1-The host
Deux yeux clairs avec une pupille bordée d'argenté s'ouvrirent et se fixèrent sur le plafond blanc immaculé. Lentement ils roulèrent dans leur orbite et découvrirent trois visages attentifs puis ils se refermèrent. Une lumière dorée sur des fleurs violettes doucement agitées par le vent, le délicieux parfum des fleurs la douceur de la brise tiède. Les yeux se rouvrirent et découvrirent un visage masculin inquiet à quelques centimètres, la bouche s'activa et une voix arriva du visage, envoyant un souffle tiède :
-Vous allez bien ? Vous pouvez vous redresser ?
Les yeux tentèrent de se rapprocher du visage masculin et une masse extraordinairement lourde suivie puis retomba avec un choc mat et les yeux clignèrent. Soudain la conscience de tout le corps et des autres sens frappa l'esprit qui avait activé les yeux. Le bout des doigts bougea, les orteils s'agitèrent, la poitrine se souleva plus manifestement le temps de deux respirations, un frémissement parcouru les muscles des jambes remonta les long des bras et agita brièvement le visage auquel les yeux appartenaient. La tête se redressa lentement et le buste suivi, enfin les yeux purent constater que le corps était en position assise. Une femme se rapprocha précautionneusement et parla lentement comme à un petit enfant :
-Bonjour, nous sommes vos soigneurs pour le moment, vous avez été transférée dans ce nouveau corps et nous vous demanderons de l'aide plus tard, une fois que vous serez reposée, comment désirez vous que nous vous appelions ?
Les yeux se posèrent alors sur la fenêtre qui leur faisait face et virent des fleurs violettes se balançant sous le vent. Pour la première fois l'esprit habitant le corps remarqua qu'il pouvait parler, il articula alors lentement, d'une voix un peu enrouée :
-Quelle est cette fleur ?
-Oh, celle là ? C'est un Lila, répondit avec empressement la troisième personne qui semblait être un homme.
-Alors vous pouvez m'appeler Soleil-sur-les-Lilas.
-Très bien, répondit la femme, nous allons vous emmener à votre nouvelle résidence, un chercheur vous suivra et vous aidera dans votre installation et demain il travaillera avec vous.
-Travailler ? Sur quoi ?
-Le chercheur ou la chercheuse vous expliquera tout, ne vous inquiétez pas, répondit le premier homme. En attendant, désirez-vous voir à quoi vous ressemblez ?
Soleil-sur-les-Lilas hocha la tête et entreprit de descendre du lit et de se mettre debout pour aller vers le miroir fixé au mur derrière le lit. Le deuxième homme se précipita et l'aida à se mettre debout et à faire les premiers pas. Les yeux de Soleil-sur-les-Lilas se fixèrent sur ses pieds et examinèrent les jambes, au bout de quelques pas ils remontèrent pour regarder dans le miroir, la première chose qu'ils virent furent eux-mêmes : deux yeux assez grands, avec une pupille très dilatée, une bordure argentée et un iris bleu limpide. Puis ils examinèrent le reste du corps et découvrirent que c'était celui d'une femme, ou plutôt celui d'une toute jeune fille, de taille assez petite, ni maigre ni potelée mais plutôt mince, la peau claire mais mat , le visage ovale et fin avec une bouche généreuse et bien rose, un petit nez que certains qualifient de parfait, des sourcils bruns assez haut et des cheveux d'une couleur étrange qui étaient attachés sur le dessus de la tête, avec une pince et sans élégance, juste de manière pratique. Elle, puisque c'était une jeune fille, tendit les bras pour défaire la pince et actionna les mains, elle réussit à enlever la pince et secoua la tête pour faire tomber les cheveux. Soleil-sur-les-Lilas écarquilla les yeux de surprise quand sa chevelure se déroula d'un coup et lui tomba au creux des reins, après les cheveux court des hommes et au épaules de la femme, elle ne s'attendait pas à voir autant de cheveux, surtout sur une aussi petite personne. En se tortillant elle découvrit qu'ils étaient châtains clairs avec des mèches blondes, qu'ils formaient des boucles paresseuses et ondulaient doucement sur toute leur longueur. Le premier homme qui semblait être le soigneur principal arriva derrière elle et commenta :
-Ces cheveux incroyablement longs étaient dérangeant, même votre hôte les portait attachés, cependant nous n'avons pas voulu les couper.
-C'est bien, répondit l'intéressé.
-Une analyse morphologique nous a révélée que cette humaine est âgée de 17ans elle a donc presque finit sa croissance.
-Mais elle est toute petite ! Réagit avec une violence surprenante la jeune fille.
-Oh, pas tellement, intervint le deuxième homme, elle, enfin vous mesurez 1,60 mètre, ce qui est respectable pour une femme, nous autres au contraire sommes très grands.
-Ah, répondit dubitativement Soleil-sur-les-Lilas.
Une porte qu'elle n'avait pas remarqué s'ouvrit alors et une femme de taille moyenne s'avança dans la pièce, elle avait de voluptueux cheveux roux qui ondulaient jusqu'au milieu du dos et contrairement aux soigneurs qui étaient intégralement vêtus de blanc elle ne portait que du noir, ce qui faisait ressortir le feu de ses cheveux.
-Bonjour, je suis la chercheuse en charge de cette âme… commença-t-elle
- Soleil-sur-les-Lilas, rectifia la femme soigneuse.
-Soit, Soleil-sur-les-Lilas, reprit la chercheuse, je suis venu la conduire à son domicile.
Puis elle jeta un regard circonspect sur la blouse bleu d'hôpital qui habillait sa nouvelle partenaire, enfin elle lui fit un geste de la tête pour qu'elle se dépêche. La jeune fille remercia rapidement les trois soigneurs qui lui signalèrent qu'elle devait revenir dans une semaine pour un contrôle et elle emboita le pas de la chercheuse qui était déjà partit dans le couloir. Marcher d'un pas pressé, presque en courant était une expérience nouvelle et amusante pour Soleil-sur-les-Lilas qui sentait le sol frais et lisse sous ses pieds nus qui adhéraient et se décollaient alternativement du revêtement impeccable du couloir. Elle sortit de l'hôpital et sentit le goudron grumeleux sous ses pieds qui furent tous meurtris au bout de quelques pas, elle monta dans une voiture argentée à la suite de la chercheuse, une fois en route elle frotta ses pieds pour en faire tomber les graviers ce qui provoqua un froncement de sourcils de la chercheuse. Cette dernière avait une trentaine d'années et un corps parfaitement sculpté qui ne semblait nullement pâtir du nombre des années, elle conduisait avec sérieux et un pli au coin de la bouche semblait indiquer qu'elle réfléchissait en même temps.
Après un voyage silencieux la voiture arriva enfin à destination, elle se gara devant le garage d'une petite maison peu éloignée du centre ville. La menue jeune fille se glissa à la suite de la chercheuse qui entrait dans le logement, une fois dans le vestibule la femme rousse se retourna et déclara :
- Voilà votre nouvelle maison, je vais vous laisser la découvrir tranquillement, l'après-midi est déjà bien avancé donc ne tardez pas à vous coucher, je reviendrais demain matin et je vous expliquerais ce que nous attendons de vous. Dans la cuisine vous trouverez un plat déjà préparé qui vous attend sur la table.
-Merci…
Eut à peine le temps de répondre Soleil-sur-les-Lilas avant que son guide ne ressorte et d'après le bruit reparte en voiture. Elle se trouvait dans un lumineux vestibule, elle remarqua une pièce sur sa droite et décida de visiter la maison. La pièce en question était la cuisine, blanche et grise, pratique, entièrement aménagée, avec un plat métallique rond fermé au centre de la table. Une ouverture au fond à gauche de la cuisine donnait sur une salle à manger, une table et des chaises étaient au centre, contre les murs un buffet, une cristallière, et une armoire à double panneaux finissaient de meubler la pièce qui donnait dans un salon. Le salon était conventionnel et design, à gauche un couloir rejoignait le vestibule et un escalier s'ouvrait, elle le gravit. L'escalier donnait sur un vaste pallier qui faisait office de petit salon et de bureau, une ouverture se présentait à gauche et une porte à droite, elle choisit l'ouverture et se retrouva dans une chambre à coucher avec un lit double, une table de nuit et une armoire, le lit faisait face à l'ouverture, sur la droite une nouvelle ouverture. C'était une deuxième chambre, le lit une place et demi était dans un coin de la pièce, un mobilier plus complet était en place : un bureau, une armoire à penderie, un coffre, deux bibliothèques, une table de chevet. Une porte était dans le mur opposé au lit, elle donnait dans une salle de bain munie de baignoire et de douche avec un double lavabo et donnant par une porte dans les toilette qui, par une deuxième porte donnaient sur le pallier. Soleil-sur-les-Lilas pensa un instant que c'était une grande maison pour une personne toute seule. Elle redescendit dans la cuisine, s'assit à la table et ouvrit le plat rond, il contenait une purée jaune et orange et des haricots verts, elle fouilla dans les tiroirs et dénicha une paire de couverts. Une fois le plat terminé la jeune fille chercha un moyen de le laver, elle pensa un instant qu'il suffisait de le poser dans l'évier, puis elle pensa à ouvrir l'eau et le rinça mais à sa grande surprise cela ne suffisait pas. Elle regarda alors l'objet avec un regard circonspect et l'examina sous toutes ses coutures, espérant trouver la solution. « Tu ne sais vraiment pas laver un plat ? Mais tu fais peur ma pauvre, et dire que c'est toi qu'ils ont mis dans ma tête ! » .Résonna alors une voix dans sa tête. Les yeux de Soleil-sur-les-Lilas s'agrandirent sous la surprise elle balbutia :
-Qui…Qui es-tu ? Mon hôte ? Mais alors pourquoi tu ne t'es pas manifestée avant ?
« Moi ? Je suis la personne dont tu as ignominieusement volé le corps et comme je ne suis pas stupide, malgré les apparences, je t'ai observé. »
-Et tu as observé quoi ? Et puis quel est ton nom ?
«J'ai observé que tu es complètement stupide, tu ne sais rien, tu ne sais te servir de rien, la seule chose pour laquelle tu as raison c'est que cette maison est effectivement trop grande pour une personne seule. »
-Ah. Et ton nom ?
« Mon nom ? Je pense que ce sera plus drôle si je ne te le dit pas ! N'est-ce pas Soleil ? »
-Pardon ? Et ne m'appelle pas comme ça c'est désagréable, si je ne sais pas ton nom je t'appelle comment ?
« Ne te fâche pas Soleil ! Puisque on est dans le même corps, qui est le mien d'ailleurs, tu n'as qu'a m'appeler Soleil aussi ! »
-C'est ridicule, si on s'appelle toutes les deux pareil on ne s'y retrouvera jamais !
« Oh ! Je pensais que tu serais capable de savoir quand on s'adresse à toi et quand c'est toi qui me parle, mais tu es peut-être aussi stupide que ça finalement !...Tu devrais aller te coucher, mon corps commence à être fatigué ! »
Ebahit par la découverte qu'elle n'était pas seule dans son corps Soleil-sur-les-Lilas, ou plus commodément « Soleil », partit se coucher, elle allait prendre le lit double quand Soleil lui fit remarquer qu'il était peu judicieux de dormir face à la porte, elle se retrouva donc dans le lit une place et demi de la deuxième chambre. Le lendemain matin Soleil se réveilla de bonne heure, parfaitement reposée par un sommeil sans rêve. Elle se leva d'un bond et réalisa qu'elle avait gardé la chemise bleu d'hôpital et ses pieds étaient toujours nus mais le parquet vierge de toutes poussière le lui avait fait oublié. Elle jeta un coup d'œil à son reflet dans la glace de l'armoire, ses cheveux étaient emmêlés sa blouse chiffonnée et ses yeux un peu bouffis. « Sexy ! Tu pourrais faire un effort quand même. »
-C'est ton corps qui est moche comme tout, petit, rabougris, sans aucune forme, pas du tout aussi bien que celui de la chercheuse !
« C'est parce que tu ne porte pas les bonnes fringues, et entraines toi à me parler directement dans ta tête sinon les gens te prendront pour une folle »
Soleil grommela et passa dans la salle de bain où, sur les indications de Soleil elle prit une douche et se brossa les cheveux, qui étaient comme nous le savons fort longs. Enroulée dans une serviette elle alla chercher des habits dans l'armoire, à sa grande surprise quand elle mettait un short et un t-shirt moulant son corps était presque aussi parfait que celui de la chercheuse, seulement un peu plus petit. « Tu vois, je te l'avais dis… » Elle passa alors dans la chambre au lit double et tenta de fermer la porte mais il n'y en avait pas « Ce n'est pas possible, cherche mieux » martelait dans sa tête Soleil mais la jeune fille devait se rendre à l'évidence il n'y avait pas de porte, et la voix dans sa tête s'était tu, cherchant elle aussi une solution. Soudain Soleil sursauta, la chercheuse se tenait en face d'elle, d'une voix un peu moqueuse déclara :
-Ce sont des panneaux coulissant, il faut trouver l'encoche dans le mur et pousser le panneau jusqu'au mur opposé.
Les yeux de la jeune fille s'agrandirent sous le coup de la compréhension et la voix dans sa tête ne pu s'empêcher de lancer un « Aaaah » de compréhension. Soleil-sur-les-Lilas trouva alors l'encoche et tira pour faire coulisser le panneau mais elle ne dosa pas sa force et fit claquer le panneau bien plus brutalement que ce qu'elle voulait et de surcroit juste au moment où la chercheuse esquissait un pas en avant, elle se retrouva donc avec la porte fermée au nez. Confuse et luttant contre une Soleil hilare Soleil rouvrit le panneau lentement et fit face à une chercheuse qui tentait à grand peine de maitriser sa colère.
-Désolée, murmura d'une toute petite voix la jeune fille.
-Hm, venez dans la cuisine que je vous explique votre mission, se reprit difficilement la grande rousse.
« Une mission ? »
Elles descendirent dans la cuisine, s'assirent autour de la table, la chercheuse tendit à sa partenaire un petit pain en guise de déjeuner et aborda le sujet qui lui brûlait les lèvres depuis la veille :
-Vous ne le savez peut-être pas Soleil-sur-les-Lilas mais les habitants de cette planète sont différents des quelques autres que vous avez rencontrez, ils se sont rendu compte que nous arrivions et prenions possession de leur corps, certains ont attenté à leur vie, la plupart se sont défendu, contre toute logique selon moi, et enfin certains se sont cachés, ont déjoués nos recherches et ceux qui ne voyages pas seuls ont formés de petits groupes de résistance. Vous comprenez que de tels groupes sont un danger pour l'équilibre et doivent donc être éliminés, il est impératif que tous les humains soient occupés, c'est aussi dans leur propre intérêt bien évidemment.
« Bien évidemment, mais pour qui elle se prend celle là ? »
La chercheuse continua sous les yeux écarquillés de surprise et d'intérêt de son interlocutrice :
-Nous pensons que votre hôte ne voyageait pas seule et se dirigeait vers un groupe de résistants, nous aimerions donc que vous sondiez sa mémoire pour nous en apprendre le plus possible sur son passé, les conditions de son voyage, et si possible la localisation du groupe qu'elle allait rejoindre et leur nombre, si elle le connait bien évidemment.
« Tient donc, je me disais aussi qu'il n'était pas possible qu'on me laisse un peu tranquille pour une fois ».
-Heu maintenant ? demanda timidement Soleil-sur-les-Lilas.
-Oui, pourquoi, vous avez des difficultés à accéder aux souvenirs ? Quoi qu'il en soit vous pouvez au moins me raconter les derniers instants de votre hôte que vous avez du voir lors de votre insertion.
-Les derniers instants ? Oui, mais les souvenirs sont pour ainsi dire inexistants…
-Inexistants ? C'est très intéressant mais peu convaincant, je pense que votre hôte est une forte tête qui résiste à votre présence et essaye de vous trompez. Commencez par les derniers instants, nous verrons la suite plus tard.
