Les personnages ne m'appartiennent pas
L'abandon
Les épaules carrées, les hanches fines et le ventre plat, elle avait tout d'un homme et pourtant suintait la féminité. Elle était petite mais ses membres étaient longs, comme une araignée sur le liquide ambré. Ses grands yeux verts se plissaient d'un sombre amusement. Dans le secret des ombres on l'appelait la Mante.
Dans un couloir de l'école, éclairé par un chandelier frissonnant, un jeune homme s'avança vers elle.
« Que me veux-tu ? » Demanda-t-il avec méfiance.
L'arachnide ouvrit ses bras blancs, un triste sourire mystérieux se dessinant sur ses lèvres.
« Viens. Parlons. » Dit-elle d'une voix rauque.
Le jeune homme lui jeta un regard perçant. Il crut lire de la pitié dans ses yeux verts et s'énerva.
« Ne te joue pas de moi, Potter ! »
Il connaissait le désespoir et la peur. Il savait les horreurs de la vie, il y participait même, parfois. Ses fautes le hantaient il avait déjà tué et violé et regretté. La mort l'obsédait il avait déjà tenté et échoué et regretté. L'abandon le charmait et sa mère en avait déjà payé le prix. Il n'avait plus le choix. Il n'avait jamais eu le choix.
« On a toujours le choix. » Rit la Mante. « Tu as choisi de ne pas l'avoir. »
Il la frappa. Elle n'esquiva pas, la force du coup la jetant à terre. Surpris, le jeune homme observa un instant le poing coupable. Il ne l'aida pas à se relever.
« Pourquoi n'as-tu pas évité ? » Questionna-t-il dans un faible bruit de gorge. « Tu avais le temps d'y échapper. Tu aurais pu... »
Elle gloussa. Elle comprenait sa véritable question et savait que sa réponse allait le briser. Pourquoi n'avait-elle pas échappée à sa lourde destinée ?
« Pourquoi l'aurais-je fait ? Après tout, pour les gens que j'aime je n'ai pas le choix, j'ai choisi de ne pas l'avoir. »
Le visage du jeune homme sombra dans l'affliction. Il était tordu de douleur et courbé de peine.
« N-nous sommes ennemis. » Parvint-il tout de même à extirper d'entre ses mâchoires serrées.
Il n'avait jamais voulu cela. Depuis le jour où il lui avait tendu la main dans un magasin de vêtement- Non. Même avant cela, depuis le jour où il avait pour la première fois entendu son nom dans un conte pour enfant, il avait toujours voulu être son ami. Mais elle l'avait refusé.
« Viens » Répéta-t-elle. « Assieds-toi et parlons. »
Le jeune homme se laissa choir sur le rebord d'une fenêtre ouverte. C'était la fin de l'hiver, les plantes bourgeonnaient timidement, l'herbe repoussait la neige et la lune était haute, mais il ne sentait que le froid, ne voyait que la nuit noire sans étoile. Il soupira.
« Que me veux-tu, Potter ? »
Elle le fixa un long moment, insondable.
« Mars est lumineux ce soir. » Répondit-t-elle d'un ton faussement égal.
Le jeune homme ne put retenir une grimace.
« Et alors ? » Fit-il semblant de ne pas comprendre. « Depuis quand tu parles le centaure ? »
Haussant les épaules, elle détourna enfin son regard dérangeant du sien. Son sourire se remplit soudain de sarcasme.
« Tu n'es pas très discret, tu sais ? Je n'ignore rien de tes plans. »
Il souffla. Il le savait, elle l'avait suivi depuis le début de l'année scolaire, prêtant une attention inhumaine à ses moindres faits et gestes. Dans un sens, il en était soulagé. Si elle savait, elle pourrait peut-être l'arrêter à temps.
« Et alors ? » Défia-t-il dédaigneusement. « Qu'est-ce que tu comptes faire, toi qui ne peut même pas esquiver un coup de poing ? »
Elle lui lança un regard effaré avant d'exploser de rire.
« Pourquoi penses-tu que je ferai quoique ce soit ? » Moqua-t-elle, les épaules secouées par son hilarité.
Le jeune homme devint brusquement pâle comme un linge. Si elle ne l'arrêtait pas à temps... Si elle ne l'arrêtait pas du tout... Il était... Le monde était foutu.
« Déconne pas Potter ! Nous savons tout les deux que- »
Il déglutit quand elle le toisa d'une œillade noire.
« Non, tu ne sais rien ! » S'emporta-t-elle soudain. « Tu as beau y être né, tu ignores tout de ce monde qui est si cher à ton cœur ! Tu ne vois rien ! Aveugle es-tu, aveugle tu resteras ! »
Il fronça ses sourcils et ouvrit la bouche comme pour rétorquer mais les mots ne sortirent pas. Il n'avait rien à répondre à cette accusation, il n'était que trop conscient de tout ce qu'il ne voulait pas voir.
« Dumbledore va mourir. » Annonça-t-elle d'une voix neutre. « Et tu ne peux rien y faire. »
Elle avait prononcé ces phrases avec tant de force, tant de conviction, que le jeune homme se sentit comme un petit garçon grondé. Il était faible, si faible... La bile lui remonta l'œsophage.
« Je vais partir. Disparaître. » Reprit-elle. « Et tu ne peux rien y faire. »
Accablé, il sentit les larmes dévaler ses pommettes hautes pour geler sur ses joues creuses.
« Bientôt il n'y aura personne pour te sauver. » Ajouta-t-elle l'air de rien.
Ses sanglots l'étranglant, il sentit son cœur battre la chamade : une crise de panique montant à l'idée de l'avenir qui l'attendait. Il en devinait la noirceur, les éclats affadis et la fatalité. Les ténèbres le noieraient, l'avaleraient avec délectation. Il ne s'en sortirait pas. Il ne pouvait se sauver lui-même, ni se sauver de lui-même. Il n'avait pas le choix., il devrait...
« Et puisque personne n'ose agir il n'y aura personne pour sauver ce monde. » Confirma-t-elle impitoyable.
Il lui tomba comme une enclume sur l'estomac, le jeune homme ne put s'empêcher de vomir sur le glacial couloir pavé.
« T-tu ne peux pas t'échapper Potter ! » Bégaya-t-il. « Il y a des gens que tu aimes ici... Même si tu partais tu ne pourrais pas les abandonner. Tu reviendras. Tu nous reviendras et tu nous sauveras tous ! C'est ta destinée ! »
Lui souriant tendrement, elle lui caressa les cheveux et essuya de ses doigts fins quelques perles de sueur sur son front.
« Eh bien... » Avoua-t-elle au creux de son oreille comme un vil secret. « Non. »
Sautant sur ses pieds nus et faisant quelques pas de danse, elle s'éloigna alors de lui.
« Vois-tu, mon très cher Malfoy, être humain c'est avoir le choix. Comme tu as choisi de ne pas l'avoir, de ne pas pouvoir fuir, de ne pas savoir te secourir... Comme j'ai choisi de ne pas éviter ton poing, de me soumettre à ma destinée... Je choisi à présent de m'en aller et rien, ni personne, ne pourra me retenir. »
Il tendit avec virulence la main vers elle pour l'attraper. Il ne désirait que la mettre en cage, l'enfermer dans son triste sort et s'échapper à sa place, mais elle s'évanouit dans les airs.
« Pas l'amour, pas la haine, pas la culpabilité, pas la guerre et certainement pas le destin ! » Résonna sa voix suave. « Rien, ni personne, ne pourra me retenir. »
Petit début d'une histoire en six chapitres que je viens de finir. Je posterai le second chapitre dans peu de temps.
Plew A.E
