Avant toute chose, un grand merci à ma bêta-lectrice pour son travail de correction et ses commentaires qui sont toujours les bienvenus.

Voici ma toute première fiction à chapitre. Il y en a quatre au total. Dont deux qui sont en attentes de correction. Normalement, je devrais en publier un par semaine.

Voilà. Je vous souhaite de passer un bon moment avec les membres de l'Arc-en-Ciel. Bonne lecture. Et surtout, n'hésitez pas à me donner votre avis.

Le souhait.

Chapitre 1

Devant un immense et imposant édifice des années quarante, se tenait une foule de lycéen discutant entre eux bruyamment. A l'écart de cette agitation inhabituelle, sautant d'un pied à l'autre pour se réchauffer, Hideto Takarai tenait fermement un morceau de papier dans son poing malgré ses doigts rougis par le froid. Le nez enfoui dans son écharpe blanche, ses écouteurs sur les oreilles, un bonnet cachant des cheveux aussi noir que ses yeux, il attendait avec anxiété et empressement que les grilles de l'université s'ouvrent pour enfin connaître les résultats. Par intermittence, de la buée blanche s'échappait de ses lèvres gercées.

Dans quelques instants, le jeune homme allait enfin savoir si son rêve se concrétiserait. Depuis son plus jeune âge, il ne vivait que pour devenir mangaka. D'ailleurs, il ne comptait plus le nombre de fois où sa mère l'avait surpris à quatre heures du matin, penché au-dessus d'une feuille noircie par ses soins alors qu'il avait école le jour même. Seul le dessin le faisait vibrer, exister. Lorsqu'il dessinait, il oubliait tout. Le jeune homme ne voyait pas le temps s'écouler. Seul ne comptait ses personnages prenant vie sous sa plume.

C'est donc tout naturellement qu'il avait été dans un lycée spécialisé en art pour finalement passer le concours d'entrée de la fameuse université d'art d'Osaka. Alors, l'échec éventuel à ce concours serait pour lui catastrophique. Un frisson lui parcouru l'échine à cette idée. Il avait à peine dix-huit ans et jamais l'avenir ne lui avait paru aussi incertain, effrayant. Qu'allait-il faire s'il avait échoué ? Il n'avait postulé que pour cette université et dans une semaine, ses années de Terminale seront officiellement terminées. Mais surtout, comment allait-il l'annoncer à ses parents qui s'étaient saignés pour lui payer la moitié des frais de scolarité de ce lycée ? Propriétaire d'un bar dans un petit village, ses parents ne roulaient pas sur l'or. Hideto savait depuis son plus jeune âge ce qu'était la pauvreté. Néanmoins, le jeune homme n'avait jamais manqué de rien. Il avait toujours eu trois repas équilibrés dans la journée et bien qu'il ne portait pas de marque sur lui, il avait tous les mois un vêtement neuf. Et s'il désirait quelque chose au-dessus de leur moyen, l'adolescent, n'hésitait pas à se retrousser les manches. C'est ainsi qu'il s'était acheté son vélo et payait l'autre moitié des frais de scolarité ainsi que sa chambre d'internat. Malgré le règlement interdisant aux étudiants de bosser, le jeune homme s'était trouvé un boulot en tant que serveur dans une sorte de fast-food.

Un crissement strident et métallique s'éleva au-dessus du brouhaha, ce qui tira Hideto de ses sombres pensées. Prenant une grande inspiration pour se donner du courage, il se mit à suivre la cohue de lycéen jusqu'à divers panneaux déjà pris d'assaut. En attendant de pouvoir se frayer un chemin, l'adolescent jeta de nouveau un œil sur le numéro à quatre chiffres inscrits sur son papier, bien qu'il le connaisse par cœur.

Les premiers cris de joie ne tardèrent pas à se faire entendre. De sa place, le jeune garçon pouvait observer les diverses réactions sans attirer l'intention sur lui. Ainsi, il voyait un groupe d'amie s'étreindre en pleurant de joie, d'autre sauter sur place en hurlant leur bonheur. Secrètement, Hideto espérait être à leur place. Etre reçu. Voir son numéro sur l'un de ces panneaux. C'est tout ce qu'il demandait. C'est tout ce qu'il voulait, désirait. Il avait travaillé si dur pour étudier dans cette université. Il le méritait plus que les autres.

Au fil du temps, la foule diminua pour ne laisser qu'une petite quarantaine d'étudiants dans la cour, discutant par petit groupe de trois ou quatre personnes. S'approchant d'un des panneaux, le jeune homme survola les nombres avant de passer au panneau suivant. Au défilement de sa lecture, Hideto pouvait sentir son rythme cardiaque augmenter, son corps tremblait sous l'effet du stress. Bon, dieu, comme il aurait voulu être ailleurs. L'adolescent avait la désagréable impression que son destin se jouait maintenant.

-Non. Ce n'est pas vrai. Pria-t-il en sentant ses yeux le brûler.

Les larmes brouillèrent sa vue et commencèrent à couler. Une déception immense l'envahie. Son numéro n'y était pas. Hideto avait beau vérifier et revérifier, cela ne changeait rien. Il avait échoué. Il ne rentrerait pas à l'université. Son rêve s'achevait là.

Totalement abattu, l'adolescent essuya son visage mouillé à l'aide de sa manche et fit demi-tour. Il avait envie de fuir cet endroit en courant, de fuir cette réalité trop dure. A la place, il marcha tranquillement sans voir où il allait, sans rien entendre malgré la faible mélodie s'échappant de son casque. Il était comme coupé du monde. Déconnecté. Il laissait ses jambes le porter où elles le voulaient.

Il avait mal. Si mal. Hideto avait tellement espéré réussir ce concours. Tout en marchant, il se repassa l'examen. Il avait réussi haut la main les écrits comprenant les matières générales. Même l'oral s'était bien passé dans l'ensemble. Le jeune garçon se souvenait parfaitement de la salle de classe vide dans laquelle il était entré, des quatre jurés le dévisageant lorsqu'il tira son sujet au hasard, de sa préparation pendant qu'un candidat présentait son œuvre et enfin son tour. Il pouvait encore ressentir le stress qui l'habitait pendait qu'il leurs expliquait son dessin. C'était un magnifique portrait d'une femme en noir et blanc. Oui, Hideto avait réussi à intéresser le jury avec ses commentaires mélangeant savamment ses connaissances sur l'art et l'histoire. Jusqu'à ce qu'un juré d'une cinquantaine d'année, au visage sympathique, ne lui pose la fameuse question du choix d'absence de couleur. Et là, Hideto n'a pu mentir. Tout simplement parce qu'il avait le mensonge en horreur. Et maintenant, il le regrettait. Il avait bien vu que sa réponse les avait dérangés. Après tout, comment peut-on être un dessinateur si on ne voyait pas certaines couleurs ?

Comment avait-il pu être aussi naïf ? C'était tiré d'avance qu'il n'avait pas sa place dans cette université de prestige. Un rire sans joie franchit ses lèvres. Qui voudrait investir sur un mangaka daltonien ? Oh oui, il avait été naïf de croire que l'université l'accepterait quand même comme élève, juste parce qu'il était doué.

S'arrêtant devant un banc en métal, Hideto cligna des yeux, comme réveillé d'un songe. Tous ses sens lui étaient revenus d'un coup tandis qu'il détaillait son environnement. Cet endroit lui était familier. Et pour cause, puisque ses jambes l'avaient conduit automatiquement jusqu'à son arrêt de bus. Dans un soupir, l'adolescent se laissa tomber sur le banc comme si toutes ses forces venaient de l'abandonner. Entourant ses jambes avec ses bras, le menton posé sur ses genoux, il observa les passants sans les voir tout en se balançant doucement. Le lycéen se revoyait attendre le bus un mois auparavant, le cœur rempli d'espoir et de fierté.

Sentant ses sanglots doubler d'intensité, Hideto ferma les yeux fortement pour empêcher les larmes de couler et rejeta son visage en arrière. Malheureusement, cette technique n'eut pas l'effet escompté. Il n'avait qu'une seule envie, s'enrouler dans sa couette et pleurer jusqu'à ce que l'épuisement le fasse sombrer dans les bras de Morphée.

-Tenez !

Une voix masculine le fit sursauter et ouvrir les yeux automatiquement. Devant lui se tenait un garçon d'environ son âge, au look coloré et extravagant qui lui tendait un mouchoir en papier. Malgré son visage aux traits sérieux, Hideto pouvait lire dans ses yeux chocolat une certaine tendresse et empathie. Il n'y avait aucune moquerie ni pitié dans ce regard. Ce qui lui fit ravaler une réplique acerbe et acide.

-Merci. Murmura Hideto d'une voix éteinte en le prenant, ce qui lui valut un signe de tête de son interlocuteur et un sourire.

Sans un mot, l'inconnu continua son chemin sans se retourner.

-Pathétique. Chuchota l'adolescent en parlant de lui-même.

Oui. Il était pathétique. Pathétique de pleurer en pleine rue et de se donner ainsi en spectacle. Pathétique d'être désarçonné devant la compassion et la gentillesse d'un de ses semblables. Pathétique d'avoir cru à la réalisation de son rêve pendant toutes ses années.

Le bus arriva quelques minutes plus tard le faisant se lever. L'idée de rester sur ce banc et d'attendre le prochain bus lui avait traversé l'esprit. Il n'avait aucune envie de rentrer dans sa chambre d'internat, où son colocataire l'attendait avec impatience pour connaitre ses résultats. Mais la température ne s'y prêtait pas. De plus, le temps devenait menaçant. Le vent commençait à se lever et de gros nuages noirs assombrissaient le ciel peu à peu. Et le lycéen n'avait aucune envie d'être trempé. Sa journée était assez pourrie comme cela. Pas la peine d'en rajouter.

En montant dedans, Hideto ne compta qu'une quinzaine de personnes à l'intérieur, sans compter le chauffeur. Toutes le détaillèrent avec insistante sans pour autant faire de commentaire désobligeant. Du moins à voix haute. Dans le fond du bus, l'adolescent pouvait voir un couple d'une vingtaine d'année, le dévisager en riant et échanger des messes basses. Avec une certaine surprise, il se rendit compte que ce constat le laissait indifférent. Surprenant pour une personne aussi sensible que lui.

-Bonjour. Murmura Hideto au conducteur en validant son ticket.

-Bonjour. Répondit celui-ci.

Assit près de la vitre, Hideto fixait plus son reflet que le paysage. Les larmes avaient laissé des stigmates sur ses joues rougies par le froid, ses yeux étaient rouges et bouffis. Il donnait peine à voir. Mais, l'adolescent n'en avait cure. Car, tout ce qu'il voyait dans la fenêtre était un gars paumé et désillusionné. Ce qu'il était.

-Et maintenant ? Chuchota le lycéen à son reflet. Que vas-tu faire ?

Hideto n'en savait strictement rien. Dans une semaine, il aura son diplôme et son expérience professionnelle ne se résumait qu'en un seul mot, serveur. Ah non, il pouvait ajouter barman dans son curriculum vitae. Il arrivait souvent que le lycéen donne un coup de main à ses parents au bar familial lorsqu'il y avait beaucoup de client. Néanmoins, quel employeur voudrait l'embaucher alors que c'est la crise économique et qu'il n'avait pratiquement aucune expérience professionnelle ? Bien qu'il pourrait toujours reprendre l'affaire familiale. Son père ne demandait que cela. Mais ce n'était pas à ce quoi il aspirait. D'ailleurs, il ne savait plus à quoi se donner. Depuis son enfance, il voulait être mangaka et avait fait des études pour ça. Que faire d'autre maintenant ? Quel autre métier pourrait-il faire et aimerait faire ?

Un soupir franchit ses lèvres. Comme il aimerait connaître son avenir. Pouvoir faire des sauts dans le futur et revenir dans le présent afin de pouvoir modifier certain aspect de sa vie future qui ne lui plairait pas ou tout simplement revenir dans le passé afin de changer le futur. Oh Oui ! Cela serait trop cool de pouvoir traverser le temps ! S'il avait cette faculté, il aurait pu revenir au jour du concours d'entrée et modifier ses réponses. Ou bien, juste avoir des visions du futur comme dans les films de science-fiction dont il adorait. D'ailleurs, si l'adolescent avait un vœu à faire maintenant, ça serait celui-là. Connaître le futur.

Hideto sorti de ses pensées en remarquant que le bus passait au rouge. Et là, le jeune garçon comprit qu'il allait mourir en voyant un camion foncer sur eux à toute vitesse. Jamais le camion ne pourrait freiner à temps pour les éviter.

-Attention ! Hurla l'un des passagers à l'adresse du conducteur.

Les larmes aux yeux, la bouche grande ouverte dans un cri muet, cloué sur son siège par la peur, il réussit à lever ses bras au-dessus de sa tête dans un réflexe de survie. Sa tête fut violement projetée contre le siège de devant dans un horrible bruit de klaxon, de tôle froissée et de hurlements. Des morceaux de verre le coupèrent aux bras et aux mains. A moitié sonné par le choc, la vue embrouillée et la peur au ventre, Hideto se sentit sombrer dans l'inconscience.