Disclaimer : SnK, son univers et ses personnages appartiennent à leur auteur.

Vous trouverez ici une série d'OS sans lien les uns avec les autres mais qui se passeront tous dans l'univers de la série.

Résumé : Historia retrouve le livre qu'enfant elle aimait tant. Christa/Ymir & Armin


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L'Oracle

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Et lorsque l'Oracle les interrogea, voici ce que répondirent les quatre filles du Roi :

Ma couronne sera d'or et de saphirs, dit l'ainée des princesses. D'or comme le soleil, de saphir comme l'azur, car je régnerai dans le ciel.

La mienne sera d'argent et de diamants, inconstante et sans couleur comme les flots car les flots seront mon domaine, dit la cadette.

Pour moi le bronze et les émeraudes, dit la benjamine. De bronze comme la terre, d'émeraude comme les plantes, car c'est sur la Terre que s'étendra mon pouvoir.

Je n'aurai, dit la dernière, ni couronne ni royaume, je n'aurai que mon sang et mes larmes et ce seront eux qui feront obéir les hommes.

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Lorsque l'aube se lève, Historia est déjà réveillée. Elle n'est pas sûre d'avoir dormi. Si c'est le cas, au moins n'a-t-elle pas rêvé ou alors elle ne s'en souvient pas, ce qui revient au même, et c'est peut-être pour ça qu'elle se sent presque reposée.

Quelques minutes et sa première dame d'honneur va entrer. Elle se souvient à peine de son nom et de sa figure mais elle aime sa voix.

Sa voix ressemble à celle d'Ymir. Une Ymir polie jusqu'à l'obséquiosité, une Ymir qui ne rit pas et qui ne dit jamais ce qu'elle pense mais il y a ce timbre un peu métallique dans son ton et pour une courte seconde, elle peut s'imaginer que c'est elle.

Ce trop bref moment de répit rend probablement les choses plus difficiles mais elle en a besoin pour ne pas devenir tout à fait folle.

Ou peut-être est-elle déjà folle et cet instant où elle croit entendre Ymir est le seul instant où elle est saine d'esprit.

La porte s'ouvre et Historia ferme les yeux. Elle n'a pas besoin de faire un effort pour qu'une silhouette presque androgyne apparaisse devant elle. Son Ymir a toujours été un sac d'os, et ce n'est pas l'entraînement intensif ou les rations militaires qui auraient pu permettre à son corps de prendre des courbes plus féminines. Tu es assez fille pour nous deux Christa. Je n'ai pas besoin d'avoir des seins, est-ce que je n'ai pas déjà les tiens ?

« C'est l'heure, Majesté. »

L'espoir une délicieuse seconde, et puis rien ne vient. Ymir aurait certainement pu se forcer à prendre ce ton digne mais elle n'aurait pas pu s'empêcher de rire ensuite et de la rejoindre pour la dévorer. Je vais te manger, tu veux bien, n'est-ce pas ? Elle avait dit oui, sans savoir qu'Ymir était un titan. Elle aurait dit oui même si elle l'avait su.

Historia rouvre les yeux. Le soleil levant éclaire la chambre des lumières douces de l'aube.

Elle ne le voit pas : son monde est blanc depuis longtemps.

Blanc aussi est son habit.

C'est l'unique couleur qu'elle porte, même si elle consent parfois, lorsque la situation l'exige impérativement, à nuancer cette blancheur de l'éclat sanglant du rubis, glauque de l'émeraude ou glacial du saphir.

Elle ne porte jamais d'or.

L'or est dans le soleil, les champs de blés, les yeux d'Ymir.

L'or ne peut pas s'attraper pour faire des bijoux.

De toutes manières, le blanc lui va bien. C'est un ange de pureté, elle a décidé de se marier à son peuple, la reine vierge, la sauveuse…

Elle rit quand un courtisan plus flatteur et osé que les autres lui répète ces élucubrations parce qu'elle pense aux mots d'amour qu'Ymir lui disait entre deux gémissements alors qu'elle avait sa langue dans son sexe. Ma suceuse, ma pute, ma salope. Elle acceptait ces insultes avec un enivrement que ne lui auraient pas procuré des caresses. Qu'importait ce qui suivait puisqu'elle était sa suceuse, sa pute, sa salope.

Il y a eu une époque dans sa vie où s'habiller consistait à trier ses vêtements de ceux d'Ymir et à les enfiler le plus vite possible en priant pour ne pas être en retard, dans la chiche clarté des baraquements. Et parmi ces corps de filles devenant femmes s'habillant à toute vitesse, il y avait parfois des touchers équivoques, que suivaient un flot d'excuses ou de grognements si c'était une autre, qui s'attardaient à plaisir si c'était Ymir.

Des rires, des jurons aussi, elles étaient des filles certes, mais avant tout des soldats, des plaintes.

Aujourd'hui, son habillement est un rituel compliqué qui demande quatre personnes en dehors d'elle-même et auquel on assiste par faveur. Elle reste digne et obstinément silencieuse pendant ce spectacle qui l'écœure toujours un peu mais n'oublie jamais de sourire aux invitées de cette étrange pièce. Si elles sont là, c'est que, épouses ou filles, maîtresses ou mères, et parfois par elles-mêmes, ces femmes ont dans leur main une petite part d'influence qui a motivé l'invitation.

Une grande partie de sa vie est un spectacle à présent. Elle comprend mieux la volonté des Reiss de rester dans l'ombre, on contrôle bien mieux les fils du pouvoir quand on peut être le marionnettiste caché, même si son dégoût reste intact.

Elle veut un monde sans pantin mais la triste vérité c'est que les hommes aiment être manipulés. Ils préfèrent le confort des normes et de l'enfermement aux risques de la liberté.

Son plus grand acte de dévotion en tant que reine est sans doute d'apprendre à leur pardonner cette lâcheté.

Il y a plus d'une heure et demie qu'elle est levée quand elle s'assoit finalement pour petit-déjeuner. Ses dames d'honneur sont avec elle et elle regarde sans vraiment voir ces visages qui ne lui sont ni amis ni ennemis. Simplement indifférents.

La nourriture est abondante et délicate mais elle a un goût de cendres et elle ne la rassasie pas.

La journée se passe, des conseils, des crises, des rapports, des décisions, à la fois interminable et bien trop rapide et c'est bientôt le soir, l'heure de se coucher. Lorsqu'il n'y a pas de bal ou de soirées, la reine se retire toujours tôt.

Le déshabillage est moins rituel que l'habillage, sans doute car c'est éloquent de voir une femme se vêtir de reine mais ça l'est moins de voir une reine devenir femme, et Historia le subit avec moins de contrariété, en tâchant de ne pas penser à ces mains agiles qui volent autour d'elle et ne sont pas celles qu'elle voudrait.

Ses cheveux blonds, dépouillés du diadème, tombent sur ses épaules. Ils sont doux et brillants, toujours lavés et brossés avec soin.

C'était le seul luxe qu'elle s'offrait, à l'époque. Sa maigre solde passait en produits capillaires. Ymir adorait ses cheveux.

Si je trouvais un endroit où nous serions bien seules au monde, tu ne pourrais pas porter de vêtements, Christa. Tu irais nue toute la journée avec tes cheveux pour seul habit.

Mais tu es bête, j'aurai froid !

Pas si tu restes toujours dans mes bras.

Puis enfin, une dernière révérence, un dernier « Votre Majesté », et c'est fini.

Historia s'assoit sur le lit confortable, frotte son visage, se pince les joues, le nez, la bouche, comme pour décrisper ses traits.

Jusqu'à demain, jusqu'à l'aube suivante et sa porte qui s'ouvrira sur une femme qui n'est pas Ymir, elle est à nouveau Christa.

Elle a passé tant de temps à se cacher sous ce nom et à présent, c'est ce nom qu'elle cache.

Et il y a tant de choses dans ce nom. Des jours heureux, remplis de souffrance et de violence, de sang et de larmes, mais Ymir était à ses côtés alors elle avait toujours quelque part où se réfugier. L'amertume avait le goût du miel.

Tout à coup, elle se rappelle de ce conte qu'elle aimait tant enfant, cette histoire d'où elle avait tiré ce nom qui ne devait être qu'une protection mais qui était devenu partie intégrante de son être.

C'était à cause d'Ymir bien sûr. Ymir connaissait le pouvoir des mots et les mots de pouvoir, et sûrement, elle aurait adoré être reine si le titre était venue des lèvres fines d'Ymir.

Christa existait encore et existerait toujours parce que c'était comme ça qu'Ymir l'appelait.

Elle enfile une robe de chambre dont le tissu d'une impossible douceur liquide, ça s'appelle de la soie, coûte plus cher au mètre qu'un mois de ration pour dix soldats.

Les couloirs du palais sont vides, mais elle s'amuse à esquiver les rares serviteurs et les soldats. Elle s'amuse à être ombre parmi les ombres, à avoir peur, le temps d'un battement, d'être découverte.

Christa a toujours aimé avoir peur, surtout quand c'était pour rire, surtout quand Ymir n'était pas loin et qu'il ne pouvait donc rien lui arriver.

Son but est la bibliothèque, une pièce où elle se rend rarement mais qui l'impressionne chaque fois qu'elle y met les pieds. C'est quelque chose, tant de livres en un seul lieu, dans un monde où ils sont si rares.

Lorsqu'elle entre dans la vaste pièce, elle a un mouvement de recul en apercevant une ombre penchée sur un volume, elle ne veut voir personne !, mais elle se détend en reconnaissant la silhouette.

Grand et imposant à présent, elle voit toujours en lui le petit garçon pleurnicheur, si faible physiquement mais qui les dépassaient déjà tous, même Mikasa que tout le monde appelait « génie », sur le plan théorique.

Armin relève la tête lorsqu'elle ouvre plus franchement la porte, la faisant craquer légèrement.

Immédiatement, il se lève et s'incline, mais avant qu'il n'ait eu le temps de dire un mot, qui ruinerait tout, elle dit :

« Arrête, c'est juste moi, Christa. »

Il saisit parfaitement la nuance et se rassoit donc.

« Je ne savais pas que tu étais au palais, Armin.

─ Je suis arrivé ce soir, la reine s'était déjà retirée.

─ Tu fais partie de ceux pour qui elle est toujours disponible.

─ Ce n'était rien d'urgent.

─ Le Mur Maria ?

─ Colmaté. Plus aucun humain ne pourra jamais emprunter les portes et sortir.

─ C'est donc la fin des Bataillons. Tu en auras été le dernier commandant. »

Armin hoche la tête, l'air rêveur et aussi un peu dégoûté. C'était le vœu de la majorité de la population. La fermeture définitive. L'isolement éternel.

La porte de la cage ne pourra plus s'ouvrir, car même la force du Titan Colossal n'a pu briser les Murs à l'époque.

Ils n'échangent pas un mot sur le tunnel. Le tunnel est un secret absolu et les mots résonneraient trop facilement dans cette grande salle.

« Je pense que si je me marie un jour, ce sera avec toi. »

Armin la regarde avec surprise.

« Moi ? Pourquoi ?

─ Tu comprends pourquoi Historia s'habille toujours en blanc. »

C'est sans doute le seul. Ça n'a rien à voir avec la pureté ou la mise en scène.

Simplement, Historia est veuve, veuve sans avoir été mariée, veuve sans chapelle et sans époux mais veuve d'une femme qu'elle a aimé et qui est morte.

Les reines portent le deuil en blanc.

« Et puis, tu es celui qui ressemble le plus au commandant Smith. Mais je peux difficilement épouser le commandant Smith. »

C'est dit avec un sourire, et pour un observateur, il n'y aurait rien de plus cruel que ce sourire, mais Armin connait la vérité alors il se contente de lui sourire en retour.

On n'épouse pas un cadavre. Encore moins quand c'est par son ordre qu'il a été envoyé au gibet.

Même si cet ordre a été signé par la volonté impérative de celui qu'il condamnait.

« Ils ont besoin d'un bouc-émissaire, et d'un signe fort.

─ Ne me faites pas faire ça, commandant. S'il vous plait, s'il vous plait.

─ Ce n'est pas grave Historia. Ce n'est rien. »

Il y avait un sourire presque angélique sur son visage maigre. Le visage d'un mourant que seule une volonté d'acier conservait en vie.

« Tu me rendras service. Tu comprends, ils sont morts pour me sauver, alors il ne faut pas que ce soit en vain. Il faut au moins que ma mort ait un sens, puisque ma vie n'en a plus. »

Une voix douce, comme suppliante. Plus à même de la faire obéir que tous les cris et les ordres du monde.

Deux semaines plus tard, Erwin Smith mourrait par pendaison pour haute-trahison.

Son exécution fut la seule parmi les hauts rangs des militaires.

Son corps, qui devait rester exposé fut volé la nuit même.

Actuellement, embaumé avec un soin qu'on réservait habituellement aux dépouilles des souverains, Erwin Smith repose secrètement dans la crypte royale jusqu'au jour de sa réhabilitation posthume.

Sa nuque s'est brisée lui épargnant l'atroce agonie de l'asphyxie et il a gardé dans la mort cet étrange sourire.

Il les a sans doute rejoint là-bas, si là-bas existe, tous ces hommes et toutes ces femmes qui sont morts sous ses ordres et qu'il a chéris à sa manière, distante et froide.

Peut-être est-il enfin libre, découvrant le monde sur les ailes du vent, en compagnie de Mike Zacharius, d'Hanji Zoe de Levi Ackerman et de tant d'autres qu'elle n'a pas connu mais dont il a porté avec lui le poids jusqu'à ses derniers instants.

« Tu es prêt à partager ma couronne ? »

'Tu es prêt à partager le poids de mes crimes ?'

« Si ce jour vient, ma reine, j'en serai honoré. »

'Depuis le début, ce sont les miens aussi.'

C'est un serment et ils le comprennent ainsi tous les deux.

« Tu sais, lorsque j'ai choisi de m'appeler Christa, ça venait du nom d'un conte que j'aimais beaucoup, » dit-elle soudain, puisque tout le reste a été dit, ou ne l'a pas été, ce qui revient au même, et qu'après tout, c'est pour ça qu'elle est venu dans la bibliothèque.

« Tu te rappelles du titre ?

Elle secoue la tête mais il y avait tout une section réservée aux contes et après deux heures assez amusantes à nager dans les princes transformés en grenouille et les princesses enfermées dans les tours, elle a un petit cri de joie en reconnaissant dans la table des matières d'un ouvrage à la couverture de cuir presque doré une série de titres familiers : « C'était celui-là ! La princesse sans royaume !

─ Quel choix... curieux, rétrospectivement.

─ Attends, laisse-moi retrouver ce passage. »

Ils se redressent et rejoignent la table où Armin a étalé ses affaires, des recherches sur l'ingénierie et l'architecture, sans doute par rapport au tunnel qu'ils construisent.

Christa tourne les pages rapidement pour retrouver ce passage qu'elle a tant aimé enfant :

« Et lorsque l'Oracle les interrogea, voici ce que répondirent les quatre filles du Roi :

─ Ma couronne sera d'or et de saphirs, dit l'ainée des princesses. D'or comme le soleil, de saphir comme l'azur, car je régnerai dans le ciel.

─ La mienne sera d'argent et de diamants, inconstante et sans couleur comme les flots car les flots seront mon domaine, dit la cadette.

─ Pour moi le bronze et les émeraudes, dit la benjamine. De bronze comme la terre, d'émeraude comme les plantes, car c'est sur la Terre que s'étendra mon pouvoir.

─ Je n'aurai, dit la dernière, ni couronne ni royaume, je n'aurai que mon sang et mes larmes et ce seront eux qui feront obéir les hommes. »

Christa lit ces mots à voix haute en suivant les lettres du doigt.

Ça lui semble si fade. Si faux. Les doigts de la princesse, la dernière, celle qui compte dans ce genre d'histoires, sont sans doute blancs et fins, mais Christa regarde ses mains et si elles sont petites, elles ne sont ni blanches ni potelées, encore moins douces et fines. Des années de corvées, de pratique des armes et de la manœuvre tridimensionnelle les ont modelées en des mains d'une grande puissance malgré leur taille. Parsemées de cicatrices, avec des cals dont elle sent la dureté avec une douleur presque rassurante, ses mains sont celles d'une femme qui a lutté. D'une guerrière.

« Je ne suis pas comme ça, dit-elle. Et peut-être qu'elle parle à Armin, à la Christa de l'histoire ou à elle-même. J'ai pleuré, les déesses savent tout ce que j'ai pu pleurer, et j'ai saigné autant que j'ai versé le sang. Et au final, ça n'a rien changé. Je suis une reine d'opérette pour un royaume de prisonniers. Armin, tu me prête ta plume ? »

Armin lui tend avec surprise et, toute reine qu'elle est, proteste en la voyant écrire quelques mots. C'est un livre. On n'écrit pas sur les livres.

« Je rétablis la vérité. C'est beaucoup mieux comme ça : 'Je n'aurai, dit la dernière, ni couronne ni royaume, je n'aurai que (mon sang) leur lâcheté et (mes larmes) leurs faiblesses et ce seront (eux) elles qui feront obéir les hommes.' »

Si jamais j'ai un enfant songe-t-elle, si je décide de continuer cette lignée maudite, voici la meilleure leçon que je pourrais lui donner.

« Je les libérerai, tu sais. Malgré eux et même s'ils ne le méritent pas, je libérerai l'Humanité des Murs. »

Ensuite, j'irai là-bas et peut-être que je te retrouverai Ymir, peut-être que sur les ailes du vent, nous pourrons nous aussi parcourir le monde jusqu'à ce qu'il reprenne toutes ses couleurs et capturer l'or, celui du soleil, celui des blés, celui de tes yeux.

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J'avais envie de angst et c'est tombé sur Christa/Historia. (Bon et sur Hange, Levi et Erwin que j'ai tué au passage. Je sais pas du tout pourquoi.)