Titre original : Just Don't Go Into Retail

Auteur : Black_Knight

Traducteur : hotladykisses (avec l'autorisation de l'auteur)

Note de l'auteur : Ecrit à partir de l'idée « Kalinda/Mara » de randomizer pour le ficathon d'été 2012 de sweetjamielee sur Live Journal, et étoffé en une histoire Alicia/Kalinda plus longue sur les instances de randomizer et d' est une version légèrement revue de celle postée à l'origine sur LiveJournal. J'ai corrigé des erreurs et fait quelques autres modifications mineures. J'ai aussi ajouté une nouvelle scène avec Mara que j'avais toujours eu l'intention d'intégrer à l'histoire, mais que je n'avais pas eu le temps d'écrire auparavant.


Chapitre 1

« On cherche un bon cabernet ? »

Kalinda ne peut s'empêcher d'esquisser un demi-sourire. Mara a un talent certain pour jauger les gens à vue.

« Ou peut-être un rosé. » propose Mara avec un sourire ironique, et Kalinda lui sourit en retour.

« Je ne suis pas venue pour le vin.

- Alors que puis-je faire pour vous cette fois, Kalinda Sharma ? » demande Mara en posant une main sur sa hanche. Kalinda n'est pas étonnée que Mara ait mis à profit le temps écoulé depuis leur première rencontre pour découvrir son nom de famille.

« Je me suis dit que peut-être, vous aimeriez reprendre du service. »

Mara plisse les yeux et attend.

« Je quitte Lockhart-Gardner, et je veux m'assurer avant de partir que quelqu'un s'occupe du cabinet et de ses clients.

- C'est vrai que je vous ai dit de fiche le camp pendant que vous pouvez, avant qu'il soit trop tard.

- Il est trop tard. » Bien trop tard. Mais Nick est en ville à présent, et elle a déjà discuté une fois avec lui. Il sait que Kalinda a renvoyé l'avocate incompétente qu'on avait assignée à son affaire, pour avoir passé sans permission l'appel qui avait fini par lui permettre de retrouver Kalinda après des années de recherche. Quand Kalinda disparaîtra de nouveau, Nick se remettra à la chercher de diverses manières, mais il ne se donnera pas la peine de demander à Alicia Florrick.

« Désolée d'entendre ça. Mais ça ne m'intéresse pas.

Vingt ans dans le petit commerce. Ce n'est pas encore assez ? »

Mara lui adresse un regard perçant.

« Vous m'avez dit que vous aviez accès au placard où le département de la justice enfermait ses preuves. Cuesta et l'autre procureur se sont fourni mutuellement un alibi pour l'heure où quelqu'un a laissé les photos destinées à ce juré. » Kalinda fait une pause. « Cela ne laisse que vous. »

Mara s'est immobilisée. Kalinda poursuit : « Les enquêteurs de la police ont rapidement monté un dossier à charge contre le principal suspect, et l'ont transmis bien ficelé. Cuesta a dit qu'il n'avait pas le temps de passer en revue toutes les preuves dans toutes ses affaires, et vous non plus. De plus, on n'avait pas vraiment besoin de vous pour celle-ci. Vous avez trouvé les reçus de carte bancaire après le verdict, quand vous étiez en train de boucler le dossier, n'est-ce pas ? »

Mara soupire. « Vingt ans que Patrick Rooney a passés en prison. Un jour, j'ai été certaine de sa culpabilité, et puis pendant vingt ans, je n'ai plus su quoi penser. Le petit commerce … n'est rien par rapport à ce genre de choses.

- Vous étiez une bonne enquêtrice. Il est temps de revenir. »

Mara fait non de la tête. « Dans notre branche, on se dit que la fin justifie les moyens. Et puis un jour, on se retrouve face à une situation où ce n'est pas le cas. »

A cause du « notre », Kalinda sait qu'à présent elle a ferré Mara – enquêteur un jour, enquêteur toujours – et elle avait prévu cette objection. « Diane Lockhart. Vous ne la connaissez pas, mais ça viendra. Si jamais vous n'êtes pas sûre, demandez-lui. » Diane sait exactement où situer la limite entre idéalisme et pragmatisme. Alicia est trop encline au premier et Will au second, même si tous deux font des progrès. Diane, elle, sait déjà.

Mara réfléchit à la question. « C'est vrai que j'ai actuellement une offre pour cette boutique. » Elle penche la tête de côté et regarde Kalinda avec un sourire caustique. « Mais quel est mon rôle ? La vérité, à présent. »

Kalinda se mord la lèvre. Mais elle a déjà décidé de faire confiance à cette femme pour la remplacer chez Lockhart-Gardner, et pour être sûre que Mara le fait bien, il faut qu'elle le lui dise. « Alicia Florrick. C'est votre priorité. Toute question personnelle également.

- La femme dont Peter Florrick est séparé ? » Mara lui adresse un regard de compréhension et de pitié. « Kalinda, même le petit commerce aurait mieux valu.

- Vous le ferez ? »

Mara passe devant elle pour gagner l'entrée de sa boutique de vin. Elle retourne la pancarte « fermé » et verrouille la porte. « Oui. Quand partez-vous ?

- Ce soir. »

Mara s'approche d'elle, et ne lisant nulle résistance sur le visage de Kalinda, se penche en avant et l'embrasse. Ses lèvres sont chaudes contre celles de Kalinda. Elle prend Kalinda par la main et la conduit à l'étage, dans l'appartement au-dessus. Dans la chambre de Mara, toutes deux se déshabillent et tombent ensemble sur le lit. Des souvenirs traversent l'esprit de Kalinda : un baiser au goût de champagne du mariage. Des calepins orange recensant des informations compromettantes. Chaque poussée de l'homme au-dessus d'elle cimentant une lettre de son nouveau nom. Un visage pâle, immobile, encadré de cheveux noirs et raides.

Et même si Kalinda n'y était pas, elle pense aussi à des photos laissées pour un membre du jury, à la découverte de reçus de cartes de crédit, à de longues années passées à vendre des bouteilles de vin. Entre elle et Mara, le courant était immédiatement passé, et tandis que leurs corps fusionnent, Kalinda sait qu'à la fois leur passion et leur entente sont nourries par une commune familiarité avec le chagrin.

Après, Mara observe Kalinda endormie. Elle doute que Kalinda se serait seulement endormie d'ordinaire, mais celle-ci était complètement épuisée à tous points de vue. Mara se drape dans une robe de chambre et descend. Elle prend son portable, et sélectionne un numéro, puis hésite. Soudain, elle voudrait pouvoir consulter cette Diane Lockhart, mais elle ne peut guère demander conseil à Diane alors qu'elle ne l'a même pas encore rencontrée. Une fois de plus, elle se retrouve seule, les photos en main, à essayer de décider ce qu'il faut faire.

Finalement, elle appuie sur le bouton d'appel. « Oui, allô ? Pourriez-vous me passer Alicia Florrick s'il vous plaît ? »

oOo

« Oui ? » La voix de la femme est tellement glaciale et menaçante que Mara en est déstabilisée. Elle a dû dire quelque chose pour que la réceptionniste transfère l'appel, mais elle ne s'était pas attendue à cette immédiate hostilité.

« Vous appelez au sujet de Kalinda Sharma ? »

Mara patiente. Garder le silence est une tactique utile quand elle n'est pas sûre de son fait.

« Est-ce le FBI ? Agent Delaney ? »

Mara raccroche. Elle a envie d'aider Kalinda, mais si Kalinda a des ennuis avec le FBI, il faut vraiment, vraiment qu'elle en sache plus avant de passer à l'action. Elle a ruiné la vie de Patrick Rooney alors qu'elle avait sous la main bien davantage d'informations, et elle est terriblement consciente du peu qu'elle sait de la situation actuelle.

Alicia contemple avec une rage froide le téléphone qu'elle tient en main. Puis elle ouvre son tiroir et trouve le numéro de Lana. Lorsque celle-ci répond, Alicia demande d'un ton sec : « Vous venez de m'appeler ?

- Euh… Alicia ?

- Oui ou non ?

- Si je vous appelle, je vous le dirai.

- Très drôle. Vous ne vous faisiez pas connaître quand vous nous espionniez avec cette caméra. »

A présent, Lana est manifestement furieuse aussi, car elle raccroche.

Alicia fracasse pratiquement le combiné en le raccrochant. Si ce n'était pas Lana, alors… la réceptionniste avait dit que c'était une femme au téléphone. Quelqu'un qui travaille pour le mari de Kalinda ?

Alicia prend son portable et compose le numéro de celui de Kalinda. Il n'y a pas de réponse, c'est pourquoi elle laisse un message. « Kalinda, je viens d'avoir un autre appel, de ton mari je pense. Tu as dit que tu t'en occuperais. Alors fais-le. »

Malheureusement, on ne peut pas raccrocher un portable avec fracas comme on peut le faire avec un téléphone fixe. Alicia en a assez de tout cela, de Kalinda et de ses embrouilles apparemment sans fin. Elle n'est même plus son avocate à présent. Et le fait de repenser à cette conversation la met également hors d'elle.

« Tu es virée.

- Quoi ?

- Je veux mes dossiers.

- Pourquoi ?

- Tu sais pourquoi. » Kalinda tend la main pour avoir ses dossiers, qu'Alicia lui rend à contre-cœur.

Alors que Kalinda s'apprête à partir, Alicia demande : « C'est Diane qui s'occupe de ton affaire maintenant ? »

Kalinda retourne à Alicia un regard vide. « Ce n'est plus ton problème à présent. »

C'était juste un appel de routine, ne cesse de se répéter Alicia. Une des choses à faire pour les impôts de Kalinda.

oOo

Mara n'a pas même le temps d'arriver à l'escalier avant que Kalinda ne le dévale, déjà habillée de pied en cap. Elle jette un paquet sur le comptoir. « Il faudra que tu postes ça. » Quelque chose bourdonne à l'intérieur, et Kalinda hésite, puis l'ignore. Elle pose par-dessus le paquet des pages déchirées de son carnet. « Ceci t'expose ce qu'il faudra que tu fasses dans les prochains jours au cabinet. Après ça, tout dépend de ce qui arrive. J'ai appelé Will et je lui ai dit que tu me remplaçais. Je vais chercher mes dossiers dans ma voiture. »

Elle sort en trombe, et Mara ramasse les pages qu'elle feuillette. Elle n'est guère surprise de voir que la liste des tâches commence par tout ce qui concerne les affaires d'Alicia Florrick. Kalinda revient en traînant un carton. Elle sort une impression de son calendrier, qu'elle pose également devant Mara. « Où tu dois être et quand. »

Mara le regarde également, et c'est plutôt la routine. Sauf que… « Tu es beaucoup au tribunal. » Elle consulte les noms des affaires, et les compare de mémoire à la liste des tâches. « Presque tout ça concerne les affaires d'Alicia.

- Des questions sont soulevées pendant les interrogatoires. Il est bon d'anticiper. J'ai contribué à gagner quelques affaires de cette façon.

- Je comprends ça. Mais la plaidoierie finale ?! »

Kalinda cesse de s'agiter et la regarde. « Alicia aime bien ça. Il faut qu'elle te voie comme une alliée, sinon tu ne pourras pas l'aider que ce soit pour les intrigues du bureau ou pour ses problèmes personnels.

Très bien, Kalinda. Il va falloir que tu me dises des choses. » Kalinda prend une inspiration, et Mara fait remarquer : « J'y vais à l'aveuglette. Je ne peux pas aider si je n'en sais pas assez. »

Aussi Kalinda lui parle-t-elle des gens du cabinet à qui Alicia a le plus à faire, de ses deux enfants, de sa belle-mère interventionniste, et de sa liaison avec Will. Ce dernier point est difficile, mais elle sait que Mara a raison. Pour Peter, Mara est déjà au courant grâce aux infos et à ses anciens contacts… sauf sur un point.

Kalinda l'évite aussi longtemps que possible, mais Mara finit par arriver elle-même dans le vif du sujet. « Pourquoi pars-tu si vite ? »

Kalinda déglutit, et dit prudemment : « Peter Florrick a fait quelque chose pour m'aider. Si je ne m'en vais pas, ça va se savoir. Sa campagne pour être élu gouverneur sera finie, et Alicia sera blessée par les retombées. Il faut que tu t'assures que ça n'arrive pas. »

Kalinda donne une dernière chose à Mara, et puis elle sort.

oOo

« Alicia, je voudrais te présenter Mara Stokes. » Will se tient à la porte du bureau d'Alicia avec une femme blonde.

« Bonjour. » dit poliment Alicia.

« Elle remplace Kalinda à partir de maintenant. »

Mara s'avance, la main tendue. «Je serai sur toutes vos affaires. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, il suffit de demander. »

Alicia prend la main de Mara par réflexe, mais Mara voit qu'elle est stupéfaite. « Kalinda est…

- Partie. » confirme Will.

« Ce soir », lance Mara. « Elle part ce soir. » C'est tout ce qu'elle ose dire, compte tenu du peu qu'elle sait encore de la relation entre Kalinda et Alicia, mais l'information la plus importante a été transmise : Kalinda n'est pas encore partie. Elle observe Alicia, qui est clairement partagée.

« Alicia ? Je sais que c'est un choc. » dit Will d'un ton soucieux.

Alicia se reprend tout d'un coup. « C'est mieux ainsi. » Sa voix est froide, et le cœur de Mara se serre.

Will et Mara prennent congé, et Alicia contemple son téléphone portable. Elle a dit à Kalinda de s'occuper du problème. Eh bien, Kalinda l'a fait.

oOo

De toutes les façons dont Kalinda l'a blessée, pense Alicia en regardant en direction de l'endroit où Mara est assise dans le bureau de Kalinda (c'est toujours le bureau de Kalinda pour Alicia, même si cela fait deux mois), celle-ci est la plus étrange.

Il s'agit du phénomène de la vallée dérangeante *, tranche Alicia. Certes, il n'est guère possible que Mara soit plus différente de Kalinda physiquement. Mais elles ont la même manière cryptique de parler, elles ont en commun ce désabusement bien particulier, et elles sont toutes deux incroyablement perspicaces, promptes à repérer l'indice qui peut faire basculer une affaire.

Alicia déteste Mara Stokes depuis l'instant où elle l'a rencontrée. Elle est tellement semblable à Kalinda, mais elle n'est pas Kalinda.

Le reste des avocats du cabinet semble n'avoir aucun problème avec cet imposteur, ce substitut. La transition s'est faite en douceur, et Mara est très performante. Alicia n'a constaté aucune diminution ni d'efforts ni de qualité dans le travail fourni pour ses propres affaires.

Alicia n'en abhorre Mara que davantage.

Alors qu'elle travaille à contre-cœur avec celle-ci, elle en vient à reconnaître une autre différence entre Kalinda et Mara, mis à part les disparités physiques évidentes. Mara a une attitude plus décontractée, fluide comme l'eau, et une façon plutôt suffisante de sous-entendre à quel point elle en sait long, ou en devine, au sujet de quelqu'un. Alicia déteste cela. Et perversement, elle est contente que ce soit le cas, car elle ne veut à aucun prix penser que cette femme représente une amélioration par rapport à Kalinda.

Elle ne veut pas réfléchir à ce que cela signifie, pour l'instant.

Dans le bureau de Diane, après qu'elles aient fini de discuter d'une affaire, elle demande à Diane qui a choisi Mara. Diane lève les yeux de ses paperasses, légèrement surprise. « C'est Kalinda qui l'a recommandée. »

Ainsi Kalinda connaissait Mara. Elle a choisi une femme qui lui ressemble tellement… Alicia ne peut pas affronter cela non plus pour l'instant.

« Mara a très bien pris la relève. » conclut Diane, principalement pour remplir le silence.

« Elle n'est pas tout à fait aussi professionnelle que Kalinda. » dit Alicia.

Diane la contemple d'un air incrédule, de l'un de ses légendaires regards insistants, et Alicia en est troublée. « En apparence, oui, mais je veux parler de son comportement, son attitude. »

Diane considère Alicia pendant de longues secondes avant de répondre : « Kalinda était un petit peu plus guindée. Mais Mara est enquêtrice, pas juriste. Vous devez travailler avec elle. »

Alicia acquiesce et se lève. Elle a presque atteint la porte lorsque Diane la rappelle. Alicia se retourne, et Diane enlève ses lunettes. « Appelez Kalinda. »

Elle l'a déjà fait. Alicia se le remémore tout en regagnant son bureau. La première fois, elle était si furieuse qu'elle avait décidé de raccrocher aussitôt que Kalinda répondrait. Elle appelait juste pour s'assurer que Kalinda était en vie, voilà tout.

Son appel était allé droit sur la boîte vocale.

La deuxième fois qu'elle avait appelé, une semaine plus tard, elle était moins en colère et davantage prête à négocier. Elle avait décidé qu'elle parlerait au moins brièvement avec Kalinda, si seulement celle-ci répondait.

De nouveau la boîte vocale.

La troisième fois qu'elle appela, le lendemain, elle marchandait encore : si seulement Kalinda répondait, cette fois elle ne raccrocherait pas, ni ne se contenterait d'échanger quelques civilités pour la forme. Cette fois, elle lui dirait… Quoi ? Reviens. Vraiment, elle ne savait pas. Elle ne savait pas ce qu'elle dirait quand Kalinda répondrait. Et c'était « quand », parce que la troisième fois portait bonheur.

Il n'y eut pas de porte-bonheur.

Alicia est assise dans son fauteuil, et elle sent à quel point sa poitrine est oppressée. Elle pose une main dessus, tente de respirer, et soudain lui revient le souvenir d'une autre fois où elle a fait ce geste – en regardant Amber Madison et Chelsea Handler glousser au sujet de sa supposée frigidité sur une chaîne nationale. Ce qui réveille un autre souvenir.

« Tu veux que je lui parle ?

- Qu'est-ce que ça implique ?

- Seulement parler. »

Kalinda avait offert d'intercéder pour elle auprès d'Amber. Pourquoi, pense tout à coup Alicia, n'a-t-elle pas proposé son aide pour le mari de Kalinda ? Kalinda avait été sa cliente. C'était elle qui avait passé cet appel qui lui avait permis de retrouver la trace de Kalinda, pour l'amour du ciel. Mais elle s'était contentée de dire à Kalinda de s'en occuper.

« Je peux faire quelque chose ? » Mara se tient dans l'encadrure de la porte, l'ombre d'une autre époque, dérangeante de ne pas être Kalinda. Alicia la déteste encore plus, ce qu'elle n'aurait pas cru possible. Elle a sérieusement envie de lui jeter quelque chose, de voir si elle se brisera en un million de morceaux, de voir si une fois cette enveloppe de Mara fracassée, Kalinda apparaîtra.

« Ca va. » Alicia n'ajoute pas de merci. Le merci était pour Kalinda, à cette autre époque.

oOo

Quelques jours plus tard, elle se trouve dans le bureau de Will. Celui-ci est penché en arrière dans son fauteuil, le bout des doigts joints, lorsqu'Alicia demande soudain : « Si Kalinda voulait revenir, tu la reprendrais, n'est-ce pas ? Mara a fait du bon travail. Mais il y a vraiment assez à faire pour deux enquêtrices.

- Oui Alicia, bien sûr. » dit lentement Will avec un haussement d'épaules. Ce n'est pas méchant, et bien qu'il ne le dise pas, Alicia déchiffre cela parfaitement : il a fait une croix sur Kalinda, et ne pense pas qu'elle revienne jamais.

Alicia reste assise en silence quelques secondes à lutter. Pour finir, elle dit tout à trac : « Tu as eu des nouvelles d'elle ?

- Non. » Will lève son stylo, puis l'abaisse à nouveau. « C'est Kalinda, tu sais. Ne le prends pas personnellement. »

Il n'y a pas moyen qu'elle le prenne autrement que personnellement.

Elle fait irruption dans le bureau de Mara le jour suivant, et celle-ci lève les yeux, ravie. Alicia n'a pas le temps d'en être contrariée. A la place, elle ferme la porte et dit sans préambule : « Une fois, Kalinda a retrouvé la trace de ma fille. »

Mara fronce les sourcils, tire aussitôt vers elle son ordinateur portable. « Elle a encore disparu ? Quel est son numéro de téléphone portable ?

- Alors vous savez bel et bien comment on fait. Vous pouvez le faire.

- Oui, bien sûr.

- Je n'ai pas besoin que vous retrouviez la trace du portable de Grace. J'ai besoin que vous retrouviez la trace de celui de Kalinda. » Alicia lui tend le numéro de téléphone.

Mara lance le programme approprié et saisit le numéro. En une minute elle a l'historique, et elle tourne l'écran vers Alicia, en tapotant du doigt le point clignotant. « L'aéroport international de Los Angeles.

- C'est là qu'elle se trouve en ce moment ?

- Non, le téléphone est éteint. Mais c'est le dernier endroit. Il y a des semaines. »

Alicia digère la nouvelle. « Alors elle a abandonné le téléphone là-bas et pris un vol international.

- C'est très probable. » Mara la plaint sincèrement. C'est elle-même qui a posté le paquet contenant le téléphone. Aux objets trouvés de l'aéroport international de Los Angeles. Un vieux truc pour se débarrasser des poursuivants. Cela avait marché, mais à coup sûr Kalinda n'avait pas visé Alicia.

Alicia est perdue dans ses pensées. « En Inde, peut-être, pour se fondre dans la masse. » Sa voix s'étrangle un peu. « Comme si elle pouvait se fondre dans la masse en Inde avec ses bottes.

- Alicia. »

Alicia lève une main. S'oblige à adresser un sourire poli de remerciement à Mara qui l'a réellement aidée. Sort de la pièce, et surtout, surtout ne pleure pas.

Mara n'a pas la moindre idée de l'endroit où se trouve Kalinda. Mais elle sait où Kalinda n'est pas : ni en Californie, ni dans un pays étranger.

oOo

* Phénomène de la vallée dérangeante : théorie de psychologie postulant que plus un robot est conçu pour ressembler à un être humain, plus nous percevons ses imperfections comme monstrueuses (NdTr).