Crossover : Artemis Fowl x Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire
Pairing : Artemis/Klaus
UA post livres
Attention, cette fic contient des spoilers des derniers tomes d'Artemis Fowl.
En quelques années, la famille Fowl avait recouvré sa réputation au sein de la haute société britannique. Compte tenu des événements féeriques qui avait bouleversé sa vie, Artemis n'avait pas assisté au changement opéré dans la politique familiale et avait été mis devant le fait établi. Il s'était retrouvé avec deux petits frères aussi adorables que détestables, un père plein de remords et décidé à l'écarter aussi longtemps que possible des affaires familiales sous prétexte qu'il était encore trop jeune et une mère désireuse de le voir mener une "vie normale" (autrement dit elle l'avait obligé à reprendre sa scolarité bien qu'il en n'avait aucunement besoin et contraint à porter des vêtements de "jeune de son âge" dans l'espoir que cela aiderait son fils aîné à s'intégrer).
Artemis ne pouvait nier qu'il était fort agréable d'être chouchouté par ses parents et de ne plus avoir le poids du monde sur ses épaules (ni la nécessité de le sauver tous les quatre matins). Après avoir manqué de devenir fou et de mourir (une belle manière qu'il était successivement devenu fou, puis était mort au cours de ces dernières années), le jeune homme estimait en effet avoir droit à un repos bien mérité. Après avoir catégoriquement refusé d'aller au lycée comme sa mère le souhaitait, il était entré en fac de droit. Un comble, pour l'ex plus jeune malfaiteur de son époque. A croire qu'il avait, lui aussi, décidé de rentrer dans le droit chemin. En vérité, s'il aspirait à devenir diplomate entre le monde des humains et le peuple des fées et envisageait pour l'heure de mener une vie respectable, il n'en restait pas moins Artemis Fowl II.
En attendant de voir ses bonnes résolutions s'effondrer et sa vraie nature refaire surface, le jeune homme à présent âgé de dix-huit ans soignait son image publique en conversant avec des partenaires financiers de son père, une coupe de champagne à la main. Si son père le tenait volontairement à l'écart des affaires (comme s'il avait réellement les moyens d'interdire à son fils quoi que ce soit, fils qui s'était pendant longtemps - rappelons-le - autoproclamé le plus jeune génie du mal), Artemis était toujours l'héritier Fowl et devait se comporter en tant que tel. Autrement dit, il se devait d'apparaître et de briller dans les soirées et galas où étaient conviés ses parents.
Ce soir-là, les Fowl avaient été invités à un gala de charité et une vente aux enchères dont les bénéfices devaient être reversés à une association venant en aide aux malades du SIDA dans les pays en voie de développement. Artemis restait extrêmement sceptique, doutant fortement de l'efficacité de ce type d'événements. S'il voulait réellement aider les malades du SIDA, il connaissait des moyens bien plus directs de le faire et n'avait pas besoin d'acheter des antiquités. Néanmoins, il eut été malvenu qu'il énonce à haute voix ses critiques, aussi les garda-t-il pour lui durant tout le temps de la vente. Il fit l'acquisition de plusieurs croquis de Degas pour sa collection personnelle, et s'accorda une petite folie en achetant un sabre absolument hors de prix pour l'anniversaire de Juliet.
Après la vente aux enchères, les invités se retrouvèrent dans une immense salle de réception richement décorée. Artemis ne manqua pas de juger sévèrement la surabondance de dorures, miroirs et argenterie qui manquait selon lui cruellement de classe et de bon goût. Un verre de champagne à la main, il se tenait à l'écart et ne souhaitait pas se mêler à ces personnes qui, malgré leur portefeuille bien rempli, demeuraient à ses yeux sans intérêt. Il se contentait d'observer ces hommes et ces femmes qui se laissaient aller à des jeux de courbettes, séduction et faux-semblants. A première vue, il était le plus jeune de toute l'assistance, et vraisemblablement le plus intelligent. Il ne voyait pas à qui il aurait pu faire la causette.
Il envisageait de se retirer sur le grand balcon pour sortir son smartphone en toute tranquillité et s'adonner à des activités plus excitantes lorsque sa mère l'invita d'un regard à la rejoindre. Elle était en compagnie de deux jeunes gens, deux frère et soeur à première vue, qui devaient être à peine plus âgés que lui. Finalement, il n'était pas le seul à avoir moins de trente ans dans ce gala, mais rien n'indiquait que ces deux-là soient intéressants. Sa mère avait la manie de le présenter à toute personne ayant approximativement son âge dans l'espoir qu'il se fasse des amis. Autant vous dire que ses efforts étaient jusqu'à présent restés vains.
Artemis rejoint sa mère, un demi-sourire feint sur le visage. Il la laissa passer son bras autour de ses épaules pour le serrer contre elle, comme s'il avait six ans, sans protester. Ce n'était pas le moment d'apparaître comme un ado rebelle en plein conflit avec sa mère.
— Arty, je voulais te présenter aux jeunes Baudelaire. Leurs parents étaient des partenaires importants des Fowl, et en particulier de ton père, lorsqu'ils étaient encore parmi nous.
Un tic agita le visage d'Artemis à l'entente de son surnom, mais encore une fois, il ne releva pas pour plutôt se concentrer sur les Baudelaire. Ce nom lui était familier, il s'était même renseigné sur eux à une époque. Les parents étaient morts dans un incendie et les liens entre les Fowl et les Baudelaire avaient été rompus. Les trois héritiers avaient été placé dans diverses familles, en attendant la majorité de l'aînée et visiblement, ce moment était arrivé.
— Je te présente Violet et Klaus. Ils sont tous les deux en charge des affaires Baudelaire maintenant, Klaus vient de fêter sa majorité, comme toi, expliqua la mère d'Artemis avec un grand sourire.
Violet était relativement grande pour une fille, elle dépassait Artemis d'une demi-tête. Elle portait ses cheveux bruns détachés et une robe dans les tons prune plutôt austère. Il s'apprêtait à faire un baise-main à la jeune fille, mais cette dernière le surprit en lui tendant la main d'un geste décidé. Il la serra en s'étonnant de sa poigne.
— Enchanté, je suis Artemis. J'espère que nous auront à nouveau l'occasion de travailler ensemble comme nos parents.
— Nous verrons, répondit-elle en haussant les sourcils.
Elle s'écarta pour laisser place à son frère qui n'avait pas quitté Artemis du regard depuis qu'il les avait rejoint. Artemis se demande pourquoi ce garçon le fixait avec tant d'insistance et se sentit presque mal à l'aise en lui serrant la main à son tour.
Klaus était plus petit que lui et semblait très frêle. Il portait des lunettes rondes qui lui donnait un air d'intellectuel et un costume noir très ajusté. La pâleur de sa peau laissait penser qu'il ne voyait pas souvent la lumière de soleil. Le regard d'Artemis s'attarda sur les nombreuses tâches de rousseur qui grêlaient ses joues, son cou et ses mains avant d'être à nouveau capté par les yeux verts du jeune homme. Un petit sourire énigmatique apparut sur les lèvres de Klaus et Artemis se sentit rougir.
— Ravi de te rencontrer, Arty, déclara Klaus d'un ton provocant.
Gêné, Artemis détourna les yeux et préféra faire mine de ne pas avoir entendu. Il vit néanmoins Violet donner un coup de coude à son frère, sans entendre le reproche qu'elle lui chuchotait.
A côté, la mère d'Artemis semblait absolument enchantée par la rencontre de la nouvelle génération Fowl et Baudelaire.
— Je vais vous laisser faire connaissance, les jeunes. Amusez-vous bien, gloussa-t-elle avant de se pencher vers Artemis. Tu as rougi, elle te plaît Violet ? murmura-t-elle à son oreille.
Artemis n'eut pas le temps de protester que sa mère était déjà partie retrouver sa place au bras de son père. Il n'avait pas rougi ! Et il n'était absolument pas intéressé par Violet ! Il laissa échapper un soupir de désespoir. Apparemment sa mère n'avait plus pour seul objectif de l'aider à se faire des amis, mais bel et bien de l'aider à se trouver une petite amie… Il n'était pas au bout de ses peines. En plus, il devait maintenant faire la conversation aux Baudelaire, alors que le frère avait une attitude très étrange et ne le quittait pas des yeux.
— Pardonnez ma mère, elle se mêle souvent de ce qui ne la regarde pas.
— Nous l'avons trouvé très gentille, au contraire. Elle est attentionnée, tu devrais en profiter, déclara Violet d'un ton sec.
Se plaindre de sa mère devant des orphelins n'était pas la meilleure initiative d'Artemis. Ne sachant comment relancer la conversation, il préféra y couper court. Il n'avait visiblement rien en commun avec les deux Baudelaire, de toute manière.
— Veuillez m'excuser, je vais prendre un peu l'air. Je commence à étouffer avec tout ce monde.
Ce n'était pas totalement faux. Après un bref hochement de tête poli, Artemis s'éclipsa dans le couloir du manoir. Il déposa sa coupe sur une commode et partit à la recherche d'un endroit tranquille, un salon ou une bibliothèque. Après avoir ouvert quelques portes successives, il tomba enfin sur un petit boudoir dont les murs étaient recouverts de bibliothèques pleines à craquer des livres. Il y trouva un ouvrage d'économie relativement récent qu'il n'avait jamais lu et décida de passer le reste de la soirée ici, sans personne pour le déranger.
C'était sans compter sur l'arrivée inattendue de Klaus Baudelaire. L'avait-il suivi ou cherchait-il lui aussi un endroit tranquille ? Artemis craignait qu'il ne s'agisse de la première possibilité, mais il n'en montra rien. Au contraire, il choisit d'ignorer royalement le jeune homme dont il sentait pourtant le regard posé sur lui. Ce n'était même pas qu'il souhaitait être impoli, mais il était mal à l'aise. Il se sentait rougir furieusement, bien malgré lui et se forçait à garder les yeux rivés sur son livre.
Il entendit Klaus fouiller dans les étagères, puis le sentit s'assoir à l'autre bout du canapé. Bientôt, on n'entendait plus que le son délicat des pages qu'on tourne. Pour être honnête, Artemis tournait les pages machinalement, pour se donner contenance, mais n'arrivait plus du tout à se concentrer sur ce qui pouvait bien être écrit. La présence de Klaus le perturbait, il avait envie de lever les yeux sur lui, mais craignait de croiser son regard. Il préférait faire semblant de lire en attendant que, peut-être, l'autre garçon prenne la parole. Mais Klaus n'avait pas l'air décidé à engager la conversation, bien au contraire. Pourtant, il tournait les pages de son livre si rapidement qu'Artemis était certain qu'il était impossible qu'il lise. Il prenait ses aises sur le canapé, allant jusqu'à retirer ses chaussures pour étendre ses jambes. Artemis ne dit rien en sentant le pied du garçon se poser contre sa cuisse. Etait-ce volontaire ? Non, il devait simplement tenter de s'installer confortablement.
Au bout d'un long moment, Artemis - qui ne faisait même plus l'effort de tourner les pages - se risqua à relever les yeux, espérant pouvoir observer l'autre garçon à la dérobée. Mais Klaus le fixait déjà et il n'eut pas d'autre choix que de croiser son regard. Artemis sentit ses joues chauffer.
— Je me demandais quand est-ce que tu te déciderais à m'accorder un regard. Suis-je si peu digne d'intérêt pour que tu ne daignes même pas lever les yeux sur moi ? ricana le jeune homme en fermant son livre.
Il ramena ses jambes pour s'assoir en tailleur, sans quitter Artemis du regard. Ce dernier ne sut quoi répondre et resta silencieux. Les yeux verts de Klaus semblaient pétiller de malice.
— Tu ne parles pas beaucoup.
Qu'est-ce qu'il voulait ? Artemis ne comprenait pas l'attitude du jeune homme à l'autre bout du sofa. Il le déconcertait. Cherchait-il à attirer son attention ? Dans quel but ? Quelle idée avait-il derrière la tête ? On aurait dit qu'il essayait de le provoquer, mais pourquoi ? Artemis fit la liste des raisons qui pouvaient expliquer cette étrange communication que tentait s'établir Klaus :
1. Il avait envie qu'ils deviennent amis
2. Il cherchait à obtenir des informations
3. Il souhaitait une collaboration entre les empires Fowl et Baudelaire
4. Il… lui manquait une case ?
Aucune de ces possibilités ne semblaient plausibles. Sauf peut-être la dernière. Peut-être Klaus avait-il des difficultés avec les relations sociales, un peu comme lui. A la différence qu'Artemis expliquait très bien cet aspect de sa personnalité par sa surdouance. Il n'était pas fait pour le contact humain.
— Tu lis quoi ? demanda Klaus en remontant ses lunettes.
Finalement, peut-être essayait-il de faire ami-ami ? Artemis releva un peu son livre pour que l'autre jeune homme puisse lire le titre et l'auteur sur la couverture.
— Un traité d'économie, répondit-il en restant volontairement évasif, pensant que de toute manière, Klaus ne comprendrait pas.
— Je l'ai déjà lu, celui-là, à l'époque où j'en étais aux étagères sur l'économie et la finance. C'était sympa comme lecture. Instructif.
— Tu en étais aux étagères ?
— Je fonctionne par section de la bibliothèque du manoir qu'on a, avec mes soeurs. J'ai lu les livres sur l'économie et la finance en septembre, par exemple. Ensuite, je suis passé à la philosophie, etc. Ce mois-ci, je m'occupe du rayon d'histoire de l'art, expliqua simplement Klaus en agitant son livre consacré à la peinture hollandaise.
Artemis haussa les sourcils. Il était bizarre, celui-là, avec ses lectures thématiques. En même temps, Artemis était impressionné, le livre qu'il tenait entre les mains était très loin de la littérature jeunesse. Klaus était vraisemblablement plus intelligent qu'il en avait l'air, aussi le dévisagea-t-il avec une grande attention. Il avait un regard étonnant, énigmatique et semblait très sûr de lui. Il n'était pas intimidé le moins du monde, contrairement à Artemis qui se sentit le rouge lui monter aux joues.
— Tu… tu lis beaucoup ? demanda-t-il pour rompre le silence gênant qui s'était installé brièvement.
— Enormément, c'est ma plus grande passion. Violet est l'inventrice de la famille et je suis le lecteur. On se complète plutôt bien, je lui apporte les compétences théoriques dont elle manque parfois. Ça lui laisse le champ libre pour développer de nouvelles inventions révolutionnaires.
Révolutionnaires, vraiment ? Artemis, qui avait - rappelons-le - inventé et programmé le cube C, un mini-ordinateur basé sur la technologie fée et sécurisé par un Code Eternité à l'âge de treize ans, restait sceptique. Néanmoins, par politesse, il préféra ne pas faire de remarques. Par politesse, mais surtout parce que Klaus avait commencé à bouger distraitement son pied contre sa cuisse.
Le jeune homme ignorait comment le faire remarquer à son interlocuteur, aussi tenta-t-il un sourire qui était supposé dire « tu es bien gentil, mais pourrais-tu retirer ton pied de là s'il te plaît ? ». Klaus lui répondit avec un sourire qui le fit rougir jusqu'aux oreilles, aussi Artemis préféra détourner les yeux et abandonner la partie.
Les deux garçons commencèrent à discuter économie, dans un langage que des oreilles extérieures aurait jugé incompréhensible. Artemis était plus à l'aise dès qu'il s'agissait d'aborder des sujets techniques et de sortir des discussions considérées comme « sociales » sur les activités extrascolaires et la météo. En quelques minutes, il arriva à la conclusion que Klaus Baudelaire était loin d'être un imbécile, bien au contraire. Il était surpris par sa vivacité d'esprit, ses connaissances et ne fut surpris qu'à moitié lorsque le jeune homme laissa sous-entendre qu'il possédait une mémoire photographique. Certes, il continuait à se rapprocher un peu trop de lui et en était arrivé à passer un bras autour de ses épaules, mais Artemis acceptait de passer au-dessus de ces excentricités en matière de sociabilité.
A un moment, Klaus cessa néanmoins d'alimenter la conversation. Gêné, Artemis resta immobile, observant la bibliothèque autour de lui. Il n'osait pas bouger et la main de l'autre garçon s'était discrètement posée sur sa cuisse. Cette fois, il allait devoir lui dire qu'il allait trop loin. Klaus était peut-être perspicace et digne d'intérêt, mais la situation actuelle était vraiment trop étrange pour qu'Artemis s'en accommode.
Sous l'effet du stress, il sentait les battements de son cœur accélérer et ses mains devenir moites. Il était presque certain d'être d'un beau rouge pivoine. Klaus releva ses lunettes sur son front et eut un petit rire, vraisemblablement pour se moquer, piquant la colère d'Artemis qui esquissa un mouvement pour se lever. Pas assez vite, puisque Klaus l'attrapa soudainement par le menton et rapprocha son visage sans prévenir pour… l'embrasser ?!
Cette fois, il fallut moins d'une seconde à Artemis pour analyser la situation et comprendre ce qu'il se passait. Ce type était en train d'essayer de l'embrasser et leurs lèvres étaient pour ainsi dire : entrées en contact. En un instant, Artemis parvint à recoller les morceaux et à enfin prendre pleine mesure du pétrin dans lequel il s'était fourré. Depuis le début, Klaus était en train de le draguer et opérait des rapprochements physiques pour le tester. Et lui… il était resté planté bêtement, sans le détromper !
Maudissant son manque de réactivité en matière de relations humaines, Artemis se reprit néanmoins et attrapa les épaules de Klaus pour le repousser avec fermeté. Il sentait ses joues le brûler tellement il avait honte de s'être fait embobiner et surtout, d'avoir laissé croire à l'autre jeune homme qu'il était intéressé. Avait-il l'air gay ? En tout cas, il ne se serait jamais douté que Klaus l'était. Ce dernier semblait un peu surpris par sa réaction et fronçait les sourcils en le regardant.
Plus embarrassé que jamais, Artemis se releva pour mettre de la distance entre lui et Klaus. Les mains en avant, il se tenait comme s'il avait peur que l'autre lui saute dessus. Il devait mettre les choses au clair, et se retirer. C'était la meilleure réaction à avoir. Pas la peine de se couvrir de ridicule en s'attardant davantage ou en cherchant des explications.
— Je… je ne suis pas… Désolé si je t'ai… laissé penser que… bafouilla Artemis.
Face à lui, toujours assis dans le canapé, Klaus poussa un profond soupir.
— Je vois. Je te présente mes excuses, j'ai dû mal interpréter.
Et pas qu'un peu. Artemis hocha la tête. Mais voyant que son interlocuteur se relevait et faisait un geste vers lui, il fit un pas en arrière en levant le bras pour se protéger. Klaus arrêta son mouvement, et Artemis réalisa qu'il n'avait fait que lui tendre la main. Cette fois, le jeune homme n'eut pas seulement l'air déçu, mais surtout blessé.
— Ça va, je vais pas t'agresser, railla-t-il en détournant les yeux.
— C'est pas ce que je… tenta de s'expliquer Artemis en s'emmêlant les pinceaux.
— Laisse tomber. Je crois qu'il vaut mieux que j'aille rejoindre ma sœur. Passe une bonne fin de soirée.
En entendant la porte claquer derrière Klaus, Artemis se sentit soudainement stupide. Non seulement il ne parvenait pas à analyser clairement ce qu'il venait de se passer, mais en plus il avait le sentiment d'avoir fait une grosse bêtise. Malheureusement, il ne comprenait pas pourquoi. Si Domovoi avait été là, ou même Juliet, il aurait pu lui expliquer. Il allait devoir lui demander conseil en rentrant.
De retour dans la salle de réception, Artemis eut quand même le réflexe de chercher Klaus dans la foule. Il avait repris sa place dans l'ombre de sa sœur et affichait une mine bien plus maussade qu'une heure auparavant. Artemis n'eut pas le temps de réfléchir et d'analyser davantage la situation car sa mère surgit de la foule pour attraper son bras. Encore une fois, elle voulait le présenter à des personnes bien placées. Artemis se glissa dans son rôle de fils héritier sans broncher, il aurait tout le temps de penser à autre chose une fois rentré chez lui.
*****
Allongé sur son lit, son portable posé sur te torse, Artemis fixait le plafond, perdu dans ses pensées. Régulièrement, il prenait son téléphone. Il parcourait ses contacts, s'arrêtait sur un nom, écrivait le brouillon d'un message, effaçait, réécrivait, effaçait une nouvelle fois, abandonnait, soupirait, puis relâchait son portable.
Il n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait bien écrire à Klaus.
Salut, c'est Artemis. Je t'ai stalké sur internet, je me suis renseigné sur ta vie depuis que tu es né, sur celle de tes parents aussi tant qu'à faire, j'ai infiltré ton ordinateur et au passage j'ai récupéré ton numéro. Et j'oubliais, je t'ai géolocalisé, je sais que tu es actuellement dans une bibliothèque à Londres et que tu as été acheter un laté chez Starbucks il y a une heure parce que je peux aussi voir ton relevé de carte bancaire. A part ça, je pense beaucoup à toi et j'ai envie de te revoir. A très vite. PS : Je t'ai vu sur la caméra de surveillance devant la bibliothèque, j'aime beaucoup ta nouvelle coupe de cheveux.
Non, il ne pouvait pas envoyer ça. A vrai dire, il était mortifié par ce qu'il avait fait. D'ordinaire, cela ne l'aurait pas dérangé, il avait l'habitude de se renseigner en détails sur les personnes qu'il côtoyait. Mais il ne voulait pas s'infiltrer ainsi dans la vie du jeune Baudelaire à la base. Il voulait seulement trouver son Facebook, son mail ou son numéro. N'importe quel moyen de contact ! Sauf que de fil en aiguille… il s'était un peu laissé emporter. Les mauvaises habitudes.
Le pire dans tout ça, c'était qu'Artemis ne savait pas ce qui lui arrivait, et encore moins ce qu'il voulait. En étant un peu honnête, il se doutait bien de ce qui se passait dans son cerveau, et plus généralement dans son corps, mais il préférait encore nier l'évidence et le fait que Domovoi se moque de lui n'était pas étranger à cette attitude. Lorsqu'il lui avait confié repenser constamment à sa rencontre avec Klaus, le garde du corps n'avait pas manqué d'éclater de rire et de lui faire remarquer que depuis cette fameuse réception, il passait son temps à évoquer la famille Baudelaire et à chanter les louanges du fils.
N'importe quoi, il ne chantait les louanges de personne… Certes, Klaus était intelligent et serait sans doute un partenaire de choix. Partenaire financier, cela s'entendait. A moins que… Artemis avait envie de s'arracher les cheveux.
Admettons. Il avait envie de revoir Klaus, de lui parler, d'avoir des conversations qu'il imaginait déjà passionnantes (sa fouille méticuleuse dans la vie des Baudelaire lui avait permis de constater à quel point le jeune homme pouvait être intéressant et doué). Il voulait bien admettre ça. Ensuite ? Il repensait sans arrêt à l'attitude de Klaus, à son bras autour de ses épaules, sa main sur sa cuisse et… idéalisait complètement sur un baiser qui avait duré en temps et pour tout un quart de seconde. Il n'aurait pas dû s'en formaliser, ce n'était RIEN. Juste une pression nulle de deux bouches l'une contre l'autre. Pourtant il y repensait.
Il se souvenait avec exactitude de la couleur de ses yeux verts. Non, c'était faux. Il avait seulement regardé des dizaines de photos en cachette. Klaus avait aussi de nombreuses tâches de rousseur, sur le nez, les joues et les épaules. Il le savait parce qu'il avait trouvé une photo de lui sur la plage en Italie avec ses sœurs.
…
Il était pathétique, n'est-ce pas ? Obsédé par un mec qu'il n'avait vu qu'une seule fois, qui certes, lui avait fait des avances, mais qu'il avait repoussé et qu'il avait blessé ou au moins vexé sur la fin. Il était totalement improbable que Klaus accepte de le revoir.
Pour faire quoi, d'ailleurs ? Aller boire un verre, comme des gens normaux ? Discuter ? Et après ? Artemis n'était pas certain de ce qu'il voulait. Peut-être était-ce seulement une obsession passagère après tout ? Avait-il vraiment envie de… plus ? Par exemple, de l'embrasser encore ? Voire de coucher avec lui ? Certes, il s'était un peu masturbé en pensant à lui, mais est-ce que cela signifiait vraiment quelque chose ?
Désespéré, Artemis poussa un profond soupir. Il s'en voulait mortellement d'avoir repoussé Klaus lorsqu'il l'avait rencontré, mais il avait été pris au dépourvu ! Il n'avait pas eu le temps de réfléchir, de se rendre compte que oui, le jeune Baudelaire lui plaisait beaucoup. Il avait vraiment très très envie de revoir Klaus. Et oui, il voulait l'embrasser pour de vrai, pour tester. Pas juste un petit bisou sur les lèvres, un vrai baiser avec des langues et des dents. Oui, il avait envie de lui enlever sa chemise pour mordre ses épaules grêlées de tâches de rousseur. Etdelesucerpourvoircommentçafaisait, voilà, c'était dit ! Et de se faire sucer, aussi.
Il se demandait si ça serait bon. Meilleur que tout seul, sans doute. Vu comment il était sûr de lui, Klaus devait avoir un peu d'expérience. Contrairement à Artemis. D'ailleurs, dans l'éventuelle éventualité où il le reverrait et où l'opportunité de coucher se présenterait, Artemis se demandait comment il pourrait trouver le courage d'avouer être vierge.
Peut-être que Klaus trouverait ça mignon ? Il serait alors très tendre et prendrait le temps de l'embrasser longuement pour le mettre en confiance. Soudainement détendu, Artemis ferma les yeux et commença à caresser son ventre en relevant sa chemise. Il imaginait Klaus la déboutonner lentement, un sourire aux lèvres. Puis, il retirerait ses lunettes et embrasserait son torse au fur et à mesure, ses lèvres seraient chaudes. Se laissant aller à son fantasme, Artemis ouvrit son pantalon et glissa sa main dans son boxer. Il commença à se masturber en imaginant Klaus au dessus de lui. S'ils couchaient un jour ensemble, il pourrait s'agripper à ses épaules, elles lui avaient parues carrées et fortes sur les photos.
Le jeune homme accéléra le rythme en visualisant le corps dénudé de Klaus, ses tâches de rousseur, ses yeux verts. Klaus le sucerait et lui mettrait un doigt. Oui, Artemis voulait qu'il lui écarte les cuisses et qu'il s'enfonce en lui. Il laissa échapper un gémissement et se mit naturellement à bouger les hanches.
Soudain, son téléphone oublié se mit à vibrer sur son torse. Ayant l'impression d'être pris en flagrant délit, Artemis cessa immédiatement son activité. Rongé par la honte, il consulta son téléphone. C'était Domovoi.
Alors, tu as envoyé un message à ton Baudelaire ?
Comment pouvait-il… ? Pendant quelques secondes, Artemis sentit la panique l'envahir. Est-ce qu'il y avait la caméra de sa chambre était active ? Non, bien sûr que non, c'était lui qui s'occupait du système de sécurité, c'était impossible. C'était forcément un hasard. Une faute de timing. Son ami garde du corps ne pouvait pas savoir.
Non, je ne sais pas quoi lui dire.
Artemis avait quelques difficultés à se remettre. Il se sentait coupable, comme à chaque fois qu'il se masturbait, et encore plus parce qu'il avait pensé à Klaus. Heureusement, Domovoi lui offrait l'occasion de penser à autre chose. A contacter Klaus, par exemple.
Je m'étais promis de te laisser te débrouiller tout seul, mais tu me fais de la peine à rester enfermé dans ta chambre (encore plus que d'habitude). Envoie-lui ça :
« Salut, c'est Artemis.
On s'est rencontrés à la dernière vente de charité. Je suis désolé de la façon dont on s'est quittés, tu m'as pris par surprise, j'espère que tu ne m'en tiendras pas rigueur.
Je serai de passage à Oxford la semaine prochaine, on va prendre un verre ?
Passe une bonne journée »
Artemis mit un bon quart d'heure à peser le pour et le contre. D'un certain côté, il n'aimait pas l'idée de parler du fait qu'il l'avait repoussé, mais de l'autre, en parler immédiatement permettait d'évacuer le sujet. Peut-être le message était-il trop formel ? En même temps, il n'allait pas écrire « wesh gros, ça roule ? ». Domovoi connaissait bien, il devait lui faire confiance.
Bien évidemment, le jeune homme regretta son geste immédiatement après avoir appuyé sur « envoyer », mais c'était trop tard pour faire machine arrière. Résultat, il passa dix minutes à fixer l'écran de son téléphone, jusqu'à obtenir une réponse.
Salut Arty !
Vendu, allons boire un coup ensemble. Mardi soir, ça te va ? Je connais un club qui je pense, te plaira, je t'enverrai l'adresse.
PS : J'espère que la prochaine fois que je te prendrai, ça ne sera pas par surprise…
Artemis eut comme une bouffée de chaleur. Il relut le SMS plusieurs fois, pour s'assurer qu'il n'avait pas rêvé. Klaus était réellement en train de sous-entendre qu'il espérait coucher avec lui ? Pour de vrai ? Alors qu'il tentait de retrouver ses esprits, un second message arriva :
Je plaisante, n'aies pas peur ;)
Désillusion. Etait-ce réellement une blague ? Ou avait-il envoyé ça pour le rassurer au cas où ? Artemis ne savait pas quoi répondre. Il n'était vraiment pas doué à ce petit jeu là. Il avait envie d'être un peu provocant lui aussi, pour lui rendre la pareille et lui faire comprendre que oui, il était finalement intéressé. Finalement, il opta pour un :
Ça me convient tout à fait. Je te fais confiance pour le lieu.
PS : C'est vrai qu'en général, on y va plutôt avec du lubrifiant qu'avec de la surprise
… avant de réaliser que cette réponse était totalement nulle, beaucoup trop frontale et qu'il allait certainement le regretter. Et si Klaus pensait qu'il était intéressé ? Certes, c'était le cas, mais si finalement en le voyant, il n'avait plus envie ? Et si… ? Un nouveau message.
Ou une bonne dose de salive.
Artemis dut se masturber deux fois de suite pour se calmer.
