DEPLEXENTINE
Chapitre 1 : Tous les James Potter du monde !
« Quand James Potter décide de mettre en pratique les seuls mots qu'ils a retenus de ses cours de Potion, cela peut faire des étincelles. Il va vous le démontrer présentement. »
C'était une journée comme les autres, sans vraiment d'évènements particuliers –si on met de côté le fait que Thomas Filt, le préfet des Serdaigle, ait accepté le défi de manger une Gluantine au petit-déjeuner (une grosse chenille verte et visqueuse qui pourrait vous engraisser un moteur de voiture tellement elle était gluante).
Bref, en ce jour de juin, Lily ne se doutait absolument pas que cette journée serait une des plus singulières de sa vie. Tout avait commencé en cours de Potions. Slughorn leur avait demandé de réaliser la Potion de leurs choix, dans le but d'améliorer les résultats de certains et de montrer au grand jour les talents de tant d'autres.
Si Rogue avait opté pour la compliquée Jouventine, une potion permettant le rajeunissement des cellules de l'épiderme du visage, Lily s'était confortée dans son choix : Deplexus saurait impressionner Slughorn. Après tout, ce n'était pas donné à tous les sixièmes années de réussir une potion qui permettait de décupler ses facultés intellectuelles durant un temps indéterminé, non ? Même si la potion était désormais interdite dans les écoles, Lily était sûre que son choix enchanterait grandement son professeur, qui semblait cultiver un certain goût pour les choses interdites …
Ce fut donc déterminée qu'elle se mit au travail. La salle des Cachots, propice à la préparations des Potions en ce chaud mois d'été, semblait rafraîchir chaque visage tendu vers son chaudron, scrutant la moindre différence, la plus subtile des flagrances, qui auraient pu complètement changer le but de la Potion.
Malgré la lueur tamisée, la très légère brise passant à travers les fenêtres en lui ramenant des odeurs inconnues, James Potter se trouvait fort ennuyé. En effet, le pire des cancres du professeur Slughorn hésitait encore entre plusieurs choix : Fissa, qui permettait de cacher les boutons d'acné pendant une heure tout au plus ? Denmaji, qui changeait la couleur des oignons en un jaune vif ? Ou encore Ragus, qui faisait friser les cheveux lisse d'une façon presque effrayante ?
Il soupira et ferma son manuel d'un geste las. Il fallait se l'avouer, aucune des potions qu'il pourrait réussir ne saurait enchanter Slughorn. Fissa pourrait paraître insultante pour l'homme gras au visage boutonneux qu'était le professeur. Denmaji ne servait strictement à rien –il se demandait d'ailleurs pourquoi cette potion avait été inventée et surtout ce qu'elle faisait dans son manuel. Et il refusait tout net de réaliser Ragus. Slughorn serait bien capable de le faire tester sa propre potion et il était hors de question qu'il détériore l'état de ses cheveux, qui étaient assez lamentables comme ça …
Il promena son regard le long de la Salle, survolant des visages assidus, d'autres rêveurs et certains ennuyés (le chaudron de Peter semblait réellement laisser échapper des bulles d'une substance morveuse et noirâtre).
James était en train de se demander ce qu'il allait bien pouvoir faire quand son regard tomba sur la jolie Lily Evans et son voisin de table, Séverus Rogue. Ces deux-là, se dit-il, railleur, sauraient mettre Slughorn dans tous ses états. Pas comme lui et ses potions qui changeaient les oignons de couleurs …
Il observa plus attentivement Lily, qui, le visage penché sur sa table de travail, hachait finement un quelconque ingrédient, si concentrée qu'elle semblait avoir oublié le monde autour d'elle. Et il faut l'être, constata James, pour oublier l'horrible puanteur que dégageait le caleçon miteux de Servilus. En parlant de celui-ci, il touillait d'un air blasé son chaudron, le regard rivé sur lui.
James grinça des dents. Ce salopard le narguait, comme à son habitude en cours de Potions.
James regardait à nouveau Peter et se disait qu'il ne pouvait pas être pire que lui quand une idée saugrenue germa dans son esprit. Il voulait impressionner Slughorn. Piquer une fiole de la potion de Lily serait franchement bas et en plus, on remarquerait tout de suite que ce n'était pas lui qui l'avait réalisée. Faire pareil pour Rogue reviendrait au même résultat, sauf qu'il y perdrait plus de fierté. Il ne lui restait donc qu'une seule solution : piquer une fiole de la potion de Lily, une autre de celle de Rogue et les mélanger !
Après tout, n'était-ce pas Slughorn lui-même qui avait déclaré, il n'y pas si longtemps, que les potions compliquées n'étaient qu'un savant mélange de simples potions ? James Potter se trouva extrêmement ingénieux sur le coup.
Ce fut donc discrètement qu'il procéda aux différentes étapes de son plan. Il attendit que Lily parte chercher un autre ingrédient dans l'armoire et que Rogue –grâce à un joli sort de confusion de son cru- se sente soudain obligé de se rendre aux toilettes, pour plonger une fiole en cristal dans chacun des chaudrons.
Personne ne s'était rendu compte de rien, chacun étant trop occupé à réaliser sa potion. Quand Séverus Rogue revint des toilette, quelle ne fut pas sa surprise en découvrant un James Potter à l'allure plus que suffisante touiller dans son chaudron un beau liquide violet à l'aspect velouté ! Un beau liquide violet à l'aspect velouté qui ressemblait étrangement au sien d'ailleurs …
Par réflexe, Rogue jeta un regard à son chaudron, mais le temps qu'il revienne à celui de Potter, la potion du jeune Griffondor avait déjà viré à un rouge éclatant ! Se disant qu'il avait du rêvé, il revint à son travail et oublia tous les James Potter du monde.
« C'est l'heure ! » Slughorn frappa dans ses mains et tous les ingrédients disparurent des plans de travail alors que plusieurs soupirs ennuyé et coléreux se faisaient entendre. « Le temps est désormais écoulé, et je vous conseille de verser un peu de votre potion dans une fiole ! »
Les élèves obéirent, plus ou moins rapidement et le professeur passa entre les rangs pour voir les résultats. Il hocha la tête de satisfaction en voyant un beau liquide violet à l'aspect velouté frapper les parois de la fiole de cristal de Rogue.
« Jouventine ? » Confirma Slughorn d'un ton gourmand. « Une difficile, et en plus, réussie ! La potion a un côté rosé tout à fait raffiné Rogue, 30 points pour Serpentard, vous les méritez amplement ! »
Il poussa une exclamation en prenant la fiole de Lily Evans dans ses mains. Un liquide ressemblant à du mercure à s'y méprendre y baignait, nimbé par la lueur tamisée de la pièce.
« Très chère ! » Fit Slughorn, impressionné. « Ne me dîtes pas que vous avez réussi cet exploit ? En un temps aussi limité ? Quoi que, venant de vois Lily, cela ne m'étonne plus. Est-ce bien un Deplexus ? »
Lily confirma d'un hochement de tête timide.
« Je l'ai trouvée dans un des livres de la réserve » Ajouta-t-elle, comme pour se justifier.
Slughorn caressa la fiole d'une main presque amoureuse tout en la rendant à Lily.
« Un exploit ma chère enfant, rien de moins et pourtant, bien plus ! » Dit-il joyeusement. « 60 points pour Griffondors ! »
Lily exulta de joie sous les grognements à peine audibles de Rogue, qui lui jeta un regard noir.
Un air de pitié incommensurable passa sur le visage du professeur en voyant l'espèce de substance gluante et marron que contenait la fiole de Peter. (« Ne devait-elle pas être orange ? Si ? » Osa-t-il demander sous le regard piteux du jeune garçon).
Son regard se fit plus curieux quand il arriva à la table de James. Contrairement à l'habituelle potion bâteau à laquelle il avait droit depuis la première année de celui-ci, un doux liquide rouge flottait dans le chaudron, noyant les yeux de Slughorn dans diverses teintes vermeilles, partant de l'écarlate le plus soutenu tout en passant par un grenat raffiné.
« Ma foi, c'est un délice pour les yeux Potter ! » Dit le professeur après un instant d'hésitation, l'air destabilisé. « Et puis-je savoir de quelle potion il s'agit ? »
« Eh bien » Commença James, mal à l'aise sous les yeux scrutateurs de Rogue. « Mmmh … heu … De la Deplexentine ! »
« Deplexentine » Slughorn parut réellement consterné. « Je n'en ai jamais entendu parlé, quels sont ses effets ? D'où sort-elle ? »
« En fait » Osa James en se redressant, en parfait menteur. « Il s'agit d'une potion dérivée de Denmaji, sauf que cette fois, celui qui la boit peut changer tout ce qu'il touche en une couleur différente, pas seulement les oignons ! Je l'ai trouvé dans un des nombreux livres de ma mère, professeur ! »
A l'autre bout de la salle, Rogue leva les yeux au ciel alors que Sirius, le pouce en l'air, lui lançait un clin d'œil.
« Je n'en ai jamais entendu parlé ! » répéta Slughorn, les sourcils froncés. « Veuillez l'essayer, je vous prie Potter ! »
James déglutit. Apparemment, ce vieil homme avait du mal à croire au bobard qu'il venait de lui lancer. Il risqua un regard dans le chaudron. Bon, après tout, n'était-il pas un Griffondor ?
James prit une fiole en cristal et la remplit de liquide. Ce fut donc en fixant les yeux Lily Evans (il préférait mourir en regardant une jolie fille qu'un professeur bedonnant et à moitié chauve) qu'il porta l'objet à ses lèvres ; il le vida d'un trait. Le liquide se répandit dans sa bouche, chaud et onctueux avant qu'il ne l'avale.
Un silence s'était fait dans la salle. Tous semblaient attendre une réaction de sa part ; James lui-même s'attendait à ce que quelque chose se passe. Mais rien. Niet. Il leva les yeux vers Slughorn, qui, le visage septique, l'observait autant que les autres.
Il fit un clin d'œil indétectable à l'adresse de Sirius qui comprit aussitôt le message. James toucha la table et Sirius saisit sa baguette pour la faire changer de couleur. Le bois d'un marron morne arbora soudainement un rouge criard. Puis James, décidé, toucha la chemise d'un vieux blanc de Slughorn, qui se peignit en un vert boueux sous l'œil dégoûté de celui-ci.
« C'est bon, c'est bon jeune homme ! » Intervint le professeur alors que James allait toucher sa moustache. « Je vous conseille dorénavant de rester assis et de garder vos mains sur vous pour plus de sécurité ! Mais, pour ce petit chef-d'œuvre, j'accorde 20 points à Griffondors ! »
Ses amis l'acclamèrent, chacun s'étant rendu compte de la supercherie. La cloche sonna alors la fin du cours et chacun sortit des cachots le sourire aux lèvres. Sirius tapa dans le dos de James, hilare alors que Rémus se laissait aller à un sourire amusé. Peter demanda maints détails quant à la réalisation de la potion, mais James ne divulgua rien.
Ils se rendaient dans la Grande Salle pour déjeuner quand ça commença. D'abord une petite douleur anodine dans l'estomac alors que Sirius essayait de lui faire cracher le morceau par rapport à la potion. Puis cette étrange sensation de fraîcheur sur son visage, alors qu'il n'y avait aucun vent dans le couloir. Ou encore cette impression de clarté, comme s'il se sentait soudainement capable d'entreprendre ce qu'il voulait faire et de le réussir.
Et enfin, cette douleur, là, dans son cœur, comme un million d'épées plus tranchantes les unes que les autres. D'abord supportables, la douleur se fit rapidement plus insistante. Mais le pire, c'est que personne ne semblait s'en rendre compte. Sirius le regarda d'un air étonné.
« Ça va vieux ? T'as l'air crispé ! » Observa-t-il après un moment.
Peter et Rémus continuèrent leur chemin, sans se douter de quoi que ce soit. James passa une main fébrile sur son torse et l'enserra de toutes ses forces, comme pour essayer d'arrêter la douleur.
« Je crois que c'est cette potion ! » Déclara James avec difficultés. « Je vais à l'infirmerie. »
« Tu veux que je t'accompagne ? » demanda Sirius, inquiet.
« Non, va manger, je fais vite ! »
Sirius obéit à contrecoeur. Les couloirs étaient de nouveau déserts. James eut juste le temps de se rendre aux toilettes quand une autre convulsion le saisit au cœur. Il se roulait par terre en pleurant, ne sachant comment arrêter cette souffrance quand sa vision se dédoubla soudainement ; la douleur s'arrêta immédiatement et il put respirer, de la sueur lui coulant le long des oreilles.
Puis, sans prévenir, sa vue se dédoubla encore une fois et puis, plus rien. Il enleva ses lunettes, les observa sous tous les angles avant de les remettre. Il resta un moment allongé, essoufflé et la gorge douloureuse avant de se relever, un peu plus calme.
Alors, il se figea. Lentement, il remonta ses lunettes sur son nez, comme pour voir si la scène était réelle ou pas. Devant lui se tenaient deux autres James Potter, identiques à lui sauf à quelques détails près. Si l'un le regardait d'un air avenant, l'uniforme parfaitement ajusté, les cheveux bien coiffés et se tenant droit devant un cabinet, l'autre, totalement débraillé, lui faisait l'effet de lui-même juste après une séance de Quidditch. Celui-ci, appuyé nonchalamment sur les robinets semblait se délecter de ce qui se passait devant lui.
« Si un jour j'avais imaginé qu'on sortirait de sa tête ! » Déclara le débraillé après un moment. « Oh ! Ça va ? »
James ne répondit pas, trop abasourdi. L'autre James s'observa sous tous les angles dans le miroir, à la recherche du moindre faux pli. Il renoua nerveusement sa cravate.
« Je n'ai pas encore fini le devoir de sortilège à rendre pour cet après-midi ! » Dit-il d'une voix sérieuse que James ne se connaissait absolument pas. « Et ça me plairait de voir la bibliothèque en vrai pour une fois. »
Il commença à partir quand James réalisa ce qui était en train de se passer sous ses propres yeux.
« Vous êtes sortis de … de moi ? » demanda-t-il, l'air complètement halluciné. « Comment ça se fait ! »
« T'es lent d'esprit … » Observa le James débraillé.
« En fait » le James sérieux s'approcha de lui et essaya de remettre un peu d'ordre dans ses cheveux, comme si tout cela était parfaitement normal. « La potion de Lily permet de décupler certaines capacités intellectuelles et celle de Séverus de régénérer les cellules du visage. Tu as mélangé les deux et je pense que la Potion de Lily nous as séparés et que celle de Rogue nous a donnés vies humaines. »
James repoussa d'un geste brusque la main de son double, qui essayait maintenant de renouer sa cravate. Le James débraillé s'étira d'un geste souple et s'avança d'un pas lent vers la sortie des toilettes.
« Je vais aller glaner un peu moi … » déclara-t-il, désinvolte.
« Je t'accompagne » Fit le James sérieux. « Cela fait déjà trois fois que Flitwick nous laisse un délai pour ce devoir, il n'en donnera pas un quatrième ! »
« Non ! » Cria James. « Attendez, vous êtes … des parties de moi » Continua-t-il en bafouillant. « Et vous comptez réellement vous balader comme ça dans tout Poudlard ? Mais vous êtes malades ! »
Le James sérieux regarda piteusement ses chaussures cirées alors que le James débraillé levait les yeux au ciel.
« Ecoute, je m'en fous de ce que tu penses, ok ? » Déclara ce dernier. « J'ai envie de profiter de ce moment, sachant parfaitement que ça ne durera pas ! Alors c'est pas toi qui vas m'en empêcher ! »
« Ecoute » tenta l'autre James. « On ne fera pas de bêtises, on sera discret ! »
« Non ! » Le vrai James Potter se prit la tête à deux mains. « Mais Merlin, qu'est-ce que je vais faire ? »
Il leva les yeux juste à temps pour voir le poing du James débraillé s'enfoncer dans son nez, avant de sombrer.
« Quoi ? Comme ça il n'aura à rien faire, justement ! » Se justifia ce dernier avant de s'en aller.
Le dernier James regarda son confrère à terre, l'air de se demander quoi faire. Puis, haussant les épaules, il finit lui aussi par s'en aller, laissant le vrai James Potter, étendu sur le sol des toilettes, le nez en sang.
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Démonstration n°1, par J. Potter (Mr) : Toute personne bien constituée possède deux parts en elle : une qui préfère la facilité et l'autre qui dit 'bien faire'. Nos actes seuls démontrent quelle part est la plus grande en nous et nous seuls décidons de démontrer quelle part est la plus grande en nous. Après tout, le choix est une chose qui nous appartient, non ?
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