Et c'est reparti pour une nouvelle fic Blacklist. Elle se situe approximativement après le 2x12. A l'heure actuelle, je ne sais pas encore de combien de chapitres elle sera composée, mais elle va prendre de la longueur. Attendez-vous à une période de chaos affectif et d'émotions contradictoires, face à un nouveau Blacklisté, Praetorius, pas franchement sympathique, qui va pousser Elizabeth, Red et un petit nouveau dans leurs derniers retranchements…

Chapitre 1 : Méprise et confusion

Samar Navabi frappa et passa la tête par la porte ouverte du petit bureau de Ressler et d'Elizabeth, avec un sentiment d'urgence affiché sur son visage.

« Liz, Ressler, il faut que vous veniez voir ça… »

Intrigués, les deux agents laissèrent leur paperasserie sur leurs bureaux pour suivre l'Iranienne. Ils tournèrent la tête vers l'écran géant dans la salle des Opérations, qui affichait un bulletin d'informations d'une grande chaîne nationale. Une journaliste dans la rue commentait des événements visiblement dramatiques. En arrière plan, on voyait des policiers qui quadrillaient un secteur et empêchaient les curieux d'approcher, des voitures et des fourgons aux gyrophares en marche, et une foule nombreuse qui se pressait aux abords d'un établissement dans un centre ville.

Cooper était déjà auprès d'Aram qui effectuait des recherches sur son ordinateur.

« Il y a eu une fusillade dans un restaurant à Boston il y a deux heures… » Expliqua le Directeur adjoint. « Deux individus cagoulés ont ouvert le feu sur un groupe d'hommes avant de réussir à prendre la fuite. Il y a des morts et quelques blessés… »

« On sait pourquoi ils ont fait ça ?... » Demanda Ressler. « … Qui étaient visés ?

« Regardez… »

Cooper appuya sur la télécommande et lança un enregistrement. Sur un écran annexe apparurent un groupe de policiers qui sortaient dans la rue, puis des infirmiers qui accompagnaient des victimes choquées et des personnes légèrement blessées. Des individus défilèrent pendant quelques secondes quand tout à coup… Cooper fit un arrêt sur image et le visage du Concierge du Crime se figea. Ses cheveux avaient poussé mais ne masquait pas la plaie ouverte au cuir chevelu qui saignait abondamment, recouvrait toute la partie droite de son visage et tachait sa chemise blanche.

« Reddington ! » S'écria Ressler.

Elizabeth Keen regarda l'homme avec un sentiment mitigé de colère et de désolation. Sur l'écran, il tenait son bras gauche avec sa main droite, et surtout, il semblait secoué et hagard, une expression que personne ne lui connaissait. Cela faisait quelques semaines qu'elle n'avait pas eues de ses nouvelles. Depuis l'incident avec Luther Braxton, ils ne s'étaient croisés que trois ou quatre fois, toujours avec froideur et un malaise grandissant. Le criminel aurait pu disparaître de la surface de la Terre, il ne lui manquait pas.

« En fait, il ne s'agit pas de Monsieur Reddington… » Avança Aram avec un léger sourire. « Son nom est Alan Shore. Il est avocat chez Crane, Poole & Schmidt, l'un des plus grands cabinets de Boston. »

« Tu es sûr, Aram ?… Sa ressemblance est extraordinaire… »

Aram afficha les photos d'Alan Shore et de Raymond Reddington côte à côte. Il y avait indéniablement une ressemblance troublante, même si l'un était nettement plus chauve que le second, et que leurs yeux n'avaient pas la même couleur.

« Quelqu'un l'a pris à tort pour Monsieur Reddington. Et en voici la raison. »

Aram appuya sur une autre touche de l'ordinateur et deux rapports d'ADN apparurent sous les photos, avec les mots Correspondance génétique établie, Y ADN test, compatible à 100%.

« Qu'est-ce que c'est que ce charabia ? » Demanda Ressler.

« Le test du chromosome Y permet de déterminer si deux frères ou deux demi-frères sont issus de la même lignée paternelle. A la conception, les garçons sont dotés d'un chromosome X et d'un Y, tandis que les filles sont dotées de deux chromosomes sexués X. Chez les mâles, le chromosome X vient forcément de leur mère et le chromosome Y est hérité de leur père qui l'a lui-même hérité de son propre père... »

Ressler lança un regard d'incompréhension vers l'informaticien qui reprit plus lentement :

« … Chaque enfant mâle reçoit le même chromosome Y de son père car il y a relativement peu de chances qu'il y ait des mutations sur ce chromosome… Le résultat du test est catégorique : Alan Shore est le frère de Monsieur Reddington. »

« Son frère ? » S'exclama Navabi. « Reddington a un frère ?

« Oui, Shore est le cadet de cinq ans de Monsieur Reddington. Diplômé de la Faculté de Droit de Harvard avec distinction... J'ai retrouvé sa photo de remise des diplômes. »

Aram appuya sur un bouton et le visage d'un jeune homme apparut. Les cheveux châtains foncés, typiquement coiffés à la mode des années 90, Shore semblait sûr de lui et prêt à affronter le monde. Sans être d'une grande beauté, ses traits n'étaient cependant pas dénués de charme. Il ne souriait pas et ses yeux intelligents étaient déjà blasés, presque mélancoliques, comme ceux de quelqu'un qui en savait déjà beaucoup trop sur le monde qui l'attendait à l'extérieur de l'université.

« Pourquoi n'est-il pas fait mention de lui dans le dossier ? » Demanda Cooper.

« Il a fait partie du programme de protection des témoins. » Répondit Aram.

« Comme Naomi Hyland et la fille de Reddington… » Précisa Elizabeth. « … Elles n'y figuraient pas non plus. »

« Ressler, Navabi, vous filez à Boston et vous placez cet homme sous protection. Il ne doit rien lui arriver... Keen, contactez Reddington et voyez s'il est au courant de cette attaque qui visait certainement son frère. »

Elizabeth observa la photo de Shore devant le restaurant pendant qu'elle attendait que Dembé réponde à son appel. Si ce n'était cette expression égarée, il ressemblait tellement à Red que cela en était saisissant. Elle se demanda brièvement si le portrait de Reddington si peu ressemblant sur l'affiche du F.B.I. n'avait pas été choisi intentionnellement pour ne pas causer du tort à ce frère sorti de nulle part.

« Agent Keen ? » Répondit une voix grave.

« Dembé, bonjour, vous pouvez me le passez s'il-vous-plaît ? »

« Raymond n'est pas disponible. »

La voix de Dembé semblait plus rauque que d'habitude et elle se demanda si elle le dérangeait à un mauvais moment, à moins qu'il n'ait reçu des ordres express pour ne pas qu'elle parle à Red.

« Dembé, c'est important, dites-lui qu'il s'agit de son frère. »

Il y eut un bref silence au bout du fil.

« Je vais le réveiller. Il vous rappelle. »

Le réveiller ? Il était trois heures de l'après-midi et Reddington n'était pas du genre à faire la sieste. Il ne devait pas se trouver aux USA et n'était sans doute pas au courant de ce qui venait de se produire. En attendant, elle se tourna vers Aram.

« Tu peux me sortir tout ce que tu as sur Shore ? »

« J'ai déjà pas mal d'infos… C'est un brillant pénaliste et un orateur hors pair, l'un des plus doués de sa génération, mais il semble aussi être quelqu'un de fantasque, qui a des méthodes particulières, très borderline… »

« Qu'est-ce que tu veux dire par là ? »

« Il a une interprétation de la loi très personnelle. On dit que c'est un mercenaire du Barreau. Il n'hésite pas à utiliser le chantage ou les pressions diverses pour obtenir ce qu'il veut. On le soupçonne d'intimidations sur les témoins, la partie adverse ou même les juges. Le nombre de plaintes pour outrages le concernant est astronomique, mais il s'en sort toujours avec brio… Et les statistiques parlent pour lui : il gagne quasiment toutes les affaires qu'on lui confie, surtout les plus difficiles. »

« Et d'un point de vue personnel ? »

« Il est très ami avec Denny Crane, l'un des créateurs du cabinet. Côté vie privée, Shore a été marié mais sa femme est décédée dans des circonstances mystérieuses il y a une quinzaine d'années. Ils n'ont pas eu d'enfants… Il enchaîne les conquêtes depuis… A part ça, il n'a pas d'antécédent de famille... Liz, il est aussi dit qu'il a de nombreux contacts dans le milieu criminel : des types pas très recommandables, et sans doute… »

« … Son frère. »

Au même instant, le téléphone de Liz sonna. Quand on parlait du loup…

« Reddington. » Dit-elle froidement.

« Bonjour Lizzie, ça fait plaisir d'entendre votre voix, bien qu'il soit un peu tôt. »

Le ton était formel, neutre. Red faisait comme si rien n'avait changé malgré les barrières qu'elle avait dressées entre eux. Face à ce qu'elle considérait comme une trahison, elle ne lui opposait plus qu'une intense froideur. Ils s'étaient peu vus depuis qu'elle avait découvert son rôle la nuit de l'incendie. Cela tombait bien, elle ne voulait pas en parler de toute façon.

« Où êtes-vous ? »

« Quelque part où il fait nuit. Dembé me dit que vous voulez me parler de mon frère. Je me demandais quand vous finiriez par dénicher cette info. »

« Alan Shore a été pris pour cible il y a deux heures dans un restaurant de Boston. Il est légèrement blessé mais il va bien. Nous le mettons sous protection. Il n'a pas cherché à vous contacter ? »

« Lizzie, je n'ai pas parlé avec mon frère depuis une éternité. Nous ne sommes pas en très bons termes. »

« Pourquoi est-ce que cela ne m'étonne pas ? Qu'est-ce que vous lui avez fait ? »

Son ton était agressif, mais elle n'en eut que faire. Elle ne se gênait plus pour cacher le mépris que lui inspirait cet homme, avec qui elle était forcée de travailler.

« C'est plutôt ce que je n'ai pas fait… » Il soupira. « C'est compliqué… Lizzie, pouvez-vous vous occuper de lui, le temps que je rentre ? Sous ses airs confiants, Alan est quelqu'un de fragile. Rassurez-le. »

« Je ne suis pas là pour faire du baby-sitting, Reddington… Quand rentrez-vous ? »

« Demain. Je reviens vers vous dès que j'ai des infos sur ce qui s'est passé. »

Il raccrocha et Elizabeth alla voir Cooper pour lui faire le résumé de la situation. Le Directeur adjoint approuva la demande de Reddington.

« Allez-y. Peut-être pourrez-vous en profiter pour faire parler Shore à propos de son criminel de frère ? »

Elle arriva à Boston vers vingt heures et retrouva Samar au Langham, l'hôtel où résidait Shore à l'année. Apparemment, l'avocat partageait les goûts de son frère, comme elle put le constater quand elle pénétra dans le hall luxueux du palace bostonien.

« Ressler est avec lui. Ils viennent de sortir de l'hôpital où il était encore en observation. Ils devraient être là d'ici une demi-heure. Tu as mangé ? »

« Non. »

« Viens, allons grignoter quelque chose. »

Les deux femmes sortirent de l'hôtel et s'installèrent dans une petite restauration rapide.

« Tu as eu Reddington ? » Demanda Samar.

« Oui. »

« Vous avez parlé ? »

« Non. »

« Liz… Je sais que ce ne sont pas mes affaires, mais vous n'allez pas continuer à vous ignorer tous les deux. Il faudra bien que vous abordiez ce qui vous préoccupe. »

« J'ai été très claire avec lui. J'ai posé mes limites. Si ça ne lui plaît pas, il peut aller se faire voir. »

« Tu sais très bien que ça ne fonctionne pas comme ça. »

« Je n'ai pas à subir continuellement sa présence, ni son emprise sur ma vie. Moins je le vois, mieux je me porte… »

Samar regarda Liz avec compassion et en même temps, avec peine. La Perse secoua la tête.

« Tu vois encore un thérapeute ? »

« Non. »

« Les événements ont beaucoup évolué depuis quelque temps. Tu devrais peut-être y retourner ? »

« Je perds mon temps. »

« Ne prends pas mal ce que je vais te dire mais Reddington apporte une sorte de dynamique positive qui… »

« Je ne veux même pas en entendre parler… »

« Liz, ce n'est pas seulement de toi qu'il s'agit, tu ne vois pas ? Cette dynamique, je l'ai sentie tout de suite quand je suis arrivée dans votre équipe. Reddington est un leader naturel qui sait susciter de la loyauté malgré ce qu'il est… Regarde autour de toi… Aram, qui est pourtant droit comme un i, l'adore et se mettrait en quatre pour lui… Ressler, malgré son éthique, éprouve beaucoup de respect et d'admiration même s'il te dira le contraire… Cooper est prêt à le soutenir envers et contre tous face à l'Avocat Général et aux Agences qui voudraient sa peau... Moi, je l'apprécie parce qu'il a indéniablement un code de l'honneur et que Machiavel est un petit joueur à côté de lui… »

Elizabeth eut un petit rire désabusé.

« Son surnom ne devrait pas être le Concierge du Crime, mais le Marionnettiste… » Elle reprit son sérieux. « … Je le déteste. Il me manipule, Samar, et ce, depuis le début. Je ne lui fais pas confiance. »

« On ne te demande pas de lui faire confiance. C'est tout à ton honneur de maintenir un aspect professionnel et détaché. Mais toi et moi savons qu'il est plus que ce qu'il paraît être. Chez lui, la palette de gris est très nuancée… »

« Il est intrusif, envahissant, il essaie de tout contrôler… »

« Parce que sa vie en dépend. Il n'agirait pas autrement s'il n'était pas menacé… Liz, je crois que tu as besoin d'un regard extérieur pour comprendre que nos rapports avec lui dépendent complètement de la relation que vous entretenez tous les deux. »

« Tu ne vas te mettre toi aussi à me faire des remarques ? »

« Je sais ce que tout le monde pense, mais je ne me fie pas aux rumeurs… » Samar l'observa avec une réelle acuité. « … Ou peut-être le devrais-je ? »

Liz délaissa son assiette et dévisagea Navabi avec dureté, mais s'abstint de faire tout commentaire. Samar soupira.

« Il t'a blessée profondément, t'a menti peut-être, que sais-je ? Tu ne peux pas ou ne veux pas le pardonner, d'accord… Nous savons tous ce qu'il est, un criminel qui poursuit ses propres objectifs bien que nous ignorions toujours où il veut en venir au final… La vérité, c'est qu'avec lui, Liz, nous avons des résultats concrets que les autres groupes nous envient. S'il part, notre unité n'a plus de raison d'être. »

« Il restera parce que je possède quelque chose qu'il veut… »

« Quoi ? »

« Je ne sais pas ! » Mentit Elizabeth avec aplomb. « Et c'est ça qui est frustrant ! Ne pas savoir ! »

La jeune femme eut un geste désabusé et éprouva un peu de remord à mentir comme ça à sa collègue, mais elle ne pouvait rien lui dire. Malgré la bonne volonté de l'Agent du Mossad et son implication dans leur groupe, Elizabeth éprouvait toujours de la réserve avec elle.

Elle s'était souvent demandé ces derniers temps pourquoi elle ne donnait pas le Fulcrum à Reddington. Elle avait longuement pesé le pour et le contre dans sa tête, et finalement, la curiosité l'avait emportée. Elle voulait savoir pourquoi cet objet était aussi important pour lui, ce qu'il représentait, sa valeur. De nombreuses personnes étaient déjà mortes à cause de lui. La vie même de Reddington en dépendait. Sans doute la sienne.

Mais cela en valait-il réellement la peine ? se demandait-elle alors. Si elle le lui donnait, elle serait débarrassée de lui et n'aurait plus à le supporter continuellement. Ce serait sans doute un soulagement. Mais cela signerait aussi la fin de sa collaboration avec le F.B.I. C'était à ce moment là que surgissait la peur, complètement irrationnelle, de le perdre pour toujours… Et si c'était vrai qu'il ne se souciait pas d'elle ? Qu'elle n'était qu'un moyen pour une fin ? Et s'il n'était plus là pour elle ? Elle traversait une mauvaise passe et était encore trop fragile pour supporter l'idée que le seul homme avec qui elle partageait des liens étroits puisse la quitter sans même un regard en arrière.

Cette épreuve lui avait fait douloureusement prendre conscience qu'elle éprouvait des sentiments ambivalents pour lui, inqualifiables tellement ils étaient opposés et intenses. Comment un homme pouvait-il autant inspiré d'empathie en elle et autant de défiance à la fois ? Et en même temps, elle refusait d'admettre qu'elle s'était une fois de plus sentie trahie, que le comportement de Red l'avait profondément blessée.

Lui montrer de l'indifférence était une façon de le punir et de se protéger contre ses tentatives d'approche. Dans ses yeux, elle avait bien vu qu'elle avait fait mouche à chaque fois quand elle l'avait découragé de continuer. Dans ces instants-là, il faisait preuve d'un tel désarroi… Il semblait désemparé, comme s'il ne savait plus quoi faire pour attirer son attention. Elle n'en tirait pas de satisfaction particulière, seule la nécessité de se protéger guidait ses pas sur ce chemin difficile. Ce qu'elle commençait à entrevoir, cependant, c'est qu'en agissant ainsi, elle se punissait elle-même. Et sévèrement. Mais elle devait tenir coûte que coûte. Ne pas céder.

« Il me maintient dans une nébulosité permanente. C'est désorientant. J'ai l'impression de perdre mes repères. »

« Tu es aussi très en colère. »

« La colère, c'est ce qui me fait tenir, Samar, sinon, je m'effondrerais et il ne resterait plus rien de moi. »

Navabi posa sa main sur le bras de Liz.

« Parle-lui. Je n'aime pas ce que tu es en train de devenir. Ce n'est pas ce que tu es, tu comprends ? »

La sonnerie du téléphone de Samar retentit et évita à Elizabeth Keen de répondre à sa question alors que l'agent décrochait.

Combien de temps pourrait-elle encore tenir tête à Reddington ? Elle l'ignorait, d'autant qu'il allait certainement trouver un moyen de la déstabiliser pour reprendre la main et mener le jeu.

« C'était Ressler. Ils sont arrivés. On y va ? »

oooOOOooo

Samar frappa à la porte de la suite et attendit. Ressler ouvrit la porte et s'effaça pour que les deux jeunes femmes entrent.

« Ça s'est bien passé ? »

« Oui. »

« Où est-il ? »

« Dans l'autre pièce. »

Elles pénétrèrent dans le salon de la suite et aperçurent Alan Shore de dos. Le bras gauche en écharpe, il était en pleine conversation téléphonique et arpentait nerveusement la pièce.

« … Et vous devez l'encourager, Shirley, Jerry a préparé la plaidoirie. Nous l'avons revue ensemble. Il sait ce qu'il a à faire, il sera parfait. Il va assurer et gagner ce procès… Quoi, Denny ?... Non… Shirley, écoutez-moi ! Quoi que vous disiez, Denny est capable de s'autogérer… Priez juste pour qu'il ne tire pas sur le premier SDF venu durant ces quelques jours !… Pourquoi êtes-vous en panique, il ne s'est encore rien passé ?... Shirley, prenez un bain, lisez un bon bouquin, buvez une bière et roulez-vous un joint comme au bon vieux temps… Et appelez-moi seulement s'il repasse chez Larry King, je le regarderai à la télé… Non, je ne sais pas quand je reviens… Le FBI va me mettre sous protection pour un temps indéterminé… Vous voulez que je leur demande ? »

Alan Shore se retourna et considéra les deux jeunes femmes en levant les sourcils, surpris. Il dévisagea Samar et Elizabeth avec un regard appréciatif, et ne put s'empêcher de siffler.

« Pardon, Shirley, mais j'ai sous les yeux les deux créatures les plus envoûtantes qui soient. Le FBI emploie des canons de beauté, de quoi damner un saint… Je vous laisse, dites à Denny que je le rappelle plus tard… »

Il raccrocha et s'approcha des deux agents avec une expression engageante.

Elizabeth fut immédiatement frappée par l'ouverture amicale de son visage et son sourire amusé. Avec son visage rond et sympathique, il ressemblait à un chérubin avec des yeux de chien battu, une combinaison improbable mais totalement irrésistible… A bien y regarder cependant, la bonhommie de ses traits était démentie par l'expression vive et pénétrante, légèrement ironique, de ses yeux, qui était la même que celle de son frère…

« M. Shore, voici les agents Navabi et Keen. »

« Mesdames, je comprends mieux maintenant pourquoi Raymond s'est rendu et a passé cet accord. Je suis littéralement sous le charme… »

« Vous êtes au courant ? » Demanda Elizabeth.

« C'est moi qui ai peaufiné l'offre qu'il a faite à l'Avocat Général des Etats-Unis. »

« Mais je croyais que c'était lui qui… »

« Mon frère n'allait certainement pas vous parler de moi, Agent Ressler... »

Alan se tourna vers les deux jeunes femmes, en ignorant délibérément l'agent masculin qui serra la mâchoire, un signe certain d'agacement chez lui.

« … J'apprécie de vous avoir comme gardes du corps. En fait, j'aime l'idée que vous gardiez mon corps, toutes les deux. Il est à vous, disposez-en comme bon vous semble… »

Elizabeth fut choquée. Ce type qu'elle ne connaissait pas, n'impliquait tout de même pas… Le sourire qu'Alan Shore leur adressait était désarmant d'innocence. Pendant que Samar, plutôt amusée, se mordait la lèvre pour ne pas rire, Elizabeth renvoya un regard indifférent et absolument pas impressionné à Shore. Mentalement, des noms d'oiseaux volèrent, parmi lesquels figuraient « obsédé » et « porc »… Décidément, elle en avait plus qu'assez des mâles de la famille Reddington qui se comportaient comme si le monde entier leur appartenait…

« M. Shore, nous vous avons réservé une chambre dans un autre hôtel où nous serons mieux à même de vous protéger. » Reprit Elizabeth, le plus sérieusement du monde.

« Je n'ai pas l'intention de bouger d'ici. »

Le tout accompagné d'un hochement de tête assuré. Il n'était visiblement pas le genre d'homme à se laisser facilement manipulé. Et toujours ce sourire patient, ou condescendant selon l'interprétation qu'on en faisait…

« Avez-vous conscience que ceux qui vous visaient aujourd'hui cherchait en fait à abattre votre frère ? Quand ils verront qu'ils vous ont manqué, ils recommenceront. »

« Agent Keen, j'ai toujours su que je connaîtrai une mort violente… Appelez ça comme vous voulez… un sixième sens, une réminiscence des vies passées… Je me suis fait à cette idée depuis longtemps, surtout avec un frère comme Raymond et son cortège d'ennemis qui veulent lui faire la peau... Je reste ici. »

« Comment avez-vous réussi à leur échapper jusqu'à présent ? »

« Jusqu'à présent, le visage de mon frère ne s'affichait pas aux actualités, Agent Navabi… Depuis qu'il a été arrêté à Hong Kong et qu'il a repris mystérieusement le large, je suis devenu une bête de foire... Tout le monde défile devant mon bureau à longueur de journée… Au tribunal, même les juges réputés impartiaux me regardent de travers – pas que cela fasse une grande différence par rapport à d'habitude, notez le bien... Ce qui est nouveau, en revanche, c'est que les jurés ont peur de moi et s'imaginent que je vais sortir une arme pour leur tirer dessus... Les journalistes me traquent dans tous mes déplacements... La CIA est venue m'interroger, persuadée que je sais où l'ennemi public numéro un se trouve… La police m'a déjà arrêté trois fois et ne vient même plus quand elle reçoit un appel me signalant à tel ou tel endroit... Le seul intérêt que j'y vois, c'est que jamais les femmes n'ont autant voulu faire ma connaissance et coucher avec moi… »

Elizabeth jeta un regard décontenancé vers Samar qui semblait autant perplexe qu'elle. Il semblait encore plus bavard que Red. Ça n'allait pas être du gâteau…

« M. Shore, je suis désolée de voir que cette publicité autour de Reddington vous cause autant d'ennuis, mais je ne suis pas sûre que vous mesuriez complètement la situation… »

« Non. »

Il avança d'un pas et entra dans la sphère d'intimité d'Elizabeth en la dévisageant avec intensité. La jeune femme se sentit mal à l'aise devant cet examen particulièrement scrutateur.

« En effet. » Reprit-elle. « Alors vous allez faire vos valises et nous suivre. »

« Non. Vous vous méprenez. C'est vous qui allez me suivre. »

Qu'est-ce que c'était que cette histoire ?

« Moi ? » Elizabeth le regarda sans comprendre. « Et pourquoi devrais-je vous suivre ? Et pour aller où ? »

« Je peux vous parler franchement ? » Il attendit son assentiment. « Je possède des réponses à des questions que vous vous posez. »

Elizabeth resta sans voix et jeta un regard interdit vers Samar, qui fronça les sourcils.

« Ça suffit ! » S'écria Ressler en intervenant. « Vous êtes exactement comme lui ! Vous essayez d'avoir une emprise sur l'agent Keen pour pouvoir la manipuler. Qu'est-ce que Reddington vous a dit de faire ? »

« Oh, Agent Ressler, arrêtez de voir le mal partout ! Je ne cherche pas à manipuler l'Agent Keen... » Il regarda à nouveau Liz et sourit. « Mon frère m'a laissé des instructions précises en ce qui vous concerne, Elizabeth. Ces instructions n'ont qu'une valeur informative, ce ne sont en aucun cas des pressions… Vous voulez qu'on en parle ou pas ? »

La jeune femme hésita un court instant. Elle avait envie de dire oui, et en même temps, en avait assez d'être brinqueballé de droite à gauche, encore par Reddington, même si c'était de façon détournée et indirecte. Elle inspira profondément, carra les épaules et lui répondit :

« Non. Ça ne m'intéresse pas, M. Shore. »

« Vous mentez… » Shore eut un bref sourire compatissant. « Ce n'est pas grave, c'est vous qui déciderez quand vous serez prête. » Il regarda les trois agents, tour à tour. « Est-ce que vous avez dîné ? Je meurs de faim… Permettez-moi de vous inviter dans l'un des meilleurs restaurants de la ville… »

« M. Shore, je crois que vous allez devoir vous contenter du room service ce soir et dîner seul. »

« Oh… »

Il fronça les sourcils et parut sincèrement navré que personne n'accepte sa proposition. Les trois agents s'apprêtèrent à prendre congé.

« Nous allons nous organiser pour prendre les suites adjacentes à la vôtre. Si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas à nous appeler. »

Il hocha simplement la tête. Samar et Ressler quittèrent la suite. Avant de sortir, Elizabeth tourna la tête vers Shore et soutint son regard pendant un bref moment, où il était clairement dit : nous n'en avons pas fini tous les deux

Quand elle fut sortie, Alan Shore secoua la tête et son visage afficha un sourire ravi.

oooOOOooo

« Qu'est-ce que tu penses de lui ? » Glissa Samar à Elizabeth, alors qu'elles rejoignaient le bureau du Directeur de l'hôtel. Ressler était resté dans le couloir en attendant que les agents de sécurité se redéployent.

« Je n'aime pas sa façon de me regarder. »

« Je le trouve plutôt mignon avec son air innocent et boudeur… »

« Samar ! »

« J'ai toujours eu un faible pour les hommes comme ça… »

« Si Aram t'entendait… »

« Ne t'inquiètes pas, Liz… Je sais faire la part des choses entre un candide sincère et un type qui pue la suffisance et la perversion à un kilomètre à la ronde… »

Liz eut un sourire en coin en observant sa collègue et en lisant en elle comme dans un livre ouvert.

« Normalement, c'est là que je sensée dire 'mais'… ? »

« … Mais il a quelque chose, un je-ne-sais-quoi qui parle à la partie primitive de mon cerveau… »

« Le cerveau reptilien, celui des besoins primaires et de l'instinct de conservation… Tes hormones te travaillent, Samar ? »

« Tu comprendras quand tu auras mon âge. »

Elles étaient arrivées au bureau du directeur, qui les accueillit. Au bout de cinq minutes, elles avaient obtenu les trois chambres contigües à la suite d'Alan Shore.

A suivre…

Voilà pour ce premier chapitre qui, j'espère, vous aura mis l'eau à la bouche… J'attends vos retours. N'hésitez pas à laisser des commentaires, c'est toujours apprécié. Prochain chapitre bientôt…