, après son bain froid. Il allait s'attabler avec ses rouleaux vierges et son encre noire et il allait écrire ses mémoires. Ça lui avait pris lorsqu'il s'était rendu compte, au bout de pas mal d'années, que la vie de ninja était quelque peu dangereuse. Il avait déjà trouvé le titre — les Mémoires d'un Vengeur — et rédigeait la première partie — Les Prémices d'une vengeance. Oui, ce serait parfait.

Les portes du village de Konoha apparaissaient enfin devant lui. Il savait que son retour était attendu, puisqu'il avait envoyé un faucon au Hokage. Il s'apprêtait à saluer les gardiens en poste, quand ceux-ci le devancèrent.

— Bien le bonjour, Canard-san. Bienvenue chez vous.

Bien entendu, il toqua violemment au surnom qu'on venait de lui donner. Il était un ninja reconnu, il était Sasuke Uchiha. Il n'était pas un vulgaire volatile.

— Pardon ?

— Nous vous souhaitons la bienvenue. Le Hokage vous attend pour votre rapport.

— Je parlais du nom que vous m'avez donné. Pouvez-vous répéter s'il vous plaît ?

— Canard-san ? Mais il s'agit de votre nom, maître Uchiha.

La colère monta en lui comme une flèche. Il détestait au plus haut point qu'on se moque de lui. Habituellement, c'était lui qui regardait tout le monde de haut. S'il s'écoutait, il plongerait ces deux guignols dans son genjutsu le plus puissant. Mais encore une fois, il savait que le Hokage lui tomberait dessus et il préférait éviter.

Il passa donc outre, non sans leur envoyer un regard rouge sang pour les effrayer. Sa réputation n'était plus à faire et il en était heureux. Ça, c'était quelque chose qui n'avait pas changé depuis son retour au village. Il faisait toujours peur. C'était quelque peu gratifiant.

Il s'engagea donc dans la rue principale de Konoha. Depuis la fin de la Quatrième Grande Guerre, la technologie avait envahi toute la ville. Les affiches publicitaires avaient été remplacées par des écrans géants, et il avait aussi cette abomination. C'était Shikamaru qui lui en avait parlé. Cela remplaçait ses fidèles rouleaux et son encre favorite. Il y avait une sorte de planche avec des lettres dessus et un écran — encore un. Il fallait taper sur les lettres et elles se retranscrivaient sur l'écran. Il ne comprenait pas le principe de cet ordinateur et pourquoi diable ça lui ferait gagner du temps. Il avait envoyé valser le ninja stratège avant d'aller faire le plein de rouleau chez un revendeur qui menaçait de fermer ses portes. Il s'était promis d'empêcher cette tragédie lorsqu'il reviendrait.

D'ailleurs, il avait pu gagner de l'argent pendant son voyage. Il se décida à passer dans la petite échoppe. Peut-être trouverait-il un rouleau spécifique pour la suite de ses mémoires. Il lui fallait le meilleur des papiers — pour le meilleur des ninjas et la vengeance la plus parfaite, assurément. Il entra donc dans le magasin qui donna de son doux carillon. Ce petit bruit lui rappelait celui qu'il entendait en plein été dans la maison familiale, avec Itachi. C'était un bon souvenir et malgré le titre de ses mémoires, il l'avait retranscrit. Parce que, justement, cela donnait plus de corps à sa vengeance. Il était un génie.

— Bonjour Canard-san. Comment allez-vous aujourd'hui ? Vous rentrez de mission ?

Encore une fois, il toqua violemment. C'était une blague. Une vaste blague. Une fois était déjà de trop, mais deux ? Impossible. Il devait être plongé dans un puissant genjutsu. Ignorant le vieil homme qui tenait la boutique, il composa les mudras de rupture de sort.

— Pouvez-vous répéter mon prénom, je vous prie ? demanda-t-il, sur et certain d'entendre la magnifique appellation choisie par ses parents.

— Canard-san. Est-ce que vous vous sentez bien ? Voulez-vous passer à l'hôpital ?

L'hôpital, là où travaillait Sakura. Forcément, elle allait pouvoir l'aider. Si ce n'était pas un sort, alors peut-être était-ce une malédiction ou quelque chose du genre. La mediknin allait pouvoir le sortir de là. Et puis, cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vue. Il partit donc de la boutique sans avoir rien acheté — bien fait pour lui, pensa-t-il dans son intense esprit de vengeance.

En chemin, il s'arrêta devant une nouvelle boutique qui avait poussé pendant son absence. Ces trucs-là étaient comme des champignons. Il jeta un œil à l'intérieur et se recula vivement. Celui-ci, c'était un champignon vénéneux. Un poison sordide qui se glissait dans les veines et qui vous tuait à petit feu.

Des lignes de ces ordinateurs étaient placées sur des tables. On voyait l'écran de certains, et simplement les cheveux de ceux qui les utilisaient pour d'autres. C'est ainsi qu'il reconnut l'ananas de Shikamaru, qui se leva presque au même moment. Il le vit et sortit de la boutique.

— Salut Canard-san. Enfin rentré de mission ?

Il toqua toujours, mais avec moins de véhémence que les fois précédentes. Il était malade, il avait avalé un truc pas frais dans une de ces auberges douteuses du pays de l'eau. Il n'y avait rien à craindre, Sakura était la meilleure.

— Le Hokage doit t'attendre, reprit Shikamaru en se sortant une cigarette.

— Pourquoi n'y es-tu pas, toi ? Tu n'es pas son conseiller stratégique ?

— Je me suis fait éjecté de la tour, parce que je soupirais trop. Le Hokage m'a donné un jour de congé, alors je suis venu m'éclater ici.

Sasuke grimaça. Il ne voyait pas ce qu'il y avait d'amusant dans ces choses. Le Nara compris immédiatement le regard franchement dégoûté du Uchiha et décida de l'appâter vers l'intérieur.

— On joue à un jeu avec Choji et Ino. Tu peux choisir un personnage et le faire combattre contre d'autres. C'est marrant, on est en train d'exploser Suna.

Sasuke parut parfaitement désintéressé et ne peut même pas la peine de hausser les épaules. Alors, Shikamaru, en manipulateur hors pair, enfonça une dernière fois le clou.

— Un des personnages a comme sous-titre La flèche de la vengeance et n'arrête pas d'en parler.

Le regard du brun s'illumina de la même manière que celui de Naruto lorsqu'on lui proposait d'aller manger des ramens chez Ichikaru. Il avait une soudaine, très soudaine envie de rentrer dans cette boutique étrange — un cybercafé en réalité — d'observer ce tas de pixels se venger.

— Dès que j'ai donné mon rapport au Hokage, je reviens ici. Je veux voir cette Flèche de la vengeance de mes propres yeux.

— Mais bien entendu, Canard-san.

Certes il abandonnait son idée de rédaction de ses mémoires. Mais elles n'allaient pas s'envoler. De plus, cela rajoutait un capital vengeance à sa vie et ce n'était pas de trop. Depuis qu'Itachi et ce cher Danzô étaient morts, il ne pouvait plus trop de venger sur grand monde — il faisait malheureusement trop peur aux enfants pour qu'ils essaient de le piéger, il ne pouvait donc plus de venger.

Un microscopique sourire sur les lèvres à l'idée de continuer à se venger, il reprit la route en bifurquant vers l'hôpital général de Konoha. Sakura y avait obtenu un poste de médecin en chef à la fin de la Grande Guerre et tout ce qu'il pouvait dire, c'était qu'elle était dans son élément. Elle pouvait donner des ordres, hurler sur les gens et frapper sur des bureaux à sa guise. Elle était également extrêmement douée pour le ninjutsu médical et soignait du petit bobo à la grosse plaie ouverte.

En tant que ninja célèbre, il ne prit même pas la peine de se présenter à l'accueil. Il monta directement vers le bureau de son amie, sous les cris de la réceptionniste. Au moins, elle l'appelait par son nom de famille, ce qui lui évitait d'entendre à nouveau cet horrible Canard-san.

Il entra dans le bureau sans toquer — il était un ami, après tout — et trouva la jeune femme plongée dans des papiers.

— Sakura, il faut que tu fasses ton travail.

Jamais il ne dirait qu'il avait besoin d'aide. Ego des Uchiha oblige.

— Bonjour à toi aussi, Canard-san. Merci, je vais très bien, et non, je ne suis pas du tout occupé, ça ne se voit pas ?

— Plus tard tes crises de politesse. Je crois que je suis malade. Tout le monde m'appelle Canard-san. La moindre petite personne dans ce village. J'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'un genjutsu et j'ai tenté de le rompre, sans succès. Je pense donc que j'ai dû m'intoxiquer.

Il commença à se déshabiller sans avoir reçu la moindre instruction de la médecin. Celle-ci l'arrêta à grands cris.

— Wow wow wow, tu me fais quoi là ? Je croyais que ta phase exhibitionniste était passée. Tu n'as plus dix-sept ans, tu sais.

Depuis qu'elle n'était plus amoureuse de lui, Sakura était devenue nettement plus nature avec Sasuke. Il s'en réjouissait parfois, ravi de ne plus avoir de boulet dans les jambes. Mais dans ce genre de cas, il aurait préféré qu'elle garde sa langue dans sa poche. Son petit ego était fragile.

— Je me dévêts afin que tu m'examines. Tu sais, pour la maladie qui me fait délirer.

— Et pourquoi tu penses ça, justement ? T'as le même teint cadavérique que d'habitude, pourtant.

— Parce que vous m'appelez tous Canard-san. Alors que mon véritable prénom, c'est Sasuke.

— Ah non, ton prénom, c'est Canard-san. Tiens, regarde.

Elle attrapa un cadre sur son bureau, qu'elle retourna ensuite. Il contenait la photo de leur équipe, la septième, avec Kakashi-sensei. Au dos, étaient inscrits leurs noms à tous les trois.

Naruto Uzumaki

Sakura Haruno

Canard-san Uchiha

Il crut rêver. Pire, tomber dans un trou noir et ne jamais réussir à s'en sortir. C'était un horrible cauchemar. Ce n'était pas une maladie quelconque, quelque chose qui était monté à son cerveau. C'était une réalité. Il n'était plus Sasuke, mais Canard-san.

— Merci Sakura. Bonne journée à toi.

Il s'en alla du bureau fier — parce qu'il était un Uchiha tout de même —, mais l'intérieur de sa personne était dépité. Il allait devoir s'habituer à cette nouvelle appellation. Ses parents, son frère et même tout son clan devaient se retourner dans leur tombe. Adieu, son beau prénom. Il l'avait bien servi.

Dans une humeur morose — mais uniquement de l'intérieur, surtout pas à l'extérieur —, Sasuke se dirigea vers la tour du Hokage. Il se fit saluer par les gardes à l'entrée, gardes à qui il demanda très expressément de n'utiliser, dorénavant, que son nom de famille. Au moins, il n'aurait pas l'impression de ne pas être lui-même. Il monta les escaliers vers le bureau du Hokage, tout en réfléchissant. Son identité avait dû changer pendant sa mission. On avait dû modifier son livret de famille, son acte de naissance aussi. C'était une vraie catastrophe et il se promit d'en parler au chef du village.

Pour la première fois de sa vie, il toqua. Sakura était un mauvais médecin finalement. Il était bel et bien malade.

— Oui, entrez, lança la voix de l'autre côté de la porte.

Il tomba sur un bureau en bordel monstre, avec des bols vides de nouilles instantanées en plastique, des emballages de barre énergétiques et un nombre incalculable de thés froid. Le tout était accompagné d'une montagne de papiers en tout genre. Et au milieu de tout ça, Naruto somnolait à moitié sur son rouleau, la main en l'air — c'était quelqu'un de bien, il n'utilisait pas cette traîtrise d'ordinateur.

— C'est moi, imbécile. Réveille-toi donc, tu fais peur.

La figure émergea, les cheveux blond coupé court. Sasuke ne lui avait jamais dit, mais il trouvait cette coupe plus adulte. Étonnement, ses cheveux étaient plus doux ainsi, et les mèches ne se coinçaient plus systématiquement dans son bandeau qu'il continuait à porter. Et puis, tout bêtement, il était plus beau.

— Mmmph ? Qu'est-ce tu fiches ici ?

— Je reviens de mission. Je viens te faire mon rapport. Je fais mon job, réveille-toi et fais le tien, le blond.

Si les personnes travaillant dans la tour le voyaient parler ainsi au chef du village, ils en feraient une syncope. Mais Sasuke ne supportait pas cette fausse politesse entre eux. C'était Naruto après tout. Celui-ci eut d'ailleurs l'air de se réveiller et écarquilla ses yeux bleus ciel. Il regarda son ancien coéquipier avant d'éclater de rire comme un gamin, renversant un restant de sauce sur des papiers à l'air important.

— Je peux savoir ce qui te fait rire idiot ?

— Comment tu vas, Canard-san ?

L'intonation, le regard en coin, la main artificielle posée contre son menton, toute la position de Naruto indiqua à Sasuke qu'il y avait un problème. Un sérieux problème. Le sourire du blond grandit plus encore et soudainement, l'héritier du Sharingan compris. Il comprit tout.

— Tu n'as pas fait ça Naruto ? Non, ce n'est pas vrai, tu n'as pas osé ?

Il appuya sa seule main sur le bureau et laissa sortir ses yeux qui avaient fait sa réputation. Le violet du Rinnegan était encore plus impressionnant ainsi. Il aurait également pu invoquer Kunsanagi, mais ça aurait fait sans doute trop.

— T'as l'air vachement en colère, mon petit Canard. Un problème ?

— Tu trouves que je ressemble à un volatile qui fait coincoin ?

La phrase eut raison du quelconque sérieux du Hokage. Il repartit dans un sourire, renversant toujours plus de sauce et de thé sur des papiers. C'était Shikamaru qui allait être content. Le brun, lui, était tout à fait sérieux. Il en activa même le Kaléidoscope hypnotique. La colère le rongeait de l'intérieur. Pire, un sentiment qu'il ne connaissait plus depuis longtemps vint gratter au creux de son cœur.

— Heureusement que non. Par contre, tes cheveux, on dirait une queue de canard, surtout quand on passe lentement la main dessus, tu sais, comme j'aime bien faire. C'est quand t'es parti et que tu m'as dit au revoir que j'ai eu cette idée. Mais range-moi tout cet attirail visuel, ou on va encore croire que tu veux me zigouiller.

— Je veux te zigouiller.

Ça y était. Il avait mis un mot sur ce sentiment, oublié depuis son retour au village.

— J'ai une soudaine envie de me venger.

Et une nouvelle fois, la lumière s'alluma dans l'esprit de Sasuke. Dire qu'il appelait le blond idiot, c'était lui qui ne savait pas réfléchir plus loin que le bout de son nez. C'était logique. Parfaitement logique.

— C'est bon ? T'as compris ?

Le blond s'amusait avec son siège à roulette, s'éloignant et revenant vers la fenêtre. Dire qui exultait était un euphémisme. C'était un pur délice de voir l'autre mettre le puzzle en place.

— T'as fait ça pour moi ? T'as été dire à l'entièreté du village de m'appeler Canard-san pour que je puisse le découvrir et me venger de toi ?

— Ouaip. Être Hokage a ses petits avantages tu sais.

Une roulette de plus et il était non loin du brun, qui ne parvenait pas à le lâcher des yeux. Il avait besoin d'explication. Là, maintenant, tout de suite.

— Plus sérieusement, je sais que la vengeance est un truc important pour toi. J'ai abandonné l'idée de te la faire oublier, parce que tu te construis avec depuis tes huit ans. Et puis là, soudainement, tu as arrêté de chercher à te venger. Tu t'es rangé. Sauf que ça se voit que ça te manque, quand on te connait aussi bien que moi. J'ai mis en place ce plan pour que tu puisses être réellement toi-même sans te faire du mal, ou que tu te lances dans des plans de destruction massive.

— T'es un idiot.

— J'suis un idiot amoureux, Sasuke.

Entendre son prénom lui donna des sueurs froides. La chair de poule. Il se sentit aussi mou qu'une de ces guimauves que Naruto adorait gober par paquet de trois. Il ferma les yeux. Et laissa échapper quelques mots.

— Redis-le encore.

— Quoi donc ? Que je suis un idiot ?

— Bien que j'apprécie que tu te rendes compte de la réalité, je ne parlais pas de ça. Je parlais de mon prénom.

Il eut un blanc. Un de ces silences qui disaient tant de choses et en même temps, pas une seule. Les silences que le brun préférait.

— Canard-san.

Une douche froide. Les yeux ouverts, Sasuke était prêt à enfermer le blond dans le pire des genjustu pour lui avoir fait cet affront. Le blond se retint de rire et se rapprocha plus encore. Il se leva avec lenteur de sa chaise et glissa dans l'oreille de son compagnon.

— Sasuke.

C'était quand même plus beau qu'un vulgaire volatile, tout de même.