Hi

Cette fic est une réécriture. Ou, tout du moins, c'était à la base une réécriture, d'une autre fic que j'avais déjà postée ici, mais que j'aie supprimée parce qu'elle ne me plaisait plus. Donc j'ai commencé à la réécrire, puis je l'ai continuée, et elle est devenue beaucoup plus longue, et différente de la première version sur plusieurs points, et… voilà le premier chapitre. J'en ai plusieurs d'avance, mais je n'ai pas encore terminé l'écriture.

J'espère que ça vous plaira, et n'hésitez pas à laisser une petite review!

(et, au passage, je ne suis vraiment pas experte en ce qui concerne la drogue, l'alcool, toutes ces choses-là, mais disons que l'important dans cette histoire, c'est plus la rédemption, l'acceptation, et la guérison)

Tout pleins de bisous

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Dans les rêves de Dean, il n'y a que les brumes du désespoir, des fragments de conscience, d'inconscience, les souvenirs et les songes qui claquent dans sa tête, derrière le rideau de ses paupières fermées.

Dean boit trop, et Dean sait qu'il boit trop, qu'il prend trop de médicaments, mais… qu'est-ce que ça pourrait changer? Les jours s'égrènent dans le noir total. Et tout ce à quoi il pense, c'est à cette douleur qui lui ronge le cœur, à cette brûlure dans le creux de sa poitrine. Ça ne s'arrête jamais, parce que Dean souffre toujours, tous les jours, sans la moindre seconde de répit. La moindre petite, minuscule seconde de répit.

Il ouvre les yeux.

Sur un plafond blanc. Ce plafond blanc qu'il connaît par cœur pour l'avoir tant de fois observé. Le blanc est éblouissant, trop vif, presque douloureuxà regarder. En revanche, ce que Dean ne connaît pas, ce sont les deux yeux, incroyablement bleus, qu'il croise quand il tourne un peu la tête sur le côté.

"Est-ce que vous m'entendez, Dean?" demande l'infirmier, en se penchant vers lui, l'air un peu inquiet et les yeux si bleus.

Dean grogne puis le repousse quand il passe une lampe devant ses iris. Il essaie de se redresser, mais des pics lancinants lui vrillent l'intérieur de la tête.

"Vous pouvez parler?"

Dean lève les yeux au ciel. "Mais oui, je peux parler," rétorque-t-il, le ton bien moins assuré que ce qu'il avait prévu. "Je vais bien. Je m'appelle Dean Winchester, j'ai vingt-huit ans, je suis né dans le Kansas. Ça vous va, comme ça? Je peux aussi vous dire qu'on est à l'hôpital et que vous êtes nouveau, parce que je ne vous ai jamais vu. Mais peut-être que je perds les pédales."

"Vous ne… perdez pas les pédales. Je suis Castiel."

Et Dean se dit que Castiel a un putain de vrai visage d'ange. Il ressemble un peu à un ange, d'ailleurs. Penché sur lui, une main sur la barrière redressée du lit, Castiel ressemble à un ange même s'il investit un peu trop son espace. Sacro-saint espace personnel.

"Est-ce que vous savez pourquoi vous êtes là?"

Le son de sa voix résonne contre la peau de Dean, qui frissonne, résistant de toutes ses forces à l'envie de lui demander de reculer. Il finit par lui demander de reculer et Castiel obtempère sans rien laisser transparaître. Il se contente de faire deux pas en arrière, de lâcher la barrière, puis Dean respire. Avant de répondre à sa première question :

"J'ai appelé l'ambulance, alors évidemment que je sais pourquoi je suis là. Une overdose."

Une overdose.

"C'est tout ce que vous inspire le fait d'avoir failli mourir?" en penchant la tête sur le côté.

Dean fronce les sourcils, lui aussi étonnédes ondes de chaleur diffuse dans ses veines. Il hausse les épaules en observant la perfusion, le cathéter dans le pli de son coude. "Je ne suis pas mort, à ce que je vois," répond-il. "Je ne suis pas encore mort."

Finalement, il relève le menton. Castiel le fixe, les yeux si bleus, si doux, si tendres. Castiel est tendre. Et Dean détesteça, de toutes ses forces, il déteste ce qu'il voit dans son regard parce que ça ne fait que lui rappeler que tout en lui déborde tellement que la souffrance se lit sur son visage. "Je voudrais rentrer chez moi, Castiel."

L'infirmier secoue vivement la tête. "Ça, c'est hors de question. Vous avez fait une overdose, et j'ai lu dans votre dossier que c'est loin d'être votre première fois. Les amphétamines que vous prenez stressent votre cœur, Dean. Vous ne pouvez pas continuer comme ça."

Il s'arrête une seconde, jaugeant ses réactions avant de reprendre :

"Est-ce que vous avez mal quelque part?"

"J'ai mal à la tête, mais c'est sûrement parce vous parlez beaucoup trop. Vous parlez toujours autant, ou c'est juste que vous me trouvez inspirant?"

"Depuis combien de temps vous droguez-vous, Dean?" impassible.

Dean casse le contact visuel, et Castiel se précipite vers lui quand il soulève son t-shirt pour enlever les électrodes collées sur sa poitrine.

"Retirez vos mains," crache Dean, secoué par un vent de panique lorsque Castiel entreprend de remettre les capteurs en place.

L'infirmier replie ses doigts, éloigne prestement ses mains, obéissant à la détresse qu'il entend dans la voix de Dean. Celui-ci le surveille du coin de l'œil, méfiant. "Je peux les remettre tout seul, c'est bon," dit-il, plus calmement.

"Vous savez, Dean… que vous êtes resté inconscient pendant deux jours? Vous ne pouvez pas partir. Vous êtes encore fragile."

"Je suis beaucoup de choses, mais je ne suis certainement pas fragile," en rabattant son t-shirt. "Ce n'est pas ma faute si l'alcool et les amphétamines ne vont pas ensemble."

Il remonte la couverture sur lui, change de position, pour être plus en face de Castiel. Qui pousse un petit soupir. "Vous pourriez arrêter de prendre des amphétamines et de boire de l'alcool."

Le rire de Dean est amer. Froid, à la limite du sarcasme. "Oh, c'est vrai que c'est si facile," la voix tremblante. "Dit comme ça, je me demande même pourquoi les psys ont encore du boulot."

Et Castiel a l'impression de tomber. Presque littéralement, il se casse la gueule, parce que Dean dégage de l'émotion à l'état brut. De l'intensité qui fait mal, qui fracassetout ce que Castiel pensait être capable de ressentir.

"Vous voulez en voir un?" demande celui-ci.

"Un psy?" en haussant un sourcil, dédaigneux. "Si j'avais besoin d'un psy, j'irais voir un putain de psy."

"Si vous n'en aviez pas besoin, vous ne seriez pas-"

Dean le coupe, juste avec les yeux. Juste avec la rage, dans ses yeux. "Bordel de merde, vous n'allez jamais la fermer, ou quoi?" ajoute-t-il tout de même.

"Je vais aller chercher un médecin," simplement.

Agitant vaguement la main comme pour lui dire qu'il peut bien faire ce qu'il veut, Dean se détourne. Il ne le regarde pas quitter la pièce, compte les minutes puis se redresse pour adresser un bref signe de tête au docteur Singer quand ils reviennent.

"Bonsoir, Dean. Comment tu te sens?"

Dean hausse les épaules et dans son attitude, tout sonne faux. "Je vais bien."

"Tu veux bien que je t'examine rapidement?" en s'asseyant sur le bord du lit.

Sans le quitter des yeux, Dean acquiesce mais surveille le moindre de ses mouvements, le corps tendu comme s'il s'attendait à être obligé de se défendre. "Rapidement."

"Tu peux serrer mes doigts?"

Dean fixe ses deux mains tendues vers lui, puis secoue la tête, lève les bras pour serrer et desserrer ses poings dans le vide. Singer sourit tristement. "Ça me va aussi," en sortant une minuscule lampe de poche. "Suis la lumière des yeux, s'il te plaît. Très bien. Bon, Dean. Je voudrais quand même que tu restes cette nuit. Histoire d'être sûr et certain que ça va."

"Dîtes plutôt que vous avez peur que j'aille traîner dans les bars," en plissant les yeux. "Je commence à vous connaître. Mais très bien, je reste. Si vous me donnez de la morphine."

Debout derrière le médecin, Castiel s'étouffe avec sa salive. "Quoi?"

Singer soupire doucement en se pinçant l'arête du nez, hochant finalement la tête. "Je décide de la dose, de la fréquence, et de quand ça suffit. Je ne suis pas là cette nuit, mais Castiel est de garde. Tu ne négocies pas avec lui pour avoir plus, d'accord?"

"Je ne dois pas négocier, mais c'est ce que vous êtes en train de faire avec moi."

"Oui. Je négocie, parce que c'est la seule manière d'obtenir quelque chose de toi. Tu veux de la morphine, oui ou non?"

Dean se mord l'intérieur de la joue, puis jette un regard à Castiel. "J'en veux," finit-il par répondre, reportant son attention sur le docteur Singer.

Celui-ci sort un ordonnancier de la poche de sa blouse pour y noter la prescription. "Alors c'est selon mes conditions. Et celles de Castiel. N'essaie pas de l'embobiner, tu veux bien? Je sais comment tu fais, à chaque fois."

Il détache la feuille du bloc et la tend à Castiel qui la prend machinalement, le visage fermé.

Dean soupire mais capitule. "Très bien. Pas de négociations avec Castiel, et je ne lui ferai pas de charme. Juré. Promis."

La désapprobation marque chacun de ses traits mais Castiel ne dit rien, se gardant bien de l'informer qu'il est peut-être déjà sous le charme.

"Tu veux que j'appelle un psychiatre?" demande Singer, sans grande conviction.

"Non," agacé. "Je ne sais pas en quelle langue il faut que je vous dise que je ne veux pas voir de psychiatre. Vous comprenez quand je parle, au moins?"

"Je comprends," en soupirant.

"Est-ce que je peux vous parler, docteur?" intervient Castiel, derrière lui. "S'il vous plaît."

Dean agite la main. "Allez-y," dit-il. "Ne vous dérangez pas pour moi."

Le pas rapide, Castiel sort dans le couloir, suivi de très près par le médecin.

"Vous ne pouvez pas lui donner de la morphine, vous ne… Il doit voir un psychiatre, il a besoin de parler, de-"

Singer le coupe, le regard triste mais le visage fermé. Résigné. "Dean ne veut pas voir de psychiatre. Il ne veut pas être soigné. Et on ne peut pas sauver quelqu'un qui ne veut pas être sauvé."

Il y a comme une urgence dans les gestes de Castiel quand il se passe une main dans les cheveux. Parce que Dean fait l'effet d'une gifle. Il fait comme quand on rentre trop vite dans de l'eau trop froide, et Castiel a l'impression de ne pas pouvoir penser à autre chose qu'à tout ce désespoir. Ce désespoir dans la voix de Dean, dans son ironie, dans tout ce qu'il est. Tout ce qu'il essaie de faire croire.

"Pourquoi vous ne faites rien pour lui?"

"On a déjà essayé. Un de mes collègue a voulu interner Dean de force, mais avec les patients comme lui, c'est inutile. Ce serait juste le provoquer, et on n'a pas envie de gérer Dean Winchester quand il devient violent. Il ne veut pas qu'on l'aide, et honnêtement, je ne suis pas sûr que ce soit possible. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé. La seule et unique fois où j'ai demandé, il m'a frappé. Mais les gens comme Dean… ils sont en mille morceaux à l'intérieur. Je pense qu'il a perdu quelqu'un, et c'est le genre de blessure qui peut ne jamais guérir. J'en ai vu, des gens brisés, mais jamais de la façon dont Dean est brisé."

Chaque fibre du corps de Castiel proteste. Chacune de ses cellules hurle d'essayer encore. Essayer encore. Pourtant, il ne dit rien. Il hoche doucement la tête.

"Je voudrais que tu lui fasses une prise de sang, et que tu le surveilles cette nuit," avec un petit signe du menton. "Il peut avoir une injection de morphine toutes les deux heures à partir de maintenant. Et, Castiel," une pause avant de reprendre, le ton plus doux. "Fais attention à toi. Dean peut être agressif quand il se sent menacé, et il sait exactement comment faire mal. Ne le laisse pas t'atteindre. Dis-toi que ce sont les paroles de quelqu'un qui souffre plus que ce que tu peux imaginer."

Nouveau hochement de tête de la part de Castiel, et Singer lui adresse un sourire d'encouragement avant de se retourner. Il disparaît à l'angle du couloir. Castiel prend une inspiration puis attrape un kit de prélèvement dans le chariot près du mur. Puis, il entre dans la chambre.

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Assis dans son lit, Dean a allumé la télévision et regarde une série médicale dont Castiel n'a jamais entendu parler.

Il lui jette un petit coup d'œil, reste immobile tandis que Castiel prend une chaise pour s'asseoir à côté du lit. Il devrait dire quelque chose, il le sait, mais les mots ne veulent pas sortir parce que Castiel ressent presque chaque parcelle de cette douleur qui émane de Dean. Cette détresse qu'il n'a même pas l'impression d'éprouver.

"Prévenez, bordel de putain de merde!" hurle Dean, en tressaillant violemment lorsque Castiel pose une main sur son avant-bras.

"Vous n'aimez pas être touché," en le relâchant.

"Oh, bien vu, l'aveugle," sarcastique.

"Je ne suis pas aveugle," les sourcils froncés, récoltant un petit rire de la part de Dean, qui lève les yeux au ciel en soupirant bruyamment.

"Laissez tomber. Bon, vous comptez me la faire, cette prise de sang? j'ai pas que ça à faire, moi."

Castiel l'observe un moment, les sourcils toujours froncés, comme s'il essayait, de toutes ses forces, de déchiffrer ce puzzle complexe de sentiments débordants et désordonnés qu'est Dean. Il lui montre ses mains. "Je vais retourner votre bras, juste pour voir le cathéter."

"C'est ça," en retournant son avant-bras, l'intérieur du coude exposé. "Vous pouvez aussi me demander de le retourner tout seul, mon bras."

Castiel stoppe le débit de la perfusion et prend un tube de prélèvement dans le kit. Il sent le regard de Dean, brûlant braqué sur lui alors qu'il récolte quelques millilitres de sang. "En fait, vous n'avez que ça à faire," reprend-il, sans lever les yeux. "Rester allongé, et vous reposer."

"Super cool," sans jamais cesser de le fixer.

Le plus délicat possible dans ses gestes, Castiel sent quand même à quel point Dean est dérangé par sa proximité. Il ne dit rien, tous les muscles de son corps pourtant tendus.

"Pourquoi vous ne voulez pas qu'on vous aide?" après un moment.

Il retire le dernier tube de prélèvement et le pose sur la tablette près du lit, avec les trois autres. Dean ne répond pas tout de suite, laissant à Castiel tout le loisir de le regarder. Il ne peut pas cesser de le regarder, Dean et tous les détails de son visage, magnifiques détails, le vert profond, intense, de ses yeux, et les taches de rousseur qui constellent sa peau. Dean pourrait être la définition même de la beauté, du charisme électrisant, bouleversant, presque dérangeant.

"Pourquoi vous n'arrêtez pas de poser des questions?" finit-il par répliquer, immobile, le regard qui suit les moindres mouvements de Castiel, jusqu'à ce qu'il ne les suive plus.

Il se détourne vers l'écran de la télévision, et Castiel soupire. "Vous allez recommencer, n'est-ce pas? Quand vous sortirez d'ici, vous allez recommencer à boire et à vous droguer."

"Ah ouais, et t'as deviné ça tout seul?" en ricanant.

Castiel bloque une seconde sur le tutoiement, avant de répondre :

"C'est assez évident, en fait. Tu as l'air… malheureux, Dean. Déglingué, même."

Déglingué. C'est le mot. Cassé, si abîmé que Dean a l'air presque mort à l'intérieur. Il se retourne brusquement vers lui, le visage seulement éclairé par la lumière de l'écran. "Arrête," haussant le ton. "Arrête de penser que tu sais de quoi tu parles. Que tu peux faire quelque chose pour moi, parce que tu te trompes. Je ne suis pas ton problème. D'accord?"

Un peu à contre cœur, Castiel hoche la tête. "Je vais aller te chercher de la morphine. Tu veux autre chose?" demande-t-il en se levant.

"Non."

"Je reviens dans une minute. Ne bouge pas."

Agacé, Dean agite la main. Castiel sort pour ne revenir presque littéralementqu'une minute plus tard, une seringue et une bouteille d'eau dans les mains. "Tu devrais peut-être t'allonger," dit-il, en posant la bouteille sur la tablette.

"Il faut plus qu'un peu de morphine pour me mettre hors-circuit."

Sans répondre, Castiel retire le petit capuchon en plastique de l'aiguille pour faire passer le contenu de la seringue directement dans la perfusion. L'effet est quasiment immédiat, Dean se détend, ferme les yeux très fort et puis les rouvre. "Merci pour ça," souffle-t-il.

"Ne me remercie pas," légèrement troublé. "Tu peux avoir une injection toutes les deux heures jusqu'à demain matin."

Même s'il reste silencieux, Dean écoute chacune des syllabes qui franchissent ses lèvres. Il écoute.

"Est-ce que tu as envie de parler, Dean?"

"Je n'ai vraiment rien à dire."

Sa voix est un peu traînante mais toujours sarcastique. Conscient que ce n'est peut-être pas la meilleure des idées, Castiel insiste :

"Je pense que tu as beaucoup de choses à dire, au contraire. Je peux écouter."

"T'as pas autre chose à faire que rester là, à poser des questions pour lesquelles tu ne veux pas vraiment de réponses?"

"Je veux des-"

"Dégage, Castiel. Je ne vais pas me répéter."

L'avertissement est palpable, bien que tacite.

"Très bien," capitule Castiel, les mains en évidence comme pour l'apaiser. "Je reviendrai dans deux heures. Essaie de te reposer."

Dean indique la porte d'un signe vague de la tête, sans le regarder quand il finit par sortir. Une fois seul, il se passe une main dans les cheveux puis éteint la lumière derrière lui. Il ramène ses genoux contre sa poitrine. Toutes les bribes de souvenirs s'estompent, à mesure que la morphine se répand dans son système. Ce n'est pas réellement suffisant, et Dean voudrait bien réussir à s'endormir. Il voudrait ne pas être paralysé par les cauchemars qu'il n'a pas encore faits.

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"Tu n'as pas envie de dormir?" exactement deux heures plus tard.

"Donne-moi plus de morphine, si tu veux que je dorme"

"Tu n'es pas censé négocier," en s'approchant du lit.

"Oh, je n'ai pas encore commencé à négocier," répond Dean, en pivotant un peu sur sa gauche pour observer Castiel lorsqu'il fait passer une nouvelle dose de morphine par la perfusion.

"Tu as l'intention de négocier?"

"Probablement," en haussant les épaules. "Tu veux que je te dise, Castiel? T'as vraiment l'air d'avoir un balai dans le cul."

Dean éclate de rire face à l'expression un peu confuse qu'affiche Castiel. Il éclate de rire mais ça résonne comme un écho, comme quelque chose de fané. Castiel hausse un sourcil et Dean cesse de rire pour se contenter de l'ombre d'un sourire. "Désolé, mais c'était vraiment facile," s'amuse-t-il. "Tu me tends la perche."

Dans sa voix, Castiel n'entend que ce qu'il n'y a pas. Et dans ses sourires, il ne voit que de la douleur.

"Tu veux bien que je te fasse un examen rapide?" en allumant la lumière.

"Ouais, mais dépêche-toi. C'est mon épisode préféré de Docteur Sexy."

Castiel jette un coup d'œil à l'écran de la télévision avant de s'asseoir sur le bord du lit. Dean ne bouge pas, les genoux toujours ramenés contre lui.

"Prends mes mains, et serre mes doigts. Juste une petite seconde."

Après un long moment d'hésitation, Dean attrape brusquement les mains de Castiel puis serre aussi fort qu'il le peut. Une onde de chaleur remonte le long de ses bras, et Dean le relâche. "Ça suffit?"

"Oui," répond Castiel. "Regarde la lumière. En haut, en bas. Un peu à droite. D'accord… Tout va bien."

"Super bien, c'est clair."

Il est amer, et Castiel, après avoir rangé sa lampe dans la poche de sa blouse, concentre toute son attention sur lui. "Je peux faire quelque chose pour toi, Dean?"

"Tu veux faire quelque chose pour moi?" l'air à la fois songeur et dédaigneux. "Trouve des amphétamines."

"Tu me le demandes parce que tu penses sincèrement que je vais t'aider à te droguer?" en penchant la tête. "Ou simplement pour me tester?"

"Un peu des deux. Je suppose."

Castiel garde le silence un moment, sincèrement surpris. "Pourquoi tu-"

"Arrête," siffle Dean. "Réellement, arrête, si tu ne veux pas mon poing dans la gueule. Tu es censé me surveiller cette nuit, pas me poser toutes les questions qui te passent par la tête. Je ne vais pas te répondre, rentre-toi ça dans le crâne."

"Tes mains tremblent," alors que Dean détourne les yeux pour ne plus voir l'expression de pure compassion sur son visage.

"Je suis en manque."

Un froncement creuse le front de Castiel, et, du coin de l'œil, Dean arrive presque à le trouver attendrissant. Presque.

"Comment peux-tu être en manque tout en étant sous morphine?"

"Je ne plane pas avec une injection toutes les deux heures. Singer m'en donne parce qu'il préfère que je sois détendu ici plutôt que défoncé dehors. Il pense que s'il réussit à me garder un peu, je vais accepter son aide."

"Donc tu admets avoir besoin d'aide?" très doucement.

Dean souffle un peu en plissant les yeux, l'air plus fatigué qu'énervé. "Ne joue pas à ça avec moi, Castiel. Je n'admets rien du tout. Je vais bien."

Et je vais bien, ça semble être la réponse à toutes les questions du monde.

"Tu veux bien que je reste un peu?"

"Tu n'as pas autre chose à faire?" en le regardant changer de position pour être plus à l'aise.

"C'est calme, cette nuit. Tu es ma priorité."

Dean hausse un sourcil, sans pour autant lui demander de partir. "Tiens donc," ironise-t-il. "Et pourquoi est-ce que tu voudrais rester?"

Son regard est si intensément fixé sur lui que Castiel se sent petit. Dean est intimidant, parce qu'il dégage de la brutalité, quelque chose de violent, de vrai et de pur.

"Parce que je… te trouve intéressant, Dean," finalement.

Le rire de Dean est spontané, surpris, et lui-même a l'air de ne pas savoir pourquoi il rit. "Tu me trouves intéressant?" répète-t-il. "C'est peut-être toi, qui devrais aller voir un psy. Je ne suis intéressant pour personne, crois-moi, et tu n'as vraiment rien envie de savoir me concernant. Ce qui tombe bien, en fait, puisque moi, je n'ai vraiment rien envie de te dire," en baissant le son de la télévision. "Mais parle-moi de toi, Castiel, puisque tu as du temps à perdre."

"Je vais faire comme si tu n'étais pas en train de détourner mon attention. Qu'est-ce que tu veux savoir?"

"Ton nom en entier," après une seconde de réflexion.

"Castiel James Novak."

Castiel James Novak.

"Et quel âge tu as, Castiel James Novak?"

Son expression est amusée, presque cynique, mais Castiel se dit qu'il pourrait embrasser le demi-sourire sur ses lèvres. "J'ai vingt-sept ans, presque vingt-huit," répond-il. "Comme toi."

"Eh bah ça nous fait un point commun."

"On a aussi le même groupe sanguin, je l'ai lu dans ton dossier," ajoute Castiel, lui arrachant un petit rire.

"Je peux lire mon dossier?" en se redressant.

"Les patients ne peuvent pas lire les dossiers," en secouant la tête.

"Je ne suis pas un patient."

"Et qu'est-ce que tu es, si tu n'es pas un patient?"

"On ne parle pas de moi," en balayant sa remarque d'un vague geste de la main. "Pourquoi tu viens juste de commencer à travailler ici?"

"J'ai déménagé," en repliant une de ses jambes sous sa cuisse. "J'ai… quitté quelqu'un."

"Un homme, ou une femme?"

Castiel ouvre la bouche pour répondre mais Dean l'interrompt. "Oh, attends. Je vais deviner," dit-il. "Un homme, pas vrai?"

"Raphael."

"Et pour quelle raison tu l'as quitté?"

"Tu sais, Dean," en lui adressant un regard plus inquisiteur. "Je trouve que tu poses beaucoup de questions pour quelqu'un qui ne veut pas répondre aux miennes."

Nonchalamment, Dean attrape la bouteille d'eau que Castiel a apporté un peu plus tôt, puis en dévisse le bouchon. "C'est toi qui voulais rester ici avec moi, c'est toi qui réponds aux questions. Alors, pourquoi tu l'as quitté?"

"Parfois, les relations ne-" et Dean lève les yeux au ciel. "Quoi?"

Dean avale une gorgée d'eau avant de reprendre la parole. "Donne-moi la vraie raison. Pas les conneries que tu racontes aux gens quand ils posent la question."

"Très bien," en soufflant. "Il m'a trompé."

"Oh. Ça fait mal."

"Ça fait mal," en acquiesçant. "C'est arrivé trois fois, avec trois hommes différents."

"Tu l'as laissé te tromper avec trois hommes différents avant de le quitter, ou alors il a couché avec trois hommes différents, en même temps?"

L'incrédulité et la confusion se lisent sur le visage de Castiel et Dean éclate de rire. C'est un vrai rire, cette fois. "C'est vraiment une question," en posant la bouteille qu'il a dans les mains. "Ça change absolument tout. Alors?"

"D'accord… alors il m'a trompé trois fois avant que je m'en rende compte. Pas avec trois hommes en même temps. Est-ce qu'on peut vraiment coucher avec trois hommes en même temps?"

"Oui," l'ombre d'un sourire un peu amer sur les lèvres.

La sonnerie du téléphone les fait sursauter tous les deux. Castiel décroche en faisant signe à Dean de patienter. "Oui? Ah, oui. J'arrive tout de suite," avant de raccrocher. "Je reviens dans une heure et demi. Essaie de dormir."