« Cher Genesis,

J'ai bien reçu vos lettres. Elles m'ont beaucoup plu. Vos poèmes sont d'une grande beauté et quel bonheur pour moi de lire vos vers. Comment se porte votre éditeur ? Pensez-vous pouvoir proposer vos nouvelles inspirations ce mois-ci ? Les affaires à Paris sont intéressantes. Les hommes et femmes ici sont de grands penseurs. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec de nobles génies. Leurs travaux d'occulte m'ont impressionné ! J'espère que mon ouvrage n'est pas trop abimé, je l'ai protégé comme je l'ai pu pour qu'il arrive jusqu'à vous. Il s'agit de mes plus récentes recherches… »

Hirako Fieldwar

(…)

« J'ai enfin investi. J'ai trouvé ma nouvelle résidence, par-delà la mer, près de vous. Une grande bâtisse, aux allures de palais. Je ne l'ai aperçue qu'en photographie, et je n'ai qu'une hâte : m'y rendre pour vous y inviter. L'homme qui m'a vendu ce domaine est un riche investisseur que vous connaissez sans doute : il fréquente les fumoirs de Londres, un musicien dont le nom m'échappe… Je vous en parlerai sans doute de vive voix à la fin de l'hiver, lorsque mes affaires arriveront sur place. »

Le Harem

(…)

« Mes conférences avec les nouveaux médecins de France se sont révélées intéressantes. J'ai pu m'exercer sur une centaine de cas ce mois-ci, et croyez-moi, Sir Genesis, ce n'est pas de tout repos… J'attends mon départ avec impatience, et débute l'écriture de mon nouveau mémoire. Enfin, dites-moi si mes doutes sont infondés, mais je vous trouve bien séducteur. Vos propos enchanteurs déciment ma plume, et je ne désire qu'une énième réponse !

« Bien à vous, Sir. Je vous embrasse passionnément,

Comte Sephiroth. »

Genesis déposa la lettre sur son bureau en buvant une gorgée de thé rouge. Sa chevelure écarlate était belle et sauvage. Ses yeux, plissés parcouraient la lettre. Il esquissa un bref sourire et alluma une cigarette. Un rayon de soleil passait au travers de la grande fenêtre. Un ciel rouge et sensuel. Il soupira et examina le paquet, livré avec la lettre. Il était entouré d'une pièce de tissus, ficelé par une solide cordelette. Genesis examina le livre, dont la couverture était cuivrée.

« Mémoires et Etudes des Lycans en milieu hostile. »

Il ouvrit la première page. Il avait été écrit à la main. La plume sentait encore. Genesis poussa un soupir.

- Sephiroth… Je vais avoir de la lecture en vous attendant…

Il leva la tête.

Angeal.

- Bonsoir !

Il pencha la tête.

- Bonsoir Genesis.

Il était habillé d'une longue veste à queue de pie, blanche. Il portait un plateau en bois, garni de tartines sucrées.

- Ton déjeuner, souffla-t-il.

- Merci. Pose-le ici.

Angeal était un homme imposant. Il s'approcha du bureau, et obéit en déposant la nourriture devant Genesis. Il écrasa sa cigarette.

- Une autre nuit, hm ?

- Oui.

- Va les réveiller maintenant, veux-tu. J'ai reçu un présent de la part du Comte Sephiroth. J'espère qu'il a trouvé quelque chose…

- Qu'est-ce qu'il t'a dit d'autre ?

- Il va bientôt venir ici.

- C'est une bonne nouvelle ?

Genesis hocha la tête.

- Bien sûr.

Il y eut un court silence. Genesis dégusta les quelques biscuits qu'on lui avait apporté. Et Angeal s'approcha de la porte.

- Angeal ?

- Oui ?

- Ce soir, elle est pleine.

- Je vois.

- Procédure habituelle, murmura-t-il.

Le majordome hocha la tête.

- Je vais avoir besoin de toi demain, dans la journée.

- Oui ?

- Tu vas aller m'en chercher d'autres. J'ai besoin de sang frais.

Il éclata de rire.

- Oui, de sang frais, ajouta Genesis, ça va faire bientôt cinq ans que nous jouons dans la même équipe Angeal. Il va falloir en récupérer d'autres. Et je compte sur toi.

- Mais, vous serez seul…

- On sait très bien ce qui va se passer. Tout se passe toujours comme prévu, n'est-ce pas ?

Angeal hocha la tête.

Genesis souriait.

- Alors, va les réveiller. Et pars m'en chercher d'autres.

- Ce sera fait.

Angeal disparut. Il se dirigea vers une petite pièce à l'espace restreint. Il y avait deux chandeliers contre les murs, éteints. Il en saisit un, plus massif qu'il pouvait balader à son aise. Il embrasa les bougies, une par une. Il y en avait trois. Enfin, il passa par la porte du fond. Une chambre froide. Il vérifia les contenus du sac du fond. De la vapeur s'échappait de sa gorge. Il toussota puis traîna le sac par-dessus son épaule. Il traversa le couloir et tourna à sa gauche. Il descendit les escaliers.

Angeal arriva en bas des marches et passa devant un long mur en sorte de papier de riz. Mais il avait l'air particulièrement solide. Une chaîne entourait le dispositif d'ouverture. Il les retira, grâce à la clef qu'il portait autour de son cou et fit coulisser la façade en marchant jusqu'à l'autre bout de l'entrée. Là il alla allumer quelques lampions primitifs, aux quatre coins de l'endroit.

Il s'agissait d'un grand dortoir.

Les silhouettes allongées bougèrent.

« Il est temps de se lever. »

Il y avait là une bonne quinzaine d'hommes, dont la corpulence variait. Mais, la beauté était bien là. Ils étaient peu vêtus, et la couleur de leur chevelure changeait. Angeal alluma la dernière bougie. La pièce était toujours particulièrement sombre, malgré les luminaires. Il inspira profondément en jetant un regard à ces hommes. Il étouffa un soupir.

- Je vous laisse dix minutes. Les premiers rendez-vous vont vite arriver vous savez.

Les hommes ronchonnaient. Mais, aucun n'osait contredire le majordome. Il déposa le sac au sol.

- Vôtre dîner. Faites vite, d'accord ?

Angeal hocha la tête et pénétra le vestibule qui précédait les dortoirs.

Les lattes sur le sol étaient peu épaisses. Il y avait là une couche bien spartiate pour cette masse de personnes. Tous s'éveillèrent, les uns après les autres. Ils s'étiraient, se grattaient la nuque. Certains baillaient. La journée avait été courte.

- Je n'ai pas faim, soupira l'un d'entre eux.

- Genesis veut nous engrosser, si vous voulez mon avis, lança un autre.

- Avec tout ce qu'on nous apporte à bouffer dans la journée…

Seulement une poignée discutait. La plupart restait prostré dans un silence gêné, les bras chétifs et décharnés. Comme s'ils attendaient la mort, dans une cage oublié des Dieux.

- Je suis vraiment crevé, dit un des hommes en s'étirant.

Sa chevelure noire était ébouriffée. Il soupira.

« Tu es toujours crevé, Zack. »

- Oh, toi

Zack esquissa un sourire.

- Tu te plains, mais ce n'est pas toi qui a les pires clients ici. Et tu le sais…

- Je n'y peux rien !

L'homme qui lui parlait avait les cheveux attachés, tirés en arrière. Ses traits typés. Ses prunelles en amande. L'asiatique le regardait avec un léger mépris.

- J'ai trop faim, ajouta Zack en se dirigeant vers le sac.

Il en sortit une petite poche transparente en plastique. Il glissa l'embout entre ses lèvres et mordit doucement, sans effort. Il ferma les yeux, retenant un soupir d'aise. Zack était un très beau garçon, élancé et musclé. Ses grands yeux bleus étaient profonds et provocants par leur beauté.

- Mon Dieu, dit-il en s'appuyant contre le mur.

Il y eut un léger bruit. C'était la porte d'entrée du bâtiment. Elle venait d'être ouverte, ce qui signifiait que les premiers clients étaient déjà dans l'enceinte de la grande maison. Zack fut surpris. Il était très tôt pourtant…

- Mais, il est à peine dix-neuf-heures, murmura-t-il.

- Ca veut dire que Genesis nous a refilé encore plus de travail que d'habitude, soupira l'asiatique en s'approchant de Zack, une pochette de plastique dans la main.

Zack avait déjà terminé son repas. Il soupira, blasé et laissa tomber le blister.

- Encore plus de travail, répéta-t-il.

Il y eut un silence lourd.

- Tseng ? demanda Zack.

L'homme se retourna.

- Tu as déjà essayé de partir d'ici, toi ?

- Partir ? Pour aller où ?

Zack baissa les yeux.

- Oui… C'est vrai.

Il eut un petit rire, et la porte s'ouvrit.

Angeal apparut.

« Numéro un, deux, trois quatre et cinq. Votre clientèle est là. Filez dans vos loges, vite.»

Zack hocha la tête.

« A vos ordres. »

Zack s'essuya le coin des lèvres. Le peu de sang qui y restait s'effaça alors, et il monta les marches des escaliers qui menaient à la loge numéro une. Sa loge. Une fois de plus, il ferait crier de jeunes garçons à la recherche d'un animal, d'une bête à affronter. D'un mal à habiter. Il grimpa les marches, une par une. Et c'était toujours la même chose. A chaque fois que la nuit tombait.

Et chaque nuit se faisait plus longue. Et sa vie n'était pourtant plus.

Zack, numéro un.

Fierté du Harem.

- Bonjour, souffla-t-il à son premier client.

Un jeune homme chétif, à l'allure craintive.

- Bonsoir maître

- Tu as déjà payé ?

- Comme toujours maître.

- Alors, tu peux te déshabiller, si tu en as envie.

- Oui maître.

- Tu as envie que je le fasse ?

- Je...

Une morsure.

Et c'était toujours la même chose.

A chaque fois que la nuit tombait.

Les prostituées du harem, ses plus beaux numéros…

Le sang s'écoulait des cous des clients les plus fidèles. Et les cris de jouissance se multipliaient.

La souffrance…

Est leur plaisir.

Les clients du harem étaient tous des hommes. Mais, leurs souhaits et désirs variaient. Mais leurs cibles étaient pourtant similaires. Il y avait toujours l'exquise joie de souffrir, ou l'éblouissant sadisme d'une dominance aveugle. Le monde le connaissait. Et l'univers fermait les yeux, honteux de posséder un bijou si obscène, oui.

« Il est prisonnier, plus qu'un homme condamné aux galères, plus qu'un fou enfermé dans un cabanon. Aller là où il a envie lui est interdit. Lui qui n'est pas un être selon la nature, il doit cependant obéir à certaines de ses lois - pourquoi, nous n'en savons rien. Toutes les portes ne lui sont pas ouvertes ; il faut au préalable qu'on l'ait prié d'entrer ; alors seulement il peut venir quand il le désire. (...). Ainsi, tandis que le vampire peut parfois accomplir sa propre volonté, pourvu qu'il respecte les limitations qui lui sont imposées et se confine dans son domaine : son cercueil à lui, son enfer à lui, ou encore dans un endroit non béni (...) » Dracula – Bram Stoker