Il avait suffit de quelques minutes pour que tout soit terminé. Yuri Plisetsky n'avait pas tout de suite réalisé ce qui venait de se produire. Ca ne pouvait pas être réel, n'est-ce pas ? Il avait dû mal comprendre, c'était... impossible. Il ne pouvait pas l'abandonner comme ça, lui, le seul être qu'il aimait sincèrement... Et pourtant. Il s'était écoulé un long silence pendant lequel Yuri était resté figé, la bouche entrouverte et le regard perdu.
"Yurio, nous arrivons tout de suite, ne bouge pas de la patinoire".
La voix de Viktor résonna dans sa tête et la dure réalité le faucha, aussi horrible et douloureuse fût-elle. Son portable glissa de ses doigts fins devenus tremblants et finit par se briser sur la glace. Le jeune Russe sentit tout bonnement son coeur en faire de même. Des larmes glissèrent petit à petit sur ses joues jusqu'à inonder totalement son visage qui se tordit soudain de douleur. Il porta ses mains devant sa bouche, il était en état de choc. Les patineurs autour de lui le dévisagèrent, aucun d'eux n'était habitué à voir le tigre pleurer. C'est Yakov qui intervint le premier, il se précipita vers le plus jeune avant de lui saisir les mains et le força à croiser son regard.
"Yuri... Viens avec moi !"
Il l'attrapa par la manche et le traîna en dehors de la glace. Ce dernier le suivit doucement, docile, un air terrifié sur le visage. Il était complètement déconnecté du monde réel. Son entraîneur l'emmena vers les vestiaires, il ne voulait pas que son disciple se sente oppressé et préférait donc l'isoler le temps que ses amis arrivent. Il avait appris la tragédie quelques secondes après Yurio, Viktor l'ayant également appelé pour le mettre au courant le plus rapidement possible. Quand ils arrivèrent devant la porte du vestibule et que Yakov lâcha le bras de son protégé, ce dernier se détourna soudainement sans un mot, et se mit à courir dans les couloirs du bâtiment, aussi vite qu'il le pouvait. Il voulait sortir, il le devait. Il étouffait. Son grand-père... était mort.
" Yuri! "
Le coach n'avait pas réussi à le rattraper. Quand Vitya l'avait appelé quelques instants plus tôt et l'avait informé de la situation, il s'était immédiatement inquiété pour son élève. Il avait conscience de l'attachement de celui-ci pour son grand-père et avait peur qu'il ne s'en remette tout simplement pas. Après tout, il n'était encore qu'un enfant, innocent et fragile, malgré le masque qu'il portait la plupart du temps. Et là, il venait de s'enfuir, sans que Yakov ne sache quoi faire, l'inquiétude le tiraillant de toute part.
"Ne fais rien de stupide !"
Yuri courrait, il ne regardait absolument pas où il allait, laissant ses jambes le porter. Il avait terriblement mal mais le fait d'être à l'extérieur et de respirer un air plus pur lui était déjà un peu moins pénible. Il continua ainsi pendant ce qui lui parut être une éternité. Ce n'est qu'en apercevant sa maison qu'il reprit conscience. Son coeur rata un battement. Il accéléra autant que possible vers cet endroit qu'il chérissait tant, vers ce refuge qui lui avait toujours apporté tellement de bonheur. Des policiers, une ambulance... Il se rua à l'intérieur de la demeure, le souffle saccadé, poussant quiconque se trouvait sur son chemin.
"Grand-père !"
Il le chercha du regard mais ne trouva rien d'autre qu'un vide immense. Il n'était plus là. Il reconnut une voisine qui le regardait d'un air désolé. En tant normal, le félin ne se serait pas gêné pour lui dire de mettre sa pitié là où il pensait. Mais cette fois, il n'en fit rien et se contenta de la fixer quelques secondes. Elle avait les yeux rougis. Lorsqu'il détourna son regard, il aperçut un policier qui s'avançait vers lui. L'agent posa une main sur son épaule et l'entraîna à l'écart afin de pouvoir lui expliquer calmement la situation. Son grand-père avait eu une crise cardiaque et il était mort, seul. Voilà les seuls mots que Yuri avait retenu et qui résonnaient au fond de son âme. Il avait laissé la personne qu'il aimait le plus au monde le quitter, sans pouvoir lui venir en aide. Sans pouvoir lui dire à quel point il l'aimait et combien il avait fait pour lui. Il s'en voulait terriblement. Il était dans un état de faiblesse qu'il n'avait jamais connu, autant mentalement que physiquement. Ses dernières forces finirent par l'abandonner, faisant perdre le peu d'équilibre qu'il lui restait et le fit basculer dangereusement en arrière. Alors qu'il s'attendait à chuter, il sentit deux bras l'entourer. Son dos rencontra la personne qui l'avait rattrapé et qui le serrait fort contre lui. Une tête se posa sur son épaule et il reconnut les cheveux gris. Viktor. Il était venu, cet imbécile. Yurio sentit les larmes couler à nouveau. Des larmes de chagrin, de désolation et quelques-unes de gratitude aussi envers son ami qui le soutenait. Il agrippa les bras qui entouraient son corps. Jamais il n'aurait fait ça habituellement. Mais la vérité, c'est qu'à cet instant, il n'avait plus la force de garder ce masque derrière lequel il aimait se cacher. Son coeur était meurtri, ses pensées le torturaient et sa vision commençait à se brouiller. Il se sentait abandonné. Son visage se releva légèrement et c'est tout naturellement que ses yeux s'arrêtèrent sur le cadre au dessus de la petite cheminée. La photo qui y était encadrée lui fit l'effet d'un coup de poignard. Sa douleur silencieuse commença doucement à devenir audible et c'est sous l'image de son grand-père qui tenait fièrement une médaille d'or aux côtés d'un Yurio infiniment heureux, qu'on entendit la véritable douleur de la fée russe.
Voilà pour ce premier chapitre ! Je sais que c'est assez triste, j'essaye de transmettre le plus d'émotions possible et j'espère vraiment y arriver... N'hésitez pas à laisser un petit commentaire en me disant ce qui vous a plu (et ce qui ne vous a pas plus également !) et je me ferai un plaisir de vous répondre :) Je vous dis à bientôt pour le chapitre 2..
Merci à Tiffanie P. pour le dessin juste sublime !
