Chapitre 1 : Pale de Within Temptation
Elle riait aux plaisanteries de Willoughby, son rire s'envolait en petite note de musique. Il ne pouvait détacher son regard d'elle. Depuis qu'il l'avait entendue chanter, il l'aimait, mais elle ne l'aimait pas. C'est avec un pincement au cœur qu'il les vit s'éloigner du groupe. Il regarda Mrs Jennings en grande conversation avec Mrs Dashwood pendant que Miss Margaret et Sir Middleton parlait d'excursion. Seule Miss Dashwood semblait à mille lieux de cela, le front bas, elle semblait plonger dans ses pensées, le livre ouvert sur ses genoux n'avait pas bougé d'une seule page. Elle aussi se leva et s'éloigna en tenant fermement une lettre contre elle. Jetant un rapide coup d'œil à la petite société, pour s'apercevoir que chacun était plongé dans ses activités, il la suivit.
Il la chercha. Elle s'était assise sur une souche et fixait droit devant elle.
_ Miss Dashwood.
Elinor se retourna et le fixa un moment, avant de lui faire signe qu'il pouvait s'asseoir.
_ Je… J'ai cru voir que vous n'étiez pas bien ce jour.
_ Oh… Elle rougit. Ce n'est rien Colonel. Rassurez-vous.
_ En êtes-vous sûre ?
_ Certaine, une mauvaise nouvelle, rien de plus.
_ Dans ce cas. Puis-je vous entretenir de Miss Marianne ?
Son sujet favori.
_ Je suis désolée des plaisanteries dont vous faites l'objet de leur part. fit doucement Elinor. Croyez le bien.
Puis doucement elle se leva mais au lieu de regagner le manoir des Middleton, elle rentra chez elle.
_ Prévenez ma mère. Dites-lui que je ne me sens pas bien, sans doute la chaleur. Présentez mes excuses à Sir Middleton et à Mrs Jennings.
_ Etes-vous certaine de ne pas vouloir que je vous raccompagne ?
_ Merci Colonel, mais la solitude apaisera ce…. Cette… enfin, merci.
Christopher la regarda partir, elle semblait si forte en même temps si vulnérable. Il savait par Margaret qu'elle éprouvait de tendre sentiment pour un jeune homme qui apparemment ne lui avait pas donné signe de vie depuis qu'elle était arrivée dans le Devonshire. Quand il rejoignit la joyeuse compagnie, il vit que Willoughby et Marianne étaient de retour et chantaient sur le piano. Encore une fois, sa voix le surprit, pénétra au plus profond de lui-même, réveillant des souvenirs douloureux comme à chaque fois. Il ne pouvait pas s'en empêcher.
_ Brandon, venez donc ici, l'appela Sir Middleton, Miss Margaret souhaiterait des détails sur l'Inde avant d'y aller.
Docile, Christopher obtempéra et quelques minutes plus tard, ses souvenirs le quittaient.
***
Elinor lisait ou plutôt, elle tentait de lire. Ses pensées avaient depuis longtemps désertées le livre. Que racontait-il ? Elle ne le savait pas et pourtant, elle l'avait lu des dizaines de fois. Elle sortit, sa mère et ses sœurs allaient rentrer, elles ne voulaient pas les voir maintenant, elle avait besoin de solitude. Edward… Oh, pourquoi ? Depuis tout ce temps sans un mot et là... Oh Edward… Elle marchait sans faire attention à ce qui se passait au paysage qui défilait. Plongée au fond d'elle-même, au fond de sa tristesse.
The world seems not the same
Le
monde ne semble pas le même
Though
I know nothing has changed
Même
si je sais que rien n'a changé
It's
all my state of mind
Tout est dû à mon
état d'esprit
I can't leave it all behind
Je
ne peux pas tout oublier
Have
to stand up to be stronger
Je dois me lever pour être plus forte
Comment pouvait-elle faire pour être si forte ? Elle n'y arrivait. Le mouchoir brodé ne quittait pas sa poche. La nuit, il était dans ses rêves. Elle aurait tellement voulu extérioriser ses sentiments mais pourquoi faire ? Elle devait être forte pour sa mère et ses sœurs. Elle devait être là, présente pour gérer le budget de la famille. Elle s'assit à sur un tronc allongé, la tête penchée en avant, les larmes qu'elle retenait depuis trop longtemps coulèrent, les sanglots déchiraient sa poitrine.
***
Il la regarda pleurer, ses frêles épaules secouaient de sanglots déchirants. Il ne put qu'admirer la force avec laquelle elle montrait au monde que tout allait bien. Ses mensonges convaincants. Ses yeux, son visage si impassibles. En un sens, ils se ressemblaient, plus qu'il ne ressemblait à Marianne… Marianne qui en aime un autre tout comme elle en aime un autre. Il s'approcha et doucement lui tendit son mouchoir. Elle l'accepta avant de se redresser d'un bond.
_ Colonel. Pardonnez-moi… Je…
_ Votre mère doit s'inquiéter.
Pour toutes réponses, Elinor haussa les épaules. Les larmes ne coulaient plus mais ses yeux étaient deux puits de tristesse. Elle avait retrouvé sa maîtrise d'elle-même cette façade qu'elle affichait au monde.
_ Je ne suis pas dupe, ce n'est qu'une façade destinée aux autres. Mais, avec moi, vous n'avez pas à mentir.
Un bref instant, il croisa son regard.
_ Je suis comme vous, poursuivit-il. J'aime une femme qui en aime un autre. Comme vous, je souffre de cette situation. Comme vous je montre aux autres une façade destinée à éviter les questions, les remarques… Mais qui en crée d'autres, j'en ai conscience.
Elinor resta silencieux. Etrangement, ce que Brandon venait de lui dire l'apaisait, ou du moins, il apaisait le sentiment de culpabilité qui allait croissant.
_ Alors, fit-elle d'une toute petite voix, comme moi vous devez vous sentir coupable de leur mentir, de voir combien ils semblent si heureux, si indifférents à la peine qui nous ronge ?
Il hocha la tête.
_ Plus on essaie de se battre de se libérer de cette… inclination et moins on y arrive… Je ne veux pas penser à elle, à son bonheur qui fait mon malheur en quelque sorte et plus je pense à elle.
Elinor hocha la tête
I have to try
Je
dois essayer
To
break free
De
me libérer
From
the thoughts in my mind
Des
pensées dans mon esprit
I
use the time that I have
J'utilise le temps
que j'ai
I can't say goodbye
Je ne peux pas dire
au revoir
Have to make it right
Je dois bien le
faire
Have to fight
Je
dois me battre
Cause
I know in the end it's worthwhile
Parce que je sais
qu'à la fin il vaut la peine
That the pain that
I feel slowly fades away
Que la douleur que je
ressens s'efface doucement
It will be all right
Ce sera bien
Ils restèrent un moment en silence la main d'Elinor dans celle de Brandon. Chacun muré dans sa peine, dans son silence, dans sa souffrance. Semblables et pourtant si dissemblables. La peine, la même. Elinor regarda le soleil descendre à l'horizon. Demain, elle se lèverait quand les autres dormiraient, elle irait marcher un peu, tenter d'effacer les rêves de la nuit. Refaire son masque de gaieté et de bonne humeur pour tous. Une journée de plus à mentir. Une autre.
_ Miss Dashwood, commença Brandon de sa belle voix, si vous éprouvez le besoin de parler ou même de pleurer, je…
_ Merci, Colonel, je vais devoir rentrer.
_ Je vous raccompagne.
Ils marchèrent en silence. Le silence, un ami, songea Christopher. Un ami avec le temps. Faut-il continuer à vivre alors qu'elle en aime un autre. Prendra-t-elle conscience qu'elle a ma vie entre ses mains ? Que c'est à elle de décider ?
I know
Je
sais
I
should realise
Que je devrais
réaliser
Time is precious
Que le temps est
précieux
It is worthwhile
Il en vaut la
peine
Despite how I feel inside
Malgré
mes sentiments intérieurs
Have
to trust it will be alright
Je
dois croire que ça ira bien
Have
to stand up to be stronger
Je dois me lever pour
être plus fort
Ils arrivèrent bientôt en vue du cottage des Dashwood et devant, le cabriolet de Willoughby, comme une tache à un paysage si familier.
_ Je dois partir. Fit brusquement Brandon.
Elinor décela dans son regard la tristesse et aussi de la colère. Elle hocha la tête et prit la main du Colonel.
_ Demain, Willoughby ne sera pas là, venez donc, nous pourrons parler, ma mère en serait heureuse.
Une lueur d'espoir se dessina dans son regard avant qu'il ne la repousse.
_ Je suis infiniment désolé, mais, je ne peux accepter…
Ils échangèrent un long regard et Elinor hocha la tête. Ils se quittèrent. Elinor se recomposa un visage impassible.
***
_ Elinor ! s'exclama sa mère. Où diable étais-tu, j'allais envoyer Mr. Willoughby à ta recherche. Le Colonel Brandon m'a fait part de ton indisposition, il a également affirmé que tu avais fermement refusé qu'il te raccompagne.
_ Ce n'est rien mère, ne vous inquiétez pas. La chaleur sans doute, je me suis reposée et je suis sortie un instant pour prendre l'air. Mais je vais mieux.
Mentir encore une fois. Une fois de plus, une fois de trop.
_ Alors, comment va notre cher Brandon ? demanda Willoughby depuis le salon où il se trouvait avec Marianne.
_ Aussi bien qu'on peut l'être. Elle monta dans sa chambre et reprit son carnet à dessin.
_ Elinor, tu es sûre que tout va bien ?
Elle releva la tête. Margaret était sur le pas de la porte. Un pli soucieux lui barrant le front.
_ Edward viendra. Affirma la jeune fille. J'en suis certaine. Il nous l'a promis.
Elinor ne répondit pas et lui sourit avant de se replonger dans son croquis. Elle se rappelait les merveilleux moments passés à Norland avant leur départ. Ces moments magiques où elle avait espéré qu'il vienne. Il leur avait promis de venir et cela faisait bientôt un an qu'elles étaient installées à Barton Cottage et il n'était toujours pas venu. Il avait envoyé une semaine plus tôt l'atlas qu'il avait promis d'apporter à Margaret, la jeune fille quoique désappointée que le livre arrivât seul maintint sa position : Edward allait venir les voir. Une lettre arrivée le matin même s'était chargée de démentir la petite, Elinor à qui elle était adressée n'en avait pas divulguée le contenu où chaque mot était comme une lame. Les larmes lui virent mais elle les retint. Quand sa mère vint la chercher pour le dîner, elle prétexta une migraine et resta couchée. Elle voulait effacer les mots gravés en elle mais n'y parvenait pas. Une voix, Sa voix lui disait qu'elle n'y arriverait pas seule…
I have to try
Je
dois essayer
To
break free
De
me libérer
From
the thoughts in my mind
Des
pensées dans mon esprit
I
use the time that I have
J'utilise le temps
que j'ai
I can't say goodbye
Je ne peux pas dire
au revoir
Have to make it right
Je dois bien le
faire
Have to fight
Je
dois me battre
Cause
I know in the end it's worthwhile
Parce que je sais
qu'à la fin il vaut la peine
That the pain that
I feel slowly fades away
Que la douleur que je
ressens s'efface doucement
It will be all right
Ce sera bien
***
Il se retourna dans son lit sans trouver le sommeil. Il le cherchait en vain. Il revoyait le visage heureux de Marianne, il entendait sa voix d'ange. Le visage d'Elinor lui apparut soudain, triste, sombre et impassible. Il devait être le seul qu'il l'ai vue pleurer. Il se put s'empêcher de comparer les deux sœurs. Elinor, si forte et si vulnérable, altruiste, sérieuse. Et Marianne si spontanée, joyeuse, passionnée. Des deux sœurs, Elinor lui ressemblait le plus. Il repensa à Mrs. Dashwood qui aveuglée par le bonheur de Marianne négligeait Elinor. Elinor que tous pensait forte, docile, intelligente. Il repensa à Mariane. Il l'aimait mais elle ne l'aimait. Il soupira et se leva. La chandelle qu'il alluma projeta un ombre immense sur le mur. Il mit sa robe de chambre et descendit. Il s'assit dans son bureau et se plongea dans un livre, l'esprit ailleurs. Dès que le soleil serait levé, il prendrait son cheval et sortirait.
This night is too long
Cette
nuit est trop longue
Have
no strength to go on
Je n'ai pas la force
de continuer
No more pain, I'm floating away
Plus de douleur, je
plane au loin
Through the mist I see the face
A travers la brume je
vois le visage
Of an angel who calls my name
D'un ange qui appelle
mon nom
I remember you're the reason
Je me souviens que tu
es la raison
I have to stay
Pour laquelle je dois rester
***
Elinor se leva. Silencieusement, elle descendit, même les domestiques dormaient encore. Le soleil se levait à peine. Elle sortit dans le froid de l'aube et marcha droit devant elle. La nuit lui avait paru si longue. Edward était venu, comme à son habitude. Elle marcha et arriva bientôt à l'endroit où d'ordinaire elle venait pour s'échapper de la joie de la maison. Quand sa souffrance était trop forte, qu'elle menaçait d'exploser, d'éclater au grand jour. Mais cette fois, la place était occupée. Elle le regarda un instant, il semblait, si triste, si démuni. Ses cheveux châtains clairs ébouriffés par le vent le rendaient plus jeune. Il était si mélancolique. Elle s'avança et posa une main sur son épaule. Il sursauta et tourna vers elle un regard étonné.
_ Je ne m'attendais pas à vous rencontrer ici. Lui dit-il doucement en se décalant pour lui faire de la place.
_ Votre surprise n'a d'égal que la mienne. Sourit-elle. Je viens ici pour…
_ Trouver le courage d'affronter le regard des autres, refaire le masque d'impassibilité et tenter d'oublier les rêves de la nuit.
Elinor hocha la tête. De nouveau le silence s'installa.
_ Miss Dashwood, pourquoi cachez-vous votre peine ?
Elinor se leva, marcha un peu avant de revenir s'asseoir à ses côtés :
_ Je dois être forte pour ma mère, elle a de la peine d'être partie de Norland, et, je dois m'occuper des affaires de la maison. Elle ne peut pas le faire. Je l'ai toujours fait alors… Et, je ne veux pas ternir la joie de Marianne. Elle est si heureuse… Oh pardon…
_ Vous aimez, vous souffrez à cause de cet amour, fit doucement Brandon, c'est un sentiment que je connais. Mais, pourquoi ne pas le trouver, vous savez où il se trouve.
_ Je l'aurais déjà fait si… murmura Elinor tristement. Et puis, j'ai reçu cette lettre hier… J'aurais préféré continuer à espérer plutôt que çà. Ce vide, cette sensation de néant. L'impression que quoique je fasse, rien ne pourra réparer ce qu'il a brisé.
_ Et que la vie qui vous entoure, la vue des gens heureux vous insupportent,
De nouveau, elle hocha la tête, il la comprenait comme elle le comprenait. Christopher la regarda de nouveau, elle était si vulnérable, si triste aussi. Impulsivement, il lui prit la main et la garda. Elinor ne réagit pas. Plongée dans ses pensées.
_ Il faut que j'y aille, fit doucement Elinor, le tirant de ces pensées.
_ Moi aussi… Serez-vous des nôtres ? Sir John organise une partie de pêche sur son domaine.
_ Je pense, j'aimerais y échapper, juste pour éviter à Mrs. Jennings de vouloir à tous prix savoir pourquoi il n'est pas encore venu.
Brandon soupira et acquiesça. Ils se séparèrent. De retour au cottage, elle s'activa à préparer le petit déjeuner.
***
Assis à côté de son ami, il ne quittait pas Marianne des yeux. Qu'elle était belle avec ses cheveux roux retenus en chignon. Elle semblait s'ennuyer à faire des paniers avec Margaret. Elinor semblait en grande conversation avec Mrs. Jennings. Un bref, il croisa son regard et lui sourit. Ils se comprenaient, ils se rapprochaient, il en avait conscience. Sir John aussi apparemment puisqu'il lui dit :
_ Miss Dashwood et vous semblez vous êtes rapprochés. Je pensais que votre inclination vous pousser vers Miss Marianne.
_ Parfois, fit Christopher, il vaut mieux se taire. Miss Dashwood et moi nous sommes toujours très bien entendu.
_ Certes, mais reconnaissez que vous êtes plus proches qu'avant… Et depuis cette conversation que vous avez eu hier, elle est partie bouleversée.
_ Sir John, malgré notre amitié, je crois que cela ne vous concerne pas.
_ Je suis tout à fait d'accord avec vous Brandon, mais, je ne souhaite que votre bonheur et si vous l'avez trouvé avec Miss Dashwood alors il ne me reste qu'à vous souhaiter le plus de bonheur possible.
Christopher ne répondit pas et se concentra sur ses lignes. Ses pensées fixées sur ce que lui avait dit son ami. Si effectivement ? Non, elle aimait cet homme. Et puis, elle savait qu'il aimait sa sœur… non. Il ne pouvait pas…
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De
me libérer
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the thoughts in my mind
Des pensées dans mon
esprit
***
_ Le Colonel vous dévore des yeux…fit Mrs. Jennings à Elinor, dire que je le croyais épris de votre sœur.
_ Il l'est. Affirma Elinor.
_ Alors pourquoi diable est-ce à vous qu'il sourit ? Et votre entretien d'hier ?
_ Mrs. Jennings commença Elinor, le Colonel venait juste voir si j'allais bien.
_ C'est vrai qu'hier vous n'étiez pas dans votre assiette.
Elinor ne répondit pas. Elle se replongea dans son livre, jusqu'à ce qu'une ombre arrive par derrière et le lui prenne.
_ Margaret ! s'exclama-t-elle en se retournant. La jeune fille lui rendit son livre et partit trouver Marianne.
_ Il arrive ! Mr. Willoughby il arrive, je l'ai vu du somment de cet arbre. Marianne, il arrive.
Elinor poussa un discret soupir. La journée allait être gâchée. Certes, c'était un jeune sympathique mais sa façon de se moquer du Colonel Brandon lui était horripilante et puis, encore une fois Marianne ne ferait que des choses irréfléchies. Elle désira soudain rentrer chez elle, se blottir dans son lit et laisser son chagrin éclater. Mais elle ne le pouvait pas. Il lui fallait encore mentir, faire semblant, duper pour ne pas que l'on voie la souffrance qu'il y a en elle. A quel point elle est brisée. Elle doit être forte. A quel point elle doit se battre pour
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Je ne peux pas dire
au revoir
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faire
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Je dois me battre
***
Willoughby salua tout le monde et partit retrouver Marianne. Christopher n'avait qu'une envie lui mettre son poing dans la figure. Mais en bon gentleman, il sentit qu'il était de trop et partit. En chemin, il croisa le regard inquiet d'Elinor, sa souffrance aussi, sa jalousie, son amour pour un autre homme. Comment pouvait-il voir toute ses choses en elle. Elle qu'il ne connaissait que depuis un an alors que sa mère, ses sœurs ne voyaient rien ? Sans doute parce son regard est l'exact reflet du sien. Il ne partit pas tout de suite, il s'assit sur les marches du manoir et attendit, il savait qu'Elinor viendrait. Il ne se trompa pas.
_ Pourquoi partez-vous ? lui demanda-t-elle en s'asseyant.
_ Je suis en trop. Murmura-t-il. Elle est heureuse avec lui, je devrais m'y faire… et partir, rester à Delaford…
_ Colonel…
_ Vous pourrez toujours venir me voir si cela vous dit. Je serais au même endroit que d'habitude…
Elinor lui tendit une lettre. Celle-là même qui l'avait fait pleurer hier et disparut avant qu'il aie put dire un mot.
Christopher partit et alla à l'endroit de leur rencontre. Il sortit la lettre.
« Plymouth, le…
« Ma chère Elinor,
« C'est avec tristesse que je vous écris. Hélas, j'ai dû aller à Plymouth chez mon précepteur, ma mère m'y a envoyé après que Fanny lui ai parlé de mon inclination pour vous. J'aurais tant aimé accompagné l'Atlas comme je l'avais promis à Miss Margaret. Votre pensée m'accompagne, c'est si agréable de savoir que je peux trouver dans ce cottage l'affection d'une famille ce qui m'a cruellement fait défaut par le passé. Je me dois de rompre quelques uns de vos espoirs avant qu'ils ne prennent davantage de pouvoir et d'ampleur. Je vais me marier avec une jeune femme, la nièce de mon précepteur, Lucy Steele. Voilà fort longtemps que je m'étais engagé avec elle. En homme d'honneur, je ne peux pas rompre cet engagement aussi dur que cela soir pour nous. Je vous demande d'excuser mon comportement ambigu vis-à-vis de vous. Je pense que pendant quelques temps, je resterai loin de vous, de votre famille.
« Mes plus sincères sentiments,
« Votre frère Edward. »
Christopher ne put s'empêcher de le haïr. Margaret lui avait dit tant de bien de lui, mais pourtant. Il resta là plongé dans le silence.
***
Elinor rentra aussitôt la partie de pêche terminée, elle enleva son chapeau et partit sous le regard inquiet de sa mère. Cette journée avait été un enfer. Il avait d'abord fallu affronter les regards amusés et curieux de Sir John et de Mrs. Jennings puis les moqueries scabreuses de Willoughby. Non décidément cette journée n'était pas une bonne journée. Et cette boule qui l'empêchait de se concentrer. Ce nœud à l'estomac. Elle voulait la solitude. Mentir, faire sembler cela devenait trop lourd…
_ Elinor, où vas-tu ?
_ Je sors. Répondit sa fille évasivement.
_ Il se fait tard, tu ne devrais pas. Qu'as-tu ?
_ Rien Maman, j'ai envie de prendre l'air, ne prenez pas la peine de m'attendre pour le dîner, je n'ai pas faim.
_ Elinor, que t'arrive-t-il ?
_ Rien Maman. Allez vous occuper de Margaret et de Marianne.
_ Elinor !
_ J'en ai assez. Répliqua cette dernière. J'en ai assez d'être forte parce qu'il faut que quelqu'un s'occupe de tout ici. Assez. Vous êtes aveuglée par le bonheur de Marianne que vous en oubliez vos autres filles.
Elle s'en fut laissant sa mère inquiète et stupéfaite sur le pas de la porte.
Comme elle s'y attendait, le Colonel était là. Elle s'approcha nerveuse. Il lui prit la main et l'entraîna sur l'arbre mort. Ils restèrent un moment en silence. Chacun se recueillait.
_ Elle va l'épouser ? demanda-t-il doucement.
Elinor releva la tête et croisa le regard éperdu de tristesse de Brandon. Elle hocha la tête.
_ Il lui a demandé et elle a accepté. C'est pour cela qu'il est revenu avec une journée d'avance.
_ Il l'a épousée ? Votre ami ?
Comme elle ne comprenait, il lui montra la lettre qu'elle lui avait donné. De nouveau elle hocha la tête. Les larmes revinrent avec la même force.
_ Miss Dashwood…
_ Elinor, le coupa-t-elle. Laissons la bienséance. Elinor.
_ Elinor, vous pouvez vous laissez aller avec moi, je comprends votre tristesse et votre chagrin. Je ressens le même. Cet homme vous tenait en grande estime. Il me semble être un homme d'honneur.
_ Je ne me battrais pour lui. Fut la réponse. Il a choisi et c'est elle, je n'ai qu'à m'incliner. Quelques soit les sentiments, il a fait son choix. Je n'ai pas le droit d'intervenir. Je pense que vous me comprenez.
Il hocha la tête.
_ C'est si dur. Fit-elle soudain en se levant. Elle lui tournait le dos et il ne pouvait voir son visage mais s'il avait pu… Sa tristesse, sa colère aussi. Mes sentiments n'entrent pas en ligne de compte. Je ne peux pas partir, je le voudrais pourtant… M'éloigner de Marianne et de son bonheur. Mais je ne peux pas…
Lentement, le Colonel s'approcha et sans s'occuper de la bienséance, il l'appuya contre lui. Elinor s'y laissa aller et les larmes qu'elle retenait depuis deux jours n'en finissaient plus de couler. Brandon la berçait doucement comme une enfant.
_ Ca va mieux ? lui demanda-t-il quand elle fut calmée.
Elle hocha la tête.
_ Et vous, demanda-t-elle sans bouger, toujours contre lui. Vous ne vous laissez pas aller ?
_ Jamais. J'ai appris à me forger une carapace.
_ Avec moi, vous pouvez parler.
Ce fut autour de Brandon de se lever, de marcher.
_ J'ai beaucoup souffert par le passé. Mais, je continue à me battre pour ne pas le montrer. J'ai aimé une femme, elle ressemblait en tous point à votre sœur, mais, la vie et mon père se sont chargés de la changer. Je suis partie aux Indes comme vous le savez, je ne l'ai retrouvé bien dix ans plus tard, elle était mourante au fond de son lit. J'ai accompagné ses derniers jours et lui ai promis de prendre soin de sa fille. Hélas, sa fille est décédée, peu de temps avant votre arrivée. J'ai voyagé pour tromper ma peine et je ne suis revenu sur mes terres que quelques jours après votre arrivée. C'est là que j'au vu votre sœur, elle jouait du piano chez Sir John. J'en suis tombé amoureux. Elle me rappelait tant Elisa, elle est si spontanée, si belle… Mais, je n'osais croire qu'elle pouvait m'aimer et j'ai eu raison. Ce fut le cas. Willoughby est arrivé…
Elinor ne sut que dire. Ils restèrent ainsi en silence.
_ Vous devriez rentrer.
_ Je ne veux pas. Je ne veux avoir à mentir… J'ai besoin de m'éloigner quelques temps.
_ En ce cas, fit doucement Brandon en contemplant la main d'Elinor qu'il avait reprise, je peux vous proposer de venir chez moi à Delaford. Elinor…
Elinor pénétra pour la première fois dans le manoir de Delaford. Christopher donna ses ordres pendant qu'Elinor écrivait un mot pour sa mère. Le maître d'hôtel de Brandon la conduisit dans une chambre. Elle s'y installa et réfléchit. C'était la première fois qu'elle agissait sans prendre le temps de réfléchir, de peser le pour ou le contre. Elle avait accepté de venir ici. Pour réfléchir, mais quelque chose lui disait que ce n'était pas l'unique raison.
***
Christopher s'assit à son bureau et réfléchit. Il s'était livré pour la première fois en quatorze ans, il avait parlé de lui. Comment pouvait-il lui dire qu'il avait dit tout çà parce qu'il l'aimait. Ils avaient tant de choses en commun, ils étaient tous les deux secrets, introverti, préférant cette fois souffrir en silence que de demander de l'aide. Mais… Il songea à Marianne. Marianne qui allait en épouser un autre. Marianne qui… Non, elle n'était pas faite pour lui. Il ne pouvait pas épouser Elinor juste pour oublier sa sœur. Non, de même si Elinor par un heureux hasard acceptait le mariage, ce ne serait que par dépit. Non. Il voulait une femme qui l'aime. Et un mariage de dépit ne pouvait pas fonctionner. Il eut envie de se laisser à rêver, mais à quoi bon ? rêver ne sert à rien. Il souffrirait encore… Non et pourtant…
Cause I know in the end it's worthwhile
Parce que je sais
qu'à la fin il vaut la peine
That the pain that
I feel slowly fades away
Que la douleur que je
ressens s'efface doucement
It will be all right
Ce sera bien
