Ainsi va la vie et nous n'y pouvons rien

Pourquoi moi?

De toute façon, ça finit toujours mal

Le décor est planté, les acteurs sont prêts, le Scénariste retouche une dernière fois son oeuvre avant de s'asseoir sagement sur le bord de la scène, prêt à intervenir.

Mais de toute façon, ça finit toujours mal.

La chute a beau être longue, l'atterrissage n'en est que plus douloureux

Plus on s'accroche, plus on y perd.

L'arrivée est la même pour tous.

« La vie c'est ça, un bout de lumière qui finit dans la nuit » (1)

Alors à quoi bon?

Harry Potter avait 11 ans. Enfant chétif au tein pâle qui déambulait sur le chemin de traverse au côté d'un homme immense et plutôt bien portant, la scène incongrue avait de quoi attirer les regards. Pourtant c'est la cicatrice en forme d'éclair ornant son front qui semblait intéresser les passants. Il faut dire qu'Harry Potter n'est pas nimporte qui, vous pensez bien : l'enfant-qui-a-survécu, celui-qui-a-détruit-celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Vous suivez?

Difficile de passer du jour au lendemain du statut d'anormal au statut de sauveur du monde sorcier, surtout pour un enfant de 11 ans. N'est il pas ironique d'être célèbre sans le savoir et que tout le monde sauf vous sache les exploits que vous avez accomplis?

Bref, je m'égare... Tout ça pour dire que Harry Potter était vraiment très très mal à l'aise et aurait vraiment beaucoup aimé pouvoir disparaître sur le champ.

Le chemin de traverse n'était pas très vaste et une foule hétéroclite barbotait joyeusement dans cette marée humaine en émettant un épouvantable mélange de sons et d'odeurs qui prirent Harry à la gorge. Evidemment, grâce à sa charmante famille d'accueil, il n'avait jamais vu autant de monde d'un coup et ce mouvement continu et indistinct qui l'entourait commençait à sérieusement l'oppresser. Mais Harry ne dit rien de peur de déplaire au demi-géant qui lui servait de guide et tenta de se concentrer sur les façades des magasins qui bordaient l'allée comme s'il essayait de se raccrocher à des bouées dans cet océan d'ombres mouvantes et potentiellement dangereuses. On aurait dit que, à l'inverse du monde moldu, les magasins sorciers cherchaient à afficher une devanture la plus poussiéreuse et mal entretenue possible pour exagérer leur ancienneté, objectif que certains parvenaient d'ailleurs à accomplir remarquablement. Hagrid s'arrêta devant une boutique qui proposait des robes de toutes les couleurs, pourvu qu'elles soient noires, comme dirait tonton Henry (2). La société sorcière n'était définitivement pas progressiste.

- « bien, je te laisse chez Mme Guipure, le temps d'aller faire une petite course. Il te faut un bel uniforme pour Poudlard, après quoi tu pourras m'attendre gentiment »

puis il adressa à l'enfant un sourire niais à en faire fondre un chaudron. Harry ne répondit pas et entra prudemment dans une boutique poussiéreuse et pleine de toiles d'araignée qui rappelait étrangement un décor de mauvais film des années 30.

A l'intérieur une petite femme replète portant une robe mauve d'un mauvais goût évident s'avança vers lui avec brusquerie puis, après quelques mots polis, lui fit signe de s'installer à côté d'un garçon blond de son âge.

Harry s'installa avant de lancer un regard curieux vers son homologue blond qui le dévisageait sans aucune gêne. Ils se jaugèrent quelques instants avant que le brun ne détourne le regard, mal à l'aise tandis que Draco affichait un sourire triomphant.

- « Draco Malefoy » annonça-t-il, sur le même ton qu'il aurait employé pour dire « je suis le roi du monde »

L'autre ne réagit pas

- « Et toi, quel est ton nom? »

- « Harry Potter » répondit l'intéressé d'une voix neutre

sa réponse eut au moins le mérite de clouer le bec de Draco qui afficha, malgré sa prestigieuse éducation, une tête ressemblant à s'y méprendre à celle d'une carpe qu'on aurait subrepticement retirée de son bocal. Malheureusement, il se reprit bien vite et se composa un visage plus neutre marqué cependant par une curiosité presque malsaine.

- « Tu me diras, j'aurais du remarquer l'éclair... Enfin je t'imaginais plus... moins... Je te voyais plus comme un héros et moins comme un gringalet »

- « Désolé de te décevoir sur ce point là » répondit Harry qui commencait doucement à s'énerver face à l'attitude de son vis à vis

- « Et tu vas à Poudlard? »

- « Question stupide : si je suis comme toi venu acheter un uniforme, c'est pas pour faire mon jogging »

- « Vu ton physique, je te crois pas capable de courir plus de 50 mètres sans t'effondrer »

- « tu m'en diras tant ; je te bats à la course quand je veux »

- « Prêt à prendre le pari, survivor? Tu t'engages à faire la course contre moi quand on sera à poudlard? »

Le blond tendit sa main pour sceller leur accord et après une brêve hésitation, Harry la serra en maugréant. Le visage du blond s'illumina d'un sourire mauvais

- « Par contre, pour les courses personnellement je préfere utiliser un balai et comme on a pas précisé... Mais tu peux toujours courir à pied si tu veux »

- « Mais je sais pas monter sur un balai moi »

- « Fallait y penser avant, Potter »

- « Mais, tu triches... c'est pas du jeu »

- « Respecter les règles, c'est bon pour les poufsouffles »

Harry ne dit rien, il ignorait encore tant de choses sur le monde de la magie et il ne voulait surtout pas perdre la face devant ce garçon si agaçant. Mais Draco saisit rapidement son malaise

- « Me dis pas que t'a jamais entendu parler des 4 maisons de poudlard... T'es pas un fils de moldu pourtant » Comme l'autre ne répondait rien, il poursuivit sur un ton docte tout en gardant une expression arrogante, ce qui n'est par ailleurs pas évident bien que largement répandu dans la plupart des universités

« dès leur arrivée à l'école, les élèves de poudlard sont répartis dans 4 maisons distinctes selon leurs traits de caractère dominants. Ainsi, les rusés et les subtils vont à Serpentard tandis que ceux qui aiment passer leur temps le nez plongé dans les livres vont à Serdaigle, quand à ceux dont le courage n'a d'égal que la stupidité, ils vont à Gryffondor et enfin, ceux qui n'ont pas leur place ailleurs sont dits « loyaux » et expédiés a Poufsouffle »

- « quel exposé objectif » ironisa celui-qui-a-détruit-celui-dont-on-n'arrive-pas-à-prononcer-le-nom-sans-trembler-comme-un-vieux-sapin-pris-dans-la-tourmente (on respire) « je me demande vraiment dans quelle maison tu veux rentrer. Pour la ruse je peux comprendre, par contre c'est pas la subtilité qui t'étouffe »

le blond lui lança un regard noir et, a mon humble avis, malgré toute son éducation, il lui aurait décoché une réplique cinglante digne d'une marchande d'oignons du marché de brive-la-gaillarde si la vendeuse du magasin ne l'avait pas interrompu en expliquant qu'elle avait fini et que le jeune Harry Potter pouvait s'en aller. Le garçon ne se fit pas prier et sortit de la boutique légèrement énervé par ce jeune crétin arrogant qui avait eut l'audace de lui jouer un sale tour. Non mais, pour qui il se prenait au fond ce sale blondinet cadavérique? Bon, ok, il devait bien admettre que le sale gosse avait du répondant et de l'allure. Par ailleurs, la perspective de pouvoir faire ses preuves aux yeux de tous et de montrer ainsi ses qualités propres au delà des préjugés liés à son statut de survivant le poussaient inconsciemment à rechercher les défis. Et ce gamin là semblait être un défi à lui tout seul. Si vous voulez mon avis, ces deux là n'étaient pas faits pour entretenir une relation banale. Et comme en plus, jusqu'à preuve du contraire c'est moi qui décide de la suite...

Toujours est il que notre héros qui s'ignore se retrouva seul devant le magasin à attendre le retour d'un demi-géant hirsute et primitif bien que gentil et serviable tout en ruminant de sombres pensées à propos d'un intéressant procédé moldu appelé couramment « écartèlement ».

(1)Louis-Ferdinand Céline dans « le voyage au bout de la nuit »

(2)Henry Ford, faisant preuve d'un humour incomparable, s'exprimait ainsi au sujet de sa célébre ford T produite en série en noir uniquement.