Salut à toutes!
J'avais ça en tête depuis un petit bout de temps et donc...voilà.
J'ai vraiment besoin de voir la Batailles des Cinq Armées et de revoir les trois saisons de Sherlock pour continuer mes autres fics donc je publie ça pour vous faire patienter.
Je mentirais en disant que ça aura forcément une fin heureuse (du moins, pas pour tout le monde). C'est le truc le plus noir que j'ai jamais écrit, et aussi les plus longs chapitres.

En vrac: AU, fem!BAMF!Bilbo, Bagginshield, gore, sang, tripes, torture et tout le bazar, dark!Erebor... ÂMES SENSIBLES S'ABSTENIR!

Rating: T pour le moment mais pourrait monter à M sur votre avis.

Pour le physique de fem!bilbo, l'actrice serait Billie Piper. J'ai fait une vidéo (qui n'a rien à voir avec cette fic mais bon...) que vous pouvez trouver ici: watch?feature=player_detailpage&v=VtKsK6PsMug

Disclaimer: Rien ne m'appartient, tout est à Tolkien et Jackson (gloire à eux).

Chapitre 1

No time for goodbye he said
As he faded away
Don't put your life in someone's hands
Their bound to steal it away
Don't hide your mistakes
'Cause they'll find you, burn you
Then he said

If you want to get out alive
Run for your life
If you want to get out alive
Run for your life

This is my last time she said
As she faded away
It's hard to imagine
But one day you'll end up like me
Then she said

If you want to get out alive
Run for your life
If you want to get out alive
Run for your life
If you want to get out alive (If you want to get out alive)
Run for your life (Life)
If you want to get out alive (If you want to get out alive)
Run for your life

If I stay it won't be long
Till I'm burning on the inside
If I go I can only hope
That I make it to the other side

If you want to get out alive
Run for your life
If you want to get out alive
Hold on for

If you want to get out alive (If you want to get out alive)
Run for your life
If you want to get out alive (If you want to get out alive)
Hold on for...

If I stay, it won't be long
Till I'm burning on the inside
If I go I can only hope
That I make it to the other side
If I stay, it won't be long
Till I'm burning on the inside
If I go, if I go

Burning on the inside
Burning on the inside
Burning on the inside

Three Days Grace, "Get out alive"

La Hobbite mit un certain temps à se risquer hors de son renfoncement dans la paroi.
Il commençait à faire nuit. Pour elle, la nuit, c'était quand toutes les torches s'allumaient sous la montagne, et que la lumière qui entrait par les orifices du sommet, que l'on apercevait à peine même en levant le nez, et qui n'atteignait de tout façon jamais les tunnels, disparaissait d'elle-même.
Elle mit un pied dehors, puis l'autre. La pierre sombre était froide sous ses plantes de pieds, toujours.
Elle frissonna et resserra sa veste autour d'elle.
Il faisait froid sous la Montagne. Il avait toujours fait froid, aussi loin qu'elle s'en souvienne, et bien qu'elle ne puisse remonter dans sa mémoire jusqu'au jour de sa naissance, elle pouvait tout de même aller assez loin pour savoir que ces courants d'air glaciaux, du genre qui s'infiltre à travers toutes vos couches de vêtements malgré tout vos efforts, avaient toujours été là, bien que toutes ses recherches pour savoir d'où ils venaient avaient été vaines. Elle savait juste qu'ils devaient probablement venir de l'Extérieur.
Là où elle n'était jamais allée, n'irait jamais et pourquoi faire, s'il vous plaît?
On ne quittait pas la Montagne. On y naissait, on y vivait, on y mourait. Elle était née, vivait et mourrait dans ces tunnels froids et sombres.
C'était le destin des habitants sous la Montagne, et elle n'était pas la seule à le subir.

Sa mère, pour peu qu'elle se souvienne d'elle, lui avait un jour parlé de la Comté, cet endroit merveilleux, ce paradis verdoyant et fécond gorgé de soleil et de senteurs florales, cet endroit dont tous les Hobbits venaient.
Ça aurait pu être une description merveilleuse si elle avait su à quoi ressemblait une fleur, de l'herbe ou même le soleil. Tout ce qu'elle connaissait, c'était les ténèbres et les champignons malodorants au goût âcre qui poussaient lorsque les tunnels étaient trop humides et moisissaient, et les mares croupies dans les bas-fonds.
Et sa mère elle-même ne l'avait jamais vue, cette Comté. Elle tenait l'histoire de sa mère, qui la tenait de son oncle, qui la tenait lui-même de...peu importe.
De toute façon, si ce pays utopique avait existé un jour, il n'en restait probablement que des cendres, comme du reste du monde, d'ailleurs. Elle n'était jamais allé à l'Extérieur, mais d'autres y étaient nés et étaient venu ensuite, pour ne plus jamais repartir, et avait parlé et dit que l'Extérieur n'était qu'un gigantesque champ de bataille désolé, puant le souffre et la pourriture.
La Hobbite n'avait jamais connu que la Montagne.
Erebor, que les Nains disaient, avec de la déférence dans la voix.
Les Hobbits ne venaient pas d'ici, elle le savait. Qu'ils viennent de la Comté ou d'ailleurs, peu lui importait. Elle savait juste qu'un jour les Nains étaient venu et les avaient pris et amenés ici et qu'ils n'étaient plus jamais repartis, il y avait des siècles de cela.
Ou peut-être quelques dizaines d'années, car l'espérance de vie d'un Hobbit à Erebor dépassait très rarement la vingtaine.
Sa mère lui avait donné naissance à dix-sept ans et était morte d'une pneumonie à vingt-trois. Elle-même, avec ses vingt et un ans à peu près, elle n'était pas sûre, faisait figure de fossile. Mais les derniers mots de sa mère, alors qu'elle toussait et crachait du sang sur son lit de mort, s'étaient gravés au fer rouge dans son esprit.
- Caches-toi, ma petite fille, caches-toi bien. Ne les laisses pas te prendre.
Elle s'était cachée.
Elle avait survécu.
Elle s'était fait prendre une fois, une seule, et ça n'était plus jamais arrivé.

Un Homme passa en se pressant à côté d'elle, et elle se renfonça contre le mur, mais il ne lui lui accorda même pas un regard. C'était comme ça, la plupart du temps.
Personne ne faisait attention à elle.
Elle était devenu un fantôme, au fil des ans. Une ombre qui hantait des bas-fonds qu'elle connaissait comme sa poche, et qu'on laissait relativement tranquille, même s'il lui arrivait de faire de mauvaises rencontres.
C'est pourquoi elle s'était établit trois Règles.

Ne jamais rester au même endroit trop longtemps pour ne pas y devenir trop connue. Sa planque actuelle était un abri de mineur au fond d'un tunnel minier désaffecté suite à l'épuisement de la veine, et elle était sûre que quelqu'un avait déjà dû y remarquer ses allées et venues.
Ne pas s'attacher à quoi que ce soit. Ce qui impliquait ni parents, ni enfants, ni amant. Sous les bas-fonds de la Montagne, il n'existait pas d'autre Loi que celle du plus fort. Tout attachement pouvait être utilisé comme point de pression.
Toujours se faire passer avant les autres. Personne ne montrerait de pitié envers vous, il valait donc mieux ne pas se faire tuer bêtement pour avoir fait preuve de compassion.

Elle avait scrupuleusement respecté ces règles. Et elle était en vie. Cela lui suffisait.
Mieux valait vivre seule et vivante qu'en famille et morte. On ne pouvait plus rien lui prendre, de toute façon.
La mort, par la faim, par le sang, la maladie ou le chagrin, avait pris un par un tout ses proches. Libre et sans attache, mais la pensée n'était pas réconfortante.
Elle ne savait pas qui était son père. Un Hobbit, au moins, de cela, elle était sûre. Mais parce que les Hobbits étaient trop faibles, contrairement aux Hommes et aux Nains, il fallait bien trouver d'autres moyens de subsistance. Sa mère avait reçu des clients jusqu'aux deux semaines précédant sa mort. Pas que des Hobbits, des Nains aussi, parfois des Hommes, surtout des spécimens assez pervers amateurs d'enfants, de petits garçons, ou de petits corps lisses. Elle était trop jeune pour comprendre alors ce qui se passait lorsque le...monsieur arrivait et disparaissait avec sa mère pendant un moment et qu'il y avait des bruits dont elle n'arrivait pas à situer l'origine.
Ensuite elle avait su, mais plus tard, bien plus tard.
Elle ne se prostituait pas.
L'espérance de vie des prostituées était encore plus courtes que celles des Hobbits, si c'était possible. Mais malgré cela, elle avait été obligée d'accorder quelques...faveurs pour sauver sa vie. Et elle préférer généralement ne pas y penser. Dans ces moments-là, elle était comme étrangère au monde et à elle-même.
De toutes façons, c'était marches ou crèves.

La Hobbit suivit le couloir en rasant le mur jusqu'à déboucher sur une place noire de monde. Les remugles et le vacarme l'aggressèrent immédiatement, et elle recula, respirant profondément avant d'avancer à nouveau. Les tunnels, au moins, étaient à peu près respirables, et se réhabituer à ce qui remontait des bas-fonds surpeuplés à chaque fois qu'elle y retournait lui demandait un effort plus grand jour après jour.
Erebor était une fourmilière, une monstrueuse fourmilière grouillante de vie, qui ne dormait jamais, ne se taisait jamais et ne s'arrêtait jamais. Si les étages supérieurs étaient aménagés et à peu près vivables, les étages inférieurs n'étaient rien d'autres que d'infâmes coupe-gorges où l'on vivait chacun pour sa peau, entassés les uns sur les autres dans des bidonvilles répugnants, la plupart investissant d'anciens tunnels miniers irrespirables et risquant de s'effondrer à chaque instant en engloutissant des centaines de vies, mettant souvent fin, et c'était horrible à dire, à des années de souffrance.
On lui aurait demandé de définir l'Enfer sur Arda qu'elle n'aurait pas pu donner d'autre réponse.
Mais personne ne lui demandait jamais rien.
- Les seuls qui s'accommodent de vivre ici, ce sont les rats, marmonna la Hobbite en s'enfonçant dans la cohue disparate qui se bousculait, s'injuriait, se battait en tout sens.
Les rats pullulaient à Erebor. De petites créatures vicieuses aux yeux rouges, bouffies à force de s'engraisser sur le dos des vivants et des morts.
Elle ne les aimait pas.
D'abord parce que quand on ne mesurait que trois pieds de haut comme elle, un rat de bonne taille pouvait considérer un danger non négligeable, et que, les rats étant mieux nourris que la population, il y avait beaucoup de rats de bonne taille.
Ensuite parce qu'ils étaient pleins de puces et ne se gênaient pas pour les transmettre.
Enfin, et c'était sans doute le pire, parce qu'ils vivaient et se démultipliaient comme si c'était leur bon droit sans que nul ne songe à les en empêcher.
Comme à cet instant les trois rongeurs faméliques qui se disputaient le cadavre du gosse mort de faim étalé en travers du ruisseau au milieu de la rue et auquel personne ne faisait attention. Elle donna un coup de pied dans l'une des bestioles qui couina lorsqu'elle fit un vol plané de plusieurs mètres et roula sous les pieds d'un Homme qui jura en faisant un écart pour l'éviter, bousculant son voisin qui lui envoya un direct à la mâchoire, le manqua et frappa un Nain. Tout dégénéra vite en bagarre et la Hobbite se dépécha de quitter la zone.
Elle ne se retourna pas.
Elle savait que le rat était retourné besogner le petit cadavre avec ses compères, et que bientôt en arriveraient d'autres et que dans quelques heures il n'en resterait même pas des os.
Peu, à Erebor, pouvait espérer un enterrement décent. Au moins, les rats étaient de bons nettoyeurs.
Et faisaient un menu de dernier recours tout à fait correct pour un crève-la-faim.

La Hobbite continua son chemin, croisant des Nains, et des Naines aussi, ayant appris à voir une différence pas si évidente que ça au fil des années, des Hommes, et d'autres créatures plus difficile à définir. Probablement des hybrides d'Hommes et d'Orcs issus de viols, pour ce qu'elle en savait. Les Orcs pur souche, et il y en avait, elle les évitait soigneusement.
Il y avait un attroupement droit devant elle, sous l'auvent de ce qui, elle le savait, était officiellement une taverne, mais qui, de loin, ressemblait plus à une auge à cochon. Les attroupements étaient une bonne chose pour elle, parce qu'ils lui permettaient de gagner sa vie, ou du moins, de collecter ce qui pouvait servir à acheter son existence à défaut de pouvoir servir à se fournir en nourriture. Cela faisait longtemps que les boutiques étaient vides.
La Hobbite avait vite compris qu'elle ne pourrait gagner sa vie honnêtement. Les gens honnêtes ne survivaient pas plus de deux jours dans les bas-fonds, en général.
Mais elle était agile.
Elle était maline.
Elle était rapide.
Ses pas ne faisaient aucun bruit sur la pierre froide.
Elle avait l'ouïe fine et une bonne vue.
Elle se glissait dans le moindre trou, la moindre fissure, disparaissait comme si elle n'avait jamais existé.
C'est pourquoi elle exerçait, et sans honte aucune, la très honorable profession de coupeuse de bourses.
Elle était un Voleur dans les Ombres.
Et ça lui suffisait.
Là aussi néanmoins, trois Règles.

Ne pas prendre plus que l'on ne pouvait transporter naturellement sans que cela paraisse suspect.
Ne pas avoir de scrupules quand à la personne à détrousser.
Surtout, surtout, ne jamais se faire prendre. Une main en moins la condamnerait à mort, et elle le savait parfaitement.

Elle se glissa entre deux Nains pour mieux voir. La cause du rassemblement, un Nain crasseux et passablement ivre, juché sur une vieille caisse dont les planches pourries menaçaient de craquer à chaque instant sous son poids, braillait d'une voix grasse un discours assez inhabituel ces temps-ci. Et dès les premiers mots qu'elle entendit, elle sut que cet imbécile ne passerait pas la nuit. Il avait beau être bourré jusqu'à la gueule, ce qu'il disait était suffisamment clair.
- Le R-Roi sous la Mon...Montagne est qu-qu-qu'un imp-imposteur! brailla-t-il. F-f-f-faudrait l'pendre aux cr-créneaux pis l'balan-balancer aux W-Wargs! C'même pas le v-vrai roi d'ab-abord!
- Ferme ton claque-merde, Mord! cria quelqu'un.
La Hobbite glissa ses doigts sous la ceinture de son voisin.
Lentement, précautionneusement.
Elle sentit l'attache de la bourse.
Tira doucement sur le lacet.
- J-j'me tairais p-p-pas! gueula le Nain. Ç'la lignée de Du-Durïn qu'devrais d-diriger! On crèv'rais pas d'faim c-comme des r-rats!
La bourse tomba dans sa paume sans un bruit. Pas même un tintement de métal. Le type était tellement absorbé par le discours de l'inconscient qu'il ne se rendit même pas compte qu'il venait de se faire délester de ce qui aurait peut-être pu lui permettre de survivre un jour de plus.
- Désolée, pensa-t-elle.
Elle n'en glissa pas moins la bourse dans sa sacoche. Ce n'était pas comme si elle avait réellement des remords.
Le Nain ivre s'échauffait graduellement, de même que la foule qui commençait à être parcourue de vagues de colère.
- Il a raison, disait quelqu'un.
- Il a tort, disait un autre.
La Hobbite se dit qu'il valait mieux déguerpir avant de se retrouver coincée dans une échauffourée. Ou pire, que la Garde rapplique.
- Vo-vous comprenez p-p-pas qu'on vas t-tous crev-ver ici? Il en a r-rien à f-f-fouttre de n-nous, v-votre putain de R-Roi! hurla-t-il soudain. Un j-jour la lig-lignée de Durïn r-reviendra!

La Hobbite ricana et haussa les épaules avant de vider les lieux au moment où la première tomate pourrie vola dans les airs.
La lignée de Durïn.
Et puis quoi encore? Ce n'était rien de plus qu'une légende urbaine.
Quand au Roi sous la Montagne...il y avait de la vérité dans les paroles de l'ivrogne.
Pour la majorité, il n'était qu'une silhouette vague aperçue de loin.
On savait peu de chose du Roi sous la Montagne.
On disait qu'il avait renversé le Roi précédent et massacré toute sa famille pour s'assurer la sécurité. La fameuse lignée de Durïn. Hommes, femmes, enfants, tous passés au fil de l'épée.
On murmurait qu'il était si riche qu'il passait son temps à compter et ordonner ses trésors.
On murmurait qu'il faisait des orgies monstrueuses dans ses appartements, qu'il buvait le sang de jeunes filles vierges pour s'assurer l'immortalité.
On murmurait qu'il aimait faire torturer à mort devant lui.
On murmurait qu'il était fou.
On murmurait beaucoup de choses.
La Hobbite, comparée à d'autres, savait.
Elle frissonna en se remémorant sa seule et unique rencontre avec le Roi sous la Montagne.
Elle se rappela les yeux bleus, si bleus, remplis de folie et de plaisir malsain, la voix râpeuse et métallique, le pied de fer résonnant sinistrement sur la pierre dure.
Elle se rappela l'odeur de son propre sang et la douleur, la douleur surtout.
La seule et unique fois où elle n'avait pas pu s'enfuir.
Elle secoua la tête. Non, elle ne voulait pas penser à ça.
Le Roi sous la Montagne n'était pas fou, non. Le Roi sous la Montagne était un monstre. Et elle ne souhaitait pas avoir affaire à lui une seconde fois. Elle n'était même pas sensée survivre à la base.
Et puis, qu'est-ce que ça changerait, qu'un nouveau Roi prenne sa place? Les gens continueraient de crever de faim et de mourir, non?
La situation ne changerait pas. Ni meilleure, ni pire. Juste différente, et encore.

La Hobbite attendit d'être hors de vue pour vider le contenu de la bourse nouvellement acquise dans sa paume.
Cinq pièces métalliques tintèrent. Elle en mordit une. De l'argent.
- Par les caleçons du Vieux Took! jura-t-elle.
Évidemment, c'était stupide d'espérer de l'or, mais cinq malheureuses pièces ne seraient jamais suffisantes pour lui payer ne serait-ce qu'un quignon de pain, fut-il moisi aux vers. La nourriture atteignait des prix faramineux, raison pour laquelle elle n'avait pas mangé depuis deux jours.
Si on considérait la moitié de pomme d'il y a deux jours comme un repas, cela s'entend.
Elle avait le choix.
Repartir à la pêche, trouver un autre pigeon à plumer, ce qui risquait de lui prendre un sacré bout d'un temps qu'elle n'avait pas, si elle voulait rentrer à sa planque avant que la nuit ne soit tout à fait tombée.
Son estomac protesta violemment. Elle devait manger, maintenant, avant de crever de faim.
Sa mère lui avait dit un jour que les Hobbits étaient sensés faire six repas par jour. Si elle arrivait à trois repas par semaine, elle était déjà contente.
Poussant un soupir de résignation, la Hobbit se décida pour les poubelles. La nourriture se faisait trop rare pour qu'on puisse se permettre de jeter quelque chose, mais peut-être, si elle avait beaucoup de chance...
Elle rebroussa chemin en sens inverse.
Non sans noter que le temps qu'elle s'éloigne pour compter son butin, la foule s'était dispersée et l'orateur ivre gisait dans le caniveau, le crâne visiblement défoncé à coups de pierres. La tomate qui avait dégouliné dans sa barbe lui donnait un air grotesque, et le jus se mêlait dans le ruisselet boueux au sang et aux morceaux de cervelle.
Cela faisait longtemps qu'une telle vision ne lui faisait plus ni chaud ni froid.
Elle secoua la tête. Ce devait être la raison pourquoi les gens mourraient et qu'elle restait en vie. Une si bonne tomate de gâchée. Même pourrie, elle devait être encore mangeable.
Les rats étaient déjà là. Elle songea un instant à en attrapper un. Le gros bouffi qui la fixait suspicieusement de ses petits yeux rouges malveillants, par exemple. Mais courir après un rongeur qui, même obèse, avait beaucoup de chances de lui échapper ne la tentait pas plus que ça.
Elle renonça avant même d'avoir essayé.
La Hobbite se dirigea donc vers l'arrière de la taverne, son estomac grondant famine.
Plonger les mains dans les ordures avait cessé de la gêner depuis longtemps. Épluchures sèches, arrêtes de poissons récurées jusqu'à briller, os dont même la moelle avait été sucée...rien de satisfaisant. Elle saisit précautionneusement un os de poulet sur lequel adhérait un lambeau de viande sèche, avala, grimaça.
Heureusement qu'elle avait l'estomac blindé.

Il y eut soudain une cavalcade suivie d'une explosion de cris, de jurons et de fracas de métal.
Elle faillit s'étouffer avec sa lichette de poulet, toussa, se redressa brusquement et se plaqua contre le mur. Risqua un oeil en direction du vacarme. Se recula aussitôt.
La Garde.
Comment avait-elle pu ne pas les entendre arriver, avec tout le boucan que faisaient leurs armures noires étincelantes? Que faisaient-ils ici?
Les Bas-fonds étaient une zone de non-lieu, et la Garde Royale n'y descendait jamais. Et pourtant, ce soir, ils étaient là.
La Hobbite se recroquevilla sur elle-même. Quoi que ce fut, ce n'était pas bon.
En un instant, la rue, bondée dix minutes plus tôt, était devenue déserte. Même les rats avaient déserté le cadavre.
Elle risqua à nouveau un regard, dissimulée derrière son angle de mur.
Ils étaient une quinzaine de Nains grands et baraqués, surarmés, casqués de noir, le plastron orné du Dragon Rouge entouré de runes, emblème du Roi. Elle ne vit pas de Wargs et se détendit un peu.
Face à eux, un seul Homme, ou plutôt Nain, acculé contre le mur, l'épée au poing, le visage ruisselant de sang.
- Encore un imbécile qui va se faire écharper sous mon nez, maugréa-t-elle silencieusement.
Apparemment, leur victime opposait un peu plus de résistance que prévue aux gardes. Voilà qui était inhabituel. L'épée qu'il tenait à la main semblait l'enfermer dans une tour d'airain.
Un des gardes recula, tenant son bras ensanglanté.
La Hobbite observa ce combat si inégal, comme hypnotisée, bien qu'elle n'eut pas un seul doute concernant son issue. À quinze contre un...
Le Nain acculé ressemblait à un lion, un magnifique lion à la crinière d'or tressée et aux grands yeux noirs, fier et droit jusque dans la défaite. Ses habits étaient de trop bonne qualité pour qu'il soit un habitant des bas-fonds. Ce n'était pas n'importe qui, évidemment. Mais ça ne l'empêchait pas d'être surtout un mort en sursis.
Elle regarda la danse mortelle des lames jusqu'à ce que le guerrier chancelle, son côté se teintant peu à peu de rouge. Un second coup fit voler l'épée dans les airs.
Il y eut un douloureux instant de vide, sans son ni mouvement. Puis ce fut la curée.
De là où elle était, elle ne pouvait pas voir. L'angle d'observation avait changé et trop de Nains en armure noire lui bouchaient la vue. Mais elle entendait distinctement leurs jurons, leurs encouragements et leurs moqueries, et le choc du métal et de lourdes bottes contre de la chair, et quelque chose de presque inaudible qui ressemblait fortement au craquement des os brisés.
Elle savait qu'elle n'interviendrait pas. Synonyme de suicide.
Mais quelque chose lui fit serrer les poings.
Colère, comprit-elle. Ce n'était pas juste. Mais elle ne pouvait rien faire.
La Hobbite les observa ramasser la forme inconsciente, et pourtant toujours en vie, qui avait été le guerrier blond et l'emporter, leurs bottes résonnant fortement sur le sol de pierre. Elle aperçut une dernière fois la crinière dorée souillée de sang qui flottait lamentablement.
Pendant tout le passage à tabac, le lion n'avait pas poussé un cri.

Elle attendit prudemment qu'ils soient hors de vue pour quitter sa cachette.
Les gens commençaient déjà à ressortir dans la rue. Comme s'il ne s'était rien passé. Sur le sol, les empreintes de lourdes bottes se dessinaient en écarlate.
Quelque chose brillait parmi les taches de sang. Elle se baissa, ramassa machinalement le petit objet, le fit rouler au creux de sa paume. C'était une de ces perles en métal argenté gravées de runes qu'utilisaient les Nains pour se tresser les cheveux.
Elle en avait déjà volé. Mais la plupart étaient en fer ou en métaux vulgaire, voire en bois, et celle-ci était tout, sauf du fer.
Elle mordit dedans. Ni de l'argent, encore moins de l'or. C'était un métal qu'elle n'avait jamais vu. Elle observa les runes incrustées de sang mais bien qu'elle sut lire à peu près correctement, c'était du Khuzdul et le peu qu'elle en savait ne l'aidait pas vraiment.
La Hobbite haussa les épaules et glissa l'objet dans sa poche.
Ce genre de truc ne se vendait pas. La perle avait l'air précieuse et son origine paraitraît forcément suspecte. Elle pourrait toujours le garder comme souvenir. Quoi qu'elle ne fut pas sûre de vouloir garder en mémoire la violence de la scène à laquelle elle venait d'assister.
Elle reprit sa besogne initiale, tentant d'oublier l'odeur du sang qui restait obstinément présente à ses narines.
Au bout de quelques frustrantes minutes, elle parvint, en soulevant un tas d'épluchures noircies, à dénicher un quignon de pain pas plus grand que la paume de sa main, noir et dur comme de la pierre, mais mangeable. La première bouchée faillit lui faire monter les larmes aux yeux.
C'était immonde, mais elle n'avait jamais rien mangé d'aussi délicieux.
Elle glissa le pain dans sa sacoche. Autant économiser. Elle pourrait toujours manger le reste plus tard. Demain. Ou après demain.
Après réflexion, elle ajouta aussi un trognon de pomme désséché mais récupérable. Peut-être même trouverait-elle des champignons dans les tunnels, si tout les ventres hobbitiques affamés de la ville n'étaient pas passés avant elle.
La chance tournait peut-être, en fin de compte.

La Hobbite se décida à regagner sa planque pour la nuit. Il y avait à nouveau beaucoup de monde dans la rue et les traces de sang étaient presques déjà effacées par le passage de dizaines de pieds, et elle ne voulait pas, surtout pas, être encore dehors lorsque les gangs se mettraient à sillonner les rues dans la nuit dans l'espoir de pouvoir maltraiter tout ce qui leur tombait sous la main. Ou que les prostituées commencent à rechercher des clients, pas qu'elles le fassent aussi en journée du reste, et qu'elle soit prise pour l'une d'entre elles. Certaines personnes ne se souciaient absolument pas de la différence d'ailleurs.
Elle rasa le mur, évitant au passage un Nain chargé comme un mulet de paquets qu'elle soupçonnait fort d'être de la drogue, slaloma entre deux Hommes prêts à s'entretuer, et fit un détour de plusieurs rues lorsqu'elle croisa des Orcs. Ils étaient peu, à Erebor, mais faisaient plus de dégâts à eux seuls que les Hommes et les Nains réunis.
La Hobbite ne courait pas. Surtout pas.
Ici, courir était suspect et indiquait généralement qu'on était poursuivi ou qu'on avait volé quelque chose. Et qui sait...peut-être qu'il y avait une prime sur votre tête? Un raisonnement qui était celui de l'intégralité de la population, et en plus, elle avait vraiment volé quelque chose.
Mais comme d'habitude, personne ne fit attention à elle. Et ne pas exister pour ces gens-là ne la gênait absolument pas.

Elle avait parcouru environ les trois quarts de la distance lorsque le gosse se mit à pleurer.
Les gosses pleuraient souvent sous la Montagne, donc ça n'aurait pas dû attirer son attention. Mais ces sanglots de gamin terrifié lui retournaient l'estomac, emplissait ses oreilles, oblitérant tout le reste.
Elle continua de marcher.
Ce n'était pas ses affaires, pas son gosse. Ça lui était égal.
L'image du petit mort de faim dans le caniveau traversa son esprit.
- Oh, mais faites-le taire, marmonna-t-elle alors que les pleurs redoublaient d'intensité.
Insupportables.
La Hobbite soupira et regarda autour d'elle, parfaitement consciente qu'elle allait manquer à ses sacro-saintes Règles numéro Deux et Trois.
Et il était là, debout au milieu de la foule indifférente, un petit Nain au visage ruisselant de larmes, serrant une sorte de poupée de chiffon informe contre lui comme si sa vie en dépendait.
Elle secoua la tête.
- Stupide Hobbite, stupide, ce ne sont pas tes affaires, pensa-t-elle, tout en se frayant un chemin jusqu'à lui.
Un gosse seul n'avait pas une seule chance de survie sous la Montagne. Perdez le vôtre de vue un seul instant, il était en général impossible de le retrouver. Personne ne pouvait être assez stupide pour laisser son enfant sans aucune surveillance. À moins de l'abandonner sciemment et son esprit se révolta à cette pensée. Un enfant était souvent une bouche à nourrir de trop...mais pas chez les Nains, qui considéraient leur progéniture au-dessus de tous les trésors possibles.
Donc ce gamin-là, avait réellement un problème.
Elle remarqua les regards déjà intéressé de quelques personnes d'aspect peu engageant et frissonna au souvenir de mains baladeuses sur son corps. Il existait des gens sous la Montagne pour qui aucun comportement déviant ne semblait immoral.
Elle se planta face au gosse.
- Ça va, petit?
Le petit Nain releva la tête, reniflant pitoyablement, ses frêles épaules secouées de hauts-le-coeur. Il avait des cheveux noirs en bataille, de grands yeux couleur chocolat et une petite bouille ronde relativement imberbe barbouillée de larmes.
- J'ai perdu mon Adad, bredouilla-t-il.
Son père, donc.
- Comment il s'appelle, ton Adad?
Le petit réfléchit un moment, le nez plissé.
- Adad, finit-il par dire.
- Très aidant, marmonna-t-elle.
Le gosse avait l'apparence d'un enfant humain de cinq ans, mais il avait probablement le même âge qu'elle et était presque de la même taille, ce qui faisait qu'elle n'avait pas à se baisser.
- Et à quoi il ressemble?
- Il est très beau, fit-il avec un grand sourire.
De mieux en mieux.
Le menton du petit se mit à trembler et de grosses larmes se remirent à jaillir de ses yeux.
Pas chocolat, observa-t-elle, plutôt charbon, en fait. Elle les avait déjà vus quelque part.
- Veux Adad, gémit-il. Et Amad et Fee.
Amad. Le gosse avait une mère. Mais qui était Fee?
Les gens les regardaient bizarrement et la Hobbite commençait à paniquer. Elle sortit un mouchoir crasseux de sa poche et débarbouilla les joues du gosse.
- On va le retrouver, ton Adad, promit-elle, se maudissant à l'avance.
Mais ces yeux noir soyeux, c'était plus qu'elle ne pouvait supporter. Où diable les avait-elle déjà vus?
Le visage du gamin s'éclaira et son coeur fondit.
- C'est vrai?
Elle sourit aussi.
- Promis.
Le petit Nain glissa sa main minuscule dans la sienne et elle secoua la tête. Faire confiance à une inconnue comme ça...c'était bien les gosses.
- Mon Adad est très fort, dit-il alors qu'elle l'entraînait dans son sillage.
- Vraiment?
- Il a une épée, mon Adad.
La Hobbite fronça les sourcils. Épée. Yeux noirs. Mais le gosse était brun. Ça ne pouvait pas être ça.
- Je m'appelle Kili, et toi? demanda soudain l'enfant, ses grands yeux mouillés ouverts et curieux.
La Hobbite hésita. Sa mère lui avait donné un nom, un qu'elle avait quasiment oublié, et elle en avait choisi un autre, plus ordinaire, plus discret.
Un qui était suffisamment ambigu pour ne pas la faire remarquer.
- Bilbo Baggins, à ton service, répondit-elle, en parfaite Hobbite qui jamais n'oubliait ses manières.

à suivre...

J'espère que ça vous a plus!
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