Le Grand Borgne
Pairings principaux : Zaraki Kenpachi x Renji Abarai ; Nnoitra Jiruga x Renji Abarai
"C'était lui. ça devait être lui. Même s'il ressemblait au Diable. Même s'il était en morceaux et seul à blâmer. Même s'il était parcouru de milliers de failles, de plaies béantes, qui mettraient des siècles à cicatriser. Il les panserait une par une s'il le fallait. Oui, ça devait être lui."
Attention : Cette fic fait partie d'une sorte de trilogie Bleach que j'ai écrite et qui inclut "Suffocation" et "La mémoire en lambeaux". Les fics ne se suivent pas. Elles peuvent se lire séparément, mais vous aurez accès à de nouveaux niveaux de lecture en les lisant toutes. Pour comprendre toute l'étendue du couple Nnoitra/Renji et son "background", je vous conseille notamment de lire "Suffocation" avant de débuter.
Prologue :
Le tatoué se laissa retomber sur l'ample torse de son capitaine. C'était l'été et, dans la chaleur moite de la chambre, il peinait à respirer, à cause de leurs efforts, mais aussi de cette angoisse qui le tenaillait. Il appréhendait tant la discussion à venir, mais ils devaient l'avoir. Il ne pouvait y échapper. Lâchement, il espérait que Zaraki, encore dans l'euphorie de l'orgasme, n'enragerait pas et qu'il s'en tirerait à bon compte. Renji avait parfois tendance à être trop optimiste. Il ne savait pas comment l'amener, alors il préféra ne pas y aller par quatre chemins et entrer derechef dans le vif du sujet. Zaraki comprendrait instantanément de quoi il retournait ; ce n'était pas comme si Byakuya avait attendu qu'il soit absent pour présenter son offre à Renji. Le stress montant, tordant ses doigts, les entortillant dans les draps, celui-ci se lança aussitôt qu'il s'en sentit capable.
- J'ai accepté la proposition de Kuchiki-taicho, déclara-t-il tout à coup, rompant le silence. Je transfère mes affaires demain et je commence vendredi dans la 6ème.
Le silence pesant qui accueillit cette nouvelle ne lui dit rien qui vaille. Il s'empressa de s'expliquer, du mieux possible, tout en s'efforçant de préserver l'orgueil de son amant.
- Je dois me rendre à l'évidence. En restant dans ta division, je ne me réaliserai jamais. J'ai envie de monter en grade et qui sait ? Peut-être qu'un jour, moi aussi, je deviendrai capitaine de division.
Une poignée de secondes s'écoulèrent sans qu'un bruit ne trouble l'inquiétant silence régnant sur la chambrée, encore réchauffée par leurs ébats. Puis, brutalement, le géant sortit du lit en poussant une exclamation furieuse :
- Conneries !
Quand Renji vit son visage, il comprit qu'il était littéralement hors de lui. Le grand type vociféra, ulcéré, les traits crispés de fureur :
- T'es vraiment qu'une petite pute ! Si tu veux t'barrer, trouve une meilleure raison !
C'était bien lui ça. Dans la sphère intime, il ramenait tout à lui. Il ne voyait pas plus loin que le bout de son nez.
- Je ne rompts pas avec toi Kenpachi ! s'exclama Renji et il voulut le toucher, le réconforter, car il l'aimait ; il adorait cet homme, en dépit de sa montagne de défauts.
En réalité, il avait craqué pour ce vieil ours mal léché à la seconde où il avait intégré le Goteï, à l'instant où il était apparu sur l'estrade pour faire son discours destiné à faire trembler toutes ces jeunes recrues trop impressionnables amassées devant lui. Peu importait leur différence considérable d'âge. Et l'attirance avait été réciproque. Zaraki le lui avait prouvé, lors de l'inspection. Il passait dans les rangs, examinant ces gamins sans envergure qui s'imaginaient en rêve de grands héros, mais dont la plupart périrait trop vite contre les hollows. Il avait stoppé devant lui, avait attrapé son menton entre ses doigts carrés et râpeux pour le contempler, le contraignant à affronter son oeil unique si perçant. Renji avait essayé de lutter, de se confronter à ce regard et à la puissance qu'il ressentait derrière, mais il avait finalement baissé les yeux et, surtout, il avait rougi. Ses joues s'étaient empourprées et il se souvenait encore douloureusement des rires et gloussements qui avaient retenti autour de lui. Zaraki, quant à lui, l'avait relâché, non sans un curieux sourire en coin, et lui avait glissé, dans le creux de l'oreille, avant de s'éloigner :
- Jolis tatouages.
Renji s'en rappelait comme si c'était hier. Lors du débat portant sur la répartition des nouvelles recrues dans telle ou telle division, selon leurs domaines de prédilection, Aizen et Kenpachi avaient été jusqu'à se disputer, assez violemment d'ailleurs, puisque Kenpachi avait tout bonnement insulté ouvertement Sosuke, qui ne s'était pas privé non plus de le railler avec nettement plus d'intelligence, à mots couverts. L'attitude de Zaraki avait valu à ce qu'il perde cet étrange duel et Renji avait atterri dans la division 5.
Avait alors débuté une phase que Renji qualifierait avec le recul de séduction. Le capitaine Zaraki, connu pour ses moeurs dissolues, pour multiplier les partenaires, surtout parmi les prostituées parfois conviées aux fêtes de sa division, cessa de recourir à leurs services du jour au lendemain. Bien que Renji fût affecté à la division d'Aizen, il ne se privait pas de l'enjoindre à se mêler à ceux de la 11ème, notamment lors des soirées bien arrosées, au terme desquelles il s'arrangeait toujours pour le reconduire à bon port, histoire qu'un autre homme aussi amoché ne décide pas de lui sauter dessus. Il se remémorait une fois en particulier où ils tombèrent nez-à-nez avec Sosuke, qui paraissait les guetter. Le brun avait eu ce sourire qui semblait si doux qu'il en devenait des plus meurtriers et trahissant de cruelles intentions. Renji n'avait rien à reprocher à son taicho. Pourtant, il l'avait toujours mis un peu mal à l'aise, sans qu'il sache pourquoi. Il lui rappelait une grande poupée, ou non, plutôt un pantin, un immense pantin qui n'était que faux semblants. Le regard beaucoup trop paisible d'Aizen avait flotté de l'un à l'autre.
- Bien que je sois en faveur de tout rapprochement entre nos deux divisions, ce petit jeu devra cesser très vite, Zaraki-taicho.
Ses mots suintaient la colère, mais avaient été prononcés d'une voix amène, très affable, toute hypocrite. Renji s'était senti pris entre deux feux. Du haut de ses dix-sept ans, il n'avait pas su que faire, ni que dire, dans son état d'ébriété avancée. Son regard vitreux s'était transporté de Aizen, qui scrutait en fait Zaraki avec une lueur dangereuse au creux de ses pupilles. Comme s'il lui murmurait : "en te tuant, j'aurais un problème de moins". Zaraki avait eu la réaction qui convenait. Il avait écarté Renji, lui faisant signe de rentrer dans sa chambre afin qu'ils discutent. Renji n'aurait certainement pas dû, mais il s'était collé au mur afin de ne pas manquer une miette de leur conversation. Zaraki s'était approché d'Aizen qui, bien qu'il fût disproportionné, immense et extrêmement baraqué, ne paraissait nullement impressionné et ne remua pas d'un pouce, ne lui céda pas un centimètre de terrain. Zaraki ne s'était pas laissé démonter non plus. Il s'était un peu penché et avait dit ces mots qui avaient fait chavirer le coeur du jeune Renji.
- Recule. Le gamin est mien.
Aizen n'avait rien répliqué ; Kenpachi avait enchaîné sans lui accorder une seconde.
- Tu m'trompes pas moi, avec ton sourire préfabriqué et tes simagrées. T'as rien d'un gentleman, avait-il ricané. J'vois cette luxure dans tes yeux, derrière tes putains de lunettes, quand tu l'regardes... Crois-moi, t'es pas son style.
Les lèvres d'Aizen s'étaient insensiblement tordues dans une moue de dégoût et de mécontentement, juste un instant, si court que Zaraki avait cru rêver.
- Alors j'vais te le répéter une toute dernière fois, pour être sûr que le message est bien passé... Il est à moi.
Sosuke l'avait considéré d'un air bizarre, avait promené un regard sur lui, privé de crainte et animé d'une animosité aussi glaciale que son expression indifférente. Pendant une seconde, Zaraki avait sûrement vu son vrai visage, celui du psychopathe qui ne reculait devant rien pour arriver à ses fins, mais, cela, il n'en mesurerait l'étendue de la gravité que bien trop tard. Il fallait dire que lui-même n'était pas la personne la plus tendre, la plus saine qui fût. Sosuke s'en était allé et Zaraki avait émis un léger rire, subitement coupé par une porte s'ouvrant dans son dos. Même lui devait admettre qu'il avait manqué de mots quand l'adolescent qu'était encore Renji lui avait balancé avec une désinvolture très séduisante :
- Zaraki-taicho ? Vous me raccompagnez jusqu'à mon lit ?
Ils n'avaient pas couché ensemble cette nuit-là. Ils s'en étaient tenus à des préliminaires, Renji n'étant tout simplement pas rassuré du tout par les proportions tout aussi inhumaines de Zaraki au niveau de l'entrejambe. Le taicho avait cru craquer à maintes reprises, mais avait su prendre sur lui. Il l'avait courtisé pendant des semaines, ce qui n'était, il fallait l'avouer, pas du tout dans ses habitudes. D'ordinaire, quand quelqu'un d'aventure lui plaisait et qu'il avait une pulsion sexuelle, il prenait ce qu'il voulait, allait droit à l'essentiel sans se préoccuper de l'autre. Puis il avait dû patienter près d'un mois avant que Renji, tout aussi frustré que lui, ne décide finalement de franchir le pas et d'affronter sa peur. Kenpachi fit tout son possible pour ne pas le heurter, ce qui s'avéra impossible vu l'étroitesse de Renji et la largeur de son pénis. Il avait craint que Renji ne mette un terme à leur semblant de relation à ce stade, mais ce ne fut point le cas. Cette nuit-là avait été la première d'une très longue série. Ils répétèrent l'expérience et, au fur et à mesure, ce qui était une épreuve pour Renji se mua en moment agréable.
Dès qu'il avait été en mesure de le faire, Renji s'était évertué à demander sa mutation pour rejoindre la 11ème. La proximité d'Aizen le mettait désormais extrêmement mal à l'aise. Durant ses silences qui l'apaisaient autrefois, se mêlait, à présent qu'il connaissait son désir pour lui, une forme de rancune et de perversité. Renji avait lutté pour, mais il avait obtenu gain de cause. Il avait quitté la 5ème et Kenpachi l'avait accueilli à bras ouverts dans sa division. Cet événement avait marqué le début d'une période de bonheur, de parfaite plénitude, pour eux. Bonheur qui semblait toucher à sa fin aujourd'hui, maintenant que Renji voulait voler de ses propres ailes, désirait s'émanciper.
Renji déglutit à grand peine, pour réprimer les sanglots qui embuaient ses yeux, les plaintes qui montaient dans sa gorge. La réaction de Kenpachi à ce qui aurait dû être une excellente nouvelle remettait tout ce qu'ils avaient vécu en question.
- Lieutenant ! Tu ne réalises pas ?! s'écria-t-il, au bord des larmes. C'est une chance inespérée !
- Pour toi ! Pour toi seul ! riposta le guerrier, avec une rare violence. Et moi alors ? Et Yachiru ?
- Je t'interdis de la mêler à tout ça ! Tu l'utilises pour me faire culpabiliser !
- Tu crois quoi ? Qu'elle va comprendre pourquoi la personne qu'elle voit comme sa mère se barre ?
- Elle m'aura toujours... balbutia Renji, cherchant désespérément un moyen d'essuyer toutes ses critiques.
- Pas autant !
- Elle passe ses journées avec Yumichika et Ikkaku, alors...
Une volée de feuilles, de bibelots, fut sauvagement balayée d'un revers de main, alors que le colosse rugissait, le réduisant au silence :
- C'est pas pareil, merde !
Renji rattrapa une petite boîte en pâte à sel projetée vers lui. Un cadeau de Yachiru qu'il brandit sous le nez de Zaraki, avant de le reposer sur la commode. Kenpachi broncha légèrement en réalisant qu'il avait failli le casser. Yachiru était tout ce qui comptait à ses yeux.
- En tout cas, c'est pas elle qui est en train de me faire des reproches ! s'emporta à son tour Renji. C'est toi ! En fait, il n'y a que toi que ce changement va vraiment gêner ! T'auras moins de pipes sous le bureau ! Voilà !
T'es vraiment qu'un porc en fin de compte. Renji s'était fait une mission de combler le moindre de ses désirs, à toute heure du jour ou de la nuit. Il suffisait qu'il l'appelle. Parfois même, il le sifflait ou claquait des doigts et Renji comprenait, parce qu'il s'y était habitué. Il avait accepté tout cela, par amour pensait-il.
- Te fous pas de ma gueule ! répliqua sèchement Kenpachi, que ses allégations écoeuraient.
Comment Renji pouvait-il penser une seule seconde qu'il ne faisait que l'utiliser comme divertissement, comme une vulgaire putain ? Il reprit, tonnant toujours, en oubliant Yachiru qui sommeillait à l'étage :
- Tu sais que j'peux pas blairer Kuchiki, qu'il va te surcharger de boulot et qu'on aura plus une seconde pour être ensemble ! J'te jure que, si t'acceptes...
- J'ai déjà arrêté mon choix ! Je ne suis pas ta chose ! Je suis jeune et je veux faire quelque chose de ma vie ! Pas seulement être le trou que tu bourres nuit après nuit ! rugit-il sur le même ton, s'étonnant lui-même de sa hardiesse. J'suis pas une putain de femme au foyer, mais un combattant shinigami !
Kenpachi balaya sa remarque pourtant, juste d'un geste las et méprisant de la main. Son regard blessa tout autant Renji. Qu'est-ce que je fais avec cet homme ? Comment est-ce que ça a juste pu arriver ? Pendant une seconde, la question lui traversa réellement l'esprit.
- Garde tes ultimatums, lâcha-t-il d'une voix cassée, après un autre de ces silences assassins. Je pars.
Il lutta pour retenir les larmes. Kenpachi était tout pour lui ; il remplissait les rôles de ce père que Renji, en orphelin, n'avait jamais eu, mais aussi ceux d'amant et de meneur, en tant que chef de sa division actuelle. Alors, s'en aller, le quitter, le déchirait en deux. Il enfila rapidement son kimono et fila vers la porte, juste avant que Kenpachi ne l'intercepte. Le colosse le chopa rudement par le bras pour le renvoyer sur le matelas humide.
- Quoi ? s'égosilla le rouge, dont les yeux débordaient à présent de larmes. Tu vas me battre maintenant ?
Et ses yeux sombres, à la surface desquels se reflétaient les flammes des lampions, s'attachèrent à cette main suspendue au-dessus de lui, si menaçante. Zaraki renâcla nerveusement, comme s'il avait envie de lui cracher au visage. Mais la main retomba, avec regret. Ces remords de ne pas l'abattre visibles dans le regard noir que dardait le taicho sur ce qu'il considérait comme sa possession.
- Je ne t'appartiens pas !
Il avait supporté bien des comportements abusifs. Il lui avait permis de l'autoriser à faire telle chose, mais pas telle autre, l'avait laissé sans protester lui interdire de fréquenter certains autres hommes susceptibles, d'après lui, de lui plaire et de le détourner de lui. Renji se sentait coupable de la triste tournure qu'avaient pris les événements, bien qu'il n'en fût pas entièrement responsable. Après tout, ce n'était pas lui qui avait changé ; c'était Zaraki. Jusque-là, il avait absolument tout sacrifié pour cet homme. Il avait fait fi des remarques sournoises de ceux prétendant qu'il ne couchait avec le taicho que par intérêt, pour obtenir ses faveurs. Il leur avait tenu tête, tout seul, parce que, contrairement à ce qu'il supposait autrefois, Zaraki ne lui était plus jamais venu en aide. Les hommes devant lui n'osaient jamais rien dire et, quand Renji se plaignait de leur comportement, Zaraki faisait la sourde oreille, comme s'il éprouvait de la honte à s'afficher clairement avec lui, autrement dit avec un autre homme, aussi jeune et séduisant fût-il.
Envers et contre tout, Renji s'était accroché à lui et avait continué de l'aimer, en lui pardonnant ses défauts, sa lâcheté. Il se montrait compréhensif. Il concevait qu'un ancien bandit, sans foi, ni loi, élevé à la dure, avec une image de la virilité très caricaturale, puisse se montrer réticent à crier sur tous les toits qu'il avait un partenaire régulier qui se trouvait être un homme. Ils ne s'affichaient jamais, même si, désormais, la majorité de la 11ème était au courant. Zaraki ne faisait que très rarement preuve de tendresse, mais, cela aussi, Renji le lui pardonnait. Y compris le fait qu'il ne lui ait jamais dit "je t'aime", alors que lui multipliait les petites attentions et le couvrait de mots doux. Renji était comme ça, entier, passionné et extrêmement attentionné, quand il était amoureux. Il n'avait jamais eu de famille auparavant et, à présent qu'il en avait une, il craignait trop de la perdre pour réfréner ses accès de tendresse.
Il n'était pas parfait cependant ; il s'en rendait compte. Cependant, au moins, il n'empêchait pas son amant de mener sa vie comme il l'entendait. Il contempla ce type beaucoup plus âgé que lui, qui attendait de lui qu'il soit quelqu'un qu'il n'était pas.
- Tu vas juste droit dans le mur, trancha subitement Zaraki, d'une voix aussi cinglante qu'un couperet tombant sur la nuque frêle de Renji, la scindant net.
- Selon toi, je ne suis pas capable d'y arriver, n'est-ce pas ? rétorqua-t-il sur un ton des plus peinés.
Zaraki ne répondit pas, mais son silence portait davantage de sens que n'importe quelle réponse. Renji baissa les yeux, secouant la tête, peinant à y croire. Tout ce temps, gaspillé pour un homme qui, en réalité, me méprise parfaitement... Qui le prenait pour un jouet. Renji, non sans crainte, s'enhardit à se relever du lit et à contourner Zaraki pour marcher de nouveau vers la porte. Il ne s'arrêta pas, surtout pas quand il l'entendit lui hurler :
- Tout ce que t'es, tu m'le dois ! T'es rien sans moi ! Rien !
Peut-être avait-il raison. Renji avait bâti sur sa vie sur son amour pour lui jusqu'à aujourd'hui. Mais il partit sans se retourner. Il se rua dans ses appartements des plus modestes. Une épaisse couche de poussière recouvrait le mobilier sommaire qu'il n'avait changé ; il passait tout son temps libre chez Zaraki. Il balança un coup de poing furieux dans la porte qui se fendilla de part en part. Merde. Son regard tomba sur le lit impeccable, pour ainsi dire jamais défait, jamais utilisé. Et, brutalement, il réalisa, en l'espace ridicule d'une soirée, en une poignée de minutes, tout ce qui avait changé. Il caressa du bout des doigts le drap grisâtre, comme si, par là, il touchait la solitude elle-même.
Renji ne prit pas la peine de nettoyer quoi que ce soit. Il s'allongea en travers de la couche sale, mais ne s'endormit pas. Il resta éveillé, les yeux grand ouverts dans le noir, en espérant que Kenpachi vienne frapper à sa porte. Il frissonnait à l'idée de l'entendre s'excuser et de reconnaître qu'il avait mal agi. Rien de tout cela ne se produisit. Le lendemain matin, lorsqu'ils se croisèrent, quand Renji vint quérir ses affaires, ils n'échangèrent pas un mot. Zaraki lui demanda d'un regard s'il avait renoncé et Renji se contenta de prendre ses effets personnels laissés chez lui pour les transporter ailleurs, à sa nouvelle maison.
Lorsqu'il s'en fut allé, avec la dernière caisse, que Kenpachi eut refermé la porte derrière lui, le géant s'appuya contre. Il poussa un profond soupir. De petits pas pressés retentirent dans le couloir dans son dos. Pas besoin de se tourner pour deviner de qui il s'agissait.
- Ken-chan ? ça va ?
Il lui sourit doucement, avec une certaine douleur qui lui était étrangère jusque-là.
- Bien sûr... Bien sûr.
Elle dut déceler la nuance, mais elle ne la releva pas. Elle se frotta les yeux, dans son pyjama tout rose, avec ses cheveux en pétard.
- Pourquoi y a plus les affaires de Renji-kun ? Il déjeune pas avec nous ?
La question qui tue. Zaraki se passa la main sur la nuque en se retournant.
- Renji ne vivra plus avec nous, Yachi.
Elle papillonna des cils, les yeux légèrement écarquillés.
- Mais il... part pas loin, hein Ken-chan ?
Zaraki fit de son mieux pour conserver son sourire et répondit sans laisser filtrer la moindre tristesse :
- Non. Il sera à la 6ème, si tu veux le voir.
- Cool ! Je pourrai prendre des biscuits au passage !
Elle virevolta dans le salon et fila à la cuisine. Kenpachi ne put réprimer un sourire, sincère et pas forcé celui-là. Tant qu'elle serait avec lui, il n'y aurait rien qui puisse véritablement l'atteindre. Même ce qui coupait plus profondément qu'une lame.
J'avais cette fic en tête depuis Suffocation. Il était temps que je la débute. Pour les lecteurs de "La mémoire en lambeaux", le chapitre suivant est en cours.
Merci aux lecteurs !
Beast Out
