Auteur : Nao/Zonea
Titre
: Unsaid (litt. : pas dit)
Pairing
: Draco Malfoy et Harry Potter
Rating
: Je préfère mettre M, pour le contenu plus que pour la forme.
Genre
: Romance, Drama. Angst ?
Note
: J'avais tellement envie d'écrire sur ces deux-là que je me sens magnifiquement bien d'avoir relevé le défi ! Ce n'est pas spécialement original mais c'est l'histoire que je voulais raconter. J'espère que vous allez passer un bon moment.
Résumé
: Dis-moi, depuis quand le froid et le l'obscurité sont-ils tes ennemis ? Tu le sais, n'est-ce pas. Que tout ceci n'est qu'un après. Un après lui.

.

Unsaid.

.

Avant l'aube.

.

Il fait si froid ce soir.

Tu serres les bras autour de ton corps, dans le noir envahissant de ta chambre de préfet en chef. Avant, cette obscurité était rassurante ; tu t'y sentais chez toi, d'une certaine façon. Elle ne te demandait rien, après tout. Au contraire, l'absence de la lumière te soulageait, t'apaisait. Tu avais l'impression d'être toi-même, invincible, prince que rien ne pourrait détrôner. Tu pouvais presque oublier les lendemains, oublier le jour et les rires des étudiants dans les couloirs aux pierres et aux dalles glacées, les bavardages enfantins des idiots ignorant la vérité, celle que tu connaissais trop bien et que dans le noir seulement tu réussissais parfois à oublier aussi. Tu te sentais loin de l'avenir, loin du pire, loin de ce Lord Noir qui allait régner sur la vie de tous et surtout sur la tienne, des meurtres, des cris, des blessures qui seraient infligées sans doute. A l'abri du jour, tu te sentais fort, tu te sentais immortel.

Tu ne sais plus vraiment quand ce noir est devenu un ennemi, ou bien quand le froid a pris les armoiries adverses des tiennes. Depuis, pourtant, il te faut te battre contre toutes ces entités qui devaient être des alliées, auxquelles tu pensais t'être accoutumé depuis des lustres. Depuis, dans cette chambre de préfet en chef, tu ne parviens plus à apprécier la solitude qui t'entoure. Tu te recroquevilles sous les draps et tu attends le petit jour, le soleil, et ce, même si finalement tout t'indiffère. Tu veux juste que le froid passe et ne plus te souvenir. Surtout, ne plus te souvenir. Car ce sont tes souvenirs qui t'apportent tant de froideur. Ce sont tes souvenirs qui te glacent.

Avant, tu pensais tout contrôler. Tu avais ton trône, modeste certes, mais tu l'avais et tu t'étais assis sur lui avec la distinction et l'élégance que tes ancêtres t'avaient appris depuis ta naissance. Tu avais la moitié obscure de Poudlard derrière toi, attentive au moindre de tes faits et gestes, presque envahissante - mais tu aimais ça. Tu aimais être le centre de leurs attentions, tu aimais savoir qu'ils étaient prêts à te suivre, que chacun de ces serpents pouvaient mordre sur un simple regard de toi. Ce rôle te plaisait, même si tu n'étais pas assez idiot pour ignorer le fait cruel que ce n'était qu'une vaste blague, une partie de rigolade, un jeu d'enfant dont tu connaissais les règles par cœur et qui ne pouvait se gagner qu'en triomphant sur une montagne de cadavres. Avant, tu pensais que cela irait, que tu t'en sortirais. Tu étais persuadé que, le moment venu, tu pourrais prononcer tous ces sorts qu'il ne faut pourtant pas laisser échapper, que tu prendrais ta place dans le cercle le plus prisé de tous les sorciers gothiques, retenu fidèlement et avec honneur dans l'ombre de Celui-Dont-Il-Ne-Faut-Pas-Prononcer-Le-Nom.

Tu souris douloureusement à la pensée qu'en effet, bien des choses étaient différentes, à cette époque-là. Tu le sais, n'est-ce pas ? Oui, tu sais que ce que tu vis en ce moment est un après. Un après lui. Mais cela, tu ne veux pas y penser.

Non, tu ne veux pas fermer les yeux et enfouir la tête dans ton oreiller pour y chercher l'effluve allégé par le temps de son odeur. Tu ne veux pas te désespérer de ne pas pouvoir le sentir assez, tu ne veux pas imaginer ses mains et te souvenir de la façon dont son existence anéantit tout le reste. Tu ne veux pas t'abandonner à la mémoire de toutes ces nuits passées dans cette chambre de préfet si spacieuse et si hautaine dans son titre et sa décoration baroque. Tu ne veux pas frissonner en te souvenant de la chaleur de ces moments-là, à l'abri du soleil, à l'abri des préjugés, à l'abri de tous les lendemains du monde. Tu ne veux pas souhaiter qu'il vienne, tu ne veux pas aller jusqu'à presque entendre le bruit de ses pas dans le couloir devant la porte et le bruit indiscret de son poing sur le bois lourd, à espérer sans cesse sa venue. Tu ouvres les yeux et fixes le plafond que tu devines au dessus de ton lit aux draps verts, comme ses yeux à lui. Tu aimerais savoir à partir de quel instant sa présence est devenue aussi indispensable, pour ne plus jamais le vivre. Ne plus jamais faire les mêmes erreurs. Et ainsi éviter d'endurer toutes ces douleurs.

Non. Tu ne veux pas. Tu ne veux pas refermer les yeux et chercher ses bras perdus peut-être entre les draps, chercher son corps chaud et suave qui t'évoque le Sahara, ses courbes comme des dunes et le grain de sa peau comme du sable qui salit ton lit puisque tu y retrouves toujours sa présence depuis qu'il l'a touché. Tu ne veux pas. Tu ne veux pas refermer les yeux et penser à lui. Tu ne veux pas et pourtant, même les yeux ouverts, en fixant le plafond dans cette obscurité qui a oublié d'être rassurante, c'est encore vers lui que tu perds ton esprit.

Alors, ta mémoire revient. Tu sens le noir tourner autour de ta tête et tu plonges dans tes souvenirs pour ne pas tomber, t'évanouir dans le néant alors que personne ne te rattrapera, même pas lui. Tu sais que personne ne tient vraiment à toi et que beaucoup se sentiraient plus libres en ton absence, qu'une foule de gens serait ravie si par bonheur tu sombrais dans ce froid mortel et fou qui semble sur le point de t'emporter. Tu serres les dents et tu te souviens, tu t'échappes de cette chambre qui te souffle son absence à chaque seconde. Et tu t'en souviens trop bien, finalement. Tu te souviens de cet instant où tout a basculé.

Tu sais qu'on dit parfois pour le meilleur et pour le pire et quand cette phrase atteint ton esprit, tu grimaces. Tu n'as jamais cru, même pas une seule seconde, qu'il pouvait y avoir un meilleur qui vaille la peine entre vous, pour vous. Tu te dis, toi, que le pire est parfois à préférer au meilleur, que votre pire n'est pas le leur et que votre meilleur est mort dans l'œuf. Non, il n'y avait rien à espérer, strictement rien, pour la bonne raison que vous n'aviez pas d'avenir. Ni l'un, ni l'autre. Ni l'un pour l'autre.

Le pire.
Le meilleur.

De tout cela, tu te souviens.

X.X.X

Le couloir était désert et la lune bien trop haute dans le ciel pour qu'il ait le droit de s'y trouver. Il ne t'avait pas vu venir et tu étais sûr de te déplacer assez silencieusement pour qu'il ne remarque pas ton arrivée. Il était parfaitement dos à toi et regardait fixement le mur, autant dire qu'il respirait la stupidité la plus infinie, comme à son habitude. Tu as souri, puisque tu entendais bien lui faire payer son effronterie des derniers jours et que l'occasion était beaucoup trop belle. On ne t'insulte pas impunément et qui étais-tu pour ignorer la perche qu'il te tendait ? Tu retenais presque ta respiration, fort du coup que tu étais sur le point de lui porter.

- Malfoy.
Sa voix t'a surpris mais tu n'en as rien laissé paraître, tu as juré intérieurement contre la force cosmique qui donne à ce scroutt à pétard à deux pattes ce foutu sixième sens presque inquiétant. Tu as simplement répondu comme un réflexe :
- Potter.
Il ne s'est pas retourné, tu as donc pris l'initiative de te rapprocher de lui. Il ne t'a même pas lancé un regard. Tu t'es senti plutôt vexé. Pour qui se et te prenait-il ?
- Puis-je savoir quel charme t'a attiré hors de ton dortoir à une heure pareille de la nuit, Potter ? Dois-je te rappeler que ce manquement au règlement intérieur mérite que je retire un certain nombre de points à ta stupide maison ?
Il ne t'a rien répondu, captivé par le mur qui lui faisait face.
- Dis-moi, Malfoy. Est-ce que tu vois quelque chose sur ce mur ?
Tu ne t'attendais pas à ça. C'est pour cela que tu as regardé les briques glaciales sans lui faire remarquer son manque total de politesse. Après tout, Potter n'a aucune éducation.
- Laisse faire.
- Pardon ?
Enfin, il se tournait vers toi.
- Tu ne sais pas lire, Potter ? Il y a écrit Laisse faire.

Ses yeux ont fixé les tiens bizarrement et tu te rappelles t'être demandé quel assortiment mal choisi de gènes avait pu leur donner une couleur pareille. Les secondes s'effilaient, tu ne disais rien. Ta gorge s'assèche à cette pensée mais la vérité était que tu n'osais pas lui dire quoi que ce soit. Ses yeux étaient bien trop bouleversés. Et puis, soudain, il a souri. Comme un feu d'artifice.

- Ah bon. C'est étrange, ça. Moi, je lis Fais. Et c'est parfait.
- Tu te fous de moi, Potter ?
- Tu sais bien que je n'oserais pas.

L'instant d'après, ton souffle s'est perdu sur ses lèvres et, sous l'effet d'un maléfice que tu as supposé puissant, tu ne l'as pas repoussé. Tu as fermé les yeux, sûr de détester ça, le son de sa respiration et son odeur, la sensation de ses mains sur tes hanches et le goût de sa bouche, certain de ne l'en haïr que plus et pourtant, tu le laissais faire. Et tu maudissais Poudlard et ses conneries de sortilèges. Et Dumbledore qui, même mort, était sûrement responsable de tout. Ce vieux fou. Tu as rouvert les yeux pour regarder l'écriture rouge qui décorait le mur quelques instants plus tôt mais qui avait disparu. Tu as levé les yeux au ciel, et tu as trouvé la force de le repousser.

- Et dis-moi, que penses-tu faire au juste, Potter ?

Tu avais mis tout le dégoût que tu pouvais dans cette question et il a fui avant de te répondre quoi que ce soit. Tu l'as regardé partir en oubliant de lui retirer la somme de points retentissante que tu avais prévue. Au lieu de ça, tu te souviens encore du sentiment étrange de vide qui a pris place dans tes entrailles alors qu'il s'éloignait. Ou plutôt, tu te rappelles t'être rendu compte que ce vide existait, qu'il était là, au creux de ton estomac, comme le manque d'un organe, et ce depuis longtemps, en réalité. Pourtant, il t'a fallu quelques mois pour comprendre que c'était simplement parce qu'il l'avait comblé, l'espace d'un infime instant. Des mois ponctués de sa présence, parfois, le soir venu, dans ta chambre imposante et austère de préfet en chef.

X.X.X

Le premier jour où il a frappé à ta porte, c'était une semaine après le baiser qu'il t'avait infligé. Tu n'avais pas croisé ses yeux pendant tout ce temps-là. Tu avais pensé qu'il regrettait – autant que toi-même tu regrettais cet incident -. Quelque part, cela t'arrangeait bien qu'il ne semble pas vouloir en parler, ou même y faire une allusion lointaine. Tu avais sûrement honte pour deux. Honte de ne pas avoir su le repousser, de ne pas t'être servi de ce moment d'égarement contre lui, ne ne pas l'avoir tourné en ridicule. Mais alors il aurait fallu que l'école toute entière soit au courant du fait que Potter le crasseux avait osé embrassé le prince des serpents et cela, tu ne l'aurais pas supporté. En tout cas, c'était plus aisé de te cacher derrière cette idée de déshonneur et d'infamie. Quand tu as entendu le son de son poing contre ta porte résonner entre tes quatre murs, tu t'es demandé quel imbécile venait troubler ta tranquillité à une heure aussi avancée de la soirée, - il était vingt trois heures passées, c'est-à-dire un peu plus de deux heures après la sonnerie du couvre-feu. -. Puis tu as ouvert et il était là, sur le seuil de ta chambre, et ses yeux de jade se sont fixés dans les tiens comme des parasites. Grand, droit, les épaules un peu plus larges que les tiennes peut-être, les pouces dans les poches de son jean, - et pourquoi ne portait-il pas l'uniforme obligatoire ? -, le pied droit posé dans l'embrasure de la porte pour être certain que tu ne pourrais pas la refermer. L'émeraude se frayait un chemin insidieux vers le mercure, comme un parasite. Tu ne pouvais pas te détourner.

- Potter. Que me vaut l'immense déplaisir de ta visite à une heure si tardive ?

Ta voix se voulait aussi désagréable qu'à l'ordinaire. Ses yeux se sont embrasés et, pour toute réponse, il a attaqué tes lèvres. Il n'y a pas de mot plus juste que cela. C'était une bataille et, quelque part, tu es certain qu'il voulait te faire du mal. Sa bouche a pris d'assaut la tienne, ses lèvres en éclaireurs, puis sa langue a percé tes défenses et tu t'es retrouvé sur le point d'être vaincu avant de prendre les armes. Alors tu as tenté de répondre à chaque fois qu'il gagnait du terrain, de t'insinuer en lui autant qu'il s'insinuait en toi, vous fondant l'un dans l'autre. Il ne serait pas le vainqueur, quoi qu'il t'en coûte. Il ne serait pas le vainqueur.

La porte s'est refermée derrière vos deux corps essoufflés. Ses mains se perdaient dans tes cheveux presque blancs alors que tu glissais les tiennes sous sa chemise et sentais une fine pellicule de sueur sur sa peau finement colorée par le soleil. Il respirait la sensualité et tu te sentais partir dans un désir que tu n'avais jamais ressenti pour personne. Tu as passé la limite impudique de sa ceinture pour sentir son souffle se briser et entendre un gémissement échapper de sa gorge. Comme un coup, un assaut réussi. Tu as souri, mais c'était avant qu'il ne colle son bassin au tien et que tu le sentes contre toi et souffres son envie de toi. Il ne serait pas le vainqueur. Tu l'as mené vers ton lit alors que vos regards répugnaient à se séparer trop longtemps. La mer verte se déversait dans ton métal en fusion. Électrique. Douloureux. Qui aurait pu l'éloigner de toi à cet instant-là ? Potter ne serait pas le vainqueur.

Il ne devait pas l'être. Il ne pouvait pas l'être.

Vos vêtements ont valsé dans la pièce sombre. Si vite, vous étiez nus l'un contre l'autre, presque désespérés. Tu ne savais pas d'où venait cette envie, ce besoin de lui que tu n'avais pas pensé être les tiens. Que le diable emporte mon âme, Potter ne sera pas le vainqueur. Tu as cherché à le perdre plus d'une fois dans les délices que tu lui infligeais et tu aurais certainement pu réussir s'il n'avait pas été aussi inventif et doué. Tu savais que tu étais sa première fois, tu l'avais senti dans certaines de ses hésitations, - jamais bien longues cependant -, et tu ne comprenais pas comment un seul de ses gestes pouvait t'amener aussi près de la folie. Un putain de novice. Mais c'était Potter, après tout, ce sale gryffondor stupide, têtu et bourré de défauts, Le-Garçon-Qui-A-Survécu-Encore-Et-Encore, Potter en un seul mot. L'archétype même du héros, plein de bonne volonté et, à ton grand damne, plein de talents et de ressources. Potter, celui qui d'une façon ou d'une autre, finissait toujours par te mettre au tapis et t'écraser en ricanant. Pourtant, cette fois, Potter ne serait pas le vainqueur. Tu allais l'emporter avec toi, le dévaster, détruire en lui toute envie de te défier à nouveau.

C'était une guerre.
Sûrement perdue d'avance.

Vous êtes venus l'un contre l'autre et l'un dans l'autre de nombreuses fois, jusqu'à ce que la fatigue l'emporte sur l'avidité et que vous preniez conscience du liquide poisseux qui coulait sur vos peaux et de l'odeur impie qui avait envahi la pièce. Tu t'es senti comme à la fin d'un rêve étrange, aussi intolérable et déchirant que voluptueux et providentiel.

Tu sais qu'il n'a pas été le vainqueur.
Pour la bonne raison qu'il n'y en a pas eu. Ni par ailleurs de vaincu non plus.

Et pourtant, quand il s'est rhabillé et qu'il est parti sans un regard, tu t'es senti aussi vide et ravagé qu'après une défaite cuisante. Tu savais déjà que tu voulais qu'il revienne, mais tu ne voulais pas te l'avouer. Pas tout de suite. Non, pas encore. Tu ne voulais pas que Potter prenne une telle place dans ta vie. Mais c'était déjà trop tard. Beaucoup trop tard. Alors quand il est revenu, quatre soirs plus tard, évidemment que tu l'as laissé rentrer. Malgré qu'il soit lui. Malgré que tout dans vos gestes t'ait rappelé sans pitié que tu n'étais pas celui avec qui il aurait pu partager autre chose que ces instants de nuit.

Il est revenu, une fois, deux fois, trois fois et puis tu as arrêté de compter. Tu ne sais pas vraiment de quelle manière grotesque tu en es venu à avoir l'impression de ne vivre que lorsqu'il passe la porte de cette maudite chambre aujourd'hui trop noire. Il vient toujours au moment où tu t'y attends le moins, après deux semaines d'absence ou bien le lendemain-même d'une de ses visites. Tu n'as jamais rien demandé. Ni quand ni pourquoi. Tu le reçois quand il vient, tu l'accueilles et tu le laisses partir.

Tu laisses le froid revenir.

X.X.X

Et ce soir il fait si froid, mon dieu qu'il fait froid à présent entre tes draps. Tu frottes tes mains contre tes bras et tes jambes pour tenter, vainement, de te réchauffer. Tu maltraites la peau partout sur ton corps, en voulant faire fuir le froid qui semble avoir pris possession de chacun de tes pores. Elle gèle lentement, cette peau blanche, diaphane. Elle gèle lentement, comme une agonie qui te tuera à coup sûr. Elle gèle et tu ignores comment tu devrais chasser les gelures des abris fragiles qu'elles ont trouvé sur le grain de cette peau de lait.

Quand il est là, il lui suffit de poser la main sur toi pour que toute idée de froid disparaisse totalement de ta tête. Alors tu te dis que, peut-être, si tu la frottes assez longtemps et avec assez de vigueur, tu pourras le faire partir, toi aussi.

Sous tes mains, comme sous ses mains.

Tu ris et tu mets brusquement fin à tout ce cirque. Il est étrange, ce rire. Totalement dénué d'humour, de joie. Il n'est même pas cynique, juste désabusé. C'est un rire vide. Un rire froid, comme cette absence de chaleur qui te dévore, dans ces draps qui devraient être doux.

Rien n'est doux. Rien n'est tendre.

Tu le sais, peut-être même mieux que quiconque. Tu connais les illusions, les mensonges. Tu penses que rien n'est vrai et tu as sûrement raison. Tu ris et tu penses que jamais au grand jamais tu ne pourrais remplacer ses mains, certainement pas par les tiennes. Il n'y a que lui, tu le sais tellement bien que tu préfèrerais l'ignorer. Mais toi, tu voudrais juste pouvoir sentir ses mains et oublier. Oh oui, tu voudrais pouvoir te dire parfois que cette façon âpre que tu as d'envisager le monde est purement et simplement fausse. Ne serait-ce que pour imaginer que ce froid sans nom peut disparaître. S'évaporer. Evidemment, pour cela, il faudrait qu'il soit là.

Il ne l'est pas.

X.X.X

Dans ta tête, c'est une cascade de souvenirs qui danse et te rend aussi fou que triste. Tu ne gémis pas alors que tu en aurais envie. Tu ne suffoques pas alors que tu as du mal à respirer. Ce sont des choses que tu n'as pas apprises plus jeune et qu'il n'a pas voulu t'apprendre non plus.

Une fois, une fois seulement, tu lui as demandé pourquoi. Pourquoi toi. Son expression s'est faite dure, ses sourcils se sont froncés et les plis de sa bouche sont apparus. Il t'a répondu qu'au moins, toi, tu ne t'inquiéterais de rien. Tu ne le pleurerais pas. Tu ne l'aimerais pas.

Tu n'as rien dit. Tu as retenu les insultes qui montaient dans ta gorge, les « va te faire foutre, Potter » et autres douceurs qu'il aurait pourtant tellement mérités. Tu as compris qu'il ne voulait pas que tu t'attaches à lui alors tu as fait tout ton possible pour le laisser prendre autant de distance qu'il voulait. Tu as appris à le laisser partir. Et surtout, tu as essayé d'apprendre à ne pas souffrir de son absence. Tu aurais tellement voulu qu'il ne te manque pas, n'est-ce pas ?

Et pourtant ce soir ce ne sont pas ses au revoir que tu entends encore mais ses bonjour qui sonnent comme les cloches d'une heure et d'une époque qui semblent révolues. Tu ne te rappelles pas des moments où il te disait adieu et où il avait tellement l'air d'y croire que tu t'en sentais blessé – sans jamais le dire ou le laisser paraître, et pour cela force est de constater que tu as été élevé à la bonne école -. Tu ne te rappelles pas non plus des instants où son indifférence revenait ou, pire, des marques de haine qui s'échouaient sur son visage et que tu espérais avoir mal interprétées.

Au contraire, et tu penses qu'il t'en voudrait s'il le savait, tu te souviens de la fois où il s'est endormi dans tes bras et que tu t'es bien gardé de le réveiller. Tu te souviens des moments brefs où tu avais l'impression paradoxalement fugace et persistante qu'il éprouvait un sentiment puissant pour toi, un sentiment que tu te refusais à appeler amour et que pourtant tu souhaitais avec tant de force que tu en perdais la tête. Tu te souviens du jour où il t'a offert l'amulette qui est toujours sur toi depuis ce jour, même si elle ne te servira plus à rien maintenant. Tu te souviens de ses sourires, des vrais, ceux dont il était tellement avare en dépit des apparences.

Tu te souviens si bien.

X.X.X

Vous ne parliez pas, au commencement. C'était une sorte d'accord tacite que tu étais bien décidé à respecter pour ne pas perdre ces rencontres. Il venait, vous couchiez ensemble et il repartait. C'était aussi simple que cela. Il criait pendant la jouissance comme une libération et il te semblait qu'il se vidait en toi de ses peines et de sa colère. Tu étais comme un exutoire, le moyen pour lui d'oublier et de se décharger d'un poids qu'il ne pouvait plus porter. Alors tu te rappelais qu'il ne venait pas te voir pour l'amour.

Non, Potter ne veut pas de toi pour l'amour.

Puis il y a eu la nuit où il s'est mis à pleurer alors que tu embrassais son torse frémissant contre tes lèvres. Tu as essuyé ses larmes de tes mains mais d'autres sont venues les remplacer trop vite. Tu l'as serré dans tes bras, tu as bougé tes hanches contre les siennes pour l'emporter dans le plaisir mais il continuait à pleurer et tu n'as plus su que faire, comment le toucher, comment lui faire oublier. Tu as enfoui ta tête contre son cou et ses bras t'ont bloqué contre lui puissamment. Il a sangloté comme ça longtemps, ses pleurs glissaient sur tes épaules et tu attendais. Alors il a commencé à te parler.

Il te disait des choses comme :

- Tu sais, Malfoy, je n'ai jamais rien demandé. Ce n'est pas de ma faute si aujourd'hui des gens sont en train de mourir ou que d'autres se font torturer en tentant de protéger mon existence. Ce n'est pas de ma faute et pourtant, je sens parfois dans leurs regards qu'ils me reprochent de ne rien faire, même si aucun d'entre eux n'ose me le dire ou simplement le penser vraiment. Ils se disent que leur sauveur prend bien trop de temps pour les sauver, pendant que leurs familles s'amenuisent et que le poids des larmes s'alourdit. Mais moi, Malfoy, moi ce soir je suis ici dans ta chambre et je pleure aussi mes morts. Autant qu'eux pleurent les leurs.

Tu ne répondais rien. Personne ne t'avait jamais appris à consoler.

- Malfoy, dis-moi, est-ce que je n'ai pas le droit de pleurer ?

Alors tu l'embrassais.

Et il continuait :

- Je ne veux pas les sauver. Ou plutôt, je ne veux pas être celui qui doit les sauver. Ce n'est pas que leur sort m'indiffère, tu sais, pour cela je suis resté un gryffondor abominablement assujetti à sa maison. Ce n'est pas ça. Je voudrais les sauver, non, je le souhaite, je le souhaite vraiment de toutes mes forces. Ce que je ne veux pas, c'est être celui qui les sauvera ou les perdra. Mais je le suis, Malfoy, je le suis et qui serait assez fou pour imaginer que je puisse être capable de vaincre un sorcier tout puissant alors que je n'ai que dix-sept ans ? ...
On a beau m'entraîner, se donner tout le mal du monde à me faire entrer dans la tête toutes les capacités qu'elle peut recevoir, personne n'est assez stupide pour ne pas se rendre compte de la différence entre lui et moi. Et pourtant, pourtant, je suis celui qui doit le battre. C'est lui ou moi, tu comprends ? ...
Aujourd'hui Dumbledore est mort et il n'y a plus de bouclier assez puissant pour me protéger. Il faudra bien que je me jette dans ce combat, je n'ai plus d'endroit où fuir, même Poudlard sera bientôt un immense champ de bataille. Nos espions dissuadent du mieux qu'ils le peuvent Voldemort de nous attaquer demain. C'est comme ça tous les soirs. Comment vivre encore, Malfoy ? ...
Comment ? ...
Voldemort sera bientôt là et il en tuera autant qu'il pourra. Voldemort sera là, Malfoy. Voldemort sera là. Oui, tu peux frémir en entendant son nom, tu peux blêmir mais je sais qu'un jour viendra où tu te tiendras à ses côtés, pas nécessairement parce que tu l'auras choisi mais plutôt parce que tu n'auras pas eu ce putain choix. Pour survivre, tu le feras. Tout ça parce que moi, j'aurais échoué. Qui serait assez fou pour croire que je puisse le vaincre, dis-moi ? ...
Qui ? ...
Tu sais Malfoy, le destin est vraiment injuste et cette simple phrase digne d'une tragédie me donne envie de vomir. Ce n'est pas juste, Malfoy. Ce n'est pas juste que ce soit moi. Juste moi. Contre lui. Ce n'est pas juste. Et moi, je me demande simplement si ceux auxquels je tiens survivront. Après moi. Après ça. Je crains de savoir que non.
Dis-moi, Malfoy, est-ce qu'Hermione pourra un jour découvrir la cinquième vertu du sang de phénix que Merlin avait annoncée ? ...
Est-ce que Ron pourra jamais jouer dans chez les Canons de Chudley ? ...
Est-ce que Luna verra des Ronflaks Cornus au moins une fois dans sa vie ? ...
Est-ce que Neville aura le poste de professeur de botanique et reprendra le flambeau de Poudlard ? ...
Est-ce que Remus pourra jamais avoir une nuit de sommeil tranquille ? ...
Est-ce que Ginny se réveillera un jour du coma que lui a infligé le sort de Parkinson ? ...
Et toi, Malfoy, dis-moi, est-ce que survivras ? ...
Est-ce que tu peux me jurer que tu me survivras ? ...

Il pouvait te parler pendant des heures et toi tu ne demandais rien même si tu ne comprenais pas tout à ces histoires de fatalité. Tu te contentais de poser tes lèvres sur les siennes à chaque fois qu'il semblait quémander une réponse. Rien de plus.

Tellement trop.

X.X.X

C'est comme ça que tu te mets à te souvenir de sa voix, dans le noir de ta chambre de préfet en chef. Un titre qui te donne le droit de gouverner le Poudlard qui est devenu une jungle depuis quelques temps. En réalité, sa voix te fait peur. Pourtant tu ne le dirais à personne, n'est-ce pas ? Et surtout pas à lui. Sa voix te terrifie.

Tu serres les poings autour de tes draps de jade tellement cette pensée est stupide. De toutes façons, y a-t-il quelque chose en lui qui ne t'effraie pas ? La vérité, c'est que tout en lui t'épouvante. Tout. Des racines de ses cheveux indisciplinés jusqu'à sa peau halée. C'est que tu n'aurais jamais envisagé le fait irrationnel que tu puisses aimer le toucher, n'est-ce pas ? Te perdre contre lui, toi qui ne perdais jamais le contrôle, qui aurait pu penser que tu le désirerais avec une telle force ?

Et pourtant à aucun moment tu n'as perdu ta fierté. A aucun moment tu ne t'es senti minable, plus bas que terre, à aucun moment tu n'as eu envie de te cacher alors qu'il était là, en face de toi, avec ses yeux trop verts et son sourire trop conquérant, à aucun moment il ne t'est venu l'idée de le fuir alors qu'il te dévorait d'une seule bouchée. Tu avais tellement peur de lui et pourtant. Tu as voulu rester digne et c'est ainsi qu'il t'a embrassé.

Tu penses à ses lèvres et tu resserres tes bras autour de tes épaules. C'est étrange, tu sais ? On dirait que tu t'enlaces toi même. Que tu veux remplacer des bras qui ce soir, alors qu'il fait si froid, trop froid, ne sont pas là. Ses bras.

Tu penses à ses lèvres et tu maudis ta mémoire.
Tu penses à ses lèvres et tu ouvres les yeux pour te souvenir.
Tu penses à ses lèvres et tu te souviens qu'il n'est pas là ce soir.

X.X.X

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Tu voudrais pouvoir t'en empêcher et pourtant tu espères qu'il frappe à ta porte, même si cela fait déjà deux semaines qu'il n'est pas venu te trouver, tu en gardes l'habitude, tu sais ce qu'il se passerait. Tu te relèverais vite de ton lit où, de toutes façons, tu n'arrives pas à trouver le sommeil et tu t'avancerais vers la porte, l'entendrais lancer un Alohomora. Tu le regarderais entrer dans la pièce et tu refermerais la porte derrière lui pour finir, enfin, par te tourner vers lui.

Ses yeux dans les tiens. Son existence à deux pas de la tienne.

Il dirait :
- Malfoy.
Tu répondrais d'un ton nuancé :
- Potter.
Juste ça.

Tu ne voudrais rien lui faire comprendre, ne rien laisser échapper. Tu sais qu'il suffirait d'un moment infime d'inattention, le relâchement de la tension, un soupir de trop, un mot échappé, regretté. Et alors tu laisserais tout transparaître. Il entendrait tout ce que tu te refuses à lui dire, les respirations qui ne trompent personne, les gémissements plaintifs, presque craintifs. Tu ne veux pas qu'il sache que tu as peur de lui. Atrocement peur. Tu ne veux pas qu'il voit les armes que tu as depuis longtemps déposées à ses pieds.

- Malfoy...
Son ton à lui serait plutôt amusé, en fin de compte.
Alors, cette fois, tu ne répondrais pas.

- Malfoy...
Il s'approcherait de toi. Trop près. Avant, il y avait toujours une certaine distance entre vous. Comme une barrière insidieuse entre vos deux corps, quelque chose qui semblait vous repousser comme deux aimants. Entre vous, cela avait toujours été électromagnétique. Deux forces du même signe se repousse, même le plus ignare des sorciers le sait. Maintenant, tu te dis que tu aurais dû comprendre dès le début qu'il n'y aurait pour toi aucun aboutissement sinon celui-ci. Ses bras. Son souffle. D'une façon ou d'une autre, vous vous ressembliez trop pour pouvoir vous comporter l'un avec l'autre comme il l'aurait fallu.

- Malfoy...
Ses pas s'enchaîneraient les uns après les autres et, avant que tu ne puisses vraiment le réaliser, il serait si près de toi, si près qu'il te brûlerait, qu'il te transpercerait de son existence. Il y a quelque chose chez Potter qui fait bouillir ton sang, comme un mystère, qui te ramène à lui autant qu'il le ramène à toi. Quelque chose d'incontrôlable.

- Malfoy...
Il resterait là, la bouche presque contre la tienne mais pas encore, s'enfuyant à la moindre de tes approches, maligne, capricieuse. Son corps serait à quelques centimètres du tien, évitant les tentatives de tes mains destinées à l'attrapper, s'éloignant quand tu t'approcherais et pourtant le frôlant après chacun de tes essais. Il chuchoterait ton nom à ton oreille, simplement pour te sentir frissonner, attendant patiemment que tu l'implores.

- Malfoy...
- Va te faire foutre, Potter.
- Avec plaisir.

Il déposerait ses lèvres sur ton cou et alors, tu t'autoriserais à gémir.

X.X.X

Tu enfouis ton visage dans tes paumes pour maintenir l'illusion. Non, tu ne pleures pas. Tu préfèrerais mourir que te laisser aller aux pleurs. Tu es un Malfoy, malgré tout. Un putain de Malfoy, dirait Potter. Avec cet ego surdimensionné qui les caractérise et ce soin particulier accordé au maintien sur leur nom du stéréotype de la riche famille de sang-pur cruelle et ambitieuse. Alors comment pourrais-tu pleurer ? Tes phalanges appuient sur tes yeux pour empêcher les larmes de couler.

Tu voudrais juste savoir pourquoi ce noir est obligé d'être un ennemi, pourquoi le froid l'accompagne. Savoir pourquoi tu te sens mort alors qu'avant... Qu'avant ce n'était pas ainsi, que tout était différent et que tu t'y sentais bien. Tu voudrais juste savoir, demander à quelqu'un. Peut-être même à Potter. Et qu'il te réponde ce que tu sais déjà.

C'est facile de ne pas avoir peur du noir quand on est aveugle, n'est-ce pas ? Tu sais que c'est ce que tu étais. Un aveugle, un infirme, quelqu'un à qui il manquait quelque chose et qui l'ignorait. Tu n'y voyais pas. Comment le noir aurait-il pu t'effrayer ? Tu ne distinguais pas le jour, tu ne comprenais pas la lumière, tu ne connaissais pas sa chaleur. Comment aurais-tu pu avoir froid ? Comment ? Mais tu as ouvert les yeux ou plutôt, il te les a ouverts.

Et tu l'as aimé.

Tu l'as aimé alors comment refermer ton cœur ? Tu devrais oublier mais tu ne peux pas, tu chéris malgré toi ce sentiment que ton éducation aurait dû enrayer. Tu l'as aimé, tu l'aimes alors comment ne pas te souvenir de la lumière de ses yeux, de la chaleur de son corps et comment ne pas avoir peur du reste ? Il est le seul endroit au monde où tu te sens chez toi, il est la seule personne avec qui tu veux être, il est la seule voix que tu veux entendre. Le seul monde dans lequel tu veux vivre.

Alors comment ne pas mourir de froid à présent ?
Comment ?

X.X.X

Un soir, il n'a pas cherché à coucher avec toi. Il s'est allongé sur ton lit, t'a invité à le rejoindre. Tu t'es lové contre lui, mêlant tes jambes aux siennes. Il a frissonné de bien-être et tu lui en étais reconnaissant. Tu te sentais important. Vous êtes restés dans cette position longtemps, tu restais éveillé contre lui à écouter sa respiration et à te demander comment tu avais pu le haïr si longtemps. Tu pensais qu'il s'était endormi. Puis tu as senti ses mains caresser lentement ton dos et tu as su qu'il allait te parler. Que les baisers ne suffiraient pas pour lui répondre. Tu le savais avant qu'il ouvre la bouche, c'est vrai.

- Je ne vais pas le vaincre. N'est-ce pas ?
Tu as fermé les yeux et tu aurais tellement voulu lui mentir.
- Non, Potter. Non. Tu ne vas pas le vaincre.

Il t'a serré contre lui et a enfoui sa tête dans le creux de ton cou. Ni lui ni toi n'avez rajouté un seul mot. Non, il ne pourrait pas le vaincre. Tu aurais voulu dire quelque chose de gentil, de doux, quelque chose qui l'aurait réconforté peut-être, l'espace d'une seconde, n'importe quoi qui aurait pu le soulager mais tu ne le pouvais pas. Potter ne pourrait pas vaincre Le Maître. Jamais. Ou du moins, pas avant au moins trente ans de dur labeur. Mais Potter n'avait certainement pas trente ans devant lui. Potter n'allait pas gagner.

Potter ne serait pas le vainqueur.
Et cette fois, tu avais juste envie de crier.

X.X.X

Tu as toujours cru, depuis le premier jour, depuis ce laisse faire qui t'avait laissé aussi émerveillé qu'indigné, qu'il ne t'avait jamais aimé. Tu lui étais utile et tu pensais que cela résumait toute votre relation. Potter aimer Malfoy ? C'était impensable. Tu faisais presque partie de ses ennemis, de ceux qui voulaient le voir mort. Comment aurait-il pu t'aimer ? Non, tu pensais qu'il se servait de toi, qu'il était certain que tu ne cherchais rien à part coucher avec lui et le regarder partir pendant la nuit ou, par chance, au petit matin. Tu avais juste oublié que Potter n'était pas un serpentard. Il n'était pas quelqu'un de fondamentalement intéressé.

Une nuit, c'est toi qui t'es endormi contre lui et qui t'es réveillé au son de sa voix qui t'appelait doucement.
- Malfoy...
Et tu as tout compris.
Juste à ce moment, juste comme ça.
Sa voix tendre, rien de plus. Tellement trop.
N'est-ce pas ?

Tu as compris pourquoi il ne voulait pas de toi pour que tu l'aimes, pourquoi il avait l'air de te repousser quand tu étais sur le point de franchir la ligne qu'il avait tracé tacitement, pourquoi tu ne devais rien lui dire. Tu as compris pourquoi Potter t'avait choisi, toi, plutôt qu'un autre, ou plutôt tu as compris pourquoi Potter n'avait même pas eu à te choisir, pourquoi tout avait semblé si évident dès le départ. Pourquoi tu avais lu laisse faire quand lui avait vu fais. Tu as compris pourquoi il te racontait à toi ce qu'il ne pouvait dire à aucun autre, pourquoi c'était dans tes bras qu'il avait voulu apprendre à se perdre.

Il t'aimait.

- Malfoy.
Il a souri.
- Potter...
Et t'a embrassé pour t'empêcher de dire ne serait-ce qu'un mot de plus.

Il ne devait pas l'entendre. Il ne voulait pas que tu lui dises les mots qui auraient pu franchir si facilement ses lèvres. Il n'avait pas souhaité que tu l'aimes. Tu n'étais pas censé le faire. Non. Tu ne devais pas le faire. Il ne voulait pas que tu le pleures. Que tu veuilles le suivre.

Il voulait que tu lui survives.

X.X.X

Et il y a eu ce soir. Ce soir-là. Il est arrivé si tôt que tu as hésité avant d'aller ouvrir, même si tu étais persuadé que c'était lui derrière la porte. Il n'était pas vingt heures et le soleil n'était pas encore totalement passé de l'autre côté du globe. L'anormalité de la situation t'a fait peur et plus encore quand, dès que tu as déverrouillés la porte, il s'est agrippé à ton cou comme un homme à la mer à une planche trop fine. Il ne t'a rien dit, t'a poussé vers ton lit et tu t'es laissé faire. Tu ne pouvais pas lui dire de s'arrêter, de se calmer et lui demander de t'expliquer était impossible. Il t'embrassait désespérément, douloureusement. Tu sentais qu'il était terrifié et tu l'es devenu aussi. Tu ne voulais pas savoir pourquoi ces inquiétudes, pourquoi cette urgence. Sa peau contre la tienne était comme une blessure, tu le sentais te toucher et tu comprenais qu'elle ne guérirait jamais. C'était la dernière fois.

Tu sais que ce soir-là vous avez fait l'amour. Vos gestes étaient trop saccadés, trop inconscients, trop pressés, trop acharnés. Vous étiez inconsolables. Il allait partir. Tu ne devais pas le suivre, pas encore. Il n'a pas dit qu'il t'aimait mais tu l'as mieux entendu que s'il avait parlé. Tu l'as senti, tu l'as vécu.

Vous êtes restés longtemps face à face dans le noir – mais ce n'était pas lui qui te faisait peur -. Tu ne crois pas que vous vous soyez murmuré quoi que ce soit. Qu'y avait-il à dire ? Vous saviez. Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom avait dû décider le jour de son attaque et l'ordre du Phénix devait absolument le prendre par surprise avant qu'il n'atteigne l'école. Mais la seule arme de l'ordre, c'était Potter. Il devait partir. Vous le saviez. Tout comme ni l'un ni l'autre vous ne pensiez une seule seconde qu'il reviendrait.

Les heures ont passé. Tu voulais arrêter le temps.
Qui le pourrait ?

- Malfoy, je m'en vais. Il faut que nous soyons là-bas à l'aube et... Je m'en vais.

Il s'est relevé, s'est assis sur le bord du lit, les épaules basses. Tu les as emprisonnées de tes bras. Tu ne voulais pas qu'il s'en aille. Le laisser partir quand tu savais qu'il pouvait revenir, tu avais appris à le faire. Mais tu n'étais pas capable de le laisser s'en aller alors qu'il allait perdre. Alors que tu allais le perdre.

- Malfoy, je m'en vais.

Tu as posé ta tête contre ses clavicules et tu l'as senti pleurer en silence. Tu as serré tes bras plus fort et tu as posé tes lèvres sur sa peau, ton ultime geste de tendresse. Tu es resté un moment ainsi puis tu as glissé lentement tes mains jusqu'à les faire tomber sur les draps. Il était libre et il s'en allait. Il s'est levé, s'est habillé, s'est dirigé vers la porte et tu as failli le supplier de ne pas te laisser. Il a semblé t'entendre même si tu n'avais rien laissé échapper et est revenu vers toi, s'agenouillant en face du lit de façon à être en face de toi. Tu baissais la tête vers lui.

- Malfoy, je m'en vais. Je m'en vais.
Tu l'as regardé et tu as laissé passer un long moment avant de lui répondre simplement :
- Alors va-t'en.
Et dans ses yeux, tu savais qu'il savait.

Il s'est relevé et, cette fois. Il a passé la porte.

X.X.X

Il y a tant de choses que tu aimerais lui dire, alors qu'il n'est pas là dans ses draps si froids sans lui. Tu voudrais tout avouer, tu n'as rien à perdre, tu as oublié la valeur du nom des Malfoy et leur honneur, tu as peur, tu es seul et il te manque alors à quoi bon se voiler la face ? Tu aimerais lui murmurer je t'aime au creux du cou, là où sa peau est si tendre, et descendre le long de ses côtes. Tu voudrais vivre encore une fois l'étreinte passionnée que vous partagez en savourant l'acte pendant que tes mots résonneraient à ses oreilles. Tu voudrais qu'il t'entende lui crier tes émotions, cet espoir que tu ne voulais pas ressentir et dont il t'a rempli en venant te voir. Tu aimerais tant lui susurrer les mots d'amour qu'il t'a appris à vos dépends. Partager avec lui la tendresse qui a toujours été superflue entre vous. Oser faire tout ce que semblait incongru. Tu aimerais qu'il te voit ainsi, pleurant presque – mais pas encore, pas totalement – dans ton lit et dans cette ombre terrifiante. Qu'il sache ce que tu es, ce que tu deviens quand il n'est pas là.

Tu ne lui as jamais dit. Tu ne lui as jamais dit tout ce que tu aurais voulu lui dire.
Et tu réalises que même à deux, même à deux vous étiez seuls.

Incommensurablement seuls.

X.X.X

- Potter.
Tu ne sais pas pourquoi il faut absolument que ta bouche laisse échapper son nom alors que l'appeler ne sert plus à rien. Tu ne sais pas pas non plus pourquoi ta main va chercher l'amulette d'émeraude qu'il t'a offert et qui devait te protéger. Tu n'as plus envie qu'on te sauve, qu'on t'épargne.

- Potter.
Tu pleures et ce, même si tu préfèrerais mourir.
C'est juste qu'il t'a dit de survivre. Qu'il te l'a fait promettre.

- Potter.
Tu trembles et tu pleures dans le froid insupportable de tes draps.
Tu sais que tu ne pourras pas porter la marque qui doit brûler ton bras demain.
Il existe des promesses que tu ne peux pas tenir. Même pour lui.

- Potter.
Tu gémis et tu pleures comme un enfant. Tu l'appelles.
Tu voudrais qu'il vienne.

- Potter.
Même si tu sais qu'il ne reviendra pas cette fois.

Incommensurablement seuls.

Fin [?].

Nao/Zonea