Prologue

31 octobre 1981

James Potter tenta un sourire sincère en entendant les pas de sa femme devenir plus réguliers, l'avertissant qu'elle avait atteint le palier du premier étage, et qu'elle allait bientôt coucher Harry.

Il tentait la sincérité, parce que le monde ne tournait pas rond depuis un moment déjà, et que Harry, son Harry, le fils qu'il chérissait tant, avait deux gros problèmes dans sa vie.

Le problème le plus urgent était ce mage noir, qui se faisait appeler Lord Voldemort, mais qui avait posé un tabou sur son nom pour être averti de la position de toutes les personnes assez courageuses pour le prononcer… et ainsi le défier. Cet homme avait, semble-t-il, décidé que son fils allait le mener à sa perte. Non pas que James doutât sincèrement des capacités de son fils. Comme tout père qui se respectait, Harry était à ses yeux le plus grand, le meilleur, le plus avancé pour son âge. Il était tout à fait conscient que son fils pourrait très bien dérouter Lord Voldemort. Mais pas tout de suite. Le plus tard possible, si possible…

Il n'avait aucun doute concernant les capacités d'Harry. Il avait seulement de grands doutes concernant la possibilité qu'Harry reste en vie assez longtemps pour défaire ce mage noir. Il soupira. Ceci n'était que le premier problème. Un problème dont tout le monde avait conscience, et un problème qui ne devait certainement pas étonner les personnes qui vivaient dans le monde sorcier.

Il y avait un second problème. Un problème dont personne n'était au courant, et que seul lui pouvait révéler à Harry. Un problème qu'il avait omis de mentionner à Lily. Qui, le jour où elle l'apprendrait, risquait de se mettre dans une colère telle qu'il regretterait certainement de s'être uni à elle pour la vie.

Lentement, presque religieusement, il souleva son poignet droit à hauteur de ses yeux, et posa un regard dur et peu amène sur la marque qui était imprégnée sur la face interne de son poignet. Un triangle. Une barre. Un cercle. Le triangle plus marqué que les deux autres signes.

Un tatouage invisible, que seuls pouvaient voir ceux qui étaient au courant de son existence. Le sien était apparu alors qu'il avait treize ans. C'était son père qui lui avait dit ce qu'il signifiait, alors que la brûlure du marquage faisait monter les larmes aux yeux de James, peu habitué à une blessure non intentionnelle. Son père lui avait dit, sous les yeux lourds de reproches de sa mère, qu'il avait un héritage à préserver.

Il n'avait pas compris grand-chose, à l'époque. Simplement que la cape qu'on lui avait léguée avait une importance capitale, et qu'il devait toujours la garder. Il l'avait seulement prêtée à Dumbledore. Mais ça, son père n'aurait pas pu lui en vouloir. On pouvait, on devait, faire confiance à Dumbledore.

Mais ça, Lily s'en moquerait certainement. De toute façon, elle allait le tuer quand elle saurait ce qui pesait sur les épaules de son fils par sa faute.

Il sourit, d'un sourire on ne peut plus sincère, cette fois.

Vous le saviez, vous, que Lily Evans avait une jolie façon de se mettre en colère ?

Non. Non, vous ne le saviez pas. Et vous ne le saurez certainement pas.

La porte s'ouvrit à la volée.

James sursauta, se précipita vers le hall.

- Lily ! Prends Harry et va-t'en ! C'est lui ! Va-t'en ! Cours ! Je vais le retenir…

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18 août 2013

- Papa, j'ai mal aux jambes…

- Ne m'appelle pas ainsi ! siffla l'homme en tête de la file composée de seulement deux personnes.

La petite fille se tut, et prit son mal en patience. Elle avait l'impression de marcher depuis des heures. C'était certainement le cas. Son père l'avait déjà forcée à marcher des heures et des heures durant, mais aujourd'hui, c'était pire que tout. Ils avaient reçu une lettre la veille, leur conseillant de quitter la ville, et ils étaient partis de chez eux, sans prévenir personne.

De toute façon, qui auraient-ils pu prévenir ? L'autre était leur unique famille.

- On va marcher encore longtemps ? demanda l'enfant en sautant habilement au-dessus d'une flaque marécageuse, boueuse, et certainement infestée de bêtes dangereuses et laides.

Mais cet exploit à peine accompli, un autre danger se dressait devant elle, et elle évita habilement la branche bardée d'épines vénéneuses qui se balançait devant elle, cherchant à l'attraper dans ses filets.

La petite fille lui lança un regard dédaigneux, absolument pas impressionnée par ce stratagème plus que connu.

- Jusqu'à ce qu'on trouve un abri, lui dit l'homme. Est-ce que tu arrives à suivre ? demanda-t-il alors d'une voix beaucoup plus douce que son habituelle voix bourrue.

La gorge sèche, la petite fille hocha la tête, n'avouant pas les douleurs qui l'élançaient. Elle ne voulait pas paraître faiblarde.

- C'est bien, Gaïa. C'est très bien, soupira l'homme. Prends ma main. Tu vas avoir du mal à sauter.

La petite fille, peu habituée à ce qu'on l'aide, refusa la main tendue, et sauta sur le rocher sûr qu'on lui désignait. Elle se rétablit de justesse, et ne put voir le regard plein de fierté que posait l'homme sur elle.

Leur marche silencieuse reprit, tous les deux plongés dans leurs pensées. La fillette se demandait pourquoi est-ce que c'était sur elle que tombait cette histoire. L'homme se demandait combien de temps ils pourraient s'en sortir ainsi, et pourquoi ils étaient ceux qui étaient recherchés en priorité.

L'un comme l'autre, lorsque le soleil amorça sa descente vers l'ouest, regardèrent leur poignet droit, les yeux plissés pour mieux voir.

Un triangle. Une barre. Un cercle. La barre plus marquée que les deux autres signes.

Un tatouage qui, depuis toujours, rythmait leur vie.

L'homme se retourna vers la jeune fille qui le suivait, et l'appelait papa dès qu'elle oubliait la règle qui lui avait été imposée. Gaïa ne semblait pas être en manque d'affection. Il n'était pas sûr qu'elle sache ce que c'était. Il n'avait plus su montrer son amour depuis la mort de la mère de l'enfant. Et il doutait que l'affection aiderait l'enfant à s'en sortir.

- Papa, c'est quand mon anniversaire ?

L'homme, cette fois, ne releva pas le fait qu'elle emploie ce terme pour le désigner.

- Dans deux mois, Gaïa.

- Est-ce que ça changera quoi que ce soit que je sois plus vieille ? s'enquit l'enfant.

- Non, dit-il d'un ton dur.

La fillette se mura dans un de ses silences qui la caractérisaient tant.

- Alors je ne veux plus qu'on le fête, dit-elle simplement.

- Comme tu veux, Gaïa, soupira l'homme.

Les idées de l'enfant dépassaient son entendement. De toute façon, il n'avait pas besoin de comprendre ce qui lui traversait l'esprit. La seule chose qui importait, c'était de continuer de marcher.

Et continuer de survivre.

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25 Juillet 2021

- Trouvez-les.

- Monsieur, on les cherche depuis presque seize ans déjà, et…

- Trouvez-les.

Un homme de haute stature, imposant, aux cheveux grisonnants, s'inclina devant le dos du siège auquel il s'adressait, les jambes légèrement flageolantes.

- Et je ne veux que la fille.

- Mais…, balbutia l'homme. Le père en sait plus que…

- J'ai dit : « Je ne veux que la fille ».

La voix, glaciale comme l'acier, dure comme le diamant, claqua aussi sèchement qu'un fouet dans l'air. Le siège se retourna, et l'homme trembla un peu plus, réussissant tout de même à garder un visage impassible.

- Je vois que tu maîtrises de mieux en mieux tes émotions, se moqua la voix sortie du fauteuil. Bientôt, je pourrai compter tout le temps sur toi.

- Vous le pouvez déjà, monsieur.

- J'émets encore quelques réserves à ce sujet. Est-ce que tu as enfin compris mes ordres ?

- Je dois retrouver la fille. Et uniquement la fille.

- Exactement. Et essaie de réussir, cette fois-ci. Ces seize dernières années ont été un échec.

- Presque seize années, corrigea aussitôt l'homme.

Il tressaillit en songeant qu'il était certainement allé trop loin. Les yeux de son interlocuteur se plissèrent, se réduisant à deux fentes noires, avant de reprendre leur taille normale.

- Tu as raison. Presque seize ans. N'exagérons donc point ces tentatives échouées déjà bien assez nombreuses…, susurra la voix.

L'homme pâlit.

- Bien. Trouvez-les. Et elle doit rester vivante. Juste elle…

Un coup de vent plus tard, seule la voix du fauteuil était encore présente dans la pièce. Une silhouette décharnée se dressa et, prenant appui sur une canne, s'approcha du mur qui se trouvait sur sa droite. Un grand tableau blanc y était encadré. Et, sur cette toile, se détachaient à l'encre noire un triangle, une barre et un cercle.

Le vieil homme en dessina les contours du bout de son index tremblant, avant de se diriger vers la grande baie vitrée qui éclairait la pièce jusqu'à ce que les derniers rayons du soleil aient disparu. Il soupira faiblement, acceptant pour la première fois de sa vie que, s'il ne réussissait pas à trouver cette peste, sa vie serait certainement terminée.

Il leva un poignet tremblant dans la lueur faiblissante du soleil d'été, et admira le tatouage qui, au contraire de sa peau, n'avait pas pris une seule ride.

Un triangle. Une barre. Un cercle. Le cercle plus marqué que les deux autres signes.

D'un geste rageur, il serra sa main droite, tandis que la gauche affermissait sa prise sur le pommeau de sa canne.

Il les aurait. Les Reliques seraient à lui. Il serait le nouveau Maître de la Mort.


Disclaimer : Cet univers, les sorts - presque tous du moins - les personnages, et les faits connus proviennent de l'imagination de notre chère Rowling. Et un peu de Beedle le Barde, aussi. Après, il paraît que mon imagination débordante a posé des mots sur le papier. Mais je suis le dernier maillon de la chaîne, pas bien important, en somme.

Note d'auteur.

Et me revoilà, pour ceux qui me connaissent. Je me lance dans un registre extrêmement différent de ce que j'ai pu faire avant - du moins, pour l'instant. Je suis presque fière de vous présenter mon nouveau bébé, "Le Maître de la Mort". (Le nom est pompeux, j'en suis sincèrement désolée. Mais il a failli être trompeur, en se nommant "Les Reliques de la Mort". Je n'ai pas la plume de Rowling, et pas non plus l'audace de reprendre un de ses titres) Que vous dire... A l'heure actuelle, le nombre de chapitres n'est certainement pas déterminé, mais la fin de l'histoire l'est. Il faut donc savoir que me faire des suggestions concernant ce qui peut arriver à tel ou tel personnage n'est pas franchement utile ;)... Je suis toutefois ouverte à toute suggestion, toute analyse, toute critique. Alors... n'hésitez pas à me faire part de vos impressions !

Et avant d'oublier, merci à DelfineNotPadfoot qui a lu ce prologue en avant-première, et qui m'a dit ce qu'elle en pensait, me permettant de continuer dans la voie qui me semblait la plus adaptée à cette fiction. Et, surtout, merci à elle pour les corrections qu'elle fait. D'ailleurs, on a changé nos habitudes. Elle qui était habituellement ma bêta d'après-lecture, la voilà devenue bêta au sens propre du terme.

A la semaine prochaine !