La nuit du septième au huitième jour d'un mois de novembre glacial, les cris de douleur d'une jeune fille du nom de Misha résonnaient dans les couloirs du grand hôpital d'Athènes. Cela faisait déjà plusieurs heures que le travail avait commencé. Autour d'elle, infirmières, sages-femmes et médecins s'activaient, l'encourageaient et la soutenaient moralement car il n'y avait pas de plus pénible et douloureux travail pour une femme que de mettre un enfant au monde. Dans les alentours de quatre heures du matin ce huit novembre-là, un autre cri retenti dans la salle d'accouchement. Le premier cri d'une petite vie qui commençait, le premier cri d'un petit être qui découvrait enfin le monde. Misha s'écroula sur lit d'accouchement, épuisée, à bout de force, essoufflée, le visage trempé de sueur, les yeux inondés de larmes mais le cœur emplit de joie et de bonheur plus grand que tout. Oui, car malgré tout il n'y avait rien de plus heureux au monde pour une mère que de donner la vie à ce petit être qu'elle a porté en elle durant ces longs mois. Une sage-femme s'approcha de Misha avec le bébé dans les bras et le lui donna avec un sourire attendrit.

"Félicitation Mademoiselle, c'est un magnifique garçon que vous venez de mettre au monde."

La jeune fille prit son enfant dans ses bras et le colla contre son cœur. Les larmes de joie avaient remplacé les larmes de douleurs et un magnifique sourire s'était dessiné sur ses fines lèvres. Elle approcha sa tête de celle du nouveau-né et lui déposa un petit baiser sur le front avant de lui parler tout bas d'une voix tremblante mais avec toute l'affection d'une jeune maman pour son enfant.

"Comme tu es beau mon petit ange. Bienvenu mon petit amour, mon petit Milo."

Le petit garçon était emmailloté dans une couverture en laine toute douce. Il gigotait doucement tout en regardant sa mère de ses grands yeux bleus plein d'émerveillement. Il sorti sa petite main pour la poser sur la bouche de sa mère avant de lui taper le nez. Cela fit rire Misha qui regardait son fils avec tendresse et douceur. La sage-femme lui demanda quel était le prénom du bébé. Misha lui répondit tout doucement.

"Il s'appelle Milo."

"C'est un très beau prénom, Mademoiselle."

Misha lui sourit doucement. La sage-femme accrocha un petit bracelet au poignet de l'enfant et le reprit délicatement des bras de sa mère pour l'emmener à la nurserie. La jeune fille fut emmenée dans une chambre où se trouvait une jeune femme qui venait elle aussi d'accoucher. La jeune femme la regarda et lui sourit, Misha le lui rendit.

"Félicitation ! C'est une fille ou un garçon ?"

"Merci, félicitation à vous aussi. C'est un garçon. Et vous ?"

"Les deux. Ce sont des jumeaux."

"Wahou ! Double félicitations alors."

La jeune femme se mit à rire doucement. Elle semblait très gentille. Elle regarda attentivement Misha.

"Mais dites-moi, c'est votre premier enfant ? Car vous me semblez très jeune. Quel âge avez-vous ?"

"Euh, oui. C'est mon premier. J'ai... j'ai 17 ans."

"17 ans ?! Mais vous êtes encore mineur ! Et vos parents ? Ils sont au courant ?"

"Euh... C'est... c'est un peu... compliqué..."

La jeune femme n'eut pas le temps de lui dire quoi que ce soit car le médecin arriva pour examiner Misha. Il posa quelques questions auxquelles elle répondit facilement. Le médecin la remercia et s'en alla. Juste avant de franchir la sortie, il se retourna et lui demanda qui était le père de l'enfant. Misha eut un léger sursaut. Elle redoutait cette question. Elle ne répondit pas.

"Mademoiselle ?"

"Il... il n'a pas de père."

"Je vois. Reposez-vous, Mademoiselle Molis. Nous reparlerons de tout ça plus tard."

Il s'en alla en soupirant doucement. Misha s'allongea et tourna le dos à la jeune femme, qui la regardait avec une certaine inquiétude. Elle ne dit rien et s'allongea aussi tout en gardant un œil sur l'adolescente.

Plus tard dans la matinée, Misha s'éveilla doucement. Près d'elle, la jeune femme allaitait sa fille. Lorsqu'elle la vit s'étirer, la jeune femme lui sourit et la salua.

"Bien dormis ?"

"Comme un bébé ! Ça faisait longtemps que je n'avais pas aussi bien dormi."

"Comment ça ?"

"Eh bien, j'ai eus une grossesse un peu difficile."

"Je comprends. Au fait, comment t'appelles-tu ? Moi c'est Aikia."

"Euh... Moi c'est Misha."

"Dis-moi, Misha, tu m'a bien dis que tu avais 17 ans, n'est-ce pas ?"

"Euh... Oui, c'est... c'est bien ça..."

"Tu as aussi dit que ton fils n'avait pas de père. Où est-il ?"

"Ah ça si je le savais ! Mais je n'ai pas besoin de lui ! Milo non plus ! On s'en sortira très bien tous les deux, il le faut !"

Aikia senti de la colère, de la tristesse et de la peur au fond de la voix de la jeune fille. Elle soupira doucement.

"Et tes parents dans tout ça ? Est-ce qu'ils sont au courant ?"

A cette question, Misha baissa la tête.

"Non... bien sûr que non... C'est compliqué..."

"Tu sais ma grande, j'ai 25 ans. Je suis tout à fait en âge de comprendre. Aller, raconte-moi tout."

La jeune fille redressa la tête et posa ses grands yeux bleus bordés de larmes sur Aikia. Elle soupira tristement et lui raconta son histoire. Misha était originaire de la ville de Corinthe. Elle était issue d'une famille aisée et était fille unique. Ses parents avaient été très sévère avec elle et cela dès son plus jeune âge. A l'âge de 15 ans, parce qu'elle avait refusé la demande en mariage du fils d'une grande famille issue de la haute bourgeoisie, ses parents l'avaient renié et chassé de la maison. Désemparée, abattue et ne sachant où aller, la jeune fille avait vagabondé dans les rues durant plusieurs jours. Elle était complètement perdue. C'est à ce moment-là qu'elle avait rencontré un jeune homme qui avait l'air plutôt gentil, un dénommé Kai. Il l'avait ensorcelé avec de belles paroles et de fausses promesses et, s'en qu'elle ne s'en rende compte, elle était tombée dans l'enfer de la prostitution. L'argent qu'elle avait gagné ainsi, elle l'avait mis de côté car elle avait toujours gardé l'espoir qu'elle s'en sortirait. Elle se disait que ce n'était qu'une mauvaise passe, que tout ça serait bientôt fini, que ça ne durerait pas. Elle se rassurait comme elle le pouvait. Mais son calvaire avait duré presque un an. Elle avait commencé à se dire qu'elle ne s'en sortirait jamais, qu'elle était condamnée à vivre ainsi le reste de sa vie. Elle ne voulait pas continuer comme ça. Elle ne l'aurait pas supporté. Elle était à bout de nerf. Une tiède nuit d'été, après avoir quitté son dernier client, elle n'avait pas voulu rentrer chez elle. Elle était partie faire un tour dans le petit parc pour enfant. Elle s'était assise sur une balançoire et s'était mise à pleurer à ne plus pouvoir s'arrêter. Envahit par un immense désespoir, elle avait couru jusqu'à un vieil hôtel abandonné et été monté sur le toit. Elle s'était avancée jusqu'au rebord et avait regardé dans le vide. Elle avait eu envie d'en finir. Mais juste au moment où elle s'était apprêtée à sauter, quelque chose l'avait retenu. Quelqu'un qui n'était pas très loin d'elle s'était écrié "Non ! Attendez !". Elle avait vacillé et avait perdu l'équilibre mais la personne était arrivé à temps et l'avait rattrapé juste avant la chute fatale. Sans savoir qui c'était, elle avait éclaté en sanglot dans ses bras. La personne avait fait tout son possible pour la consoler et la calmer. Cela lui avait pris une bonne heure. C'est comme ça qu'elle avait rencontré Stefen. Après cet incident, ils avaient fait plus amples connaissance et au fil des mois qu'ils avaient passés ensemble, ils étaient tombés fol amoureux l'un de l'autre. Un jour, Stefen eut envie de partir loin de Corinthe avec elle pour qu'ils puissent vivre heureux, tous les deux. Avec l'argent qu'elle avait économisé et le salaire de Stefen, cela était possible. Seulement Misha était toujours prisonnière de Kai. Stefen avait décidé d'agir car il aimait Misha comme un fou. Alors une nuit, ils s'étaient enfuit tous les deux avec leurs affaires et leurs économies. Ils avaient roulé jusqu'au lever du jour vers Athènes. Pour Stefen, c'était le meilleur endroit pour commencer une nouvelle vie. C'est ainsi qu'ils s'étaient installés tous les deux dans un petit appartement dans un quartier modeste de la ville. Stefen s'était trouvé un job facilement. Ça n'avait pas été le cas de Misha en raison de son jeune âge. Mais cela ne les avait pas empêché d'être heureux, du moins durant les trois premiers mois. Tout avait basculé le jour où elle lui avait annoncé qu'elle était enceinte. Stefen n'avait d'abord rien dit, puis finalement il avait fini par lâcher un cri de joie. Au début de sa grossesse, il se comportait normalement avec elle. Mais au fur et à mesure que les mois passaient, il était devenu distant. Et puis, il semblait de plus en plus angoissé à l'idée d'être père. Et un beau matin, environs trois mois avant la naissance de l'enfant, Misha s'était réveillée seule. Stefen n'était plus là. Il avait disparu sans dire un mot et sans laisser de traces. Suite à cela, comme Misha n'avait plus de revenu pour payer le loyer, elle avait été expulsée. Elle avait trouvé refuge dans un immeuble miteux dans un quartier mal famé de la ville. Et la suite, Aikia la devinait. Misha venait de se taire et pleurait silencieusement. Aikia avait beaucoup de peine pour elle. Ce n'était qu'une enfant malheureuse et abandonnée de tous. Misha lui confia alors qu'elle avait peur de ne pas réussir à s'en sortir, de ne pas réussir à élever Milo correctement et qu'il lui soit retiré. Elle était tout bonnement effrayée par l'avenir. Aikia la consola comme elle put.

Quelques jours plus tard, Aikia et Misha purent sortir de l'hôpital. Aikia avait décidé d'aider Misha et l'hébergea chez elle le temps qu'elle se trouve un emploi stable et qu'elle puisse enfin avoir son propre appartement. Comme c'était son premier enfant, Aikia décida de lui apprendre comment s'en occuper correctement et lui donna quelques bons conseils sur son alimentation, sur les couches, etc. Elle lui apprit également à donner correctement le sein, à changer ses couches, à lui donner le bain... Misha lui était très reconnaissante.

Six mois s'étaient écoulés depuis la naissance de Milo. C'était à présent un bébé très joyeux, toujours souriant, qui riait tout le temps et pleurait très rarement. Il était très facile à vivre. Il se baladait déjà partout dans la maison à quatre pattes. Il était très curieux. Et puis, il était également très gourmand. Il était vraiment très mignon. Il avait de jolies petites joues rondes, deux grands yeux bleus absolument magnifiques et toujours émerveillés. Sur sa petite tête ronde, il y avait de très beaux cheveux blonds tout fins et tous doux. Et il était déjà très expressif pour son âge et n'avait pas de mal à se faire comprendre, ce qui pouvait être parfois très amusant. Misha était totalement folle de lui et l'aimait de tout son cœur. Elle avait fait beaucoup d'efforts pour s'occuper correctement de lui. Aikia n'avait plus besoin d'être derrière elle pour voir si elle changeait correctement ses couches, si elle chauffait le biberon à la bonne température... Elle s'en sortait très bien et était devenue une excellente mère. Cependant, elle n'avait toujours pas d'emplois, bien qu'elle n'arrêtait pas d'enchaîner les entretiens d'embauches. Son passé dérangeait beaucoup. Elle commençait à désespérer. De plus, elle craignait d'être un poids pour sa famille d'accueil. Aikia la rassurait et l'aidait du mieux qu'elle le pouvait. Elle finit tout de même par se trouver un emploi comme serveuse dans un bar-restaurant. Ce n'était pas grand-chose, mais au moins elle avait un revenu. Elle garda se job durant trois mois avant de trouver une meilleure place dans un grand hôtel d'Athènes, le Cape Sounion Grec hôtel, situé près du temple de Poséidon. Son salaire était bien plus gros, les conditions de travaux largement meilleurs et ses collègues bien plus sympathiques. De plus, ce job plaisait beaucoup à Misha. Grâce à cela et à ses économies, elle put rapidement s'installer dans un petit appartement situé dans l'un des quartiers les plus sûrs de la ville. L'appartement ne se trouvait pas très loin de chez Aikia et de l'hôtel. Lorsque Misha allait travailler, elle confiait Milo à Aikia. Les deux jeunes femmes étaient devenues très proches.

Le temps passait très vite et Milo grandissait rapidement. A dix mois, il avait fait ses premiers pas. A un an, il avait prononcé son premier mot, "Maman". Misha en avait était tellement émue qu'elle en avait pleurait et avait fêté l'événement avec Aikia. La jeune fille était désormais très heureuse. Son passé était loin derrière elle à présent. Elle avait réussi à s'en sortir et cela grâce à son amie. Si elle n'avait pas été là, qui sait ce qu'elle et Milo seraient devenus ? Mais quelle importance maintenant. Elle pouvait s'occuper de son fils correctement et le rendre heureux, c'était le principal.

Presque trois ans s'étaient écoulés depuis la naissance de Milo. Misha et lui vivaient bien heureux dans leur appartement. La jeune fille travaillait toujours au Cape Sounion Grec Hôtel. Quant à Milo, il ne cessait de grandir. Et plus il grandissait, plus il ressemblait à son père. A l'exception de ses yeux, il avait les yeux de sa mère. A présent, le petit garçon savait parfaitement marcher et parlait un peu près correctement. C'était un petit garçon très intelligent. Il aimait regardait les livres de la bibliothèque de Aikia, même s'il ne savait pas lire. Il était très curieux et posait toujours plein de questions et n'hésitait pas à demander lorsqu'il ne comprenait pas. Aikia lui avait appris à compter et à réciter l'alphabet. Elle essayait aussi de lui apprendre à écrire et à lire, mais c'était un peu tôt. Cela dit, Milo arrivait à écrire son prénom. Misha était très fière de lui. Et puis, il était plein de vie, souriant et très joyeux. Il riait facilement et s'amusait avec rien. Il savait toujours ce qui voulait. Il était aussi très timide mais une fois la glace brisait, il était très ouvert aux autres. D'ailleurs, il s'entendait à merveille avec les jumeaux d'Aikia, Agata et Alessandro. Misha ne cessait de dire que son fils était exceptionnel et merveilleux. Elle l'aimait plus que tout. C'était devenu une jeune fille épanouie. Sa vie était devenue parfaite, ou presque. Mais cela ne dura pas. Un pluvieux jour d'octobre, Misha sortait de son travail. Depuis le début de la journée, elle avait eu une étrange sensation, comme si on l'observait. Elle se dépêcha de rejoindre sa voiture pour aller chercher son petit Milo chez Aikia. Elle gara sa voiture, descendit, fit quelques pas puis se retourna pour regarder autour d'elle. Il n'y avait personne. Elle haussa les épaules et entra sans frapper.

"C'est moi !"

"Maman !"

Milo arriva en courant du salon et sauta dans les bras de sa mère qui se mit à rire et à l'embrasser partout sur son petit visage.

"Mon amour ! Tu m'as manqué ! Je suis contente de te voir !"

Le petit garçon riait aux éclats. Sa mère le reposa par terre et il lui fit un gros bisou mouillé sur la joue.

"T'as été sage mon cœur ?"

Juste à ce moment-là, Aikia sorti de la cuisine pour saluer son amie.

"Un vrai p'tit ange ! Il est vraiment adorable. Ça a été ta journée ma belle ?"

"Ohlàlà ! On était débordé ! C'est la folie en ce moment. Je suis épuisée !"

"Je comprends. Tu restes un peu ?"

"Avec plaisir ! Mais pas longtemps."

"Oui, le temps de boire un bon chocolat chaud."

Misha alla s'installer au salon pendant qu'Aikia préparait les chocolats. Milo se précipita vers sa mère, tout joyeux et une feuille à la main.

"Regarde maman mon dessin ! Aikia a dit qu'il est jolie !"

Il lui donna la feuille. Misha regarda l'œuvre d'art de son fils avec admiration. Il avait dessinait un lion. Elle lui demanda pourquoi un lion.

"Parce que j'aime bien les lions. C'est fort et pis c'est le roi des animaux. Tu le trouve beau maman mon lion, hein ?"

"Bien sûr mon ange, il est magnifique. Tu es très doué."

"On l'accrochera avec les autres sur le frigo ?"

"Évidemment mon Cœur !"

"C'est vrai ?! Ouais !"

Il commença à sauter partout comme un petit fou dans le salon. Misha éclata de rire. Il revint en courant vers elle et lui sauta dessus avant de l'enlacer avec ses petits bras. Aikia arriva avec les chocolats et s'installa. Les deux jeunes femmes commencèrent à parler de tout et de rien. Misha fit part à son amie de cette étrange sensation qu'elle avait eu toute la journée. Aikia se mit à rire et la rassura en lui disant que ce n'était que la fatigue ou bien alors, elle avait un admirateur secret. Cela amusa Misha. Après avoir papoté une bonne heure, elle décida de rentrer. Il commençait à pleuvoir de plus en plus fort.

Plus tard dans la soirée, dans les alentours de 21h00, un gros orage éclata. Comme Milo avait peur des éclairs, Misha ferma les volets. Elle remarqua quelqu'un sur le trottoir d'en face. Elle regarda quelques secondes l'individu. Elle senti alors son cœur faire un bon terrible dans sa poitrine. L'homme traversa la rue en courant avant d'entrer dans l'immeuble. Misha ferma le volet à toute vitesse et claqua la vitre. Ainsi, il l'avait retrouvé. Elle était complètement paniquée et ne savait pas quoi faire.

"Qu'est-ce que tu as maman ?"

La jeune femme angoissait à mesure qu'elle entendait les pas dans les couloirs se rapprocher. Elle se tourna vers son fils, qui semblait inquiet.

"Oh mon ange ! Viens-là !"

Elle le prit dans ses bras, le serra contre son cœur et couru vers sa chambre. Là, elle ouvrit son placard et y posa son fils. Elle s'affolait de plus en plus.

"Écoute Milo, tu vas rester ici jusqu'à ce que je vienne te chercher, d'accord ? Tu ne sors pas de ce placard, quoi qu'il arrive. Tu m'as compris mon ange ?»

"Mais pourquoi maman ?"

Quelqu'un frappa violemment à la porte d'entrée en hurlant le prénom de la jeune fille. L'orage grondait de plus en plus fort. Le petit garçon se jeta dans les bars de sa mère, effrayé, et commença à pleurer.

"J'ai peur maman !"

Elle le serra contre son cœur pour le calmer un peu. Sa voix se mit à trembler un peu.

"Ce n'est rien mon cœur, c'est juste l'orage. Je t'en prie, reste dans le placard et ne fais pas de bruit, d'accord ? Je te promets de vite revenir. Tu veux bien faire ça pour moi mon amour ?"

"D'accord. Mais j'aurais le droit à un bonbon ?"

"Bien sûr, mon ange, tout ce que tu voudras. Aller, sois sage. Je t'aime."

Elle lui déposa un tendre baiser sur le front, ferma le placard et sorti de la chambre. Milo s'assit par terre et prit ses genoux entre ses bras. Il tremblait et avait peur. Il entendait des hurlements effroyables dans le salon. Ceux de sa mère et ceux d'un homme. Il y avait d'autres bruits tout aussi effrayants. L'orage ne cessait de gronder toujours plus fort. Le petit garçon était effrayé. Il ne savait pas ce qui se passait ni pourquoi sa mère hurlait si fort. Il voulait sortir pour voir mais s'il lui désobéissait, il serait punis et n'aurait pas de bonbon. Alors il ne bougea pas. Il posa son menton sur ses petits genoux tremblants. Il était terrorisé. La porte de la chambre s'ouvrit brutalement et sa mère entra, suivit d'un homme qui lui tenait fermement le bras. Il était grand et avait de longs cheveux noirs. Ses yeux étaient marrons et son regard était terrible. Il n'avait pas du tout l'air gentil. Sa mère se débattait vivement et criait. Il la lâcha en la poussant brutalement et braqua un fusil vers la jeune fille. Milo se rapprocha de la porte du placard pour regarder à travers les lattes de bois. Il avait très peur que l'homme fasse du mal à sa mère. Il la poussa violemment sur le lit. Misha se releva aussitôt. Kai était fou de rage et se mit à crier d'une voix grave qui effraya l'enfant.

"Fini de déconner maintenant ! Tu vas faire tes valises et tout de suite !"

"Non ! Je ne repartirais JAMAIS avec toi ! Sale enfoiré !"

"Tu m'appartiens toujours ! Le contrat n'a pas encore expiré !"

Il saisit Misha par les épaules et la secoua violemment tout en lui hurlant dessus. La pauvre jeune fille pleurait. Elle posa ses yeux sur le placard. Il ne fallait surtout pas que Kai découvre Milo. Elle devait le protéger. Elle se libéra alors de l'emprise de Kai, attrapa sa lampe de chevet et le frappa de toutes ses forces. Sous l'effet du choc, Kai recula en vacillant. Elle releva la tête et le regarda avec assurance et fermeté.

"Je t'ai dit que je ne repartirais pas avec toi. Je ne t'appartiens pas alors DEGAGE !"

Kai se redressa péniblement et fixa Misha avec un regard plus noir que les ténèbres. La jeune fille ne bougeait pas. Elle était bien décidée à protéger son fils. Kai commença à sortir de la chambre, sans dire un mot. Elle avait réussi. Il eut alors un énorme coup de tonnerre et la jeune fille s'écroula au sol. Un filet rouge vermeille coulait alors de son front. Dans le placard, le petit garçon était tétanisé. Il avait tout vue mais n'avait pas compris ce qui c'était passé. Il ne bougeait plus, il avait trop peur. L'homme était encore là. Mais les sirènes de police le firent fuir. Milo ne bougeait toujours pas. Ses yeux écarquillés étaient fixés sur sa mère. Son visage était tourné vers le placard et ses yeux étaient grands ouverts mais ils avaient une expression bizarres qui fit frissonner de peur le petit garçon. Il ouvrit doucement la porte et sorti sa petite tête. Ses joues et ses yeux étaient inondés de larmes.

"Maman ! Je peux sortir ? Il est parti le méchant monsieur ?"

Comme elle ne disait rien, il s'avança doucement à quatre pattes vers sa mère et s'assit près d'elle. Il ne comprenait pas pourquoi elle restait allongée en regardant le placard.

"Maman ! Tu peux te lever, il est parti le méchant monsieur !"

Il la regardait avec inquiétude. Il se mit à genoux à côté d'elle et la secoua.

"Eh maman ! Lève-toi ! Pourquoi tu restes couché, hein ? Maman !"

Mais elle ne bougeait pas et ne lui répondait pas. Elle restait simplement allongée là, les yeux vides de toutes expressions fixant le placard. Le petit garçon la secouait de plus en plus fort puis finit par éclater en sanglot tout en hurlant. La police arriva une bonne dizaine de minutes plus tard et ils trouvèrent l'enfant à genoux, la tête sur le ventre de sa mère et pleurant toutes les larmes de son petit corps tremblant.

Le pauvre petit garçon n'avait pas compris pourquoi des hommes avaient emballé sa maman dans un grand sac en plastique. Il avait eu beau crier qu'il ne fallait pas enfermer sa maman dedans, ils ne l'avaient pas écouté. Une gentille jeune femme s'était occupé de lui toute la soirée. Il avait passé la nuit chez elle. Milo n'avait pas cessé de demander où était sa maman, quand est-ce qu'elle allait revenir le chercher. La jeune femme s'était mise à pleurer et lui avait expliqué que sa maman ne pourrait pas revenir le chercher, qu'elle était devenue une étoile pour veiller sur lui. Milo n'avait pas compris, il était trop petit encore. Le lendemain, un inspecteur était venu lui poser quelques questions puis s'en était allé. Milo avait été pris en charge par une éducatrice qui l'avait emmené dans un orphelinat situé dans un petit village à une dizaine de kilomètre d'Athènes. Après cela, l'affaire fut classée sans suite. Les inspecteurs manquaient cruellement d'indices et leur seul témoin était un petit garçon de même pas trois ans. La seule description qu'ils avaient pu avoir de l'enfant était "un grand monsieur avec des cheveux noirs et des yeux qui font peur". Les voisins n'avaient pas été plus utiles. Ils furent donc obligés de boucler l'enquête. Lorsque Aikia appris la mort de Misha, elle ne put tout simplement pas cacher sa tristesse ni retenir ses larmes. Mais elle s'était vite ressaisit et avait demandé comment allait Milo et où il était. L'inspecteur l'avait rassuré en lui disant qu'il allait bien et qu'il était hors de danger. Elle avait voulu savoir où il se trouvait mais l'inspecteur avait refusé de lui répondre. Il lui avait expliqué que c'était un ordre qui venait du juge et qu'ils gardaient le silence pour la sécurité de l'enfant. Aikia avait très mal réagit mais elle n'avait rien pu faire. Elle avait cependant gardé l'espoir de voir le petit Milo à l'enterrement de Misha, mais il n'en fut rien. Il n'y avait que les collègues de travail de Misha, des amis à elle et les inspecteurs qui avaient travaillé sur son décès. Mais aucune trace de Milo. Durant la funeste cérémonie, elle avait remarqué la présence d'un inconnu. Il se tenait à l'écart de tout le monde et était appuyé contre un arbre. Il portait un jean sombre et une veste noire. Comme il pleuvait ce jour-là, le visage de l'inconnu était caché sous sa capuche. Elle n'avait donc pas pu le voir, seulement de longs cheveux blonds légèrement ondulés. Elle avait également cru voir, durant un bref instant d'éclairci, une petite perle rouler doucement sur sa joue. Lorsque que la cérémonie s'était achevée, elle avait voulu aller lui parler, mais il avait disparu. Après cela, elle avait récupéré toutes les affaires de la petite famille Molis pour les conserver jusqu'au jour où elle retrouverait Milo.