Prologue

Les flammes qui couvraient son corps quelques secondes auparavant avaient disparues et la douleur lancinante et fatale des brulures avait cessé. En appuyant sa main contre le sol pour tenter de se relever, il comprit que les cloaques provoqués par le feu du dragon s'étaient refermées et qu'il était soigné. Un homme grand, à l'air sévère, lui tendit la main afin de l'aider à se relever.

« Merci » bafouilla Quentyn. L'homme portait une tenue simple, celle d'un soldat, souillait par la boue et le sang. Au niveau de son cou puissant se dessinait une longue et fine cicatrice circulaire. Regardant autour de lui, l'adolescent vit se dérouler devant ses yeux un paysage alpin, plongée en-dessous d'un ciel grisaillant. De long piques enneigés semblaient éventrés cette chape grisâtre donnant à cette région un aspect irréaliste. A quelques mètres de lui avait poussé un tendre eldeweiss.

« Où suis-je ? »

« Je l'ignore… Tu devrais être mort, n'est ce pas ?

L'image horrible d'un dragon frappa sa vision et il hocha de la tête, encore sous le choc. Après trois jours d'agonie, il avait donc finit par mourir… Ce n'était pas plus mal, pensa t'il aussitôt.

« Vous aussi ? »

« Décapité » A l'évidence. Le jeune homme regarda plus en détail son interlocuteur et enfin, après quelques secondes de réflexion, il comprit :

« Vous êtes Eddard Stark, n'est ce pas ? » Le loup sinistre qui ornait sa bague ne laissait pas la place au choix.

L'homme se retourna surprit et pour la première fois depuis qu'il lui avait tendu la main, scruta le jeune homme avec attention.

« Les nouvelles vont vite… Du moins jusqu'à Dorne. Je suis Quentyn, de la maison Martell ».

Ned se renfrogna. Il n'avait jamais vraiment eu à considérer la maison Nyméros-Martell dans le jeu politique tant Winternfell et Sunspears étaient éloignées l'une de l'autre. Mais il savait d'instinct à qui revenait l'allégeance de Dorn, et à l'évidence cette fidélité différée de celle des Starks. Mais Ned n'était pas un politicien et il préférait jugé un homme sur qui il est plutôt que sur son nom de famille.

« Comment es-tu mort ? »

Quentyn ne put que bafouiller… « C'est… compliqué… » tenta t'il. Et de peur de n'en avoir pas assez dit, il rajouta « Je suis mort à Meerem, à Slaver Bay ».

« A la recherche de Daenerys Targaryen » acheva Ned.

Le jeune homme acquiesa, un peu piteux. Quentyn était un jeune homme de petite taille, trapu et au teint halé. Son regard était neutre et sage, sa stature droite sans être imposante, ses traits figés et serieux. Il était l'archétype parfait d'un jeune homme de famille noble, une fois que vous aviez retiré la prestance qui va avec. Et il le savait. Au milieu de cette prairie alpine, seul avec un homme qu'il ne connaissait que de nom, sa vie tournait au bord d'un précipice qui lui donnait le vertige. Il n'avait donc rien réussi, et avait apporté sur son nom le déshonneur de la folie et le ridicule de la témérité. L'image de Daenerys se dressait devant ses yeux comme symbol de son échec, mais très vite se dissipa pour laisser place à une fille un peu plus jeune. Sa peau était mate, sa chevelure d'un noir presque bleutée. Deux sapphires perlaient dans ses yeux si doux. Gwineth… Son souvenir lui faisait éprouver une douleur moins vive et honteuse, plus saine d'une certaine manière, mais tellement plus lancinante et mélancholique. L'adolescent qui rêvait de gloire et qui avait échoué avait cédé place à l'adolescent qui aurait pu vivre une vie simple, et heureuse. Quentyn refoula les larmes qui lui venaient en pensant à ce bonheur simple que sa vanité lui avait refusé. Il n'était qu'un fou, vraiment.

« Et maintenant on fait quoi ? On reste indéfiniment entre la vie et la mort ? »

« Non maintenant on marche. Et on espère ne pas être rattrapé. »

« Rattrapé par qui ? »

Sans lui répondre Ned prit la direction des arbres qui bordaient le nord de la petite clairière, forçant Quentyn à le suivre ou à demeurer seul.