Rodrigues était intrigué. Il ne savait pas trop ce qu'il faisait là. Il n'avait que 9 ans après tout. Mais sa maman lui avait expliqué vaguement les choses avant son départ de son petit village de Palmones, près de la baie de Gibraltar. Il devait partir avec un monsieur pour un certain temps et ne pourrait pas revoir sa maman ou sa petite soeur. Sa maman avait pleuré en le serrant dans ses bras avant de l'attacher à l'arrière de la voiture du monsieur. Le trajet serait long. Ils partaient de Palmones pour Madrona, d'après le monsieur. Rodrigues ne savait pas où était Madrona, mais ça semblait loin.
Une fois la voiture en route, le monsieur lui avait sourit dans le rétroviseur.
"Hola pequeño ! Je suis Antonio Fernandès-Carriedo. Mais tu peux m'appeller Antonio ou Tonio si tu veux."
Rodrigues hocha la tête avant de regarder le paysage pour un moment. Puis la curiosité finit par l'emporter.
"On va rouler combien de temps ?"
"Environ 7 heures sans pauses. Mais ne t'inquiètes pas, on en fera. Dis-moi, tu préfères Madrid ou Séville ?"
"Pourquoi ?"
"Il y a deux routes pour aller à Madrona. L'une passe par Séville et l'autre près de Madrid. Mais j'habite près de Madrid de toutes façons, alors on pourra y aller le week-end si tu veux."
"C'est vrai ?"
Le petit Rodrigues était curieux. Il n'était jamais sortit de Palmones, sauf une fois pour aller vendre du poisson à Los Cortijillos. Sa mère était poissonière et allait de temps en temps dans les villages avoisinants. Ils avaient été voir, après une journée de vente, un film à l'Odeon Multicines et avaient vue la Torres de Hércules. C'était tout. Rodrigues n'avait jamais voyagé. Alors Madrid ? Et Séville ?
"Tu t'y feras vite. Je vais souvent dans les grandes villes comme Madrid et Valencia pour travailler. Tu pourras m'accompagner si tu veux. Ou rester à la maison. C'est à la campagne, dans un endroit très isolé." expliqua Antonio. "On a un très grand terrain avec une écurie et des champs."
"Pourquoi je dois aller avec vous ?"
"Tu peux me dire 'tu' !" rit l'homme. "Et tu sais, on se ressemble beaucoup toi et moi."
Rodrigues ne comprit pas tout de suite ce que voulait dire Antonio. Et il regarda dans le rétroviseur et eut un choc. Antonio avait les yeux très verts, brillants comme des pierres précieuse, des cheveux bruns et la peau mate. Et Rodrigues... avait les yeux très verts, brillants comme des pierres précieuses, des cheveux bruns et la peau mate. Ils ne se ressemblaient pas 'beaucoup'. Ils étaient comme des jumeaux !
"C'est... Tu..."
"Je ne suis pas ton père. Du moins, pas biologiquement." sourit Antonio. "Mais à partir de maintenant, je suis ton père adoptif."
"Et ma maman ? Et ma soeur ?" demanda Rodrigues, inquiet.
"Elles iront bien, ne t'inquiètes pas. Ta maman savait depuis longtemps que tu étais spécial. Elle savait que tu devrais partir."
"Mais... je pourrais la revoir ?"
"Tu sais... Je ne pense pas qu'elle en aura envie. Mais tu pourras essayer."
Rodrigues se posait des questions. Pourquoi sa maman ne voudrait plus le voir ? Pourquoi ne lui avait-elle pas dit qu'il était spécial ?
Apparement, son inquiétude était visible sur son visage parce qu'Antonio reprit la parole d'une voix douce et apaisante, comme s'il lui racontait une histoire pour l'endormir.
"Tu sais, il existe des personnes très spéciales dans le monde. On pourrait même dire une par pays."
"En quoi tu es spécial ?"
"Je te le dirait en temps et en heure, ne t'inquiète pas. Tu veux en savoir plus sur notre famille ?"
Rodrigues acquiesça et Antonio commença à parler. Il lui parla de son frère, João Henrique, qui vivait au Portugal, de Bella, en Belgique, de Lars, aux Pays-Bas et de Lovino, en Italie.
"J'ai vécu avec eux pendant un très long moment. En fait, je vis toujours avec Lovino."
"Tu as une grande famille..."
"Et encore ! Tu n'as rien vu !"
Le reste du voyage, entrecoupé de pauses, fût animé par les récits sur l'enfance d'Antonio avec Grand-Père Rome (drôle de nom) et ses frères : Francis, en France, Heraklès, en Grèce, et les jumeaux, Lovino et Feliciano, en Italie.
"Tu as de la famille dans toute l'Europe !" s'extasia Rodrigues.
"Tu n'imagines même pas."
Pendant leur visite de Séville, il lui parla aussi d'Arthur, un anglais aux énormes sourcils, de Roderich, un autrichien qui jouait tout le temps du piano, de Lucille, la petite soeur de Francis, qui vivait à Monaco. Rodrigues ne savait pas vraiment où étaient ces endroits, mais Antonio lui promit d'aller leur rendre visite. Il lui raconta aussi l'histoire de chaque pierre de la ville, comme s'il les avait posées lui même.
"Et puis, on est au début des vacances d'été, alors on pourra voyager ! Tu verras, j'ai des amis dans le monde entier."
Le petit garçon regardait son père adoptif avec de grands yeux. Antonio lui parla du projet qu'il avait monté avec ses amis : chacun d'eux allaient adopter un enfant spécial et s'occuper d'eux, comme une grande famille.
"Et comme je vis avec Lovino, lui aussi aura un petit garçon ou une petite fille. Donc tu auras un frère ou une soeur. Tu voudrais quoi ?"
"Une petite soeur, comme Carlota !" décida Rodrigues.
Il adorait être grand frère. Certes, il ne l'était que depuis l'an dernier et pour l'instant, Carlota ne faisait pas grand chose à par manger, pleurer et faire dans sa couche. Mais les rares moments où sa maman le laissait jouer avec le bébé, il faisait tout pour la faire rire.
"Tu crois que je pourrais avoir une petite soeur plus grande que Carlota ? Pour pouvoir jouer avec elle !"
Bizarrement, Rodrigues était très excité à l'idée d'avoir une nouvelle famille. Il n'arrivait pas vraiment à être triste. Toutes ces nouvelles choses lui occupaient l'esprit.
Pendant une pause plus longue que les autres pour le repas du midi, Antonio emmena son petit protégé dans un restaurant de routier rempli de camionneurs qu'il salua joyeusement. Tout le monde lui répondit avec un sourire et une gentille serveuse leur demanda ce qu'ils voulaient manger.
"Je vais prendre un hamburger avec des frites et un jus de tomates s'il vous plaît." demanda Antonio avant de se tourner vers le petit garçon en face de lui qui regardait la carte avec étonnement. "Tu as choisit ?"
"Je peux choisir ?"
"Bien sûr mon grand." sourit la serveuse. "Alors, qu'est-ce qui te ferait plaisir ?"
"Comme Tonio !" décida ledit 'grand', fier de son choix.
Antonio éclata d'un rire doux et la dame d'âge mûr partit donner leur commande au cuisinier.
"Dis Tonio, on est où ?"
"A Avila. On est à peu près à une heure de la maison. Lovino devrait rentrer demain."
"Tonio..."
"Si ?"
"Lovino, c'est ton n'amoureux ?"
"Pourquoi tu dis ça ?"
"Bah, tu dis que tu es mon papa, et que la petite fille qu'il ramènera à la maison sera ma petite soeur, donc c'est comme si Lovino, c'était ma maman, non ?"
Antonio resta muet quelques secondes avant de sourire. Puis il commença à plier sa serviette.
"Belle déduction. Lovi est mon amoureux, c'est vrai. Tu es très intelligent. Mais évite de l'appeller 'maman', il a très mauvais caractère." termina-t-il en chuchotant. "Tada !" fit-il en tendant à Rodrigues la serviette pliée en forme de rose.
"Woa ! Comment tu fais ça ?"
"Pendant un moment, c'était mon travail. Tu veux apprendre ?"
Rorigues hocha la tête et écouta les explications patientes d'Antonio jusqu'à ce que la serveuse leur apporte leur repas.
"Voilà, deux hamburger avec frites et jus de tomate. Bon appétit jeunes hommes !"
Le petit garçon dévora son repas. Antonio était venu le chercher en pleine nuit (vers 4 heures du matin) et il n'avait pas eut le temps de déjeuner. Il avait faim. Très faim. Le jus de tomate lui fit un bien fou. Il faisait chaud. Après tout, on était en Juin. Et en Espagne, ça ne pardonnait pas.
"On arrivera juste avant l'heure de la siesta. Wow, tu as l'air d'aimer la tomate !"
Rodrigues se stoppa en plein mouvement et rougit, honteux. Il avait finit son jus et avait ouvert son hamburger pour prendre la rondelle de tomate et la manger seule. Mais contrairement à ce qu'il aurait crut, Antonio ne le gronda pas. Il se contenta de rire.
"C'est bon, hein ? Moi aussi j'adore la tomate ! Et Lovino aussi. On a un champs de tomates et ce sont les meilleures d'Espagne !" déclara-t-il fièrement.
"Vraiment ? Les meilleures ?!"
"Hum ! Crois en l'expert."
Ils finirent de manger et Antonio demanda des serviettes à la serveuse pour que Rodrigues puisse s'entraîner à faire des fleurs en papier.
"C'est pour en donner une à sa petite soeur." expliqua l'adulte.
"Oh, comme c'est mignon ! Et elle a quel âge ta petite soeur ?"
"Je sais pas, je vais la rencontrer demain !"
La femme leur donna un gros paquet de serviettes rouges et leur dit qu'ils pouvaient revenir quand ils voulaient. Antonio et Rodrigues la remercièrent et retournèrent à la voiture pour reprendre la route, l'estomac plein et une nouvelle complicité naissante entre eux.
Pour le reste du trajet (à peu près 40 minutes), Rodrigues s'entraîna à faire des roses pour en offrir une convenable à sa petite soeur. Il y arriva juste au moment où Antonio se garait devant une grande et vieille bâtisse blanche au milieu de nulle part.
"Regardes Tonio, j'ai réussi !" s'exclama le petit garçon en montrant sa rose à son père adoptif.
"Elle est magnifique. Allez, viens, je vais te faire visiter la maison."
Rodrigues se détacha et sauta hors de la voiture pendant qu'Antonio prenait sa petite valise dans le coffre. Puis il suivit l'adulte dans la maison. Ils entraient par la grande cusine à l'ancienne, puis la salle à manger, le grand salon, la terrasse où on pouvait aussi manger, avec une piscine creusée couverte par une bâche. Enfin vint le tour de l'étage. Après un grand escalier aux marches en pierre polie par le temps et les pieds, Antonio lui montra les chambres et la salle de bain.
La première porte était une salle de bain assez grande, avec une douche sans vitres (il apprendrait plus tard qu'on appelait ça une 'douche italienne') et une baignoire. Il y avait plein de mozaïque bleue qui représentait des vagues et même des poissons colorés !
"C'est la salle de bain que tu partageras avec ta petite soeur, d'accord ?"
"Et toi ?"
"Moi, j'ai ma salle de bain dans ma chambre. Allez, on a encore des pièces à visiter !"
La porte en face de la salle de bain était une chambre qui fit rêver Rodrigues. Des murs peints en bleu marine, des meubles en bois vernis et un lit bateau ! Avec un gouvernail et un drapeau pirate !
"C'est ta chambre." annonça Antonio en déposant la petite valise du garçon sur le lit.
"Elle est magnifique ! J'adore !"
"Ca me fait plaisir. Tu veux voir la chambre de ta petite soeur ?"
"Oui !"
"Attends moi ici."
Antonio sortit de la pièce et qu'elle secondes plus tard, Rodrigues entendit quelqu'un toquer dans son armoire. Il alla l'ouvrir et découvrit un véritable passage secret !
"Comme dans Narnia !"
"Tu viens ?"
Le petit garçon entra rapidement dans la chambre et en resta bouche bée. Il était dans la forêt du Pays des Merveilles ! Il y avait un lit avec une couverture toute douce, des tapis en forme de fleurs, un arbre et même une balançoire !
"Tu crois qu'elle va aimer ?"
"Elle va adorer !"
Antonio sourit. Ils s'étaient vraiment donné du mal, avec Lovino, pour créer un petit paradis pour ces enfants qui déboulaient dans leur vie. Et apparemment, ils étaient arrivés à un résultat convenable.
Rodrigues déballa ses affaires. Rien de très extravaguant. 3 tee-shirts, deux pantalons et quelques caleçons. Antonio s'étonna de ne rien trouver d'autre dans la valise. Même pas une brosse à dent.
Ils rangèrent le tout dans 'l'armoire magique' et descendirent dans le grand salon à la fois ancien, avec ses murs blancs et ses poutres apparentes, mais modernes, avec les meubles et l'arrangement. Antonio sortit une couverture et un oreiller d'un placard et les disposa sur le sol. Il s'allongea et fit signe à Rodrigues de faire de même. Blottis contre Antonio, son bras dur comme oreiller, baigné et réchauffé par un grand rayon de soleil qui tombait de la baie vitrée, le petit garçon se sentait bien.
"Après la siesta, on ira voir le jardin et les chevaux." murmura Antonio en lui caressant les cheveux.
Rodrigues acquiesça mollement avant de fermer les yeux de de sombrer dans un sommeil profond d'enfant.
Antonio sourit et lui embrassa le front avant de fermer les yeux lui aussi.
"Bienvenida, Rodrigues."
