Bonne lecture à vous, qui que vous soyez...

Pandore


PROLOGUE

Après des années d'un combat sans merci, la Guerre était enfin terminée.

Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom était mort, tué par Harry Potter, Elu et Survivant du Monde Sorcier. Malgré cela, l'heure n'était pas à la fête. Il y avait bien trop de pertes pour ne serait-ce que se réjouir de la fin d'une bataille vieille de vingt ans, bien trop de morts devant être pleurés et regrettés pour se sentir satisfait d'avoir gagné.

Fred, Remus, Tonks et des centaines d'autres avant eux, dont Sirius et Severus, ou encore James et Lili, premières grandes victimes de cette guerre. Il n'était pas totalement faux d'affirmer que chaque rescapé, chaque personne présente dans la Grande Salle avait perdu un être cher à ses yeux. Un père, une mère, un enfant, un frère, une sœur ou un ami, qu'importe : la Mort ne faisait aucune distinction.

Dans un coin de la pièce, les membres de la famille Weasley s'étaient regroupés autour du corps sans vie de Fred. Le regard perdu et empli de souffrance de Georges s'apparentait à une torture pour toute personne n'osant ne serait-ce que l'observer. Il venait de perdre l'autre moitié de son âme, son double, lui-même. Molly et Arthur, ne sachant comment apaiser la douleur de leur fils ou la leur, se contentaient de murmurer encore et toujours des phrases qu'ils savaient dénuées de sens et de profondeur. Mais y avait-il meilleure option ?

Aux pieds de Remus et Nymphadora Lupin, un Harry Potter effondré et épuisé, autant mentalement que physiquement, se remémoraient les bons moments qu'il avait passé en compagnie du dernier ami de son père. Après la disparition de Sirius, Remus Lupin lui avait donné la force d'avancer, d'honorer la mémoire de son parrain en lui expliquant que Patmol, de là où il était, devait certainement se sentir heureux et soulagé de le savoir en vie. « Ce n'est pas des morts dont il faut avoir pitié Harry, mais de ceux leurs survivants ». A l'époque dénués de sens pour Harry, les mots de Remus prenaient désormais toute leur signification.

Un peu à l'écart de tout le monde, la jeune Hermione Granger semblait être la seule dont le visage n'était pas marqué par la tristesse et le désespoir. A dire vrai, un léger sourire flottait sur ses lèvres, signe d'un soulagement pur. Après tant de recherches dans la bibliothèque des Black et des semaines d'entrainement, il eut été dommage que tous ses efforts se transforment en poussière à cause de sa mort. Mais elle ne souriait pas parce qu'elle était en vie. Non, elle souriait car elle savait qu'ils n'étaient pas perdus pour toujours.

Avant qu'elle ne parte avec Harry et Ron pour la chasse aux Horcruxes, Hermione avait retrouvé refuge au sein du tristement célèbre 12 Square Grimmaurd. Contrairement au reste de l'Ordre, elle s'y était toujours senti chez elle, un peu comme si elle connaissait les lieux avant même d'y avoir mis le pied pour la première fois l'année de ses quatorze ans. Irrémédiablement attirée par la grande bibliothèque des Black, elle y avait passé de nombreuses heures à la recherche du plus infime indice pouvant les aider dans la quête des Horcruxes.

C'est alors qu'elle était tombée sur un livre sans titre et à la couverture noire. Au départ à son paroxysme, sa bonne humeur était rapidement retombée en constatant l'absence de toute écriture. Enervée, elle le referma avec une telle rage qu'une feuille lui entailla le doigt, provoquant par la même occasion l'écoulement d'une grosse goutte de sang sur ledit livre. Presque immédiatement, un titre apparu. « Artefacts et Sortilèges des illustres familles de Sang Pur ». Au fil de sa lecture, et après trois entailles assez larges sur son bras afin de récolter plus de sang, ses yeux s'étaient agrandis. Là, à la page 394, on stipulait clairement et sans détour que le sortilège Avada Kedavra, loin d'être mortel, n'était en réalité qu'un extracteur d'âme. Un sort oublié après l'apparition des premiers Détraqueurs. Seulement, à l'inverse du baiser des Gardiens d'Azkaban, l'Avada Kedavra était réversible. Autrement dit, il était possible de ramener les « morts » à la vie. Hermione était restée dans la bibliothèque des Black jusqu'à ce qu'une Tonks inquiète ne lui demande ce qu'elle fabriquait depuis des heures dans le noir. Elle avait loupé le diner.

Secouant la tête au souvenir d'une Nymphadora grimaçant d'ennui face à ses longues explications concernant un quelconque et imaginaire livre d'Arithmancie, Hermione se leva de l'endroit où elle s'était effondrée il y a de cela quelques minutes et se dirigea d'un pas lent vers le corps de Fred, celui-ci toujours bercé par son frère dont le teint palissait de minutes en minutes. Beaucoup la regardèrent d'un air blessé et furieux, ne comprenant décidément pas pourquoi elle n'avait versé aucune larme depuis la fin de la Guerre. Ils ne pouvaient pas comprendre qu'elle avait envie de rire à gorge déployée et de crier son bonheur à la face du Monde. Qu'elle allait les ramener, tous autant qu'ils étaient.

- Je devrais le laisser un peu plus longtemps endormi pour toutes les fois où vous m'avez réveillée en pleine nuit avec vos inventions rocambolesques et inutiles.

- Quoi ?, murmura un Georges aussi surpris qu'en colère. Mon frère est mort Granger, c'est quoi ton problème ?

- C'est Granger maintenant ?, ria la principale concernée. Pas sympa de ta part.

- Tu es complètement folle, s'écria son interlocuteur d'une voix si puissante qu'il attira l'attention sur lui en un clin d'œil. Fred est mort, Dora et Remus sont morts, enfonce-toi ça dans le crâne !

- Recule, lui conseilla une Hermione indifférente à sa crise de colère en sortant sa baguette. Je ne sais pas trop comment ça fonctionne, alors recule.

Par pur réflexe, une dizaine de personnes, dont des Weasley incertains, pointèrent à leur tour leurs baguettes en direction de la jeune femme. Ne se souciant aucunement de son public, Hermione dirigea sa baguette vers la poitrine de Fred est entonna d'une voix clair et distincte « Regeneratio Temporum ».

- Qu'est-ce que…

Georges n'eut pas le temps d'élaborer sa question qu'une lumière blanche, aveuglante, traversa la pièce à une vitesse ahurissante avant de se loger au plus profond du corps de son frère. Les trois secondes suivantes furent exceptionnellement longues et silencieuses avant que, sous leurs yeux ébahis, Fred inspira une grande bouffée d'oxygène et se mit à tousser. Enfin, doucement, il ouvrit les yeux sur un monde nouveau et sourit face au regard incrédule de son jumeau. Ce fut Molly qui réagit la première en criant de joie et en attrapant son fils dans ses bras avant de se mettre à pleurer comme jamais auparavant.

Après cela, ce fut l'effervescence. Hermione Granger venait de ressusciter un mort, l'espoir revenait dans le cœur de chacun. Sur le point de se rendre auprès de Remus et Nymphadora, ce fut un Georges en larmes qui la souleva dans ses bras, murmurant des remerciements à n'en plus finir. Sentir les larmes du jeune homme glisser le long de son cou était étrangement réconfortant. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas vu quelqu'un pleurer de joie…

- Tu l'as ramené, ne cessait-il de répéter. Merci, merci, merci, par Merlin merci…

- Si vous me réveillez encore une fois à trois heures du matin pour me demander de vérifier une formule, je vous tue de façon Moldue.

- Je te donnerai l'arme moi-même, ria-t-il de bon cœur. Mais comment tu as fait ça ?

- C'est une magie trop précieuse pour être dévoilé à la légère. Estimons-nous simplement heureux de la connaitre, d'accord ?

- Tout ce que tu veux Hermione. Tout ce que tu veux.

Après un dernier sourire à l'intention de Georges, Hermione se dirigea vers le couple d'Aurors que formaient Remus et Tonks. Une fois la formule prononcée, tout se passa à l'identique : deux lumières blanches traversèrent la Grande Salle avant de plonger dans le corps de leurs propriétaires. Les deux amants se réveillèrent sans comprendre par quel miracle ils étaient en vie. Voyant Harry leur sauter dans les bras, Hermione décida qu'elle serait plus utile auprès des autres familles, laissant volontiers les explications à son meilleur ami.

Abasourdi et impressionné, Remus observait Hermione déambuler à travers la Grande Salle. Il avait parfois du mal à se rappeler qu'elle n'avait que dix-sept ans face aux exploits qu'elle accomplissait au fil des années. Elle avait bien changé depuis l'épisode de la Cabane Hurlante. Encore plus depuis la première fois où il l'avait croisée. Ma précieuse Mia…

Il chassa du mieux qu'il put ses douloureux souvenirs et se tourna vers sa femme, désirant savoir si elle allait bien. Quelle ne fut pas sa surprise en la trouvant dans une étreinte plus qu'amicale avec Charlie Weasley, son ancien petit ami. Il aurait dû être vert de jalousie, voire fou de rage, mais tout ce qu'il ressentait en cet instant était l'envie. Que n'aurait-il pas donné lui-même pour être dans les bras d'une certaine personne en cet instant ? Les secrets étaient tellement lourds à porter…

Tonks remarqua le regard de son mari. Depuis quelques temps, la jeune femme avait perçu un trouble au sein de son couple. Remus était de plus en plus distant envers elle et même durant leurs nuits, le lycanthrope était moins passionné qu'avant. Elle savait pertinemment que cet homme qu'elle chérissait tant ne l'avait jamais aimée comme elle l'aimait. Dès le début de leur idylle, on aurait pu croire que leur couple était une fatalité aux yeux de son compagnon. Certes, il était tendre et toujours attentionné, mais pas comme un mari envers sa femme.

Et puis elle avait compris qu'il en aimait une autre, depuis très longtemps. Elle le savait depuis maintenant un an. Un an qu'ils faisaient semblant d'être heureux aux yeux des autres. Un an que leurs vies ne se résumaient qu'à des bonjours et au revoir, parfois des étreintes nocturnes sans réels sentiments. D'un commun accord, ils avaient décidés de se séparer après la guerre s'ils restaient en vie. Chose devenue possible grâce à Hermione.

Hermione.

Nymphadora ne savait pas comment faire pour lui révéler ce secret si lourd. Elle était quasi certaine que la jeune femme le prendrait très mal, voire violemment. Cela faisait tout de même dix-sept ans qu'ils lui mentaient, elle et Sirius. Mais comment auraient-ils pu lui avouer cela en plein milieu d'une Guerre dans laquelle elle se battait aux côtés de ses meilleurs amis ? C'était impossible.

Pourtant, aujourd'hui, cet exploit qu'Hermione accomplissait prouvait une bonne fois pour toute sa parenté avec eux. Cela la rongeait à petit feu de l'avoir si près d'elle et, en même temps, si loin. Elle ne pouvait pas la prendre dans ses bras en lui racontant calmement des histoires. Elle ne pouvait pas discuter avec la jeune femme sous peine de pleurer en la regardant dans les yeux. Hermione avait grandi et s'était épanouie sous leurs yeux vigilants et attentifs, à elle et Sirius.

Tonks aussi avait découvert le livre renfermant le contre-sort de l'Avada, mais son lien avec eux n'était pas assez pur pour l'exécuter correctement. Seule Hermione le pouvait. Cette vague de culpabilité lui donna mal au crane et elle releva la tête pour plonger ses yeux dans ceux de son futur ex-mari.

Et ce fut en ce jour malheureusement heureux, que Remus, après un an de vie monotone et mensongère, lui adressa un sourire éclatant tel qu'elle n'en avait jamais vu. Car aujourd'hui, envers et contre tout, ils allaient enfin se séparer pour mener leurs vies chacun de leur côté, plus joyeuses que jamais.

Et dans peu de temps, ils allaient avouer à Hermione la vérité sur dix-sept années de mensonge.


A lundi mes chers Potteriens...

Pandore