LE SAVIEZ-VOUS ?

Les gens sont généralement plus honnêtes quand ils sont physiquement fatigués. C'est pourquoi les gens avouent facilement des choses lors de conversations en fin de soirée.

Il était déjà tard quand Hermione rentra dans ses appartements de préfets en chef. Elle avait passé la soirée à discuter avec ses amis dans la salle commune des gryffondors et ça lui avait fait le plus grand bien ! Avec ses devoirs de préfète, sa réputation d'élève modèle à sauvegarder, les devoirs qui n'en finissaient plus, la guerre qui approchait… Elle n'avait plus trop le temps de se reposer. Et c'est ce qu'elle avait fait ce soir. Avec Harry, Ron, Ginny et les autres. Et ça lui avait vraiment fait un bien fou !

Elle y repensait encore et encore. Quand il se retrouvait comme ça, et parlait, et riait, et jouait, sans jamais évoquer la guerre, elle retombait en enfance. Elle se sentait comme avant. Avant de savoir qu'elle était sorcière et qu'elle se lie d'amitié avec le seul garçon qui semble s'attirer des problèmes comme un aimant. Pendant un instant, elle n'avait plus eu ce poids sur ses épaules et, malgré la fin de leur réunion, elle restait encore sur un petit nuage. Elle était tellement perdue dans ses pensées qu'elle ne remarquait même pas Drago Malefoy, négligemment allongé sur le canapé de leur salle commune, un livre ouvert sur le torse, les yeux fixant merlin-sait-quoi dans le rouge des flammes.

- C'est à cette heure là qu'on rentre miss-parfaite ?

Hermione sursauta et son visage se ferma, comme si soudainement la réalité du monde venait de la frapper en plein cœur.

- Puis-je savoir en quoi ça te regarde Malefoy ?

Il s'était redressé et haussa les épaules.

- C'est bien ce que je pensais.

- Quoi de neuf parmi les gryffons ?

- Et pourquoi supposes-tu que j'étais avec eux ? demanda-t-elle en enlevant son écharpe et son manteau qu'elle avait eu raison d'enfiler par ce froid glacial qui régnait dans le château en plein mois de Janvier.

- Honnêtement Granger ?

Elle roula des yeux. Bien sûr qu'il savait qu'elle était avec eux. Où donc aurait pu –t- elle aller ?

- Rien qui ne te concerne.

- Ah oui ? Vous n'avez même pas parlé de moi ? demanda-t-il avec un sourire moqueur.

Hermione sourit en repensant à la conversation qu'ils avaient eue à propos de Malefoy. Ils n'avaient pas évoqué la guerre, c'était comme un accord tacite. La nouvelle année venait de commencer, et ils avaient envie de se détendre pour une fois. Mais ça ne les a pas empêché de parler de Malefoy et de ses deux prétendus amis. Ils s'étaient souvenus, par exemple, du majestueux coup de poing d'Hermione en troisième année et ça les avait bien fait rire.

- J'en déduis que si.

- Malefoy, as-tu déjà pris tes bonnes résolutions pour cette nouvelle année ? Si non, arrêter de fouiner dans les affaires des autres seraient un bon début, répliqua-t-elle en esquissant un sourire.

- C'est pourtant ce qu'on me demande de faire, répondit-il sans réfléchir.

L'air devint plus froid, les sourires fanèrent. Tous deux savaient à quoi renvoyait cette phrase. Ils savaient tous les deux qui était ce « on ». Son père. Les mangemorts. Voldemort.

- Et bien tu pourrais arrêter de faire ce qu'on te demande, fit Hermione, sur un ton moralisateur.

- Ce n'est pas aussi simple.

- Tu pourrais au moins essayer !

- Tu ne sais pas du tout de quoi tu parles, grogna le serpentard en se levant du canapé.

- Je ne l'ai peut-être pas vécu mais je n'ai aucun mal à comprendre figure toi !

- Arrête de me faire la morale miss-sainte-nitouche ! cria-t-il de rage.

- Et arrête donc de me crier dessus ! répliqua-t-elle sur un ton tranchant. Ce n'est pas ma faute si tu n'es pas capable de faire tes propres choix.

Il la regarda avec toute la haine dont il était possible. Si le regard pouvait tuer, le corps d'Hermione giserait sans vie sur le sol. L'atmosphère était à couper au couteau. Mais outre la colère qui émanait du jeune homme, Hermione avait aussi perçu quelque chose se rapprochant de la tristesse ou de la déception.

- Moi qui pensais que tu étais la dernière personne à me juger sans savoir réellement ce à quoi je suis confronté, admit-il avec un rictus avant de retourner s'asseoir sur le canapé.

Hermione resta plantée là quelques secondes, ou minutes. Elle ne savait pas trop, son cerveau ne se concentrer que sur ce qui venait de se passer. Elle avança vers le canapé, s'installa aussi loin de lui que possible et prit le temps de le regarder alors qu'il étouffait un bâillement.

- Malfoy, je…

- Je ne veux pas de tes excuses Granger, la coupa-t-il, tout en continuant de fixer le feu qui crépitait devant lui.
- Ca compte bien Malefoy, car je n'en avais pas l'intention, répondit-elle, vexée.

Peut-être avait-elle mentit en affirmant cela. L'idée de s'excuser lui avait traversée l'esprit. Mais au regard de son comportement, elle avait changé d'avis.

- Alors que veux-tu faire alors ? demanda-t-il en la regardant avec un air joueur.

- Discuter. Comprendre aussi.

Le visage du jeune homme se rembrunit.

- Reste en dehors de ça, répondit-il en retournant à sa contemplation des flammes.

- Rester en dehors de ça ? s'écrit-elle en réponse, ce qui le fit sursauter et la regarder. Tu te crois drôle Malefoy ? La guerre, j'y suis jusqu'au cou. Je suis née moldu je te signale, au cas où tu avais oublié ! Et je suis la meilleure amie du « survivant », de « l'homme à abattre » ! Je suis concernée et en première ligne même ! Alors non, je ne reste pas en dehors de ça.

- Que veux-tu savoir ? fit Malefoy qui, à part son sursaut quand elle avait commencé sa tirade, était resté de marbre et contempler à nouveau le feu.

Comme elle ne répondait pas, il tourna la tête vers elle. Elle le fixait. Son visage n'exprimait aucune expression franche –elle avait appris à porter un masque de temps en temps- mais à l'intérieur, elle se sentait… Privilégiée.

- Pourquoi es-tu si horrible avec les autres ? Ne te fâche pas, ajouta-t-elle, alors que ses traits s'étaient tendus. Je voudrais juste comprendre. Est-ce que tu hais vraiment les nés moldus ? Est-ce que tu penses vraiment être au dessus des autres ? Est-ce que c'est pour te protéger que tu portes un masque en permanence ? Pourquoi tu agis ainsi ? Est-ce qu'il te l'a demandé ?

- J'ai l'impression d'avoir été arrêté et de me faire questionner Granger.

Elle fit une petite moue désolée. Elle savait qu'elle y avait été fort mais elle n'avait pas pu s'en empêcher.

- Est-ce que tu voudrais des enfants Granger ?

Sa question la prit au dépourvu et il ne put que sourire devant la mine qu'elle arborait.

- Parce que moi non.

- Je ne comprends pas…

- Je n'en veux pas. Et pas parce que je suis trop jeune et que je vais changer d'avis, pas non plus parce que nous sommes en période de guerre. Mon problème c'est l'éducation. C'est là la réponse à ton flot de questions.

- L'éducation ?

Il hocha la tête.

- Je ne rejetterai pas tout ce que j'ai pu faire sur les autres, mais j'ai compris que si j'agissais comme ça, c'est qu'on me l'a appris. On m'a enseigné toutes ces choses, on m'a encouragé à les faire, on m'a récompensé quand je les faisais. On m'a appris depuis tout petit que je faisais partie des sorciers les plus important de par mon sang et de par le rang et la conduite de ma famille. Dès lors, j'ai méprisé tous ceux de condition inférieure à la mienne. Les moldus, les pauvres, les sangs-mêlés, les nés-moldus. Et le pire c'est que je le faisais de bon cœur. Certes, quand j'étais plus jeune c'était peut être excusables car je ne comprenais pas trop ce qu'il se passait, mais maintenant… Ca fait un bout de temps que j'ai compris tout les erreurs que j'ai pu faire. Mais je n'ai pas changé pour autant. J'aurais du, je le sais. J'aurais peut être pu, mais j'avais trop peur. Le maître –Hermione grimaça en entendant ce surnom- est revenu et sa quête de dominer le monde avec lui. Mon destin était donc tracé, et je ne voyais aucune porte de sortie. Tu m'as demandé pourquoi je portais un masque, n'est-ce pas ?

Hermione acquiesça faiblement, perdu dans le récit du Serpentard.

- Cela vient aussi de mon éducation. Mon père et sa fierté de sang pur. Enfant, je ne pouvais pas pleurer, jamais. Ou alors je recevais des punitions qui te feraient tressaillir Granger. Alors je portais ce masque, et rien ne sait arranger avec le retour de… tu-sais-qui.

Un silence s'installa. Hermione repensait à vive allure à ce qui venait d'être dit. Tellement d'informations qui aidait la gryffondor à cerner le personnage du jeune homme assis à ses côtés.

- Je ne t'accorde plus qu'une seule question Granger. Je suis passablement fatigué et j'aimerai aller dormir. Par contre, je doute que je sois d'aussi bonne humeur demain Granger, alors choisis bien.

Elle réfléchit un instant et demanda :

- Pourquoi nous en veux-tu plus particulièrement à nous, Harry, Ron et moi ?

Il esquissa un léger sourire avant de secouer la tête.

- Potter a la vie dont je rêvais. Enfin, je pensais qu'il avait cette vie là, rigola-t-il comme s'il venait de faire une blague que lui seul comprend. Il est célèbre, dans le monde entier. Il a des amis, des amis qui seraient prêt à mourir pour lui. La belette à une famille, qui tient à lui et à qui il tient. Et toi…

Il prit son temps pour réfléchir à ce qu'il allait dire. Hermione retenait son souffle.

- Toi, tu es l'hamartia du plan qui m'était tracé. Tu es la preuve vivante que tout ce qu'on m'a inculqué est faux. Tu es montre qu'on peut être une fille, de parents moldus, être envoyé à Gryffondor et être plus intelligentes et téméraires que la plupart des élèves dans ce château.

Drago replongea son regard dans les flammes à la fin de sa tirade alors qu'il entendait Hermione respirait à nouveau. Après avoir lui aussi respiré un bon coup, après tous ces aveux, il se leva dans le but de rejoindre sa chambre, étouffant une fois de plus un bâillement.

- Merci, fit Hermione doucement.

Elle ne savait même pas si elle voulait qu'il l'entende. Il se retourna vers elle et fit un léger signe de tête avant d'aller s'enfermer dans sa chambre.