Hello!
Voici donc Seguimi O Uccidimi, postée pour mon anniversaire sur le site, qui me démange depuis bientôt un an... J'espère qu'elle vous plaira. Les fans de Spamano devraient y trouver leur compte...
Disclaimer: tous les personnages nommés appartiennent à Hidekaz Himaruya. Seguimi O Uccidimi est une chanson de Sonohra.
Note: il ne me reste qu'à vous souhaiter une bonne lecture et à vous demander de me faire part de vos avis :)
Seguimi O Uccidimi
Chapitre I : Meta
06 mai 2014.
Antonio descendit du train et resta sur le quai un instant. La gare Termini grouillait encore de monde alors qu'il était relativement tard, ce qui rendait difficile son observation.
Il cherchait deux hommes.
On lui avait dit qu'ils passaient difficilement inaperçue, mais Antonio mit plusieurs minutes avant de les repérer à cause de la foule.
Cachés parmi elle, deux hommes approchant la trentaine l'observaient.
L'un avait des cheveux blonds lui arrivant aux épaules et des yeux bleus pétillants, qui contrastaient avec la sobriété de son costard noir. Il avait un regard malicieux, peut-être un rien nostalgique et sérieux.
L'autre était albinos. Ses cheveux courts argentés en bataille et ses yeux rubis lui valaient quelques regards interloqués de la part des passants, mais les dames se retournaient surtout sur lui pour admirer la classe qui émanait de lui, le charme à l'état brut. Il portait un costume rouge foncé, presque noir, provenant à l'évidence d'une maison de haute couture et dardait sur les alentours un regard arrogant et provocateur, arborant un sourire carnassier.
-Bonsoir. fit Antonio d'une voix lasse et pleine de sommeil en présentant aux deux hommes sa carte d'agent d'Interpol.
-Bonsoir. répondirent les autres en chœur en effectuant le même geste.
-Bienvenue à Rome! l'accueillit le blond. Votre voyage s'est bien passé?
-C'était long… soupira Antonio. Je suis content d'être arrivé.
-Bien. le coupa l'albinos. Nous allons vous conduire à votre appartement.
-Merci.
Les trois hommes quittèrent la gare et se fondirent dans la masse romaine du quartier Monti de nuit, jusqu'à arriver en face de la porte d'un immeuble dans la Via Flavia.
-Votre appartement se trouve au premier étage. annonça le blond en lui tendant un trousseau de clefs. Vous êtes attendu au bureau demain matin à huit heures.
Le bureau…
Antonio soupira.
La raison de sa mutation en Italie ne l'enchantait guère… Mandé par son gouvernement pour intégrer le bureau romain d'Interpol, il était certain que la carrière d'Antonio Fernandez-Carriedo, rebaptisé Antonio Carriedo, allait prendre un tournant dangereux à force de surveiller les agissements d'une famille mafieuse un peu trop entreprenante avec l'Espagne.
Il s'empara des clefs et déverrouilla la porte d'entrée de l'immeuble. Hésitant, il se décida finalement:
-Et si vous montiez boire un verre pour m'expliquer précisément la situation… Francis et Gilbert, c'est ça?
oOo
17 juin 2014.
Lovino ne pouvait pas courir.
Néanmoins, il était à la bourre.
Mais il ne pouvait pas donner l'impression qu'il se dépêchait.
Parce qu'il ne pouvait pas attirer l'attention sur lui et parce que de toute façon il n'avait aucune envie de montrer qu'arriver à l'heure à cette cérémonie inutile lui importait. Car c'était vrai, il n'en avait cure. Mais il se devait d'être ponctuel. Parce qu'il se devait d'être irréprochable et qu'il devait sauver l'honneur.
Lorsqu'il termina enfin de gravir la longue volée de marches menant au Palazzo Impero, il eut un rictus amer.
Les tentures noires avaient été ôtées, le tapis noir avait été remplacé par un rouge vif.
Plus rien ne laissait penser que l'Impero était en deuil, alors qu'il avait perdu son dirigeant cinq jours auparavant, et que dans ce même hôtel particulier s'était tenue trois jours plus tôt la cérémonie de funérailles de Romeo.
Lovino, son petit-fils, était proprement et simplement dégoûté.
Il pénétra dans le hall, puis dans la salle de réception dont les portes avaient déjà été fermées et constata qu'il était bien évidemment le dernier invité à s'y présenter.
L'Italien n'en croyait pas ses yeux.
Une poignée à peine respectait le code de couleurs imposé par leur deuil récent, alors que la majorité arborait des tenues frivoles aux couleurs vives et on ne pouvait plus inadéquates.
Comment était-ce possible de se réunir deux fois au même endroit en trois jours et d'oublier la situation de la famille?
Mais au-delà d'une question vestimentaire, il s'agissait d'un comportement. Certains semblaient ne plus penser qu'à s'amuser et à faire fi du récent assassinat du patriarche. C'était clairement visible et inadmissible.
Lovino s'adossa contre un mur, sur le côté gauche de la salle. Il n'était pas très éloigné de l'estrade et c'était somme toute une bonne place pour voir ce qu'il s'y passerait, mais il ne l'avait pas choisie pour ça.
Il avait simplement rejoint Louise, sa seconde et en quelques sortes sa meilleure amie.
Ses cheveux blonds bouclés avaient été emprisonnés dans un chignon serré, tandis qu'elle portait une longue robe noire vaporeuse aux jupon et bustier de voiles rehaussés de broderies et de perles. Elle était exquise…
Lorsqu'il arriva à ses côtés, elle pressa sa main dans la sienne et demanda, anxieuse:
-Comment tu te sens?
-Mal.
Elle déglutit. Elle le savait.
Lovino était très attaché à son grand-père récemment assassiné, même si leurs relations étaient conflictuelles depuis plusieurs années. Le jeune homme admirait son grand-père et le respectait, en tant que chef de famille et supérieur hiérarchique, mais aussi en tant qu'homme d'honneur, défendant sa famille au prix de sa vie s'il le fallait. C'était ces valeurs que Lovino voulait perpétrer. Il voulait que l'Impero, leur clan, leur famille, garde sa position de force sur Rome, et ce en employant les mêmes moyens que son grand-père.
Seulement il y avait une ombre sur le tableau.
Ce n'était pas Lovino qui décidait.
Cela faisait plusieurs années que Romeo avait désigné son successeur à la tête de la famille, après le décès de son fils lors d'une vendetta. Contre toute attente, il ne s'agissait pas de l'homme de terrain qui connaissait parfaitement le monde de la mafia qu'était Lovino, l'aîné de ses petits-fils, mais bien de son petit frère, Feliciano, qui ne brillait ni par son intelligence ni par son courage ou sa force. Lovino, même après plusieurs années de méditation et de réflexion, ne comprenait toujours pas la raison d'un tel choix, et bien qu'il en ait longuement et à plusieurs reprises discuté avec son grand-père, le vieux n'était jamais revenu sur sa décision: Lovino n'était pas fait pour lui succéder.
Dès lors, la rancœur était née dans le cœur de Lovino. Il avait décidé de ne plus rien avoir à faire avec Feliciano. Au fil du temps, la famille s'était scindée en deux, et cette division était encore plus clairement visible désormais que Romeo n'était plus là pour joindre les deux branches.
Il y avait le clan de Lovino et le clan de Feliciano. Une poignée de quelques fidèles qui étaient non seulement au service de la famille mais qui avaient en quelques sortes prêté un serment d'hommage lige à l'un des deux frères. Et il y avait une poignée d'hommes qui se déclaraient neutres.
Ce qui expliquait qu'il y avait une partie des invités réellement à la fête ce soir et qu'une autre arborait une mine d'enterrement.
Les subordonnés de Feliciano avaient toutes les raisons du monde de se réjouir de l'avènement de leur supérieur à la tête de l'Impero: de là découlaient les couleurs vives, les rires, les cocktails et les flûtes de champagne.
Les hommes de Lovino étaient restés fidèles à la mémoire de leur ancien chef et respectaient le deuil de leur supérieur: voilà pourquoi ils portaient robes et costumes noirs, restaient à bonne distance du buffet et se gardait bien d'applaudir ou de sourire à la cérémonie d'investiture qui les rassemblait ce soir-là.
Louise était de ceux-là. Fidèle comme une ombre à Lovino, elle était très proche de lui et connaissait tout de ses états d'âmes. Aussi avait-elle évidemment remarqué que l'assassinat de son grand-père avait gravement attristé, choqué le jeune homme, et qu'il n'avait plus qu'une idée en tête: retrouver le tueur et venger son supérieur. Mais autre chose le turlupinait, c'était évident.
Lovino ne l'avouerait jamais, mais il était profondément blessé de ne pas devenir le nouveau chef de famille. Il estimait être bien plus compétent que son frère pour ce poste.
-Ca me débecte. grogna Lovino à l'oreille de la blonde. Tant de réjouissances… Si tôt après sa mort…
Il adressa un regard noir à Elizabeta, à la fois secrétaire et tueuse attitrée de Feliciano, qui avait décrété qu'un chignon fantaisiste tout en cascades de boucles brunes et une longue robe rouge vif drapée étaient adéquats pour une telle occasion, et qui passait devant eux avec un verre de champagne dans une main, une fraise dans l'autre, riant bruyamment accrochée au bras de Roderich, second de Feliciano.
Le nouveau chef de famille fit son entrée sur l'estrade. Il se contenta d'un bref discours puisque, submergé par l'émotion et les larmes, il laissa bientôt la parole à Roderich.
C'était aussi cela qui dérangeait Lovino. L'incapacité de son frère cadet à prendre des décisions seul et à se passer de cet odieux binoclard autrichien de la haute. Et puisqu'il prenait toutes les décisions à la place de Feliciano, c'était en fait lui qui devenait le nouveau "patriarche".
Lovino serra plus fort la main de Louise.
Il avait des envies de meurtres.
Et elles n'étaient surtout pas à prendre à la légère.
Il était un tueur dans l'âme et de profession. Donc lorsqu'il voulait tuer quelqu'un, il n'y avait aucune problème pour qu'il le fasse.
Sauf cette fois: tuer à la fois le chef et le second de l'Impero l'aurait comme qui dirait mis en mauvaise posture. Quant à son irrépressible envie de vendetta, elle était frustrante car irréalisable: comment se venger lorsqu'on ignore l'identité du commanditaire d'un assassinat ou même du tueur?
Il était au bord de la crise de nerfs. Il avait grandement besoin de se défouler, de parler, de vider son sac ou de trouver une autre idée pour lui occuper l'esprit mais…
Il se sentit entraîné vers la sortie.
Louise l'emmenait discrètement à l'extérieur tandis que les autres convives continuaient d'écouter le discours de Roderich.
Elle s'arrêta devant la porte des toilettes du personnel.
-Va te passer de l'eau sur le visage. Tu es en nage. Après quoi, si tu veux, tu me diras tout. Tu ne peux pas continuer à garder tout cela en toi…
Lovino ne lâcha pas la main que Louise tentait de reprendre.
Il s'approcha d'elle et murmura:
-J'ai… Besoin de me détendre… Avant de pouvoir parler…
Son murmure ressemblait presque à une prière.
C'en était une.
Louise eut un sourire. Elle savait ce dont Lovino avait besoin. Et elle allait l'aider, une fois de plus. A se changer les idées puis à extérioriser.
Louise était persuadée qu'il s'agissait de son devoir en tant que meilleure amie. Elle connaissait Lovino depuis leurs débuts communs dans le monde mafieux et cela faisait un bon moment maintenant. Elle avait appris à le décrypter et savait qu'il ne lui demandait ses "services" que lorsqu'il se sentait perdu et qu'il avait besoin de passer un moment avec quelqu'un en qui il pouvait avoir totalement confiance. Or ces personnes se comptaient sur les doigts d'une main, dans le domaine de la mafia.
Ca ne la dérangeait pas de rendre service à son ami et supérieur, d'autant qu'elle n'avait aucune aventure stable et que Lovino était de loin le meilleur partenaire dont elle pouvait rêver, sans pour autant avoir de sentiments pour l'Italien.
Elle le suivit dans les toilettes et, face aux cabines, Lovino l'assit sur le bord des éviers en commençant à l'embrasser doucement.
Puis il prit de l'assurance et de la vigueur, desserrant quelque peu le chignon de sa compagne par la même occasion alors que ses mains se perdaient sur le corps de son amie.
Entre des baisers de plus en plus brûlants, Lovino n'en oublia pas de faire part à Louise d ses problèmes.
-Ca… Ca me tue que Feli… Ne se rende pas compte qu'il est utilisé… Il faut écraser… Roderich…
Assise les jambes écartées sur la paroi glacée de marbre, Louise se laissait faire tout en écoutant les confessions de son amant occasionnel et autorisa Lovino à délaisser ses lèvres pour s'attaquer au jupon volumineux de sa robe. Il avait à peine commencé à le soulever et à caresser les longues jambes effilées et pâles de la Belge que la porte de la pièce s'ouvrit.
Lovino fut aussitôt stoppé dans son élan et s'écarta violemment de sa partenaire, qui sauta immédiatement sur ses pieds.
Son regard se chargea d'un feu de haine.
L'intrus n'était autre que Roderich, qui toisait le "couple" de son regard hautain et supérieur.
Il fit mine de ne pas se formaliser de leur occupation précédente et s'installa à l'évier voisin pour se laver les mains.
-Tu as abandonné Feliciano dans un moment où il aurait eu le plus besoin de toi… commença Roderich.
Lovino réagit au quart de tour.
-Comment oses-tu me parler de Feliciano? Qui crois-tu être pour me dire ce que j'aurais dû faire pour mon frère?
-Il a besoin de toi. remarqua Roderich.
-Aussi longtemps que ses proches seront des serpents, je refuserai d'en être.
-Si tu avais été là pour lui… Si tu n'avais pas commencé cette guerre puérile, peut-être qu'il fréquenterait les mêmes personnes que toi… Et la famille aurait conservé son unité.
-Tu veux dire que c'est ma faute? s'écria Lovino.
Le rouge lui montait aux joues.
Louise avait agrippé la veste du costume de Lovino, mais ne parvenait pas à le faire reculer. Elle avait pourtant pris l'efficace précaution de retirer le Beretta 92 de la ceinture de Lovino. S'il mettait la main sur une arme maintenant, Roderich ne survivrait pas à la soirée, tout bon tueur qu'il fut. Et Dieu savait si l'Impero avait été suffisamment ensanglanté ces derniers jours.
-Bien sûr que oui, c'est de ta faute, Lovino. rétorqua Roderich avec détachement. Tout cela aurait bien fini par tuer Romeo si quelqu'un ne s'en était pas chargé avant.
C'en était trop pour Lovino.
Louise raffermit sa prise sur le bras de l'Italien.
Le retenir…
Sous-entendre que Lovino avait déçu son grand-père revenait à signer son arrêt de mort.
Car tout au long de sa courte vie, Lovino s'était appliqué à plaire à Romeo, à l'imiter, à le rendre fier de sa descendance. Et tous ces efforts avaient déjà été réduits à néant une fois, lorsque Romeo avait désigné Feliciano comme successeur.
Il était hors de question que Lovino accepte d'avoir déçu deux fois son grand-père.
Et Roderich était un manipulateur, il tirait sur la corde sensible et appuyait là où ça faisait mal.
Dans le seul but de provoquer son interlocuteur et de prouver à la famille que cet individu n'était pas fréquentable.
Car Lovino représentait le dernier obstacle sur la route de Roderich vers le commandement de l'Impero; il avait déjà Feliciano dans sa poche, mais amadouer l'aîné s'était vite avéré mission impossible.
Lovino ne donnerait pas cette satisfaction à Roderich.
Self-control.
Il devait se retenir. Inspirer profondément. Rassurer Louise d'une pression sur la main fine de la demoiselle.
Le brun reprit la parole.
-Mais soit, le plus triste dans cette histoire, c'est que tu délaisses ton frère et une affaire de la plus haute importance pour te faire une catin dans les toilettes…
Toute idée de self-control était morte.
Lovino ne supportait pas qu'on s'en prenne à ses subordonnés, encore moins à sa précieuse Louise. Qui même si elle usait parfois de ses charmes pour approcher ses victimes, restaient une fille respectable, loin des trottoirs des quartiers chauds.
Lovino attrapa Roderich par le col de sa chemise et le plaqua au mur, provoquant la chute de ses lunettes sur le sol.
La lueur incendiaire dans les yeux de l'Italien ne laissait aucun doute sur la suite, malgré les cris de Louise qui tentait de le raisonner.
Car elle ne se formalisait pas des insultes, encore moins de la part de Roderich le Précieux. Seules lui importaient la réputation de Lovino et l'opinion que l'Impero avait de lui. S'il frappait Roderich, il allait lui-même détruire ses chances de s'imposer comme second digne de confiance de Feliciano.
Alors qu'il levait son poing pour frapper le visage arborant un sourire narquois de Roderich, Lovino comprit enfin ce que Louise s'égosillait à lui rappeler. Il abattit néanmoins son poing sur le mur.
Pour soulager sa frustration et laisser libre cours à une douleur, désormais physique et bien réelle.
Il cracha aux pieds de Roderich avant de quitter les toilettes précipitamment, sans un mot ni un regard pour Louise ou pour l'Autrichien.
La blonde courut à sa poursuite une fois la stupeur passée mais ne parvint pas à le rattraper.
Lovino s'était enfoncé dans les profondeurs de Rome et nul n'aurait pu dire quel refuge il allait choisir.
oOo
Il atterrit presque par automatisme dans le bar où il travaillait. Du moins officiellement. Le bar en question, Il Diavolo, était en fait un repère de mafieux en tous genres: indics, tueurs, dealers, prostituées, proxénètes, gangs d'adolescents. Tous étaient reliés de près ou de loin à l'Impero, et seulement à cette famille. Les autres étaient cordialement priés d'aller voir ailleurs avec un coup de pied au cul.
Mais ce soir-là, Lovino n'était pas là pour travailler, même officiellement. Il avait seulement besoin d'oublier. Et puisqu'on l'avait empêché de le faire dans les bras de Louise, il le ferait dans les brumes de l'alcool.
Le monde perdit bientôt tout son sens pour Lovino. Il ne reconnaissait plus les visages pourtant familiers de tous les habitués, des employés. Il ne distinguait plus l'endroit de l'envers du monde.
Tout tournait autour de lui.
La seule réalité était ce goût mêlé de Limoncello, de Whisky et de Vodka dans sa bouche.
Il était environ deux heures du matin lorsque le videur, Matthias, jugea bon de le faire sortir à la fermeture du bar et de le ramener chez lui.
Mais Lovino ne voulait pas de son aide.
Il se sentait agressif ce soir-là, et se dégagea de l'emprise du Danois qui l'emmenait vers sa voiture personnelle.
-Je vais me débrouiller… Je vais rentrer… A p-pieds. Ouais. Ca me remettra les idées en place.
Matthias se laissa convaincre. Après tout, Lovino était un grand garçon plus que capable de se débrouiller.
-D'te façon, j'suis a-armé. 'Peut rien m'arriver.
Matthias leva les yeux au ciel. Bien sûr que non il n'était pas armé. Sa veste était vide et sa ceinture, dénuée de toute arme également. Et Lovino ne maniait pas le couteau, aucun risque qu'il en dissimule un quelque part.
-Bon… Evite les bagarres quand même, patron. lui recommanda Matthias avant de monter dans sa voiture.
Il démarra et quitta la rue avec un signe de la main à l'attention de son collègue, qui ne lui répondit pas mais commença à marcher.
Il connaissait Rome comme sa poche et il aurait pu trouver son chemin les yeux bandés.
Mais cette nuit-là, il était vraiment, vraiment éméché. Et il ne choisit pas le chemin le plus judicieux pour rentrer chez lui.
Dans une petite ruelle sombre reliant deux plus grandes artères, il tomba sur un groupe de jeunes, à peine adultes. Visiblement un petit gang de dealers de bas étage.
Qu'il aurait peut-être mieux fait d'éviter…
Il ne savait trop comment la bagarre avait commencé.
Peut-être qu'il avait été reconnu comme le tueur attitré de l'Impero, et que ces dealers visiblement apparentés à une famille ennemie avaient jugé bon de s'en débarrasser tant qu'il était hors d'état de nuire…
Ou alors était-ce l'inverse?
Peut-être en effet était-ce lui qui n'avait pas reconnu ses "collègues" en ces hommes et qui avait eu la bonne idée de frapper le premier pour éradiquer les ennemis de son clan.
Peut-être.
Toujours était-il qu'au bout de quelques coups donnés et de nombreux coups douloureux reçus, Lovino se retrouva seul dans une ruelle sombre, dans un quartier peu recommandable de Rome, le nez en sang, le torse en feu, les doigts en compote.
Magnifique soirée sur toute la ligne. Vraiment.
Au moins cette algarade avait-elle eu le bénéfice de le dessaouler un peu.
Il ne pouvait pas retourner au Palazzo Impero. Nul ne devait savoir que le grand tueur Lovino, connu sous le nom de Romano dans le domaine mafieux, avait été blessé par quatre ou cinq adolescents pouilleux. Et même si la jeune infirmière de la famille, Lili, était discrète et qu'il ne doutait pas qu'elle n'en dirait pas un mot à personne, il serait quand même vu. En mauvais état et par les mauvaises personnes, celles qui logeaient encore au Palazzo suite aux réjouissances.
Il fallait pourtant qu'il se soigne, il avait probablement une voire deux côtes fêlées ou cassées et se coucher sans arranger ça ne ferait qu'empirer les choses.
Il devait trouver un hôpital.
Et de là où il se trouvait, le plus proche était l'Ospedale Nuovo Regina Margherita. Il devrait marcher un bon moment quand même mais ça lui éviterait au moins le déshonneur face aux personnes qu'il aurait pu rencontrer en allant voir Lili.
Il se releva péniblement et se mit en route dans la nuit, sans se soucier ou attirer l'attention des passants, fêtards, étudiants qui traînaient encore en rue au petit matin.
oOo
Après une balade qui lui parut bien longue et éprouvante dans les rues, il parvint enfin à l'hôpital et se traîna avec un gros soupir de soulagement jusqu'à l'entrée des urgences.
L'urgentiste qui le prit en charge était un jeune interne sympathique, qui avait un grand sourire rassurant et confiant, quel que soit l'état du patient dont il s'occupait.
Il fit passer une radio du thorax à Lovino, après s'être occupé de bander ses mains et de nettoyer son visage ensanglanté. Le verdict tomba: deux côtes cassées, une côté froissée, dix jours de douleur en perspective.
-Nous allons vous garder en observation jusqu'à demain matin. ajouta le médecin avec un sourire, qui contrastait avec la suite. On ne sait jamais, au cours de la nuit, la situation peut empirer; une côte peut perforer un poumon ou un éclat peut attaquer les organes alentours… Je vous ai trouvé une chambre commune ici à l'étage des urgences, suivez-moi, je vous y conduits.
Lovino, tirant une tête jusque par terre, suivit l'urgentiste qui ouvrit bientôt une porte et, voyant la lumière encore allumée, lança:
-Bonsoir, ou plutôt bonjour, monsieur Carriedo! Vous ne dormez pas?
Un grognement peu avenant se fit entendre, ce qui intrigua Lovino.
Quel genre d'ours bourru allait-il se ramasser comme colocataire provisoire?
Ils avancèrent un peu plus dans la chambre et l'Italien put admirer une paire de fesses à peine couverte par un caleçon américain sous une chemise de nuit d'hôpital. La tête assortie était présentement plongée dans une bassine et était apparemment occupée à se délester de tout ce que l'individu n'avait pu digérer.
Quelques secondes plus tard, le visage apparut enfin.
Il s'agissait d'un beau visage hâlé, les joues un peu rosies par l'effort, avec de magnifiques yeux émeraude et des cheveux bruns soyeux. Tout cela accompagnait un corps musclé et mince, élancé et bronzé.
Enlevez à cela la chemise d'hôpital, le vomi aux commissures des lèvres et le front luisant de transpiration et vous obtiendrez quelque chose de sexy.
-Comment voulez-vous que je dorme alors que je vomis toutes les heures? bougonna le malade avec un fort accent espagnol.
L'urgentiste fronça le nez.
-Effectivement, ça doit être embêtant… Soit. Monsieur Vargas, installez-vous.
Il partit dans la salle de bain et en ramena une chemise de nuit identique à celle de Carriedo, qu'il tendit à Lovino.
-Je repasserai vers neuf heures pour votre papier de sortie. Je vous souhaite une bonne nuit.
Et il laissa un Lovino médusé planté au milieu de la chambre, son hideux vêtement entre les mains.
D'un pas rageur, il alla se changer à la salle de bain puis se dépêcha de se terrer sous les couvertures en tournant le dos à l'autre.
-Vous dormez? demanda le malade.
-Non. répliqua Lovino.
-Vous comptez dormir?
-Dans mon état d'esprit actuel ça me paraît impossible.
-Ca vous dérange si je vous fais la conversation au lieu de vous laisser essayer de dormir?
-…
-C'est un oui?
-… J'm'en fous à vrai dire.
Lovino n'avait aucune envie de discuter.
Mais il n'avait pas non plus envie de ruminer sur sa vie et ses problèmes.
Alors peut-être que s'il laissait l'étranger parler, ça lui permettrait de penser à autre chose.
Donc pourquoi pas?
-Ca veut dire que je peux?
-Si ça vous chante.
-Génial. Alors commençons. Qu'est-ce qui vous amène, monsieur Vargas, c'est bien ça?
-Hum… acquiesça Lovino. J'me suis fait tabasser en sortant du boulot. Deux côtes cassées et je vous épargne les détails.
-Je vois…Vous exercez un métier dangereux? Flic?
-Barman… Y a toujours des clients récalcitrants à la sortie…
Il avait répondu du tac au tac. Lovino avait l'habitude de mentir sur sa profession. En vérité, il était souvent derrière le comptoir mais servait quelques verres à peine, lorsqu'il discutait avec des indics. Il était rarement présent lorsque ses horaires officiels disaient le contraire, et il adaptait ces derniers en fonction de sa besogne de tueur et des affaires de la famille.
-Et vous? demanda Lovino, qui n'avait quand même pas trop envie de s'éterniser sur le sujet.
-Intoxication alimentaire sévère… grommela l'autre patient d'un air sombre. J'ai voulu me faire une paella… Ca faisait longtemps que les gambas avaient vu la mer, à mon avis…
-Paella? Vous êtes espagnol?
-Si. acquiesça-t-il dans sa langue maternelle. Je viens de Madrid. Je m'appelle Antonio… Carriedo. Et vous?
Pour le coup, Lovino n'avait aucune envie de dévoiler son nom à un inconnu. Il ne donnait jamais son nom à personne, par crainte d'être retrouvé.
Mais bon, un compagnon de chambre à l'hosto, espagnol en plus, n'avait aucun rapport avec la mafia… Aucune chance qu'il remonte jusqu'à lui.
-Lovino.
Et puis de toute façon, dernier argument pour éviter de culpabiliser, personne ne connaissait le nom de famille de Lovino dans le monde mafieux. La famille Vargas n'existait pas, seul l'Impero comptait. Nul ne connaissait le nom que chaque chef de famille portait depuis les temps immémoriaux. Peu connaissaient d'ailleurs son vrai prénom. Lovino utilisait de nombreux pseudonymes à ses débuts, mais Romano s'était imposé au fil du temps, à cause de cette dévotion au patriarche, qui lui se faisait appeler Rome, mais aussi à cause d'un tatouage qu'il arborait sur son flanc droit; la sobre inscription SPQR, la devise de Rome dans l'Antiquité.
Quant à Feliciano, lui aussi n'était connu sous son véritable prénom que par son cercle restreint de subordonnés. Pour les autres, il était Veneziano, l'homme qui préservait son identité en portant un masque vénitien.
-C'est plus mignon Lovi. fit remarquer Antonio.
-Je me fiche que mon prénom soit mignon ou non, encore moins qu'il vous plaise ou pas.
-Ne vous énervez pas… Vous allez avoir mal aux côtes si vous respirez trop fort, calmez-vous.
-Vous êtes médecin, maintenant? ricana Lovino.
-Non… Prof de latin. Mais surtout prof particulier d'espagnol, puisque je suis venu à Rome en milieu d'année scolaire et qu'aucun lycée n'a voulu de moi.
-Ah… Et pourquoi vous êtes venu à Rome, en fait?
Une nouvelle crise de vomissements évita à Antonio de répondre.
oOo
18 juin 2014.
-Bonjour messieurs! Bien dormi?
Lovino ouvrit un œil, tandis qu'Antonio répondit, lugubre.
-Très peu et très mal. Heureusement, Lovi a eu la gentillesse de me faire la conversation une bonne partie du matin pour tuer le temps!
Le ton de la dernière phrase était nettement plus enjoué, mais le Lovi en question coupa court à son enthousiasme:
-Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler Lovi, bastardo.
Effectivement, ils avaient poursuivi la conversation jusqu'à six-sept heures du matin, échangeant banalité sur banalité, faisant connaissance superficiellement. Lovino avait appris à ses dépens combien l'Espagnol pouvait être bavard, obstiné, chiant et collant.
Mais il devait admettre que sa conversation l'avait fait rire et surtout lui avait changé les idées.
-Vous vous sentez mieux, monsieur Vargas?
-Suffisamment pour rentrer chez moi. Donnez-moi un t-shirt propre et cinq minutes et je retourne à la maison.
-… Nous n'avons pas de vêtements à disposition des clients, monsieur…
-Heu, je vais pas me balader dans Rome avec une chemise massacrée encore une fois…
-Tu peux prendre une des miennes, dans ma valise. proposa Antonio.
-Tu crois…?
-Mais oui, ce n'est pas pour une chemise. Ca me donnera un prétexte pour te revoir.
-Ni compte pas, une fois mais pas deux. rit l'Italien.
-Le hasard nous réunira peut-être à nouveau, qui sait? Allez, va t'habiller.
Le jeune Italien s'exécuta et ressortit effectivement de la salle de bain cinq minutes plus tard.
-J'ai besoin de votre adresse et de votre numéro de téléphone pour votre papier de sortie. annonça le médecin.
Il dicta son adresse et son numéro de téléphone au médecin, qui en prit bonne note, de même qu'Antonio.
Ensuite, l'Italien adressa un sourire et un signe de la main à l'Espagnol et quitta la pièce à la suite de l'urgentiste.
De son côté, Antonio répétait inlassablement le numéro de Lovino mentalement.
Qui sait, il aiderait peut-être le hasard et remettrait Lovino sur sa route?
J'espère que ce premier chapitre (assez long, je m'en excuse) vous aura mis l'eau à la bouche pour la suite!
Traductions:
Seguimi O Uccidimi : suis-moi ou tue-moi (italien)
Meta : destination (italien)
Si : Oui (espagnol)
Bastardo : bâtard (italien et espagnol)
Chaque chapitre portera le nom d'une chanson de Sonohra, à l'instar de la fanfiction.
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A bientôt ~
