Le Rêve
C'était une brume trop épaisse qui emprisonnait ses sens drue et fournie, elle lui obscurcissait l'esprit. Le jeune garçon étendu s'en retrouvait alors incapable du moindre mouvement, de la moindre pensée propre. La vie ne lui semblait plus vraiment une nécessité, moins encore une réalité. Plus étrange encore, elle paraissait s'échapper de lui, s'envoler comme de la fumée, échappant à tout contrôle. Mais il était incapable de s'en rendre compte.
Il rêvait. Mais pouvait-on véritablement qualifier cela de rêve, sachant qu'une part de sa conscience demeurait encore éveillée ? Car il sentait la surface dure en dessous de lui, parvenait à palper le sable chaud et à ressentir la dureté mordante de la brise qui lui frôlait le visage. Pourtant, il demeurait inerte, sans esquisser le moindre geste. On aurait dit qu'il entretenait un profond combat avec lui-même car il tentait de bouger, de se débattre, néanmoins il demeurait cloué au sol, comme maintenu par une force invisible.
Et son esprit était ailleurs. Et il y avait ce brouillard qui lui paralysait les pensées, qui obstruaient ses visions, ses souvenirs.
Il rêvait. Et le rêve était réel.
Brume. Brume, brume nébuleuse, fumée ouatée, brouillard aveuglant. Plus rien n'était, autre que cette chose grisonnante qui emplissait son âme et lui brouillait les pensées.
Enfin, il y avait ce bruit, délicieusement apaisant par sa régularité et sa douceur. Les sons se mêlaient, enivrants, tandis que des effluves de parfums marins parvenaient à ses narines. Sous ses pieds, le monde se mit à tanguer.
Si sa vision se faisait floue, son instinct, lui, ne le trompait pas c'était bel et bien sur un bateau qu'il se trouvait, un long et solide navire de voyage comme avaient su en faire les grecs. Long d'environ une centaine de pieds, le bois qui le composait possédait l'épaisseur d'un cèdre. Fredonnées en chœur par des milliers de voix à la douceur satinée, des chants de sirènes s'élevèrent. Mais elles eurent le don de l'embrouiller encore, et cela n'eut pour effet que de rendre l'esprit du garçon plus confus davantage quant à sa situation et son sort.
Masquée par la brume, une silhouette gracile s'offrit alors à ses yeux. Baignée d'une douce lueur, son visage paraissait auréolé de cheveux flamboyants et elle irradiait la majesté et la magnificence.
Alors que la flamme qui habitait son regard terne semblait éteinte, ses iris laissant paraitre une sorte d'indifférence, elle sembla vite se raviver lorsque l'image s'imposa à lui, en même temps qu'une certitude terrible.
Il savait, il avait compris. Il était loin, ailleurs. Eloigné – par le gré ou la force, cela, il l'ignorait.
Et, au moment où l'assurance s'imposa à lui, elle fut rejointe par un désir nouveau, une ambition neuve. Il était loin, ailleurs. Mais il retrouverait sa terre, il retrouverait les siens, et il reverrait ce visage, à la fois brumeux et éclairé, qui lui paraissait familier.
Brume. Elle se faisait plus épaisse, s'introduisait partout, par chacun des pores de sa peau. Sa tête menaça d'exploser.
Il avait rêvé. Et le rêve avait été réel.
Il se réveillait lentement, le corps imprégné de sueur. La respiration haletante, il reprit peu à peu ses esprits il reprit peu à peu conscience. Et la réalité le frappa de pleins fouet, évidence claire, mise en relief par ce songe particulier. Car le vide en lui était particulièrement inquiétant. Les questions se bousculaient dans son esprit, chacune bataillant pour se faire entendre, mais il se sentait incapable d'y répondre.
Il ignorait ce qu'il faisait, étendu sur cette plage inconnue, face à la mer. Il ne savait pas plus comment il avait atterrir ici. Pire encore, il paraissait inapte à se déterminer un âge, ou se souvenir de son nom.
A des milliers de kilomètres de chez lui, esseulé et incapable de recevoir la moindre aide, Percy Jackson avait totalement oublié son identité.
